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La lie du Calice

[Concerté] Exodus (...), Grendelor (Lùthien)

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28 nov. 2015 - 23:04

L'histoire qui suit se déroula au cours de l'année 1059. Les noms des villes correspondent aux anciennes version de Ter Aelis 1.5.

Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III


Chapitre I : Sable rouge et cœur noir.
Sul-Nar - souterrains de Giudichar Kala.

Citation de Exodus (...) :
Les évènements relatés ici se passent plusieurs mois après ceux ayant eu lieu à Galvorn.

La citée de Sûl-Nar avait connu une journée chaude et ensoleillée, comme à son habitude. Les rues étaient pour la plupart restées vides, à l’exception des chargeurs d'entrepôts et des caravaniers, les habitants préférant savourer la fraicheur de leurs demeures avant de profiter du début de soirée pour flâner dans les artères encombrées, dont le parfums rappelais à la fois les épices, les fleurs de l'Oasis et pour beaucoup le vieux chameau.
Les étrangers, eux, suaient en pleine journée, s'extasiant devant les détails folkloriques par quarante degrés à l'ombre et sous l’œil amusé des indigènes, qui eux les détaillaient depuis leur fenêtres.

Au bout de deux jours, même Exodus avait comprit que tenter de trouver quelque chose ou quelqu'un dans cette ville avant dix-huit heure était au mieux inutile, et au pire suicidaire. En cela il se rapprochait déjà plus des citadins et riait avec eux devant la transpiration des rares touristes, adossé à l'ombre à la terrasse à d'un café.
Mais sitôt la soirée commencée, à la lumière du soleil déclinant, la cité s'était réveillée, vrombissante d'activité. Les artères couvertes du souk avait vu leur flot doubler, voire tripler, et les boutiques et auberges commençaient à faire salles combles. La brise qui se levait apportait les senteurs du marché aux épices et les rires des passants qui allaient d'étal en étal. Marchant au milieu du bazar principal, Exodus s'était alors à son tour mis à la recherche de ce dont il avait besoin, à savoir d'informations.
Les oreilles de l'Unique étaient toujours grande ouvertes disait-on, et cela était encore plus vrai depuis les évènements de Galvorn. Le Culte cherchait à assoir son autorité et augmenter son influence sur Ter Aelis, et pour cela il avait besoin de lieux sûrs d'où lancer ses activités. Le Primat avait fini par entendre parler des souterrains qui s'étendraient soi-disant sous la ville de Sûl-Nar : ceux-ci, s'ils étaient exploitables, pourraient alors servir de base d'opération pour le Culte dans l'Est du pays et lui ouvrir un accès jusque là compromis aux ressources qui y transitaient. Ordre avait donc été donné à Exodus de se rendre là-bas et de vérifier la véracité de ces informations pour Sa gloire, le bien de Son Culte et enfin la sérénité de son supérieur, qui profitait de la mission pour le tenir éloigné pour au moins deux semaines.

Jusqu'à présent la pêche s'était révélé infructueuse. A par un coup de soleil et beaucoup de thé parfumés à la mante*, il n'avait réussi qu'à ramener de ses expéditions que des on-dit et des mensonges éhontés ("Mais si Effendi, je te le jure ! Sous tes pieds, une caverne avec une bouche de tigre, même que seul le cœur pur il peut toucher la lampe ! Tu me donne ma pièce maintenant?") et en était réduit à tendre l'oreille un peut partout à la recherche de la moindre bribe d'information exploitable. L'avantage était qu'il pouvait le faire tout en goutant les spécialités locales, chaque étal en proposant une nouvelle.
Pour l'instant, il sirotait un jus de mangue frais, savourant la brise qui passait doucement sur son visage et sans être bousculé par un autre piéton indélicat. La foule était nombreuse et compacte mais pourtant les gens semblaient réussir à l'éviter, quitte parfois à grimper sur les étals. Il ne semblait pas particulièrement menaçant, mais même s'il avait laissé son lourd manteau et son plastron dans la chambre loué dans le centre ville, il portait néanmoins par dessus sa chemise de lin et son gilet à pointe une légère plaque de métal ciselée qui couvrait son torse et une partie des épaules, et conservait à la ceinture rapière, main-gauche et pistolets. Allez savoir pourquoi, la plupart des citadins considéraient qu'éviter de se frotter à l'étranger pouvait allonger l'espérance de vie. Le chapeau, lui, restait invariablement collé à la tête de son propriétaire, tel un symbiote, et jouait son rôle de couvre chef avec zèle.
Exodus remontait donc lentement l'artère marchande, son verre à la main, s'arrêtant à divers échoppes, se mêlant aux différents groupes dans l'espoir de découvrir enfin quelque chose d'intéressant.

*Il s'agit là d'une des blague les plus prisées des serveur de la Cité de Sûl-Nar. La réputation des thé à la mante de la ville des sables à beau avoir fait plusieurs fois le tour du monde, son orthographe n'a elle jamais décollé ses fesses du comptoir et plus d'un touriste étonné a ainsi pu constater qu'au bout de la petite ficelle ne pendait pas un petit ballot de feuilles de menthe mais bien un insecte ébouillanté. Les indigènes eux commandent juste un thé.



Citation de Grendelor :


Lùthien déambulait dans le bazar à la recherche du marchand de lames qu'on lui avait indiqué. Évidemment, elle s'était perdue. Quiconque n'était pas de Sûl-Nar était incapable de se retrouver dans ce dédale d'échoppes. Si au moins elle avait eu l'odeur du marchand, elle aurait pu le pister. Encore que, au milieu de ce foisonnement d'effluves, elle aurait eu du mal. Elle marchait donc au hasard, comptant sur la chance pour la mener à bon port.

Quiconque connaissant l'elfe ne l'aurait reconnue. Elle avait quitté Galvorn où elle se sentait à l'étroit et s'ennuyait depuis que les lunaires avaient découvert qu'elle parcourait leurs souterrains. Plus moyen d'être tranquille, il y en avait toujours un qui trainait dans les parages. Soit ils la surveillaient, soit ils étaient curieux. Allez savoir avec eux. Toujours était-il qu'elle avait décidé de changer d'air. Et sur un coup de tête, et une rumeur parlant de tunnels secrets, elle avait enfourché sa moto en direction de la cité du désert. Au bout de deux jours sur place, elle avait compris pourquoi son instinct l'avait toujours maintenue loin de ce genre de climat. La chaleur l'assommait littéralement. Et ses vêtements de cuir lui semblaient insupportables. Elle fit donc une chose impensable : elle opéra un changement de style. Troquant sa tenue moulante pour l'un de ces pantalons bouffant en toile et une tunique lâche, sa tête se retrouva même couverte d'un turban. Elle garda toutefois sa couleur de prédilection, le noir. Si on ne la dévisageait pas, on pouvait la prendre pour une indigène et, le turban cachant ses oreilles pointues, elle put obtenir de bien meilleurs renseignements. C'était ainsi que Lùthien avait eu le nom du meilleur marchand de lames de la ville ainsi qu'un faisceaux d'indices lui indiquant la partie est de la ville comme endroit probable de l'entrée des souterrains.

La Chasseuse marchait donc au hasard, sans que personne ne la remarque, quand une odeur chatouilla ses narines, ramenant instantanément le nom d'un adversaire particulièrement intéressant : Exodus. Elle se mit donc à sa recherche. Il ne devait être bien loin. Le répurgateur, lors de leur combat, avait fait naître une grande curiosité dans l'esprit de l'elfe. Et aussi un défi.

Elle le repéra finalement quelques mètres plus bas. Aucun autre Enfant ne l'accompagnait. L'occasion était parfaite. Il semblait chercher quelque chose. Fidèle à son habitude, Lùthien ne fit pas dans la subtilité. Elle s'approcha lentement de lui, fendant le flot des passants et entra dans la bulle de vide qui flottait autour du représentant de l'Unique. Ce qui ne passa pas inaperçu. Baissant les yeux à la manière des femmes de la région, l'elfe demanda.

Vous cherchez quelque chose, effendi?


Citation de Exodus (...) :
Exodus se retourna, surprit, en direction de la voix qui venait de s'adresser à lui. Il vit avec satisfaction qu'il s'agit d'une femme de toute beauté, aux yeux d'or et au visage légèrement bronzé, mise en valeur par une tenue on ne peut plus locale, exception faite des couleurs. Elle se tenait devant lui, les yeux baissés à la manière humble des femmes locales, mais cela ne semblait être très naturelle chez elle. En tout cas elle offrait au répurgateur plus d'une raison de se réjouir : en plus de sa présence, elle incarnait la première personne à lui adresser spontanément la parole pour l'aider depuis qu'il était arrivé dans cette ville. A croire que sa prospection avait finit par porter ses fruits.

- Ma foi, oui cela pourrait être bien le cas, répondit-il avec un sourire. Tout dépend de ce que vous pourriez offrir. Des informations seraient évidemment ce qui me serait le plus utile, si tant est que vous ayez celles que je cherche.

En y regardant bien, on voyait vite qu'elle n'était pas plus une habitante authentique de Sûl-Nar que lui n'était trésorier du Culte (il en était plutôt le videur de caisse). Son accent pour commencer n'avait rien des intonations fleuries des citadins, et sa posture révélait une personne bien plus "présente" que les indigènes. Enfin, la couleur sombre de son habit suffirait à convaincre les plus septiques : un habit noir attirait la chaleur plus sûrement que le chameau n'attirait les mouches. Et un ou deux renflement discrets au niveau des manches et des jambières laissaient suggérer que la jeune femme n'avait pas besoin de garde du corps pour assurer sa sécurité. Il s'approcha d'elle et continua sur une voix plus basse :

- Je crois que je serais près à allouer une part significative de mon budget, voire même - soyons fous ! - un verre de cet excellent jus de mangue, à quiconque pourrait me renseigner sûr les fameux souterrains de Sûl-Nar, et particulièrement leur entrée probable, dit-il sans remarquer que derrière lui, l'un des vendeurs qui avait laissé trainé ses oreilles laissait maintenant filer un hoquet de surprise. Auriez-vous le moindre indice à ce sujet, madame... ?

En retrait, sans que personne n'y prête attention, le marchand de rue fila un coup de pied à un môme qui somnolait derrière l'étal, lui chuchota rapidement des instructions et le fit partir en courant dans les ruelles d'un second coup de pied.


Citation de Grendelor :


Lùthien sourit intérieurement quand Exodus parla des souterrains. Voilà qui était parfait, quand bien même ses indications n'étaient que parcellaires. Son "madame" lui fit bien comprendre qu'il n'était pas dupe de son déguisement, ce qui n'était bien évidemment pas le but, mais la fit néanmoins sourire. Mais le mouvement du répurgateur pour lui parler plus discrètement avait attiré des froncements de sourcils et des murmures de la part des indigènes qui n'avaient pas vue sur son visage.

Il est bien possible que j'en sache quelque chose. Allons parler dans un endroit plus tranquille, voulez-vous? Je boirais bien quelque chose en effet, ajouta-t-elle en désignant le verre vide d'Exodus.

Et sans plus attendre, elle se mit à marcher d'un pas vif et aps du tout humble, mais plutôt souple et animal.


Citation de Exodus (...) :
Ils marchèrent d'un pas vif pendant quelques minutes, ressemblant plus à des conquérant qu'à d'humble visiteurs, avant que le répurgateur, savourant la compagnie de l'inconnue, ne les fasse s'arrêter à un café donnant sur la rue. Il la fit s'assoir à l'une des tables les plus à l'écart, à la fois cachée par un lierre grimpant et par la toile au vives couleurs qui les protégeait des derniers rayons mordants du soleil. Il revint quelques secondes plus tard avec plateau contenant deux grand verres de mangue frais et un bol de pistaches au poivres.

- Désolé du retard, le serveur a essayé trois fois de me faire prendre un thé. Un conseil : quand le chef vous propose une boisson locale en s'efforçant de ne pas sourire, refusez.

Il s'assit en face d'elle et lui présenta son verre, lequel était agréablement glacé. Il trinqua avant de boire une gorgé et alors seulement reprit l'air qu'il croyait sérieux lorsqu'il s'agissait de parler affaire.

- Bien, comme vous pouvez le voir, j'ai remplis ma part du contrat : nous sommes dans un coin discret et avec une boisson entre les mains. J'y ai même ajouté les amuses-gueules, précisa-t-il en pointant du doigt les pistaches. Aussi le moindre doute sur mon honnêteté ne serait être émit. Je pense donc que c'est à votre tour, non ?

Mais avant même qu'elle ne puisse répondre, il se porta brusquement la main au front.

- Mais suis-je bête, je ne me suis même pas présenté ! Exodus, répurgateur en vacation presque forcé, dit il avec un grand sourire. Je suis vraiment désolé, je crois que je perds régulièrement mes bonnes manières. Pourtant, comme dit mon Primat, la politesse est le ciment des affaires. A moins que ce ne soit le mensonge et la tromperie, dit-il plus bas en fronçant les sourcils, je ne sais plus...

Et c'est d'ailleurs étrange qu'elle ne se soit pas inquiété plus que ça de mon identité, songea-t-il. Et je ne pense pas que ma réputation ai portée à ces distances. Prudence, elle en connait peut-être bien plus qu'il n'y parait.


Citation de Grendelor :


Lùthien éclata d'un rire cascadant à la mention des filouteries locales. Elle-même n'avait pas eu ce problème puisqu'elle avait le « nez fin ». Mais elle comprenait tout à fait que l'on puisse se faire avoir. La Chasseuse était ravie de retrouver l'humour mélangé de sérieux qu'elle avait pu apprécier lors de leur combat.

Maintenant qu'ils étaient tranquilles, Lùthien avait relevé la tête, sans toutefois se départir du turban qui la couvrait, et le répurgateur pouvait voir ses yeux dorés pétiller de joie. Quand il se présenta, un léger sourire lui étira les lèvres en sentant la méfiance sous-jacente. L'elfe répondit de son accent chantant.

