Le sel de la connaissance

La chute fut chaotique. Le tunnel, très raide et assez étroit, écorcha sans pitié la peau de Nayima qui tentait de son mieux de protéger sa tête des coups. Très rapidement, elle sentit de nombreuses brûlures naître sur l'ensemble de son corps.
Elle finit par atterrir douloureusement sur un amas de terre créé au fil des saisons grâce au trou dans la roche.

Il faisait trop sombre pour qu'elle puisse distinguer véritablement la grotte. Le tunnel ne laissait passer qu'un fin filet de lumière, insuffisant ne serait-ce que pour voir clairement ses propres pieds. La grotte devait être assez grande car elle entendait les clapotis de l'eau raisonner.
A tâtons, avec précaution, elle se leva et se dirigea vers la paroi la plus roche. La roche n'était pas rouge comme à l'extérieur mais d'un noir profond. Nayima se dirigea vers la source des clopotis en s'appuyant sur la paroi pour soulager sa cheville enflée, très douloureuse et brûlante.

Cassiopée fit le tour de la grotte dans laquelle elle se trouvait. Il s'agissait d'une grande caverne aux parois finement sculptées par l'eau. Les sécrétions chimiques formaient des torsades luisantes qui couraient le long des murs. Elle suivit leurs dessins comme on suit un chemin. Les torsades l'emmenèrent vers une alvéole plus sombre.
La boule de feu qu'elle tenait dans ses mains se fit soudain plus grande et sa lumière plus intense comme en réponse à l'obscurité.
Cassiopée ne réussissait cependant pas à voir le fond de la cavité.

Soudain, elle entendit un bruit étranger au monde sonore de la grotte. Il se mêlait au clapotis de l'eau mais n'avait pas sa régularité. Il était apparenté à des frottements entrecoupés de chocs et provenait du fond de l'obscurité de la cavité. Un animal approchait.

Cassiopée recula le plus silencieusement possible afin de se mettre en position de défense, puis elle se figea, attendant la bête.

Nayima longeait la parois lentement et prudemment, ce qui ne l'empêcha d'être surprise par l'abrupte disparition de la roche. Déséquilibrée, elle failli à nouveau tomber; elle se rattrapa de justesse avec sa jambe blessée. Sa cheville déjà abîmée dû subir l'essentiel de l'effort. Une douleur lancinante apparut en réponse et un long gémissement échappa à la jeune femme. Elle en avait les larmes aux yeux et prit quelques minutes pour s'asseoir et reprendre son souffle. La douleur semblait pulser au rythme des battements de son coeur et se répercuter tout le long de sa jambe.

Attendant que s'estompe le mal, elle chercha la cause de cette nouvelle mésaventure. Il y avait une nouvelle faille dans la paroi. Le virage était très brusque, invisible dans cette pénombre. L'elfe se déplaça un peu pour essayer de voir un peu plus loin derrière. En entrant dans la cavité, elle réalisa que l'écho des clapotis de l'eau se faisait plus fort et qu'une faible luminosité semblait venir de cette direction.

Elle prit son courage à deux mains, arracha une partie de sa tunique en lanière pour faire un bandage serré autour de sa cheville gonflée aux prix d'autres gémissements incontrôlables, et se leva pour poursuivre sa route faire la source du son et, l'espérait-elle, vers l'eau qui pourrait apaiser ses brûlures et sa soif grandissante.

Ce n'est qu'après un temps qui lui paru interminable qu'elle arriva enfin au bord de ce qui semblait être un immense lac souterrain dans une grotte très large et haute. La lumière filtrait à travers diverses fissures et, par reflet sur la surface aqueuse, se reflétait sur les différentes parois. Aussi douloureuse et inquiétante qu'était sa situation, elle ne put s'empêcher de s'émerveiller devant ce magnifique spectacle.
Passé les quelques minutes d'admiration, elle se posa pour boire l'eau fraîche puis s'allongea, la cheville plongée dans le lac. Elle laissa la fraîcheur offrir un réconfort à la brûlure de la douleur, tout en laissant ses yeux observer les splendeurs.