Lùthien. Ne vous en fait pas, je remplirai ma part aussi. Mais déjà...

Elle vida son verre de mangue d'un trait, attrapa une poignée de pistaches et se dirigea vers le bar. Elle en revint chargée de deux verres emplis d'un liquide transparent.

Le jus de fruits, c'est bon quand on a soif. Mais pour discuter sérieusement, rien ne vaut une bonne vodka. Elle est bien fraîche, ajouta-t-elle en déposant les verres sur la table.

Une bonne gorgée lui fit claquer la langue de contentement. L'elfe s'installa à son aise dans son siège et plus rien dans son attitude ne faisait penser à une femme effacée. Non. Elle évoquait plutôt un prédateur ayant repéré sa proie. Curieuse, tous ses sens étaient aux aguets afin d'étudier les réactions d'Exodus.

Vous cherchez donc les fameux souterrains de Giudichar Kala. Ça tombe bien, moi aussi.
Elle leva aussitôt une main pour prévenir toute interruption. Je n'ai pas l'habitude de m'associer à de parfaits inconnus comme ça et je suppose que vous non plus. En vérité, la Chasseuse n'avait l'habitude de s'associer avec personne. Mais toutes les subtilités étaient bonnes pour atteindre son objectif, qui n'avait plus rien à voir avec Giudichar Kala. Bien que vous ne me soyez pas totalement étranger, reprit-elle, vous identifier n'est pas bien difficile quand on a les bonnes oreilles pour écouter, je n'ai pas idée de pourquoi vous les chercher. Et peu m'importe d'une certaine manière. Une nouvelle lampée de vodka dévala jusqu'à son estomac. Ce qui m'intéresse moi, c'est l'aventure, l'exploration. Et, s'ils sont aussi vastes et inutilisés qu'on veut bien nous le faire croire, un p'tit endroit ou stocker deux-trois choses. Le regard de Lùthien se fit perçant. Elle avait lancé cette phrase pour mener le répurgateur sur la piste d'un petit trafic sans conséquence. Cachant ainsi l'utilisation qu'elle comptait en faire en réalité : une retraite sûre. Maintenant, avant d'aller plus loin, et sa voix, bien que totalement sérieuse, se fit plus suggestive sur ce mot, ce que je peux vous dire c'est que les indices dont je dispose, bien que peu précis, restreignent considérablement le champ de recherche. Mis en commun avec vos connaissances, nous devrions trouver l'entrée en un ou deux jours. Qu'en pensez-vous?

Levant son verre à nouveau, Lùthien ne quittait pas le répurgateur du regard, attendant avec impatience sa réaction. C'était une occasion en or pour elle, et tout dépendait de la réponse d'Exodus.


Citation de Exodus (...) :
Le rire de la jeune femme fût un régal pour le répurgateur. Depuis trop longtemps il n’avait eu droit pour seule preuve de joie qu'aux sourires figés et glacés de son Primat ou aux grands rires machiavéliques qui résonnaient depuis le laboratoire de Teclis, et les deux prophétisaient la plupart du temps une catastrophe imminente, que se soit pour sa personne ou plus simplement tout ce qui vivait à cinq kilomètres alentours. Entendre une personne rire de bon cœur lui avait désespérément manqué.
Il se trouvait donc tout sourire jusqu’à ce que son "associée" ne finisse par se présenter, vide son verre d'une traite et parte en direction du bar avant de lui avoir laissé le temps de réagir.
Profitant de son absence, il se mit à ruminer le fond de sa mémoire. Lùthien. Il avait déjà entendu parler de ce nom, l'avait lu rapidement au milieu d'un océan de lettres. Un ou deux rapports approximatifs, des contre rendus brouillons sur des échauffourées avec les lunaires aux alentours de Galvorn datant de plusieurs mois... Mais impossible de se souvenir exactement l'implication de la jeune femme. Ennemie, alliée, électron libre ou même simple témoin? Vu le genre de personnalité qu'elle révélait, il pouvait rapidement gommer les deux premiers. Si elle avait combattu avec ou contre le Culte, on s'en serait souvenus. Et elle ne donnait pas non plus l'impression d'être du genre à rester simple spectatrice d'un quelconque amusement armé... Peut-être même n'y était-elle même pas, juste un nom lâché au hasard et retranscrit consciencieusement, au cas où.
Et bien ce "cas où" était maintenant, et pour le coup l'information ne servait pas vraiment à grand chose!

Il entendit revenir la jeune femme et eu juste le temps de reprendre son visage habituel, ("trop bête pour être dangereux", comme le qualifiait certaines langues fourchues habituées aux canons) lorsqu'il vit arriver Lùthien, un grand verre dans chaque main. Elle en annonça la conteneur en les posant sur la table mais Exodus aurait aussi bien pu se passer de la description tant les larmes menaçaient de lui noyer les yeux et ses sinus de plier bagage. S'il tolérait sans problème les alcools légers et ne crachait sur un bière de temps en temps, tout ce qui dépassait la quinzaine de degré provoquait une sorte d'allergie chez lui. Aussi, tandis que Lùthien lui exposait ses motifs et projets, il écouta poliment, souriant sans y penser et écartant en toute lenteur le verre vers l'autre côté de la table.

Il fut surpris lorsqu'elle lui annonça la facilité apparente avec laquelle elle en avait appris autant à son sujet. Heureusement, le motif de sa venue était encore inconnue et pour une fois la situation était à son avantage. Prétexter la recherche d'un objet ou encore la traque d'une potentiel cellule adverse pouvait amplement convenir. Pour ses motivations à elle, il n'était également pas à cour d'option: elle lui avait révélé ce qui pouvait être le début d'un petit "transit de marchandises dédouané" comme disait les professionnels et les perceurs de coffres, et vu que l'une des volonté du Primat était de mettre la main sur certaines des ressources de l'est, le mieux à faire était de la laisser engranger deux ou trois livraison et de réquisitionner le tout au bon moment.

Lorsqu'elle eu terminée, il se servit copieusement en pistache et sembla réfléchir quelques secondes, le regard apparemment dans le vide, avant de répondre.


- Pour ce qui est des informations, vous semblez en savoir déjà bien plus que moi. Déjà le nom. Il est imprononçable mais je l'ignorais jusqu'à cet instant. On peut donc sans risque parler d'un progrès considérable, ce qui est plutôt de bon augure concernant notre future collaboration. Et pour être honnête, vous avez tord sur un point: j'ai tendance à m'associer avec n'importe qui, du moment que nos objectifs se croisent peu ou prou. Les détails se règlent tout seul plus tard, en général.

Il fit un geste vers son verre avant de se souvenir du contenu et camoufla l'oubli en second pillage de pistache.

- Toutefois, vous ne semblez pas être n'importe qui et il se pourrait que cette "équipe" fonctionne effectivement. J'accepte votre proposition, lui dit-il avec un visage ravi. La mise en commun de nos connaissance est en effet le meilleur moyen de restreindre le temps de recherche, mais ce n'est pas pour autant que ces informations doivent tomber dans n'importe-quelles oreilles, vous vous en doutez.

Il se pencha sur la table et tendis le cou, lui intimant d'un signe de la main de faire de même. Lorsqu'elle avança la tête à son tour, il sentit le parfum doux et agréable qui se dégageait de ses habits et de sa peau, nullement gâché par la chaleur environnante. En revanche il ne sembla pas relever le léger frisson qui lui parcourra le bras lorsque ses narines essayèrent d'identifier l'odeur quasi-imperceptible qui flottait derrière la première. Restant sourd aux appels de son instinct, il lui murmura à l'oreille:

- Mes propres information ne me mènent pas plus loin qu'au alentour du vieux bazar, ce qui hélas recouvre presque un tiers du quartier principal. Si on compte le nombre de ruelles ainsi que de niveaux sur lesquels sont construites celle-ci, un pourrait, en étant optimiste, couvrir la moitié de la zone d'ici un mois. Toutefois, et avant que vous ne me coupiez, je pense qu'un gain de temps fort appréciable pourrait être envisagé si l'on demandait à la personne qui se trouve accroupi juste derrière vous - non ne bougez pas! - et dont on voit vaguement l'ombre se dessiner derrière l'auvent depuis maintenant cinq bonne minutes. Le tout est de poser la question gentiment et surtout rapidement, car je crois qu'il commence à se méfier. Il recula de quelques centimètres et sourit en la regardant droit dans ses yeux dorés. Je vous laisse l'initiative, partenaire?



Citation de Grendelor :


Le sourire que fit alors Lùthien n'avait rien de charmeur mais évoquait plutôt le prédateur. Elle était heureuse qu'Exodus ait remarqué le petit espion. La Chasseuse n'aurait pu lui en parler sans trahir le fait qu'elle l'avait repéré à l'odeur. Une capacité qui aurait pu titiller l'esprit du répurgateur. Les deux mains de l'elfe commencèrent à s'élever vers le visage d'Exodus, comme pour l'embrasser. Lùthien put voir la légère dilatation de la pupille qu'entraina ce mouvement dans les yeux de son partenaire. Son sourire s'élargit imperceptiblement. Et dans un geste rendu flou par la vitesse d'exécution, Lùthien lança un poignard qui se planta dans le pied de l'espion. Il n'eut pas le temps de se mettre à hurler que déjà la Chasseuse s'était saisie de lui et le bâillonnait. Récupérant tranquillement son arme, elle entraina leur proie jusqu'à leur table. Là, ils purent voir qu'il s'agissait d'un homme d'une quarantaine d'années, petit et râblé, la peau tannée par le sable et le soleil, les cheveux bruns et courts, les yeux presque noirs.

Lùthien tenait l'homme par le cou, comme s'ils étaient de bons amis, mais un léger reflet informa le répurgateur de la menace qui planait sur la tendre chair. Souriante comme si elle venait de retrouver quelqu'un perdu de longue date, la Chasseuse fit les présentations.

Exodus, je te présente...

L'homme laissa planer le silence quelques secondes avant de répondre précipitamment suite à un infime mouvement de la main de l'elfe.

Hamda, fit-il avec un glapissement d'inquiétude.

Hamda donc, reprit Lùthien avec un grand sourire. Qui nous cherchait parce que...

L'homme cette fois répondit de suite.

Je vous surveille. Pour d'autres qui vont venir. Je ne sais rien !

La Chasseuse se figea, aux aguets, les pupilles dilatées. Elle repoussa brusquement Hamda qui s'écroula dans l'auvent qui lui avait servi de cachette. Saisissant la main d'Exodus, Lùthien l'entraina à sa suite, lançant un "Courez !" sans appel. Ils n'avaient pas fait cinq mètres qu'une explosion retentit derrière eux, manquant les renverser dans son souffle. Lùthien ne se retourna pas et continua à tirer le répurgateur qui mit quelques enjambées avant de s'adapter au rythme soutenu de sa partenaire. Trois hommes les poursuivaient en hurlant en sûl-narien.

La Chasseuse se frayait un chemin au milieu de la foule compacte, les menant justement vers le vieux bazar. Ce qu'elle n'avait eu le temps de révéler, c'était l'indication d'une fontaine représentant le fondateur de Sûl-Nar. L'entrée des souterrains était censée se trouver dessous. Lùthien souffla cette information à Exodus tout en continuant à courir.


Citation de Exodus (...) :
Le Répurgateur n'osa pas se poser de question lorsque que Lùthien lui agrippa la main et l’entraîna derrière elle dans une course folle. Et si jamais un doute avait osé emmètre le moindre son, l'explosion qui suivit leur départ, digne d'un Teclis dans ses jours d'inspiration, aurait suffit à le rendre muet.
Les sauvages, se dit-il alors qu'il calait son rythme sur celui-de sa partenaire. Faire exploser le meilleur café à trois rue à la ronde juste pour les avoir. Ces gens ne comprenaient donc pas ce qui était réellement important? Et surtout: comment a-t-elle su pour l'explosion?

Exodus avait du mal à suivre le rythme que lui imposait la jeune femme, et encore plus à ne pas lui lâcher la main. La foule compacte de cette fin de journée s'enfuyait en tout sens suite à l'explosion, rendant les collisions particulièrement difficiles à éviter. Au moins les citadins apeurés ralentissaient tout autant leurs poursuivant, se dit Exodus. Il jeta alors un regard derrière eux et eu la désagréable surprise de voir que, même pris de panique, les habitants ne semblaient pas assez fou pour se mettre au milieu de leur chemin, ce qu'on pouvait aisément comprendre.
Les trois personnes qui les talonnaient portaient les turbans et manteaux propres à la régions, teintés de blanc ou de bleu, aux bordures colorés et rehaussés de perles ou d'aigue-marines. Ils avaient sortit leurs lourdes lames et l'un deux tenait même un pistolet, heureusement inutilisable dans cette marée humaine. Les trois hommes avançaient en vociférant et en donnant des coûts de sabre dans le file pour éloigner les fuyards.
Il regarda à nouveau devant lui, juste à temps pour éviter de percuter un vieillard qui courrait dans l'autre sens. L'Enfant fit une brève embardé de côté pour l'esquiver, manqua de perdre son équilibre et se rétablit en catastrophe, serrant toujours la main de Lùthien, aussi fort que celle-ci accélérait.


- Je crois qu'il faut voir le bon côté de la chose, lâcha-t-il en haletant. Les gens ne veulent jamais plus notre morte que quand on s'approche de l'objectif. Au fait, on va jusqu'où comme çà?

Lùthien ne prit même pas le temps de se retourner alors qu'elle les menait au coeur du vieux bazar. Tout ce qu'il put entendre de sa réponse fût "la fontaine du fondateur".

- L'entrée se trouve là-bas? Super, cette recherche aura été d'une courte durée en fin de compte.

Il esquiva un autre terroriste pédestre. Les sabreurs gagnaient du terrain au fur et à mesure que la foule vidait les lieux par les ruelles transversales, abandonnant leurs biens et leurs étals. Exodus sortit alors une dague et trancha dans sa course la corde qui retenait une livraison de jarre en place sur une carriole. Les lourds récipients furent libérés et allèrent soit se briser au sol en déversant leur contenue huileux sur les pavés, soit roulèrent dans toutes les directions, leur forme rendant les mouvements imprévisibles. Lùthien de son côté avait fait s’effondrer un étal par un violent coup de pied dans l'un des supports.

- Dites, je me disais, sans vouloir gâcher notre avancée: si nos poursuivants savent ce que l'on cherche, et qu'eux même savent où cela se trouve, ne risquent-ils pas de nous attendre -

Il n'eu pas le temps de finir sa phrase que Luthien pillait sur place. Ils venaient de déboucher sur une place couverte par d'innombrables pièces de tissus multicolores, lesquelles pendaient des toits et des murs pour former un gigantesque patchwork d'ombre et de lumière sur les pavés décorés. La seule exception était le centre de la place, laissé à ciel ouvert et au milieu de laquelle trônait une imposante statue couverte de plantes aux fleurs exquises et ruisselant d'eau sur toute sa surface. L'eau atterrissait ensuite dans un large bassin remplie de nénuphars et autres plantes d'eau. La statue avait beau être faite d'une pierre grise simple, elle symbolisait la richesse: qui d'autre que les plus riches marchands pouvaient se permettre de disposer ainsi de l'eau au plein milieu du désert?
Exodus vit alors la raison de l'arrêt de Luthien. Une dizaine de silhouettes affublés des mêmes attraits que leurs poursuivants attendaient autours de la fontaine, exhibant cimeterre, lance et fusils. La foule avait presque entièrement disparue maintenant et les deux étrangers étaient plus que visible au milieu de la rue. Derrière eux se rapprochaient les cris des premiers enturbannés.


- Je déteste avoir raison, dit Exodus en soupirant. Il jeta un rapide regard à sa partenaire. On force ou on tente la ruelle sur la droite?



Citation de Grendelor :


Lùthien apprécia qu'Exodus ne demande pas d'explication. Il était déjà bien assez difficile de se frayer un passage dans la foule sans en plus devoir soutenir une conversation, inutile somme toute puisque l'elfe n'aurait certainement rien expliqué. Elle se régala de sentir la main ferme de l'homme qui la suivait et si elle n'avait pas du lutter contre une marée humaine, un large sourire aurait envahi son visage devant le plaisir que lui procurait cette aventure. Un véritable délice pour la Chasseuse que cette alliance entre l'adrénaline de leur fuite et le jeu qu'elle menait avec le répurgateur. Bien vite cependant, la situation se compliqua et mobilisa toute son attention.

On force ou on tente la ruelle sur la droite?


Lùthien dut prendre rapidement une décision, leurs poursuivants se rapprochaient à vive allure et quelques uns du groupe autour de la fontaine s'avançaient déjà vers eux. Elle ne pouvait pas prendre le risque de se transformer maintenant, d'autant qu'elle n'avait pas le temps de confier ses affaires de rechange au répurgateur.

On fonce ! cria-t-elle en s'élançant sur l'attaquant le plus proche.

Même si elle ne pouvait laisser la place au loup, l'elfe en avait plusieurs atouts comme la puissance et la vitesse. Le reste, elle le compensait par un art du combat basé sur son agilité naturelle. Dégainant dans un mouvement fluide deux dagues, la Chasseuse trancha la carotide de son assaillant en passant à côté de lui, presque négligemment. Des tirs de fusil résonnèrent à ses oreilles mais sa trajectoire erratique couplée à sa rapidité évitèrent à Lùthien de se faire trouer la peau. En quelques pas, elle fut sur un second attaquant.

Il faut trouver le mécanisme d'ouverture !

C'était une évidence. Il leur fallait vite trouver l'entrée pour essayer de se mettre à l'abri à l'intérieur. Il y avait peu de chances que leurs adversaires s'y trouvent déjà. L'elfe avait remarqué une marque sur le cou de Hamda ainsi que sur l'homme qu'elle venait d'égorger : un calice rouge. A ce qu'elle avait entendu dire, c'était la marque d'un groupe de gens chargé de protéger Giudichar Kala mais qui n'avait pas accès aux lieux sacrés eux-mêmes. En espérant que cela fut vrai. Et en espérant que les souterrains ne soient pas utilisés actuellement. S'ils arrivaient à entrer, ils seraient en relative sécurité, au moins pour un temps.

D'un coup d'épaule, Lùthien se débarrassa du corps du deuxième homme, qui s'effondra sur un autre en libérant la dague qui était enfoncée dans sa poitrine.

Je m'occupe d'eux, cherche l'entrée !

Les trois premiers sabreurs arrivèrent sur la place. Il y eut un instant de flottement dans leur rang le temps qu'ils évaluent la situation. Puis le bruit d'une flamme se fraya un chemin dans le chaos ambiant.

A terre ! hurla Lùthien tout en repoussant son adversaire du moment d'un coup de pied qui la propulsa dans le bassin de la fontaine.

Une détonation ébranla la pierre.


Citation de Exodus (...) :
-Il faut trouver le mécanisme d'ouverture !

Bonne idée, songea Exodus en dégainant Anathème. Je m'y attellerai dès que j'aurai trouvé comment éviter de me faire trouer la peau.
Le Répurgateur était passablement énervé. Non seulement il s'était laisser prendre au piège par une situation qui obéissait aux lois les plus élémentaires de la narration, mais en plus celle-ci confirmait ce qu'il pensait depuis longtemps, à savoir qu'il ne pouvait pas se trouver tranquillement avec une dame sans que les choses ne dégénèrent au bout de quelques minutes.
L'un des enturbannés eu alors l'idée de s'attaquer à lui à cette instant. Mauvaise idée en l'occurrence car l'Enfant avait maintenant un besoin urgent de se passer les nerfs.
La lance en bambou plongea vers le ventre d'Exodus qui dévia le fer de l'arme d'une parade basse avant d'écraser la garde de sa lame sur le visage de son agresseur. Celui-ci cria de douleur lorsque son nez se brisa et le Répurgateur en profita pour lui assener un coup de pommeau sur le crâne, bien assez fort pour le briser. L'homme s'effondra alors sans un bruit.


- Je m'occupe d'eux, cherche l'entrée !

- Dame, j'ai bien peur de ne pouvoir obéir immédiatement, répondit Exodus en parant l'assaut d'un second assaillant avant de le planter sa lame dans le corps. Ils sont un peu trop nombreux pour avoir le temps de lancer des fouilles dignes de ce nom.

Il saisit l'un de ses pistolet de la main gauche et abattit d'un tir rapide l'un de ceux qui était armé de fusil avant que ce dernier ne puisse les mettre en joue, puis contempla le travaille de sa nouvelle coéquipière. Le moins que l'on pouvait dire était qu'elle était d'une efficacité redoutable et d'une rapidité impressionnante. Ils avaient éliminés à eux deux cinq ou six adversaires en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Peut-être qu'après tout les choses étaient plus faciles qu'il ne le pensait. Mais lorsqu'un tir vint frôler son couvre-chef et qu'il aperçue le groupe qui était à leur poursuite les rejoindre, l'équilibre des forces devint de nouveau problématique.

- Finalement je crois que je vais suivre le conseil. Evitons de nous éterniser, cela pourrait être mal vu !

Sur ces mots, il se précipita en direction de la fontaine, non sans expédier un deuxième tir en direction des hommes en manteau, dont l'un d'eux se retrouva à se rouler par terre en s'étreignant une épaule ensanglantée. Il avait atteint le rebord de la fontaine lorsque l'avertissement de Lùthien retentit.

- A terre!

Le souffle de la déflagration projeta Exodus dans le bassin et l'y envoya se cogner le crâne contre le socle de la statue avant qu'il ne retombe dans le bassin dans une grande éclaboussure. L'adrénaline alliée à l'eau fraiche l'aidèrent à rester conscient mais sa tête le vrillait et un lourd bourdonnement résonnait dans tout son crâne. Il sentait son corps trempé affreusement lent et maladroit alors qu'il tentait de se redresser en s'appuyant contre le socle gravé. Son esprit pourtant marchait encore à plein régime et il comprenait vite que, quoi que l'ennemi ai utilisé comme arme pour le faire voler ainsi, il n'allait pas se priver de s'en servir une deuxième fois. Et même si Lùthien s'était déjà relevé du bassin et tenait en respect ses agresseurs, les chances de survivre au second coup était minime.
Alors qu'il posait sa main sur un symbole parmi tant d'autre, il sentit celui-ci s'enfoncer sous ses doigts et une partit du fond du bassin se mit alors à bouger. Avant qu'il n'ai eu le temps de réagir, la mosaïque qui couvrait le fond s'était ouverte en une pente aigüe donnant sur un tunnel sombre, laquelle entraina Exodus et une partie de l'eau du bassin dans les profondeurs. Il y eu un vague jurons, submergé par le bruit de l'eau dévalant en cascade, puis le silence.
Au bout de quelques secondes résonna alors une voix à moitié noyée.

- Je crois que j'ai trouvé l'entrée!


Citation de Grendelor :


La détonation l'avait envoyée dans la fontaine sans réussir toutefois à la sonner. Aussi Lùthien se releva d'un bond et planta sa dague dans la gorge d'un adversaire moins chanceux qu'elle. Cependant la situation commençait à devenir difficile à tenir, surtout si leurs poursuivants continuaient à les pilonner. Un bruit d'eau et le mouvement de celle-ci s'écoulant autour de ses jambes lui apprirent que le répurgateur avait accompli sa mission avant que sa voix ne lui parvienne, caverneuse.

- Je crois que j'ai trouvé l'entrée!


La chasseuse suivit l'écoulement et sauta prestement dans les ténèbres. Le liquide aidant, elle glissa jusqu'au bas de la pente, rejoignant Exodus qui se relevait, l'air surpris et contrarié par son atterrissage. Le tunnel était sombre, seulement éclairé par la lucarne venant de la fontaine. Toujours dans l'urgence, Lùthien chercha des yeux le mécanisme de fermeture.

Comment ça se ferme, ce truc, grommela-t-elle avant de de repérer un symbole gravé sur le mur droit, juste à côté d'eux. Elle appuya sa main dessus et la trappe se referma, sans qu'aucun de leurs poursuivants n'ait pu entré.

Bon, on devrait être un peu plus tranquille, en espérant qu'ils ne connaissent pas le mécanisme d'entrée. Enfin, je pense qu'on peut au moins parier qu'ils n'utiliseront plus d'explosif. Bon, voyons voir ce que cachent ces tunnels...

L'elfe fit quelques pas dans le noir avant de se rappeler que c'était un humain qui l'accompagnait. et les humains n'étaient pas réputés pour voir dans le noir.

Enfin, tu as peut être besoin d'un peu de lumière
, fit-elle d'une voix rieuse. As-tu ce qu'il faut ou bien je te guide?

L'idée de devoir encore une fois mener son compagnon par la main n'était pas pour lui déplaire. Mais d'un point de vue stratégique, il serait en posture de faiblesse si de nouveaux attaquants arrivaient. Lùthien huma l'air profondément.

Il n'y a l'air d'y avoir personne dans les parages, on peut prendre le temps de fouiller les environs à la recherche d'une torche si tu n'as rien.


Sa voix était rassurante, le stress de l'urgence et du combat l'avait quittée. Tout était calme dans les tunnels de Giudichar kala.


Citation de Exodus (...) :
Le Répurgateur se secoua après sa descente forcée, trempée jusqu'à l'os et d'une humeur quelque peu entachée. La pratique du toboggan avait beau lui laisser des souvenirs plaisants datant de son enfance, il trouvait qu'elle ne cadrait que très peu à l'image de son Enfance actuelle.

Quand Lùthien apparue à son tour au bas de la pente, avec en ce qui la concernait un atterrissage bien plus contrôlé et beaucoup moins couteux à l'honneur, elle se précipita sur les murs à la recherche du moyen de refermer l'accès avant que les poursuivants ne se jettent derrières eux. Exodus tenta de l'aider tant bien que mal, mais ses rétines était encore imprimées de la tâche de soleil par laquelle ils étaient arrivés et qui avait suffit à l'aveugler dans cette obscurité.
Il y eu un cliquetis lorsque la jeune femme passa la main sur une moulure et la trappe se referma aussi soudainement qu'elle était apparue, laissant les deux explorateur dans une obscure sécurité.



- Il n'y a l'air d'y avoir personne dans les parages, on peut prendre le temps de fouiller les environs à la recherche d'une torche si tu n'as rien.


Se relevant tant bien que mal, les mains crasseuses de sable détrempé, Exodus se mit alors à la recherche d'une source de lumière, comme suggéré par la jeune femme.

- C'est vrai qu'un peu de lumière ne nous serais pas de trop, dit Exodus en tâtonnant à droite à gauche à la recherche d'un support de torche ou de lampe. Surtout que vous ne devez pas y voir mieux que moi, fit-il avec un petit rire, mais c'est gentil de penser à moi. Bon, attention les yeux.

A peine eu-t-il prononcé ces mots qu'une vive lueur apparue au creux de sa main droite, s'estompant rapidement pour laisser place à la flamme ondulante d'une mèche de briquet à amadou.

- Voilà, ça ne vaut pas une torche et ça dure beaucoup moins longtemps, mais on devrait au moins pouvoir se repérer dans cette pièce.