Nayima se laissa tomber dans une semi torpeur. Elle ne réalisa donc que longtemps après leur apparition, les bruits de cliquetis contre la roche, différent des clapotis de l'eau. Elle fit la distinction que quand ils furent dangereusement rapprochés d'elle. Au point que la créature à leur origine devait être à sa portée.
Avec crainte, elle ouvrit les yeux. Elle croisa le regard brillant de la bête. Au même moment que la surprise la prenait, une douleur inimaginable la secoua. Il lui sembla que sa cicatrise s'ouvrait à nouveau et un flot d'images se déversait dans sa tête avec une violente inouïe. Elle hurlait sans s'en rendre compte et se tordait en tout sens.
La bête se rapprocha, elle posa une patte sur le ventre de la jeune femme, sur les traces de la cicatrice redevenue vive. Les spasmes de l'elfe cessèrent. Elle posa son museau près du cœur de Nayima et les cris cessèrent. Elle s'était évanouie.

Les bruits avaient brutalement cessé. L'animal avait du sentir la présence de Cassiopée. Quand ils reprirent, la bête parut s'éloigner. Mais Cassiopée voulait savoir devant quelle sorte d' être elle risquait d'être confrontée. Elle préférait aller au devant de l'ennui, plutôt qu'être atteinte par surprise. Elle décida donc de s'engouffrer dans la cavité si sombre que son pouvoir ne pouvait éclairer.
Tous ses sens en alerte, elle suivait le léger clapotis d'eau qui se transforma peu à peu en un effleurement de roche. Il s'agissait donc d'une créature au minimum amphibienne.
Plus Cassiopée s'enfonçait dans le tunnel, plus elle avait la sensation de grandir. C'était une étrange impression. Sa poitrine semblait s'ouvrir et demander plus d'air. Elle se tenait très droite et se sentait très importante.
L'ombre fit subitement place à la lumière. Non pas que celle-ci fut très puissante. En réalité, elle était diffuse et centrée sur sa main. La boule était de nouveau visible et efficace.

Seul les murmures de l'eau se faisaient entendre dans la caverne qu'elle venait de pénétrer.


Soudain, elle entendit gémir. Elle entendait le gémissement comme si elle s'était entendue elle-même. Le son provenait de sa tête autant que de la grotte.
Le souffle court, elle s'avança prudemment vers la plainte qui se mua en cri.
Elle répondit à l'appel en se précipitant dans sa direction.
Quand elle arriva sur les lieux, elle s'arrêta devant le corps de Nayima étendu sur le sol qui se tordait de douleur. Les cris de Nayima résonnaient jusqu'à ses tempes et lui agrippaient le cœur. Que lui était-il arrivé ?
Cassiopée n'eut pas le temps de se baisser pour l'aider que brutalement, la violence qui l'atteignait cessa et elle interrompit son geste. Un petit dragonet, semblant sortir de nulle part, grimpait sur le ventre de son amie qui ouvrait les yeux.

La douleur se calma et la flot d'image se ralentit. Cependant, la détresse continuait de posséder Nayima. Il lui sembla qu'une brume l'entourait et bien qu'aucun lien ne l'entravait, elle ne pouvait bouger. Elle regardait frénétiquement autour sans trouver la moindre ombre sur laquelle se fixer, à la fois une inquiétude et un soulagement.
Peu à peu, une chaleur sembla se diffuser, sans qu'elle ne puisse en déterminer la source. Puis, une ombre apparue, s'approchant. La jeune femme se dit qu'elle aurait probablement dû s'en inquiéter mais un sentiment d'apaisement s'intensifiait plutôt à cette approche.

Les derniers nuages de brumes disparurent pour révéler un jeune dragon couleur de jade. Il s'arrêta à quelques mètres, le regard impatient qui la fixait.
Il semblait attendre quelque chose. Elle essaya de l'approcher, mais il lui était toujours impossible d'effectuer le moindre mouvement.

Un soupir et le petit être baissa la tête. Nayima craint de l'avoir déçu sans comprendre d'où venait cette impression. Lentement, le jeune dragon releva la tête et de plus en plus vite, grossit et prit de la taille jusqu'à faire plusieurs mètres de long; ses reflets verts devinrent or et des flammes s'y reflaitaient.

Fyryath

C'était sa voix, pourtant elle n'avait émis aucun son. Était-ce le nom du dragon ? Elle avait terriblement besoin de le prononcer.

- Tu es Fyryath ?