A peine venait-il de dire ces paroles qu'il remarqua que Lùthien se tenait déjà devant lui, comme si elle avait immédiatement su ou il se trouvait malgré l'obscurité et les échos que formaient les voix dans cet espace confiné. Elle l'écoutait et le regardait avec attention, voire même avec un certain... appétit. Elle est vraiment douée, songea Exodus, mais aussi inquiétante, d'une certaine manière.
Le même détail que plus tôt dans la journée tenta de se faire entendre une nouvelle fois. Il était plus gros mais toujours pas assez pour pouvoir se remarquer.

Ils contemplèrent la salle dans laquelle il se trouvait, une espèce d'anti-chambre relativement vaste et de laquelle partaient deux couloir taillé dans la pierre, l'un partant tout droit et l'autre sur la droite. La faible flamme du briquet avait du mal à éclairer convenablement les lieux et tout ce qui se trouvait à plus d'un mètre était irrémédiablement engloutie par une opaque obscurité. Les murs ne reflétait qu'une infime clarté et les deux aventuriers furent donc obligés de longer la parois dans l'espoir de découvrir une source de lumière digne de ce nom.
La réponse leur vint enfin lorsque, après avoir fait presque tout le tour de la pièce, Exodus buta contre un lourd baril surmonté d'un modèle de lampe à huile plutôt ancien.
Jurant silencieusement à l'encontre de l'agresseur de doigts de pied, il prit la lampe et la passa à Lùthien tandis qu'il soulevait le couvercle du baril avec méfiance. Une infect odeur envahie l'endroit alors qu'il passa son briquet au dessus du contenu du baril, révélant une sorte de liquide noirâtre insondable. Lui renifla avec dégout. Elle se prépara à saisir le briquet dans l'instant car elle connaissait le liquide et ne désirait pas que cette aventure ne se conclue par leur transformation en peinture murale un brin trop cuite. Mais le Répurgateur retira rapidement la main d'au dessus de cette mort liquide, ce qui permit à la jeune femme de se remettre à respirer.


- Je ne pensait pas qu'un jour j'arriverais à trouver un produit mariant si efficacement l'apparence du goudron et l'odeur des expérience de Teclis sur les fromages à pâte molle, dit dans une grimace de dégout. Enfin, sans doute ce truc doit-il brûler et être efficace, à défaut d'être supportable. Passez-moi la lampe et tenez moi le briquet je vous pris.

Il plongea un gobelet de métal suspendu à la vielle lampe par une petit chaine dans le produit et en remplie le réservoir jusqu'au bord, avant que Lùthien ne l'allume. Cette fois la lumière fût bien plus forte, éclairant à au moins quatre mètres et révélant des murs couverts de peintures et de mosaïques, où le bleu prédominait.
Ils contemplèrent alors la salle dans laquelle il se trouvait, une espèce d'anti-chambre relativement vaste et de laquelle partaient deux couloir taillé dans la pierre, l'un partant tout droit et l'autre sur la droite.


- Tout de même, cacher de si beaux ornements sous terre alors que presque tout le reste de la ville est désespérément blanc. Ces gens sont fous, non? dit avec un sourire à Luthien.

Elle lui renvoya la même expression en retour, et Exodus ne put qu'admirer le calme de Lùthien dans cette situation. Lui essayait de toujours trouver le côté amusant des choses pour réussir à grader le contrôle de ses nerfs et éviter les bêtises. Elle en revanche était juste calme. Qu'importe la situation, elle semblait garder le même état d'esprit imperturbable. Pire, elle semblait réellement s'amuser. Il commençait à l'admirer pour ça, pour son calme ainsi que pour son caractère enjoué. Et pour la manière dont la lampe éclairait maintenant sa tenue de cuir, trempée, moulante, et... Et stop, concentre-toi songea Exodus, tu ne sais pas encore où on est exactement et la situation est encore dangereuse. Le danger de mort d'abord, les pensées... autres, après.


- Bon, fit-il tout en se tournant vivement, je pense qu'on devrait prendre le chemin de droite, il parait le plus large. On arriva sans doute plus facilement quelque part. La lampe éclaire malgré tout moyennement, mieux vaut passer un par un. Je passe devant si ça ne vous gène pas. Et mieux vaut se tenir, histoire d'éviter les mauvaises surprises, d'accord?



Citation de Grendelor :


Malgré les indices, intentionnels ou non, que Lùthien laissait sur sa nature, Exodus ne semblait pas s'en préoccuper. Lorsqu'il alluma son briquet, les pupilles sensibles de la louve se rétractèrent rapidement sans qu'elle soit incommodée par la lumière. Grâce à l'avertissement, elle avait eu le temps de détourner le regard. La découverte du baril de pétrole lui causa une certaine frayeur mais l'instinct du Répurgateur, ou sa connaissance, leur évita une fin... brûlante. La Chasseuse retint un sourire à cette évocation. Elle eut plus de mal à cacher sa joie quand son compagnon proposa de continuer l'exploration d'une manière assez proche de celle qu'elle avait imaginée. Seulement, Lùthien avait l'esprit pratique et souhaitait avant tout survivre à cette exploration.

Passe devant si tu le souhaites. Cependant, entre ta lame et la lampe, tu seras déjà bien encombré. Se tenir me parait compromis. Même si je tenais ta ceinture histoire de te rattraper en cas de chausse-trappe, j'aurai plus de chance de te suivre que de te sauver vu la proximité. Par contre...

Lùthien défit sa propre ceinture, large tresse qui entourait deux fois sa taille, l'attacha à son poignet gauche d'un côté et la lia à celle d'Exodus de l'autre. Le Répurgateur la regarda s'affairer sur son pantalon d'un air surpris, vaguement choqué mais aussi... intéressé. La manière dont il l'avait détaillée à la faveur de la lampe n'avait pas échappée à la Chasseuse. Un sourire amusé et satisfait éclaira son fin visage.

Voilà, nous avons près d'un mètre cinquante de manœuvre je dirais. C'est peu et beaucoup. Peu en cas de combat, suffisant en cas de piège, beaucoup... Elle ne termina pas sa phrase, laissant planer le doute sur ce qu'elle avait voulu dire. Bon, donc, à droite. Je te suis. Je surveille les arrières.

Sauf que pour surveiller leurs arrières, la louve se fiait surtout à son ouïe et son odorat. Elle réserva sa vue essentiellement pour se délecter du paysage que lui offrait son compagnon de route.
Le chemin était effectivement assez large mais, comme on pouvait s'y attendre, trompeur. Ils n'avaient parcouru qu'une dizaine de mètre quand Exodus fit signe de s'arrêter et enjoignit Lùthien à venir voir. Il lui désigna un dessin sur le sol alors que jusqu'à présent les seuls ornements se trouvaient sur les murs, richement parés. Ici, le sol de pierre avait été peint, représentant un ange en adoration devant une madone. Encadrée, la peinture laissait deux étroits passages le long des murs.

A mon avis, on ferait bien de l'éviter. Je ne le sens pas ce tableau, fit Lùthien.

Ce qui était l'exacte vérité. Elle ne sentait rien du tout. Or, même des siècles après avoir été utilisée, la peinture dégageait toujours une odeur. Ce qui n'était pas le cas ici. Il y avait donc un truc qui clochait.



Citation de Exodus (...) :
-A mon avis, on ferait bien de l'éviter. Je ne le sens pas ce tableau

-Bien d'accord. Je crois me rappeler que dans le guide du survivant, ne pas marcher sur les symboles bizarres fais partit des premiers chapitres.

Il s'avança précautionneusement et se plaqua au mur, dans l'idée de longer celui-ci en évitant de marcher sur le portait de la madone. Tâtonnant la pierre de sa main libre tandis que la lampe avait été confié à Lùthien, il cherchait dans sa progression tout creux ou aspérité qui révélerait la présence d'un piège quelconque. Une fois la peinture dépassée, il resta encore quelques instants collé au mur, inspectant le sol se révélant après, essayant de repérer un second chausse-trappe camouflé, des fois que le premier n'eut été qu'un leurre. Après de longues secondes d’expertises agrémentées d'onomatopées fort savantes, il conclut qu'il n'y avait pas de piège. Ou qu'il ne le repérait de toute façon jamais le cas échéant.
Il se retourna pour dire à Lùthien que la vois était libre lorsqu'il remarqua avec surprise que celle-ci se tenait penché au dessus de son épaule, n'ayant pas attendue son signal et observant attentivement le même point qu'Exodus. Cette femme est décidément trop discrète songea ce dernier. Et un peu trop près aussi, lui communiqua son dos, mais ça c'était moins grave.

- Euh, je... j'ai vérifié... essaya de dire le Repugateur devant les yeux doré et le sourire épanoui de la jeune femme. Enfin, la route est libre quoi. Pas de danger. Immédiat en tout cas.

Ils continuèrent leur progression, Exodus essayant de calmer le rouge qui lui montait au joues pour sa plus grande gène et Lùthien savourant l'instant. Le couloir continuait sur plusieurs mètres avant de bifurquer par un coude à quatre vingt dix degrés, au milieu duquel était posté une nouvelle peinture, plus petite cette fois, et qu'il enjambèrent avec précaution.

- Dis, fit alors Exodus tandis qu'ils avançaient, je réfléchissait à quelque chose: il serait peut-être temps qu'on se mette d'accord sur ce qu'on cherche, non? Parce que tel qu'on est partie, on peut marcher en rond encore longtemps, et ces couloirs doivent serpenter sur des kilomètres. Aussi, la question est la suivante: cherche-t-on une sortie, qu'importe laquelle, ou bien une salle bien précise du style chambre au trésor ou encore lieu de conspiration? Par contre, ce n'est pas pour orienter ton choix, mais je te ferais observer que je n'ai pas eu le temps d'emporter des vivres ou de l'eau potable et que le seul liquide qui nous soit à disposition soit celui qui remplie actuellement la lampe. Après, si tu souhaite y goûter, je t'en prie, honneur aux dames.

Il s’interrompit quelques instants en remarquant que le sol semblait maintenant s'incliner légèrement, signe qu'ils s'enfonçaient dans les entrailles de Sûl-Nar. Il se retourna vers sa partenaire tout en marchant.

- Ça commence à descendre à partir d'ici, je crois que le choix est fait pour nous. Ce serait étonnant qu'on trouve une sortie si -

Il n'eu pas le temps de finir sa phrase que son pied glissa sur un étrange objet mou laissé au milieu du chemin, le faisant s'étaler de tout son long dans le couloir mais sans lâcher la torche pour autant. Pestant et grommelant, il se mit sur le dos et observa à la lumière la raison de sa chute. Surpris, il présenta alors à Lùthien une petite poupée d'enfant en tissus crasseuse.

- Qu'est ce que ce truc fait ici? demanda Exodus en commençant à se redresser.

Ils n'eurent pas le loisir d'avancer des hypothèses car retentit alors dans le couloir un "clic" inquiétant. En effet, en se relevant le Répurgateur venait d'appuyer malencontreusement sur la peinture d'un ange tenant une balance et, Exodus pouvait le jurer, souriant d'un air satisfait sous la lumière de la lampe.




Citation de Grendelor :


Lui dire ce qu'elle cherchait, en voilà une drôle d'idée, pensa Lùthien en écoutant Exodus. Comme si l'elfe allait lui dire "Mais mon cher, je cherche juste de quoi m'amuser !". Non, vraiment, quelle drôle d'idée. La Chasseuse en était là de ses réflexions quand son compagnon s'étala en marchant sur une vieille poupée de chiffons posée au milieu du chemin. Lùthien n'avait eu le temps de prévenir le Répurgateur, ni pour la poupée, ni pour la peinture. Le cliquetis annonciateur de malheur résonna lugubrement.

Vivement, l'elfe tira Exodus contre elle et se mit dos à lui. La balance lui inspirait une notion de justice prompte et aveugle. Quatre ouvertures apparurent dans les murs, laissant passer quatre hautes silhouettes de fer. Des golem. Insensibles à la douleur, en un matériau très résistant, ils étaient difficiles à abattre. Rapides et forts, c'étaient de redoutables adversaires. Toujours reliés par leurs ceintures, les deux compagnons d'exploration se mirent en position de défense.

L'attaque ne fut pas longue à venir. Par deux, dans un rythme effréné, utilisant à merveille leurs compétences martiales à l'épée, les golems tentèrent de découper l'elfe et l'Enfant de l'Unique. De son côté, usant de sa rapidité et de sa souplesse, Lùthien parvenait sans trop de mal à éviter les lames, par contre son allonge était limitée et elle avait des doutes sur la capacité de ses dagues à faire quoi que ce soit comme dommage à ces monstres d'acier. Désirant se laisser un peu plus de marge de manoeuvre, la Chasseuse se tourna au moment où une épée s'abaissait, tranchant ainsi le lien qui la retenait à Exodus. Pour autant, elle ne laissa pas une place suffisante pour qu'un golem se glisse entre eux, elle continua à défendre les arrières du Répurgateur. Pour le moment, elle jouait la montre, se demandant si son compagnon avait quelque chose en réserve pour calmer ces quatre gros. Lùthien espérait bien que oui, sinon elle allait être obligée de se dévoiler.


Citation de Exodus (...) :
En moins de temps qu'il n'en fallu pour le dire, le Répurgateur compris la raison du sourire satisfait de l'Ange tandis que les lourde silhouettes de métal se dirigeaient dans leur direction. La rapidité et la précision de leurs mouvements contrastaient avec leur carrure massive et trapue. Fabriqués dans le bruit hérétique d'imiter l'être humains, ces infâmes machines étaient dotés de bras articulés trop long en comparaison du reste de leur corps, mais se terminant par une lame des plus inquiétante. Entachées par des points de rouille, voire même ébréchées par endroit, elle n'en étaient pas moins mortellement efficace entre les doigts de fer de ces automates. L'Enfant ne se faisait pas d'illusion: un seul coup bien placé suffirait à lui broyer le corps, à défaut de le trancher, et ce n'était surement pas le plastron léger couvrant son poitrail et ses épaules qui le protégerait de quoi que ce soit. Quand à Lùthien... Il espérait sincèrement qu'elle parviendrait à esquiver assez longtemps pour éviter de finir en ornement mural.