Au moment où ses lèvres prononcèrent ce nom, une porte sembla s'ouvrir derrière l'être d'or et de feu. Tout autour d'elle, des images, des sons, des vois apparurent.

Souvenirs

Tu dois te rappeler maintenant, il est temps.

C'était sa voix, mais elle venait du dragon, comprit-elle.

- Pourquoi ? Qui es-tu ?

Il la regarda avec une intensité redoublée puis commenca à s'estomper. La peur envahit l'elfe, elle refusait de le perdre à nouveau ! A nouveau ?

J'étais toi. Tu dois te souvenir du Sang ...

Les derniers traits s'estompèrent et il ne restait plus que le jeune dragon vert. Il la fixait toujours avec l'attente et cette fois, de l'espoir qui brillait dans ses yeux.

- Le sang ? Un flash douleureux et la jeune femme porte ses mains à son ventre. Elle baisse la tête et observe ses mains qui ont accepté de bouger, crispées autour de sa cicatrice.

- Le Sang ! Je dois me souvenir du lien, je dois retrouver la gardienne de l'Harmonie. La Dame aux étoiles ! Cassiopée !!

Les pensées se bousculent sans qu'elle comprenne véritablement leur sens, comme si les souvenirs restaient étrangement brumeux, les mots clairs mais leur sens flou.

Témoin de la rencontre, Cassiopée était toute entière dans la scène. Le flot de souvenirs l'atteignait en l'étreignant à la gorge. Elle recula jusqu'au fond de la grotte pour reprendre ses esprits. Une douleur sourde lui lacérait le ventre tandis que son esprit s'ouvrait au ciel. Le sentiment d'être le centre d'une formidable roue qui prenait la forme d'un triskel lui offrait une puissance incomparable.
Puissance qui n'avait d'égal que la douleur brutale qui s'assaillait. Le feu brûlait ses entrailles, et l'air en attisait les braises en même temps que ses pensées. Elle plongeait mentalement dans le cosmos où elle était chez elle, tandis que les remugles de la mer grondaient dans son âme.
A ce moment même, redevenue Maîtresse de l'Harmonie du Sang, elle se sentait immémoriale et transcendait l'espace autant que les éléments. Les combats et la mort de ses frères de Sang coulaient en longues tortures qui brûlaient son sang.
Le lien qui unissait les Saigneurs de la Confrérie était net et tranchant.
Elle reconnaissait Nayima et le dragon gigantesque qui brillait de mille feux. Elle pouvait tendre les mains vers cette sœur de Sang mais était incapable de bouger.
Puis, la blessure ardente s'estompa. Dans le même temps, le triskel se rétracta peu à peu pour ne plus former qu'un petit bloc compact dans son sein. Devenu étriqué, son esprit ne savait plus que penser. Perdue, elle ferma les yeux.
Alors, la voix crispée de Nayima résonna dans sa tête et elle ouvrit les yeux pour les plonger dans ceux de son amie. Une angoisse mêlée à l'émerveillement envahissaient le vert de ses iris.
Elle ne se souvenait plus avec la même intensité de ce qu'elle avait découvert un instant plus tôt, mais en s'immergeant dans ses yeux, elle reconnaissait Nayima. Elle se savait unie à elle.

Nayima reprit connaissance mais son esprit eut du mal à s'extirper de la léthargie provoquée par la douleur et le choc. Ainsi, elle resta quelques minutes les yeux ouverts, fixant Cassiopée près d'elle, sans véritablement le réaliser. Elle peinait à retrouver conscience et maîtrise d'elle; elle était là et en même temps, elle était loin d'elle.

Enfin, elle vit à travers ses yeux, elle vit son amie. Comme un échos, les dernières paroles de sa vision résonnèrent à nouveau. Elle s'écria d'une voix rauque et faible :

- Cassiopée ! Tu es la Gardienne de l'Harmonie ! Nous devons nous souvenirs du Sang. Elle lui agrippa le bras, Je ne me rappelle pas tout ... les dragons ! Cassiopée, les dragons sont la clé !

Ce n'est qu'à la mention de "dragon" que le petit être décida de bouger. Il était resté lover sur les genoux de Nayima, attentif à son réveil, mais il était temps de rappeler sa présence.