Sortant Anathème de son fourreau, il actionna le briquet caché dans la garde et enflamma ainsi le fil de la lame d'une douce mais néanmoins braise. Il doutait de l'efficacité du feu sur ces créature mais, dans le doute, préférait utiliser tout ce qui était à disposition. La lampe avait été lâchée et gisait de travers sur le sol, continuant à éclairer la scène selon des angles nouveaux et chaotiques. Profitant de sa main libre, Exodus avait sorti sa main gauche pour parer plus facilement les attaques doublé de ses assaillants.

La jeune femme couvrait efficacement ses arrière en esquivant de manière audacieuse les coups portés par les golems, profitant de leurs mouvements amples pour rompre le lien qui les gardait rattaché et les privait par la même de marge de manœuvre. De son côté, le Répurgateur parait comme il le pouvait les violents coups qui lui était portés, essayant de trouver une faille dans la cuirasse des automates. Il parvenait pour le moment à gérer les assauts, la taille du couloir restreignant l'adversaires dans ses mouvements, mais le fait était qu'il ne pouvait jouer que sur la défensive. La plupart de son équipement était inefficace dans un lieu si exiguë - une fiole explosive pourrait avoir quelques effets secondaires indésirables comme la mort comique de son lanceur - et même si elle résistait remarquablement bien aux coups de boutoir des lames ennemies, son arme ne réussissait qu'à griffer le calice sang qui imprimait le poitrail des golems. Il avait bien une solution, mais il fallait du temps, ce que les être de métal ne semblait pas près de lui laisser.


- Long et périlleux est le chemin du croyant, commença-t-il à marmonner, et nombreuses les embûches à pouvoir lui faire rebrousser chemin...

Une lame jaillis soudainement sur la gauche de son crâne, qu'il dévia aussi vite que possible de sa rapière. La lame s'abattit encore une fois, et encore une fois l'épée incandescente couru le long du fil adverse pour en modifier la trajectoire. Ce faisant, l'Enfant plaça presque par réflexe une botte qui envoya Anathème raser le visage lisse et sans expression du golem, y laissant une estafilade étincelante au contact d'un métal plus mou.
Avec surprise, Exodus remarqua ce que l'éclairage erratique de la lampe et la crase lui avait caché jusque là: les visages des golems, d'une beauté simple et forcément païenne, étaient ciselés dans l'or. Autre surprise, les flammes de l'épée semblèrent perturber la machine hérétique qui chercha le contact de l'arme avec sa propre lame au lieu d'attaquer directement sous la garde du Répurgateur, comme le second golem s’apprêtait à le faire. Une idée folle germa alors dans la tête de l'Enfant, qui échangea sa main gauche contre un de ses pistolets tout en continuant à psalmodier.


- Mais je ne fuirais pas les obstacles que les ignorants placeront devant moi et avancerais, certain de ma Foi et de Son pouvoir... Dit-il tout en braquant le canon de son arme sur la tête du golem le plus proche.

Il esquiva un coup maladroit qui lui permit de passer au travers de l'ample garde du golem et, presque à bout portant, ouvris le feu sur le visage poli de l'imitation de métal, juste après avoir fermé les yeux pour se protéger de l'éclat. Dans le couloir mal éclairé, la détonation éructant de son pistolet à poudre suffit à donner l'impression d'une petite étoile, même au travers des paupières. Il recula promptement et contempla alors l'effet du tir. La balle de plomb avait enfoncé une bonne partie de son visage doré sans toute fois perce l'épaisseur du métal, mais la vive lumière semblait avoir suffit à provoquer la confusion la plus totale chez le golem. Celui-ci battait follement des bras, essayant de frapper la source de lumière si proche de son visage avec ses bras trop long. L'un fini par percuter le plafond, tandis que la main armé du monstre fit un tour complet, venant percuter son sosie situé juste en retrait, l'envoyant à la rencontre du mur dans un bruit terrible pour finalement retomber en arrière sur le dos.

- Aussi malgré tout ce que le destin pourra m'envoyer - Lùthien, attrape ça! dit-il en lui lançant un de ses pistolet derrière lui. Aveugle-les! - je resterais sur ce chemin sacré, et ce faisant, déferai les peurs m'assaillant!

Sans vérifier si la jeune femme avait comprit ses instructions, il se plaça dans la garde de son adversaire qui semblait se calmer et recherchait de nouveau l'Enfant de son visage d'ange pervertit. Il arma son bras pour un coup ascendant et prononça alors la fin de sa prière.

- Et ainsi pour toujours je marcherais avec Lui, défiant l'ennemi de ma Foi forgée en une épeé, et Sa lame guidera mon bras!

Le coup était lancé avant même la fin de la phrase. C'est au milieu du mouvement, alors que la lame du golem allait à la rencontre de la sienne, qu'Anathème se mit à irradier d'une vive lumière. Lorsque la lame mécanique percuta la fine rapière, ce fut cette dernière qui la sectionna à mi-longueur et ce sans effort de la part du Répurgateur. Sans attendre, celui ci trancha d'un coup sec la main serrant la garde, avant de lancer un violent coup de taille en direction du visage inanimé. Celui-ci se retrouva alors fendu horizontalement juste au dessus du nez, laissant choir le sommet du crâne et révélant par-là même un parchemin à moitié brûlé dans la cavité crânienne de l'automate. Ce dernier était maintenant figé, les mots le commandant étant détruit.
Exodus se retourna pour prêter main forte à Lùthien tant qu'il le pouvait encore. La lumière de sa lame s'estompait déjà, et la prière avait été tronqué et accéléré plus que de raison, rendant l'effet encore plus éphémère. Il n'eu pas le temps de prononcer un mot qu'un violent choc l'envoya percuter le mur de gauche, lui expulsant en une seconde tout l'air de ses poumons.
Luttant contre l'inconscience, et sentant Anathème lui glisser des doigts, il vit le corps du second golem avancer vers eux. Il avait réussi à se relever et avait projeté le corps désormais inutile de son jumeau métallique sur le Répurgateur, et comptait bien remplir son devoir en éliminant l'intrus. Entre les tâches noirs qui lui couraient devant les yeux, tout ce qu'Exodus parvenait à voir maintenant était le calice sanguinaire qui se rapprochait vers lui et une lame qui risquait bientôt de s'abattre sur son crâne.



Citation de Grendelor :


Ils étaient en mauvaise posture. Le Répurgateur faisait appel à la magie, qu'elle soit de l'Unique ou d'autre chose ne changeait rien à son essence. Les poils de Lùthien se dressaient au fur et à mesure de la prière. Elle évitait toujours assez facilement les attaques de deux golems de son côté mais ne voyait aucun moyen d'en venir à bout. Un coup de feu retentit, illuminant le couloir.

Lùthien, attrape ça! Aveugle-les!


L'elfe attrapa au vol le pistolet. Elle n'aimait pas les armes à feu mais savait les manipuler. Elle braqua donc le canon sur le golem de gauche, qui venait d'asséner une taille dans le vent et s'apprêtait à laisser sa place à son double, visa approximativement la tête et tira. Le recul la surprit. D'une torsion, Lùthien évita de percuter Exodus derrière elle, récoltant toutefois une estafilade du second golem. Un grognement lui échappa et l'elfe n'eut pas le temps d'apprécier l'effet de la détonation. Une vive lumière éclaira à nouveau le couloir. Le Répurgateur avait fini sa prière et venait de détruire l'un des golems. Un coup d'oeil rapide lui avait permis de comprendre comment il était parvenu à ce résultat.

Alors qu'elle s'en réjouissait, Lùthien vit Exodus voler contre le mur, menacé par l'autre golem. La Chasseuse tira par réflexe, n'obtenant qu'un léger ralentissement de l'assaillant. Les deux autres arrivaient sur elle. Elle devait réagir vite, sinon ils seraient découpés en tranche tous les deux.

Une masse sombre percuta le golem qui menaçait Exodus, l'envoyant rouler dans le couloir. Un coup de griffe puissant découpa la boîte crânienne et déchira le mot de commandement. Le golem cessa de s'agiter. Les deux derniers assaillants avaient stoppé un instant, sûrement décontenancés par le changement d'apparence de leur proie. Non pas que cela change grand chose pour eux, mais ils se fiaient à la forme pour pouvoir attaquer. Ce léger répit permit à la louve de revenir à la charge avant eux. Sa masse et sa puissance eurent raison de ses adversaires, beaucoup plus faciles à éliminer une fois qu'on connaissait leur point faible.

Haletante, Lùthien reprit sa forme humaine. Il lui restait un soucis : comment expliquer la disparition de tous ses vêtements ainsi que l'état des golems. Elle espérait qu'Exodus ne chercherait pas trop dans les détails. La Chasseuse s'accroupit auprès du Répurgateur et le secoua doucement pour le faire revenir à la réalité.

Rien de cassé? C'est marrant vos trucs qui font de la lumière mais la prochaine fois faudra mieux charger la batterie, fit-elle sur un ton ironique. Je crois qu'on approche du centre névralgique de Giudichar Kala vu la complexité des pièges. Vous me prêtez votre manteau? Il fait un peu frais...


Citation de Exodus (...) :
Le Répurgateur avait sombré dans l'inconscience au moment le moins propice, conservant comme dernière image celle de la lame ébréchée d'un golem prête à lui foncer dessus. Alors vint le noir, accompagné de l'absence totale de souvenir, le sentiment d'avoir perdu une éternité en moins de quelques secondes.
Il revint à lui par un frisson. Le genre de réaction automatique, celle d'un corps ayant reconnu les signes annonçant la présence d'un prédateur et répandant un froid intense dans l'épine dorsale, rappelant tout les sens à la scène.
Ses yeux essayèrent sans grand succès de s'ouvrir, et il ne put qu'imaginer les formes terribles qui se jetaient devant lui, à la lumière chaotique des feux de l'après. L'odeur était immonde, semblable à la viande faisandé de quelque victime et retournant l'estomac. Il cru entendre le grondement de la bête honnie au fond de son crâne, semblable à un roulement de tonnerre, attendant son heure avant d'éclater. Peut-être était-il bien mort.
Le noir à nouveau. Puis le contact d'une main sur sa peau. Contact répété et un brin trop violent, quand bien même il s'agissait de douceur mesurée. Il ouvrit les yeux et la vit se tenant devant lui, la lueur confuse de la lampe éclairant sa peau nue.


- Vous me prêtez votre manteau? Il fait un peu frais...

Il eut un mouvement de recul mu par le surprise et se cogna l'arrière de la tête contre le mur, lui faisant lâcher une brève bordée de jurons.
La douleur le réveilla plus certainement que toute les claques du monde, et il fixa de nouveau la femme nue, incrédule. Difficile de faire autrement, elle était si près de lui qu'elle occupait les trois-quarts de sa vision
.

- Deux solutions, finit-il par dire. Soit je suis mort, soit c'est un rêve. Dans les deux cas qu'on ne me réveille pas.

Le regard mi-amusé, mi-pressé qu'elle lui lança finit par le convaincre, ainsi que son début de bosse, qu'il s'agissait là bien de réalité.

- Euh, oui, oui, tout de suite!

Il se releva douloureusement, surpris de ne plus être coincé sous la carcasse du premier golem. Tournant le dos à Lùthien par politesse autant que par gène, mais certainement pas par plaisir, il commença à retirer son manteau, maugréant contre les douleurs qui lui prenaient les cotes ainsi que le bras gauche. Il en profita pour contempler le couloir, toujours éclairé par la lampe renversée et jonché de débris. Il tendis le bras derrière lui, tenant son manteau à bout de bras jusqu'à ce que la jeune femme le prit. Il s'accroupit alors pour récupérer sa rapière et remettre la lampe en place, éclairant au passage la scène de carnage.

Les golems avaient été renversés puis déchiqueté. Il ne s'agissait pas de coupures net comme celle que sa prière pouvait occasionner, et beaucoup trop profonde pour être le travail des dagues de Lùthien. L'un en particulier semblait avoir eu une épaule enfoncé par une énorme mâchoire carnassière, les marques de crocs se reflétant comme des impacts de balle à l'éclairage de la faible lampe. Le visage d'or avait fini arraché, le métal au déchiré comme du papier.
Quelle sorte de créature pouvait bien avoir agit ici? se demanda le Répurgateur incrédule. La profondeur des marques sur un métal aussi résistant que le corps des automates supposait une force et une masse hors du commun. Et extrêmement rapide: les deux golems ne semblaient pas avoir eu le temps de se placer, et aucune trace de sang n'était visible. A supposer que ça puisse saigner...

Lùthien l'appela alors à se retourner, ce qu'il fit sans vraiment faire attention. Elle lui demanda avec un sourire espiègle si le manteau lui allait, faisant un tour sur elle même. Elle le charmait, et ce avec un succès certain. Il sourit, un peu comme un idiot. Ses questions concernant les marques sur les golems commencèrent à refluer, jusqu'à ce qu'il lève la lampe et aperçue le haut de son visage.
Ses yeux d'or reflétait les flamme avec une beauté indécente, alors que ces cours cheveux noirs semblaient eux absorber toute lumière. Enfin, la lumière se refléta sur la peau claire de ses oreilles, deux pointes effilés émergeant de sous ses cheveux. Tout comme les reste, son voile avait été réduit en fragment de tissus, révélant les origines non-humaines.

Le Répurgateur se rapprocha lentement, sans qu'à aucun moment son visage ne trahisse ses pensées. Il se tint assez près pour lui caresser le visage, ce qu'il fit avec une réelle tendresse de la main droite.


- Lùthien, petite menteuse... lui murmura-t-il. Qu'est ce que tu m'as caché d'autre?

Il affichait toujours un sourire sincère, jusqu'à ce qu'il respire la senteur de sa peau.
L'odeur du parfum, celui que l'avait si envouté lors de leur première rencontre, avait disparu après le bain forcé et le combat. Avec cette proximité, il la sentait distinctement maintenant. Les humains sentaient souvent la sueur, accompagné d'un étalage d'odeur corporelles aussi varié que les individus. Pas les elfes: derrière la fragrance sucrée propres à ceux de son espèce flottait une autre odeur, agressant la narine avec d'autant plus de force à partir du moment où on la reconnaissait. Une odeur qui lui rappela des souvenirs et réveilla une douleur lancinante dans son poignet. Celle d'une vieille blessure, qui n'avait jamais vraiment voulu disparaitre malgré le pouvoir divin qui l'avait purgé. La senteur d'un mauvais souvenir.
Sa main gauche apparue sous la gorge de l'elfe en un instant, la pointe à deux doigts de percer sa douce peau. Cette fois les yeux du Répurgateur étaient froids, professionnels.


- Qu'est-ce que tu es?


Citation de Grendelor :

Lùthien



Évidemment, malgré son état, le Répurgateur n'avait pas perdu ses neurones. Ce qui était bien dommage. Autant Lùthien avait apprécié son réveil, autant la présence de la lame sous sa gorge n'était pas plaisante. Toutefois, l'elfe n'avait pas bougé et regardait intensément Exodus. Elle avait vu passer tout un tas d'émotions dans ses yeux mais elle n'avait pu tout comprendre tellement il s'était vite repris.

Ce que je suis? Certainement pas quelqu'un que fréquente ouvertement un membre de l'Unique, mis à part autour d'un bûcher, fit-elle d'une voix grave. Je connais bien les Enfants de l'Unique, je leur dois mes plus belles cicatrices, ajouta-t-elle avec un regard vers l'entrelacs de boursoufflures qui défiguraient son ventre. A cause des longues journées passées entre leurs mains, sache que je ne les approche que si je n'ai pas le choix. Je crois cependant que tu n'es pas du genre à te laisser aveugler par ta foi et que tu sais reconnaître tes vrais ennemis. Ce que je ne suis pas, reprit-elle après un silence.

La Chasseuse n'avait toujours pas bougé. Sa voix restait sereine et son corps était totalement détendu. Rien dans son attitude n'éveillait de suspicion. Cela l'embêtait de voir la réaction du Répurgateur, mais elle s'y étais attendue. Et préparée. Elle savait qu'elle aurait le temps de lui échapper, quand bien même elle pourrait être blessée. Son estime pour Exodus faisait qu'elle ne ferait rien contre lui, même s'il se retournait contre elle.

Si je me suis jointe à toi, c'est pour cette recherche. Tu seras d'accord pour dire que si je m'étais présentée comme tu m'as vue il y a quelques instants, tu aurais eu beaucoup plus de mal à accepter. Maintenant, tu peux refuser de poursuivre avec moi, voir même essayer de te débarrasser de moi. Je te rappellerai simplement ceci : nos poursuivants à l'extérieur ne nous ont certainement pas oubliés. Et même si tu parviens à éviter les derniers pièges avant d'atteindre le coeur de Giudichar Kala, qui semble être très proche vu ce sur quoi nous sommes tombés, il est peu probable que la zone soit vide et prête à t'accueillir les bras ouverts. Tu as le choix. Je t'ai toujours aidé jusqu'à présent.

L'elfe attendit patiemment. Détendue. Il avait les clés pour poursuivre.


Citation de Exodus (...) :
Le Répurgateur respirait lentement tout en écoutant les explications de la jeune elfe. Son regard ne trahissait qu'une attention teinté d'hostilité, le même genre de regard que celui accordé lors d'un interrogatoire. Pourtant, au fond de son âme, il hurlait de rage contre la trahison dont il avait été victime.
La trahison issue des secrets de la jeune femme, certes, mais également de celle de ses propres capacités. Il se maudissait de ne pas avoir su décelé les indices, les incohérences qui auraient pu le mener vers la vraie nature de Lùthien qui, au final, n'avait jamais essayé de cacher ses origines autrement qu'avec une simple pièce de tissu. Il avait commit l'une des erreurs les plus impardonnable de sa profession: faire confiance trop facilement, laisser ses émotions prendre le pas sur la raison et surtout cesser de remettre ses points de vu en question.
Mais il était trop tard: le mal était fait et il se trouvé lié à elle, d'une manière ou d'une autre. Etrangement, les mensonges par omissions de l'elfe lui faisaient plus mal que ce à quoi il se serait attendu, sans réussir à vraiment comprendre pourquoi. Il avait déjà été trompé. Mais jamais ça n'avait fais ça. Pas aussi mal.

Elle était déjà passé entre les mains d'Enfant. Peut étonnant: l'Inquisition en avait envoyé dans de nombreuses contrés pour mesurer et préparer le terrain. Qu'elle ai réussi à leur échapper malgré ses blessures, dont les terribles cicatrices n'étaient qu'un pâle reflet, étaient en revanche plus surprenant et révélait des capacités encore plus grandes que celles qu'elle avait montré jusqu'à présent. En résultait également une haine qu'il pouvait comprendre, vu qu'elle nourrissait également sa propre race à l'encontre des autre: celle qu'on réservait à son bourreau.
Et pourtant... Elle ne l'avait pas menacé, s'était approché de lui en ami et lui avait même probablement sauvé la vie. La vérité était que...


- Je t'ai toujours aidé jusqu'à présent.

Exodus regarda l'elfe, puis sa lame, posée contre son cou. Il réfléchit quelques secondes avant de soupirer et de reporter son regard sur Lùthien, ses yeux révélant une véritable déception.

- Donne moi mon pistolet, dit-il d'un ton plus froid qu'il ne l'aurait voulu.

Elle lui rendit l'arme d'emprunt lentement, sans effacer son expression déterminée. Il retira alors la lame de sa peau pour la ranger à sa ceinture, inspecta l'arme à feu pour vérifier qu'aucune poussière ne s'y était invité, puis enfin le rechargea pour le rendre à Lùthien en lui présentant la crosse. Elle avait la l'occasion parfaite de tirer mais il doutait sincèrement qu'elle presse la détente.

- Tu risque d'en avoir besoin si l'on tombe dans une embuscade, lui dit-il d'une voix qui était de nouveau sous maîtrise. Trois tirs avant recharge, évite juste de les tirer à la suite ou le troisième partira carrément dans le plafond.

Il se retourna pour se pencher sur la carcasse de l'un des golems. Pensif, il passa la main sur le blason représentant un calice rouge peint sur le corps de métal de l'automate. Chacun avait la même marque, affichant clairement leur appartenance à un ordre particulier. A un groupe de défenseur, songea Exodus.
Il finit par se relever et indiqua de la lampe la suite du couloir.


- On devrait reprendre inverser la formation, toi devant et moi derrière. Tu y verra sans doute mieux que moi dans l'obscurité et la lumière de la lampe ne t'éblouira pas ainsi. Il faudra prendre garde où l'on met les pieds, dit-il ensuite en ramassant la poupée qui avait provoqué sa chute. D'ailleurs je me demande bien d'où se truc peut sortir. Qu'est-ce qu'un enfant ferait ici?

Il commença à avancer, voulant éclairer le début de la marche. Puis il stoppa, avancer de se retourner au trois quart pour contempler Lùthien. A moitié éclairé, celle-ci redevenait la jeune femme dont il avait apprécié la compagnie jusqu'à peu. Un air moqueur mais charmeur, un visage pâle mis en valeur par sa chevelure noire. Le manteau était trop grand pour elle et elle se débâtait avec celui-ci pour réussir à le fermer convenablement, ce qui le fit sourire. Un sourire qui s'estompa vite quand lui revint en mémoire l'ombre menaçante d'une immense prédateur noir. Il resta quelques instant à la regarder, pour finalement décider que tout cela pouvait bien attendre quelques heures, le temps qu'ils sortent de ce dédale. Le tout était de ne pas oublier cette odeur carnassière, ni ce qu'elle pouvait impliquer.
Ils se remirent alors à avancer le long du couloir.


- Au fait, finit-il par dire au bout d'un moment, à propos des golems... Merci.


Citation de Grendelor :

Lùthien


Le plus dur était passé. S'il était clair qu'il ne lui faisait plus confiance, il avait néanmoins conscience qu'il pouvait comptait sur l'elfe pour lui sauver la peau dans cette aventure. Lùthien avait gardé le pistolet en main bien qu'elle fasse plus confiance à ses propres armes. Elle n'avait pas relevé la remarque sur sa vision et avait simplement pris place devant le Répurgateur. Le manteau la gênait mais elle ne pouvait le quitter sans provoquer une esclandre. Et la fraicheur ambiante n'était pas propice à une balade en petite tenue. Quant à sa forme de loup, elle était à proscrire pour le moment, il n'était pas sûr qu'Exodus saurait se retenir face à cette incarnation.

Elle en était là de ses réflexions quand il la surprit en la remerciant. La Chasseuse ne put retenir un large sourire, qu'il ne vit pas puisqu'il était derrière elle. Cependant, il se sentit à sa voix.

De rien, je n'allais pas les laisser te découper, ça fait mauvais genre comme partenariat
, répondit-elle légèrement. Et puis, si tu n'avais pas trouvé leur point faible, je n'aurai rien pu faire. Un prêté pour un rendu, conclut-elle philosophiquement.

Le couloir continuait sans embranchement. Régulièrement, peintures et gravures "égayaient" le sol, Lùthien les évitant soigneusement. Elle prenait garde à ne toucher à rien et ses sens étaient aux aguets. La poupée qui les avait mis dans cette situation périlleuse hantait la vision de l'elfe. Enfin, elle mit le doigt sur ce qui la gênait.

Elle était sale. La poupée. Fit-elle soudainement. Malgré que tout semble abandonné ici, il n'y a pas un grain de poussière. La poupée semblait sortir des bas-fonds de Galvorn. Or même l'endroit par lequel nous sommes arrivés respirait l'opulence et la grandeur. Soit il se trame des trafics étranges dans ces sous-sols, soit nous sommes encore plus attendus que nous le pensions.

Alors qu'elle finissait sa phrase, Lùthien s'arrêta brusquement, levant la main pour prévenir Exodus. La tête penchée, elle écoutait attentivement, sans s'en cacher à présent. Au fur et à mesure, de son poing fermé émergeaient des doigts : un, deux, trois, quatre, cinq... dix. Cliquetis d'arme, raclement de bottes, souffles retenus. Un détachement de défenseurs les attendait une vingtaine de mètres plus loin, après le coude sur la gauche qu'effectuait le couloir. Ce fut ce que l'elfe expliqua au Répurgateur dans un murmure.

Une stratégie?


Citation de Exodus (...) :



Exodus tentait de faire le vide dans son esprit, laissant le corps et ses réflexes prendre les commandes. Il suivait Lùthien en silence, peut enclin à parler, se contentant de suivre ses indications quand à la marche à suivre, et plus certainement les faux pas à éviter.
Il ne voulait pas penser, évitait de réfléchir par tout les moyens. Il laissait la place à un esprit plus analytique, observant la disposition des lieux et des différents ornements. Plus ils avançaient et plus les lieux gagnaient en cachet: le couloir, sans aucune intersection et légèrement en pente, s'enfonçait toujours plus loin dans le noir, la lueur erratique de la lampe révélant peu à peu le changement des pierres et le ton des ornements. La couleur ocre de la pierre sableuse laissait maintenant place à une palette plus variée, jouant sur les tons bleu et blanc d'un marbre de qualité, rehaussé ça et là de spirale peintes d'un rouge poussiéreux. Les peintures se faisaient plus nombreuses et plus somptueuses, mais également plus traîtresse, camouflées pour certaines dans les mosaïques qui fleurissaient sur le trajet.
Heureusement pour eux, l'elfe parvenait à repérer toute trace de piège assez tôt et évitait ainsi au deux explorateur toute nouvelle confrontation. Le Répurgateur admirait la démarche souple de la jeune femme (bien que pour ce qu'il en savait, le terme "jeune" ne signifiait plus grand chose), qui conservait un rythme soutenu et à la fois prudent, maîtrisant chacun de ses gestes au milieu de cette toile mortelle. Exodus avait déjà travaillé avec des mercenaires allanthropes, elfes pour la plupart, et avait à chaque fois été obligé de saluer leur dextérité et la capacité à se mouvoir de manière si parfaite, comme seuls ceux qui domptaient leur corps au bout de plusieurs siècles pouvaient y parvenir. Evidemment, cette maîtrise ne leur apportait rien quand une balle loyalement tirée dans le dos venait signifier la fin de leur partenariat, mais il en découlait néanmoins un certain respect. Lùthien inspirait pour sa part plus que du respect: de l'admiration.
Et c'était bien là ce qui contrariait le Répurgateur, lequel essayait sans réel succès de se préparer au moment où son partenariat avec elle devrait prendre fin.

Quand elle se mit à lui parler elle ralentit quelques peu le rythme, ce qui laissa à Exodus l'occasion de s'approcher d'elle un peu plus près. L'odeur était toujours là, de plus en plus diluée mais encore reconnaissable, ruinant ses projets de calme pour ramener à la surface ses sens le plus possible aux aguets.
Elle lui parla de la poupée. Certes, la question se posait, mais le pour le Répurgateur ce n'était que secondaire. Il cherchait à identifier, à recueillir des renseignements, pas à stopper un quelconque trafic d'esclave ou d'enfant. Pas encore, en tous cas.
Alors qu'il s’apprêtait honnêtement à répondre à ses inquiétudes, elle stoppa nette et lui intima silencieusement de rester immobile, sans un son. Elle lui exposa la situation au bout de quelques secondes, alors que lui-même essayait de distinguer le moindre bruit en provenance du virage.