- Les drag...gons répéta-t-elle doucement en fixant le petit être qui s'agitait. Tu es comme dans ma vision. Es-tu ... Fyryath ?

Le jeune dragon secoua énergiquement la tête avant de la fixer intensément.

Afenwë

Cassiopée avait entendu le dragon parler. Elle l'avait entendu prononcer son nom et le phénomène lui fit prendre conscience de la situation où elles se trouvaient. Prisonnière de la pierre, dans un trou sans fond duquel elle ne savait pas comment sortir, mais en compagnie de la seule qui devait être là en un tel moment. Elle se savait liée à l'elfe et aux dragons. Son corps tout entier lui disait que Nayima était totalement dans le vrai. Elle était gardienne de l'Harmonie. Elle sentait cette puissance en elle. Une puissance liée aux dragons et à ce qu'elles portaient en elles, au plus profond de leur âme.
Accroupie près de Nayima, elle l'enveloppa d'un voile cotonneux qu'elle sortit d'une courte incantation. Elle utilisait l'ambiance humide de la caverne. Ses doigts agiles manipulaient l'air et poursuivirent leur course vers le dragonnet que Nayima tenait dans ses mains. Il devait être bien jeune car elle pouvait porter sans difficultés.

-Nous devrions partir, Nayima. Peux-tu marcher ? Nous devons trouver la sortie de cette grotte avant qu'il ne fasse trop froid. Je ne sais pas où nous sommes. Et nous pourrions nous retrouver nez à nez avec une créature malfaisante.

Elle regarda le dragonnet dans les yeux et les pupilles de l'animal se mirent à tournoyer irisant l'oeil de milles couleurs.

-Peut-être pourrais-tu nous guider toi qui es né ici ?

Les paroles de Cassiopée ramenèrent Nayima à la dure réalité. Elle s'arracha à la contemplation du dragonnet dans les yeux semblaient l'hypnotiser, pour regarder autour d'elle.
En effet, leur situation n'était pas très positive. Le regard de nouveau attiré par le dragon couleur jade, elle ne pût empêcher un sourire de bonheur. Ce petit provoquait en elle une joie qu'elle ne savait expliquer.

A la demande de Cassiopée, Afenwë se secoua et quitta les bras de l'elfe. Il fit quelques pas dans une direction avant de les regarder de tourner la tête vers elles, le regard plein d'attente.

Un petit rire échappa à Nayima, qui prit cependant le temps de vérifier sa cheville avant de se lever.

- Cassiopée, tu nous as trouvé un guide ! On te suit mon tout beau.

Elle fit prudemment quelques pas avant de poser son poids sur le côté blessé. Bien que dégonflée, sa cheville était encore très fragile, et elle faillit tomber de justesse.
Face à cette chute imminente, le dragonnet poussa un cri strident inquiet.

- Ca va, ça va, je vais faire attention, ne t'inquiète pas.

-Ne t'inquiète pas, Afenwë, je vais la soutenir.

Lentement, le trio se frayait un chemin parmi les gigantesques stalagmites qui grimpaient en hauts chandeliers vers les plafonds. Eux-mêmes, dégoulinaient de stalactites d'où gouttait une eau glaciale qui tombait sur leurs épaules.
Le froid envahissait l'air et leurs souffle chassaient des fumées blanches.
Ils marchaient depuis quelques heures derrière les petits pas du dragonnet. Le reptile faisait régulièrement des tentatives pour s'envoler. Mais ses essais ne l'emmenaient que sur une faible distance.
Soudain un grondement lointain les arrêta net. La terre trembla sous une violente secousse.
Les deux amies et leur guide se resserrèrent les uns près des autres et se mirent à longer la paroi de très près. Ils souhaitaient se tenir loin des épées tendues par la roche qui risquaient de se décrocher.

-Un tremblement de terre, il ne manquait plus que ça ! Gémit Cassiopée.

Le grondement reprit de plus belle. Heureusement, cette fois le sol ne bougea pas.

-Nous devons vite sortir ! Mène nous vite vers la sortie, Afenwë !

Nayima voyait le désespoir prendre le dessus. Outre ses blessures qui les ralentissaient dans cet environnement déjà dangereux, et la fatigue grandissante, le tremblement de terre apparu comme une nouvelle épreuve infranchissable.
Cependant, elle n'eût guère le temps de s’apitoyer, Cassiopée la tirait déjà rapidement loin du danger.
Le dragonnet sautillait frénétiquement pour avancer plus rapidement, la tête se tournant dans tous les sens pour repérer plus rapidement les discrètes ouvertures dans la roche. Il poussait sans cesse de petits cris, à la fois signe de son agitation et inquiétude, et comme un encouragement à tenir le rythme et le suivre. Un rythme un peu trop rapide pour son petit corps encore frêle, Nayima entendait ses halètements de plus en plus important. Face au courage de leur petit compagnon, elle ne pouvait que retenir son propre découragement et sa peine, et poursuivre leur course, encourageait par Cassiopée qui la maintenait debout d'une main ferme.

Enfin, de la clarté illuminait au loin la roche, l'espoir d'avoir trouvé la sortie redonna un élan au trio.

Cassiopée doutait. Elle doutait du chemin qu'ils empruntaient, mais surtout elle doutait de ce qu'elle avait vu, entendu, respiré, ressenti au plus profond d'elle même quelques heures plus tôt. Qu'était-elle réellement ? Qu'était-elle d'autre que cette pauvre femme qui avait hérité de quelques pouvoirs magiques et qui se sentait perdue la plupart du temps. Quels liens avec l'Univers détenait-elle réellement en son sein ? Cette Nayima était-elle vraiment cette sœur d'un sang inconnu ou qu'un poids à supporter durant leur fuite ?

Tous les doutes qui l'envahissaient ne ralentissaient pas sa course à travers les murs de pierres et les tunnels. Elle suivait l'appel du dragonnet comme s'il était un véritable guide sans savoir pourquoi. Pourtant l'appel était si tenu dans son esprit !
Les grondements de la Terre n'avait pas encore entraîné d'éboulements. Ils fuyaient le sol qui tremblait sous ses pieds et les parois vibrantes qu'elle n'osait plus effleurer.

Enfin un espoir leur fut rendu quand la lumière se glissa par quelque fente pour leur montrer le chemin. Ils courraient vers la clarté aussi vite que les blessures de Nayima le leur permettaient.
Mais en arrivant près de la roche illuminée par le chaud rayon du soleil, elle sut qu'il ne s'agissait pas de la lumière extérieure. La chaleur en ce lieu était si intense que leur corps se mit à transpirait à grosse goutte. Les deux femmes passèrent avec difficulté l'étroit passage dans lequel s'était engouffré le petit dragon.
Pliée en deux et traînant Nayima dont les dernières forces étaient très éprouvées par la chaleur elle releva la tête à la sortie du boyau pour découvrir d'où venait la lumière brûlante qui les assaillait.

Elles se trouvaient près d'un cratère dans lequel bruissait un bouillon de lave rougeoyante et fumante.
La chaleur était infernale et elle sentait le souffle de sa compagne devenir de plus en plus court. Elle devait porter Nayima plus que simplement l'aider à se porter. Il lui fallait absolument faire une halte. Mais où s’asseoir ? Plus elle se rapprochait de la vasque, plus la roche était chaude. Elle décida d'aller vers un gros caillou assez plat placé à l'extrémité de la caverne. Le caillou avait une température relativement acceptable et elle y assis son amie :

- Je dois me reposer et toi aussi avant que nous puissions continuer.

Le dragonnet les avait suivies. Il ne semblait plus les presser autant, semblant simplement attendre leur bonne volonté.  Il se rapprocha de Nayima jusqu'à grimper sur les genoux de l'elfe qui n'en pouvait plus.
Le temps de quelques secondes, le cratère rugit.
Cassiopée se dirigea vers le bassin de lave bouillonnante.

Nayima mit quelques instant à reprendre un rythme de respiration correcte. Elle se sentait nauséeuse et la tête dans le brouillard, prête à exploser. Des étoiles dansaient dans ses yeux et le sol lui semblait aussi stable que le pont d'un bateau en pleine tempête.
Quand toutes cette agitation dans sa tête se stabilisa un peu, elle pu observer dans quelle nouvelle situation catastrophique elles avaient atterris. La chaleur étouffantes n'étant donc pas seulement dû à leur course effrénée.
Elle lança un regard de reproche au dragonnet assis sur ses genoux :

- Tu devais nous guider vers la sortie ! pas au cœur d'un volcan... Le jeune dragon couleur de jade montra son mécontentement face à cette remontrance en lui tournant le dos. Il se roula en boule, la longue queue sous sa délicate tête, une patte placer au dessus des yeux, et fit mine de s'endormir.