- Une stratégie?

Le Répurgateur réfléchit pendant plusieurs secondes avant de finalement éclairer une petite boite en acajou qui était accrochée à sa ceinture par plusieurs attaches, de manière à la choquer la moins possible. Une fois la fine boite ouverte, elle révéla trois fioles de la longueur et de l'épaisseur d'un doigt d'adulte, soigneusement séparées par de multiples couches de gaze blanche, maintenant les fioles en place. Il en sortit délicatement une et referma la boite avant de la montrer à Lùthien.

- Cette fiole, murmura-t-il à l'elfe, peut se briser au moindre choc. Si c'est le cas, elle libère en moins de deux seconde un important nuage vaporeux, particulièrement irritant pour les voix respiratoires, et un peu moindre pour les yeux. Le nuage se dissipe en une quinzaine de seconde, mais c'est plus que suffisant pour rendre un homme en pleine santé aussi maladif qu'un mioche, et ce pour une bonne minute, même avec un mouchoir devant le nez. Seule solution: ne pas respirer. Ne me demande en revanche pas avec quoi c'est fait, seul notre Archiviste est au courant, que l'Unique soit loué. Bref, si l'on jette ça à leur pied et qu'on laisse agir pendant quelques secondes avant de se jeter, on devrait pouvoir prendre l'avantage, voir même un prendre un vivant. Evidemment, il faudra retenir notre respiration et s'attendre à ce que nos yeux piquent un peu, mais c'est la seule solution si l'on veut avoir l'avantage de la fumée en plus du reste. Il plaça alors la fiole entre les doigts surpris de Lùthien. A toi de la lancer: tu es plus discrète que moi et tu pourras t'approcher le plus près possible d'eux.

Elle le fixa quelques instants avant de sourire, puis partit lentement en direction de l'intersection, sans aucun bruit. Exodus admira encore une fois la grâce de son déplacement, bien que cette fois on pouvais y voir comme une sorte d'empressement. Le Répurgateur, étrangement, avait autant confiance en elle que dans ce qu'elle tenait en main: la fiole avait été soufflé par Teclis en personne, un chef-d'oeuvre de finesse composée de deux parois ultra-fine séparant deux produit chimiques dont seul Teclis avait le secret (mais dont Exodus soupçonnait la présence de Munster dans au moins l'un des deux), et qui une fois mélangés produisaient cet effet si particulier.
Lùthien pris quelques secondes pour jauger la distance des défenseurs, puis passa rapidement le bras de l'autre côté du mur. Un bruit de verre brisé se fit entendre et Exodus rejoignit Lùthien jute à temps pour la retenir, alors que quatre coups de feu étaient tirés en direction du mur. Lorsque le nuage d'un gris olive passa alors l'angle du couloir, les deux combattants se ruèrent à l'assaut.


Citation de Grendelor :
Lùthien



La fiole lancée, Lùthien se sentit retenue par Exodus qui l'avait rejointe. Faisant autant confiance à son partenaire qu'à son instinct, elle se laissa reculer en même temps que des détonations sèches se faisaient entendre. En quelques secondes, un nuage gris olive les entoura et les deux explorateurs se ruèrent à l'assaut.

L'elfe retint son souffle en plongeant dans la cohue. Elle ferma aussi les yeux, le Répurgateur l'ayant prévenue des effets de la fumée. Très sensible, Lùthien préférait encore se fier à ses autres sens que d'être perturbée par des yeux larmoyant et inutiles. L'escadre qui les attendait se composait maintenant de dix hommes toussant, nauséeux et aux yeux gonflés d'irritation. Ses dagues en main, la Chasseuse attaqua rapidement les deux premiers hommes sur sa gauche, armés de fusil. Ils ne la virent pas venir et furent proprement égorgés. Malheureusement pour Exodus et Lùthien, leurs adversaires n'avaient pas été assez bêtes pour rester collés les uns aux autres. Tous n'étaient pas touchés au même degré par l'étrange mixture et l'espacement entre chaque homme rallongeait le temps de combat. L'elfe hésita une seconde à se transformer à nouveau mais elle tenait à ménager la susceptibilité de son compagnon à son sujet. Aussi se contenta-t-elle de se débarrasser d'un mouvement d'épaule du lourd manteau d'Exodus qui la gênait pour combattre.

Trois hommes, lame à la main, s'approchaient d'elle. Leurs yeux à demi-fermés s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise quand l'elfe se retrouva nue devant eux. Cette infime hésitation signa leur mort. Souplement, Lùthien bondit sur celui du milieu dont elle trancha la gorge avant de l'envoyer sur l'homme à sa gauche. Profitant de l'impulsion que le mouvement lui donnait, elle plongea sa dague dans la poitrine de l'adversaire de droite et revint achever celui qui se retrouvait empêtré dans le corps de son camarade. De son côté, Exodus avait éliminé les deux autres porteurs de fusil. Il était heureux pour eux que le détachement ne soit pas plus puissamment armé car, malade ou pas, les tireurs leur auraient causé beaucoup d'ennuis.

Même si elle pouvait en principe retenir son souffle pendant quelques minutes, le fait de combattre obligea Lùthien à reprendre sa respiration alors qu'il restait encore trois des attaquants. Aussitôt, l'air lui déchira les poumons et lui retourna l'estomac. Les hommes du détachement qui étaient resté à l'arrière remarquèrent tout de suite son malaise et convergèrent rapidement vers l'elfe. Ils ne semblaient pas atteints par les fumées qui n'avaient pas dû les atteindre. Elle les entendit prendre une longue inspiration avant de se jeter sur elle.

Ses muscles lui paraissaient mous et sans ressort. Son esquive fut lente et maladroite. Heureusement qu'elle combattait des hommes et non des gens de son peuple car cela lui aurait été fatal. Une lame s'enfonça profondément dans son flanc droit alors que sa dague coupait l'artère fémorale de l'homme sur sa gauche. La douleur et la nausée la firent ployer. Les pas d'Exodus s'approchant lourdement, lui aussi devait à présent être sous l'effet de la mixture lui suggérèrent de rouler à terre. Deux détonations rapprochées s'entendirent, suivies du bruit de deux corps s'écroulant.

Enfin, seuls les halètements des deux compagnons résonnaient dans le couloir. Toujours sans ouvrir les yeux, Lùthien gémit :

Faites-moi penser à ne jamais rencontrer votre alchimiste, il fait des choses ignobles. C'est un peu trop efficace.

La main sur son flanc, compressant tant bien que mal la large blessure, Lùthien se redressa en grimaçant.

J'espère qu'au moins ces hommes défendent quelque chose qui en vaut le coup. Pour des souterrains abandonnés ils sont un peu trop fréquentés à mon goût.


Citation de Exodus (...) :


Exodus avait traversé le nuage en maudissant intérieurement Teclis, les Archiviste en général et ses propres idées fumeuses, au sens propre comme figuré. Lùthien s'était élancé en même temps que lui mais bien plus vite et il avait eu du mal à suivre son rythme, d'autant plus que le nuage ne lui permettait pas de voir à plus de trente centimètres. Il était tombé nez à nez avec un premier tireur, occupé à recharger son arme, et s'était contenté de lui planté une longue dague dans le torse jusqu'à la garde. L'homme enturbanné s'était alors écroulé en avant, sans un bruit. Un toussotement trahit le tireur suivant, qui avait presque fini sa recharge. Exodus, dont les yeux commençait déjà à piquer et pleurer, avait alors foncé sur son adversaire, le transperçant de par en part avec Anathème tout en poussant droit devant lui pour sortir du nuage (et au passage se servir de sa victime comme de bouclier, si d'aventure il restait des tireurs). Lorsqu'il avait émergé de l'irritante fumée, il avait aperçu Lùthien, laquelle achevait un ennemi qui venait de lui porter un violent coup au flanc, et surtout les deux derniers soudards qui s'apprêtaient à se jeter sur elle. Lâchant la garde d'Anathème et laissant sa seconde victime tomber au sol, la lame toujours au travers du corps, il saisit les deux pistolets fixés à ses bandoulières et, priant pour que sa visée soit juste malgré ses larmes, pressa les détentes.

Lorsqu'il aspira violement en s'approchant de Lùthien, qui s'était instinctivement jeté à terre lors de son intervention, il ne pu réprimer une violente quinte de toux. Ses yeux avaient beaucoup souffert du nuage, et la privation d'oxygène était éprouvante sur une période aussi intense. Il vint se mettre à côté d'elle, pour une fois peut regardant à l'égard de sa nudité, et toussa de plus belle en essayant de rire lorsqu'elle fit mention des talents de Teclis. Les yeux rouges et inondés de larmes, il ouvrit de nouveaux la petite boite accrochée à son flanc et en tira une nouvelle fiole qu'il présenta à l'elfe.

- Nous somme sans doute tombé en pleine saison touristique, toussa-t-il à la dernière remarque de sa camarade. Dis-moi, c'est bien une fiole jaune? Je n'arrive même plus à voir mes mains.

L'elfe acquiesça en examinant la petite fiole dont le verre teinté citron présentait d'étrange reflet à la lueur des torches qui parcouraient le mur. Etrange, nota-t-elle au passage. Jusqu'à présent, les couloir étaient restés plongés dans le noir. Le Répurgateur ne pouvait de son côté pas observer ce détail, occupé qu'il était à se frotter vivement les yeux de sa main libre.

- Parfait, alors tu vas en boire le contenu. Ca te permettra de supporter la douleur, à défaut d'aider la cicatrisation. Et ne t'inquiète pas, il n'y a pas d'effet secondaires, je n'ai pas l'intention de te droguer, réussi-t-il à dire avec un sourire qui disparu aussitôt derrière une violente toux.

Cela était vrai à condition de ne pas considérer l'euphorie et l'adrénaline comme des effets secondaires, évidement. De plus, Exodus était curieux de savoir si une quelconque réaction spécifique était à prévoir lors de l'ingestion du produit sanctifié par quelqu'un comme Lùthien. Peut-être de quoi infirmer ou confirmer ses doutes.

Si réaction il y eu, alors il n'en sut rien. Ils restèrent assis quelques instant l'un à côté de l'autre, suffisamment éloigné du nuage, attendant que ses damnés effets ne se dissipent enfin. Au bout de trois minutes, les yeux du Répurgateur finirent par retrouver leur utilité et celui-ci se mit alors debout, la main devant la bouche pour étouffer un dernier toussotement. Il se dirigea alors vers les corps des hommes blanc et bleu, récupérant ses armes et nettoyant le sang qui entachait les lames sur leurs habits auparavant immaculés.

- Bon, on s'en est sortit vivant, c'est déjà ça. Dommage qu'on ai pas réussi à en récupérer un seul de vivant, dit-il en donnant un coup de botte dans un des hommes sur lequel il avait tiré.

La patrouille avait été exterminé avec une efficacité effrayante. Toute les victimes de l'elfe avait été tué d'un seul coup net et précis, et avec une rapidité étonnante, même pour son espèce. Je ne pouvais rêver d'une meilleure alliée pour cette mission, songea Exodus en la regardant replacer son lourd manteau sur ses épaules nues, non sans satisfaction. Ni de plus dangereuse.

- Je propose de continuer en suivant les torches, finit-il par dire. Vu que tu es blessé, mieux vaut inverser les positions, au moins pour un temps. Et puis avec cette éclairage je devrais mieux y voir qu'avant. Si tu as besoin que l'on se repose, avertis-moi de suite.

A vrai dire, il s'inquiétait pour elle, rapport à l’impressionnante blessure qu'elle avait reçue. Hélas, ils ne pouvaient se permettre d'attendre plus longtemps: si une nouvelle troupe venait à les rattraper par l'autre côté, il n'auraient sans doute aucune chance d'en réchapper. La seule solution était de mettre le plus de distance entre eux et d'éventuel poursuivant, quitte à se jeter sur des patrouilles qui, elles au moins, ne s'attendraient pas à les voir arriver.
Ils marchèrent un long moment sans rencontrer de patrouilles supplémentaires. Les lieux étaient de plus en plus décorés, le tunnel s'élargissant et laissant apparaitre des éléments nouveau tel des colonnes ou des niches, et les chausse-trappes furent étonnamment moins nombreux. Enfin ils finirent par arriver à une intersection, où ils durent se glisser dans l'une des niches pour se cacher au dernier moment de l'arrivée d'un patrouille d'au moins une demi-douzaine d'homme. Ceux-ci passèrent en silence, à l'exception d'un sanglot d'enfant, qui résonna longtemps après que les gardes eurent disparu derrière un virage.

Les deux compagnons les suivirent à pas de loups, espérant ne pas rencontrer de nouveaux hommes arrivants en sens inverse. C'est au bout de dix nouvelles minutes que Lùthien fit alors remarquer un bruit de fond de plus en plus persistant, comme une foule au travail. C'est en se dissimulant d'une nouvelle patrouille qu'ils parvinrent à en identifier la source.
Ils se glissèrent en effet dans une niche qui se révéla être un ancien couloir désaffecté, qu'ils suivirent en courbe sur une vingtaine de mètres avant de tomber sur un mur de brique scellant le passage. Toutefois, plusieurs briques avaient été décelées par le temps ou des coups répétés, et ils virent alors une salle immense au travers des orifices.
Celle-ci était à la fois décorée avec soin et faste, un marbre rouge dallant le sol tandis que des colonnades peintes soutenait une voute aux milles couleurs, et les murs couverts de tapisseries . Des meubles de bois rare occupaient ça et là les angles et les murs, les panneaux de bois recouverts de dorures et incrustés de pierre précieuse. Puis se succédait les statues, les jarres débordants de richesses, les tapies et autres butins qui s'amoncelaient de manière de plus en plus anarchique, formant des monticules plus haut que deux hommes.
Naviguant entre ces amas de richesses, des hommes en blanc trainaient avec eux de nouveaux échantillons de richesses, butins durement gagnés, à défaut d'être légalement obtenus. Et parmi ses richesses, certaines étaient enchaînées. Dirigés par des matons qui usaient du fouet comme des insultes, ils étaient ensuite parqués dans un des angles de la salle, où se regroupaient pas moins d'une cinquantaine de jeune gens, aucun n'ayant apparemment plus de vingt ans. La majorité était même clairement composé d'enfants.
Enfin, trônant sur une large esplanade accessible par un escalier de bois, une large table de bois et de pierre était entourée par une dizaine d'hommes et de femmes aux vêtements richement décorés, mais toujours à dominante blanche et bleue.