- Ben voyons !

Nayima ne put cependant pas s'empêcher de sourire face à son comportement. Un élan d'amour la submergeait quand elle s'attardait à regarder la petite créature. Ainsi qu'un sentiment d'appartenance. Il était sien, ils étaient tous deux liés profondément.

Le cratère rugir et Nayima reporta son attention sur Cassiopée qui s'approchait de la lave.

La chaleur rougissait les traits habituellement pâles de Cassiopée. Une chaleur qui gagnait ses émotions pour l'emplir de bien-être. Elle avait clairement l'image de sa conscience agrandie, comme étirée par l'ardeur du feu du volcan.
Elle s'était approchée jusqu'à laisser reposer ses pieds sur l’extrême bord du cratère. Etrangement, elle ne sentait pas la brûlure sous ses pieds. Elle se laissait simplement envahir par l'appel du feu. Feu de la terre-mère sur lequel séchaient toutes les larmes de son corps brisé par des vents trop violents.
Un bouillonnement plus fort fit apparaître un étrange caillou complètement lisse qui semblait flotter ainsi qu'un navire sur des flots ardents. Poussé par les pulsions de la lave en fusion, il dériva jusqu'aux pieds de Cassiopée. Elle n'aurait eu qu'à se pencher pour le ramasser si elle n'avait pas craint la chaleur. Elle resta un bon moment à le contempler, le visage luisant de sueur presque à griller sous la force du feu.
N'y tenant plus, elle rechercha avidement dans ses souvenirs comment se protéger de l'élément terre. C'était l'élément qu'elle maîtrisait le moins. Ses dons naturels la portait à manipuler l'eau et l'air avec aisance, mais elle dominait mal le feu. Les étoiles s'en chargeaient pour elle. Mais au sein de cette grotte, dans les profondeurs de la terre, les étoiles étaient presque inaccessibles.
Ne trouvant pas comment faire pour adoucir l'irradiation, elle décida de se parer de gants d'eau continuellement ventilé par l'air relativement frais qu'elle extrayait de l'eau suintant des parois et qui ruisselait jusqu'à elles depuis la surface.
Parée de ces gants, elle attrapa le caillou.
Il s'agissait en réalité d'un œuf. Un œuf de grande taille puisqu'il mesurait bien une quarantaine de centimètres dans sa grande longueur. Au bout d'un moment, il perdit un peu de sa chaleur et elle put le prendre dans ses mains. La couleur orangée de l’œuf semblait le parer de flammes. Elle se tourna vers Nayima et de son dragonnet qui ne perdaient pas une miette de ce qu'il se passait.

- Regarde ce que j'ai.

Elle le serra contre elle comme si elle voulait entériner cette appartenance.

La scène qui s'était déroulée devant ses yeux relevait des mythes et légendes et pourtant, Nayima sentait qu'ils étaient précisément à leur place. Un moment fondamental de leur destinée venait de se réaliser; la jeune femme laissa échapper un souffle de soulagement quand Cassiopée prit enfin dans ses mains l'oeuf impressionnant. Pour autant elle n'aurait su expliquer ce sentiment d'achèvement.

Elle jeta un coup d'oeil à son dragonnet : Une chance que je n'ai pas eu à te pêcher dans la lave pensa-t-elle.

Fyryath était le feu de ta colère. Je suis Afenwë, je suis la vie issue de la terre et de l'eau. lui répondit-il.
L'elfe ne put empêcher un hoquet de surprise, dans la précipitation d'échapper à leur situation dangereuse, elle n'avait pas réalisé que le jeune dragon avait été capable d'entendre leurs pensée et y répondre.

- Je vais devoir m'y habituer murmura-t-elle.

- Regarde ce que j'ai l'interpella Cassiopée.

- Il semble que nous ayons trouvé de bien étranges compagnons ! lui répondit-elle dans un rire. L'oeuf est impressionnant. Tu n'es pas brûlée ?