- Je crois qu'on est tombé sur quelque chose de gros... Très gros, dit Exodus en mesurant mentalement la taille de la pièce. Ce lieux serait parfait, songeait-il: propre, spacieux. Meublé, même. Et fournit avec ce qui semblait être un capital fixe plus que raisonnable. Le problème était les quelques parasites qui semblaient avoir investit la place. Il posa un regard sur Lùthien: ton avis sur la situation?


Citation de Grendelor :

Lùthien


Si l'elfe avait paru suspicieuse devant la fiole jaune, elle l'avait bu sans rien dire. Tout de suite, une drôle de chaleur l'avait envahie. La douleur avait reflué, lui permettant de se redresser sans grimacer. Lùthien avait alors suivi Exodus sans rien dire. Et il était bon qu'il soit devant, ne remarquant pas ainsi les transformations qui agitaient sa compagne. Si les effets secondaires étaient l'euphorie, et elle avait effectivement envie de rire bêtement devant certaines scènes, l'adrénaline qui courait dans ses veines avait un effet plus difficile à cacher : sous les assauts de l'hormone, le loup remontait et Lùthien peinait à maintenir une apparence anodine. Concentrée sur la jugulation de la transformation, elle était heureuse que ce soit le répurgateur qui ouvre la voie et repère les pièges. Elle en aurait été incapable. Pour le moment, seuls ses ongles, beaucoup trop longs, et ses dents, qui menaçaient de devenirs carrément proéminentes, trahissaient sa nature. Mais il ne faudrait pas grand chose pour que les changements s'accélèrent sans qu'elle puisse les retenir.

Quand ils arrivèrent dans le réduit permettant l'observation de la grande salle d'apparat, comme Lùthien avait décidé de l'appeler, l'excitation qui la parcourait monta encore d'un cran. Elle savait qu'elle allait devoir libérer cette tension et seul un carnage pourrait la soulager. La fiole avait réveillé la bête assoiffée de sang qui dormait en tout être vivant et, aidée par la nature du démon l'habitant, réclamait son dû. L'elfe répondit avec difficulté, d'une voix grave et gutturale.

Je déteste vraiment cet alchimiste... Tu vas vite connaître mon avis et tu vas sûrement le regretter...

A peine ces mots sortis de sa bouche, Lùthien acheva sa transformation. Elle avait eu la présence d'esprit de se défaire du manteau d'Exodus juste avant, lui évitant de disparaitre, et celui-ci avait pu noter que la profonde blessure à son flanc était quasiment refermée. Juste avant de noter la boule de poils noirs qui défonçait le mur d'un coup d'épaule monstrueux et atterrissait au milieu de la salle, semant la panique et l'effroi.

Quand Exodus la rejoignit d'un bond, la louve avait déjà éventré la quinzaine de gardes qui trainaient les lourdes richesses et les esclaves pleurant. Du sang maculait les murs et le sol, les pattes et le museau de la bête. Afin de dépenser un maximum d'énergie et d'adrénaline, Lùthien avait pris la taille d'un poney environ. Cela lui avait permis de garder un certain contrôle, notamment sur sa lucidité afin d'éviter de tuer tout le monde sans distinction. Elle hurla vers le répurgateur, d'un ton rageur :

Ne me donne plus jamais rien sans me dire ce qu'il y a dedans !


Et elle fonça sur le groupe de personnes richement vêtues qui s'étaient rassemblées derrière la table, dégainant épées et pistolets. Les balles fusèrent à ses oreilles tandis que le bois de l'imposante table volait en éclat sous le poids de la louve. Elle allait les massacrer pour évacuer sa rage dûe autant à l'alchimiste des Enfants de l'Unique qu'à la présence de ces enfants enlevés à leurs familles.


Citation de Exodus (...) :


- Je déteste vraiment cet alchimiste... Tu vas vite connaître mon avis et tu vas sûrement le regretter...

Exodus n'avait pas eu le temps de se poser plus de questions que déjà le mur de briques volait en éclat et qu'un boulet noir et furieux atterrissait avec fracas au milieu de la salle et de ses richesses, éparpillant ces trésors aux quatre vents, ainsi que leurs gardiens.
Le Répurgateur regarda incrédule le vide qui occupait maintenant ses côtés puis lança un bref coup d'œil à sa réserve de fiole. Par l'Unique, il n'y avait là dedans que des produits sains! Enfin, presque sains. Enfin, d'après Teclis. Ou plutôt d'après l'ouverture d'esprit au combien importante de l'alchimiste quand il s'agissait des effets secondaires...
Avec un frisson à la pensée du nombre de fois qu'il s'était servie de ces fioles pour son usage personnel, Exodus se promit de ne plus y toucher avant d'avoir fait cracher à l'Archiviste leur composition dans le détail (sauf la petite violette, là, celle qui avait un si bon goût de caramel et sentait la groseille malgré l'étiquette "détachant pour métaux").
Il essaya de se focaliser sur le monstre C'était un ombre folle, impossible à fixer tant elle était rapide à passer d'un tas de trésors à un autre. Seule la permettait de la suivre une trainée sombre comme la nuit, qui était presque immédiatement suivie par des hurlements et des giclés carmins. Une boule le saisit à l'estomac lorsqu'il aperçue enfin le bête, le temps d'un battement de cœur, avant qu'elle ne s'élance à nouveau. La forme qu'il pensait avoir imaginé durant l'affrontement contre les golems lui revint en tête avec violence, et avec elle des souvenirs anciens accompagnés d'une sourde douleur au poignet.

Il sortit sa rapière et se jeta alors à la suite de la... créature, à défaut d'une définition plus appropriée, bien décidé à reprendre le contrôle de la situation, ainsi qu'à clore les vieilles histoires. Plus facile à dire qu'à faire en réalité: la grande salle était devenue un chaos sans nom et déjà plus d'une dizaine de corps (ou tout du moins quelques morceaux les composant) était éparpillé un peu partout au milieu des monceaux d'or et de joyaux. Les esclaves hurlaient de peur, certains tentaient de s'échapper par les couloirs mais la majorité restait pétrifiée, blottie contre les colonnes ou les sculpture, et les fuyard étaient vite repoussés par les nouveaux hommes d'armes qui arrivaient des couloirs latéraux.
Hélas pour Exodus, certains d'entre eux s'étaient rendu compte qu'il ne ressemblait pas à un esclave et qu'il serait surement plus facile à tuer que le monstre. Il eu juste le temps de se jeter de côté pour éviter de se trouver empalé par une lance à pointe large, laquelle frôla sa joue de bien trop près à son goût. Il dévia la hampe avant que l'enturbanné n'eu le temps de retrouver son amplitude de frappe et gratifia se dernier d'un coup de couteau au travers de la gorge, couteau qu'il lança dans le sternum d'un second combattant qui se jetait sur lui. Celui-ci tomba sur le dos en braillant, et le Répurgateur acheva ses souffrances en plantant Anathème droit dans son cœur avant retourner poursuivre la créature.
Lorsqu'il la rejoignit, celle-ci avait la forme d'une louve à la taille aussi improbable qu'effrayante, entouré de ce qui était il y avait encore quelques secondes des hommes d'armes intactes et surtout en seul morceau. La louve tourna dans sa direction un mufle d'où s'écoulait un sang épais.


- Ne me donne plus jamais rien sans me dire ce qu'il y a dedans !


Elle s'élança ensuite d'un bond en direction de l'estrade, laquelle abritait ceux qui semblaient être les maitres des lieux et qui ne savaient où fuir.

- Comptes là-dessus, murmura Exodus avec un regard vengeur, tu peux être sûre que la balle sera en plomb bénie et rien d'autre.

Il se mit au trousse de la louve mais n'eu pas le temps d'atteindre l'escalier que déjà une partie des renforts convergeait vers lui. Il vit deux hommes lever leur fusil à rouet, et constata à grande peine l'absence totale de couvert. A moins que... Il saisit par l'épaule l'un des esclaves qui gémissait le long des marches et le dressa devant lui avant de charger en direction des tireurs, l'esclave hurlant et gesticulant. Sans doute surpris, ces derniers lâchèrent leurs coups avec précipitation, un plomb atterrissant dans l'épaule gauche de l'esclave et l'autre partant s'enfoncer dans le bois de l'escalier. Exodus lâcha l'esclave devenu inutile, lequel s'écroula au sol en pleurant, et fonça vers les deux hommes qui jetaient déjà leurs fusil pour saisir leur sabre. Le premier n'eue pas le temps de sortir son arme car déjà la main gauche du Répurgateur lui avait percé le haut du cou. Le second lança un assaut ascendant qu'Exodus para de sa rapière tout en se déportant sur la gauche. L'homme revint avec un coup de taille sur le flanc droit, auquel l'Enfant opposa sa lame basse et, prolongeant le mouvement pour se trouver derrière lui, planta sa main-gauche dans le dos de son adversaire. Celui-ci tomba à genoux en lâchant son sabre, tentant désespérément d'attraper la dague dans son dos, avant qu'Exodus ne la retire d'un coup sec et le pousse à terre d'un coup de botte.
Sans un regard pour l'esclave au sol qui tenait son épaule en pleurant et gémissant (le remord aurait impliqué l'absence d'oreilles modèle extra-longues), il retourna vers la mezzanine. Il trancha toute fois les liens ce ceux qui étaient encore groupé aux pieds de l'escalier et les incita à prendre des armes. Avec un peu de chance, ils divertiraient les gardes assez longtemps...
Montant les marches quatre à quatre, il finit par tomber sur une scène de carnage. La louve avait déjà éventré la moitié des résidents, et les quelques survivant reculaient le plus loin possible de ses crocs, leurs armes pitoyablement dirigées vers la bête.

D'un point de vue professionnel aussi bien que personnel, Exodus se moquait bien de leur mort. Le trafic d'esclave était une chose exécrable et illégal, mais c'était là le boulot des agents municipaux et des gendarmes, pas d'un Inquisiteur. Si encore l'un d'eux avait fait des signes bizarres en parlant une langue perdue, là oui, ce serait son domaine, mais dans l'état actuel des choses ses vœux dirigeaient plutôt son attention sur la louve de la taille d'un petit cheval qui grondait en direction des futurs repas. Toutefois, l'Enfant avait pris confiance qu'il ne pourrait efficacement affronter toute une horde d'hommes en armes, même avec "l'assistance" de la louve. Il leur fallait une sortie de secours. Des otages, par exemple...

Il se jeta entre Lùthien et les dignitaires, braquant un pistolet en direction de son mufle.


- Pas ceux-là, la bête! On en a encore besoin pour sortir d'ici! Si tu en veux d'autres, il y en a plein qui arrivent depuis les galeries, amuses-toi avec eux.

L'envie de tirer était forte. Très forte. Mais il fallait d'abord penser à survivre. Survivre, et faire en sorte que le démon ne suive pas le même chemin.



Citation de Grendelor :

Lùthien



La frénésie retombait lentement. Lùthien gardait suffisamment l'esprit clair pour entendre ce que lui dit Exodus. La louve abandonna donc les quelques esclavagistes encore vivants et fusa jusqu'aux renforts qui tentaient de les déborder. Au passage, elle décapita un garde qui tentait de contenir les esclaves en fuite, n'hésitant pas à les frapper. La rage flamba à nouveau dans le regard de Lùthien et ce fut avec une ardeur décuplée qu'elle faucha le premier rang de soldats qui arrivait.

Ils étaient une vingtaine à avoir surgit des couloirs. Comme pour lui faire plaisir, ils s'étaient regroupés afin de faire face au démon. Lùthien se jeta dans la mêlée avec délectation. L'adrénaline due au combat et à la fiole de l'alchimiste se mélangeait à sa haine personnelle envers ces espèces de cloporte qui achetaient et vendaient des vies comme du pain. Malgré sa taille, elle était très rapide. Pourtant, toute occupée à tailler en pièces ses adversaires, elle n'évita que peu des coups qu'on lui administra. Son pelage noir était poisseux de sang, aussi bien du sien que de ses victimes. Elle s'en fichait éperdument. D'une part, ce n'était que des égratignures et elle n'aurait aucun mal à en guérir. D'autre part, elle sentait dans le moment qu'elle vivait comme un parfum de confrontation finale. La louve n'avait pas besoin d'être télépathe pour sentir tout le bien que le Répurgateur pensait du démon qui était à ses côtés. Elle sentait bien qu'il guettait l'occasion de s'en débarrasser. Pour autant, il n'était pas bête au point de le faire avant que la situation ne soit sous contrôle.

En une dizaine de minute, la bête eut nettoyé les derniers soldats vivants, le flot s'étant tarit rapidement. Il fallait bien que ça arrive à un moment ou un autre. De son côté, Exodus avait rassemblé les esclavagistes, tremblant de stupeur et de terreur, les avait dépouillés de leurs armes et avait trouvé de quoi les attacher solidement, les mettant dans la même situation que leurs esclaves habituels. Il n'avait rien perdu du combat qu'avait mené Lùthien et il était prêt. Enfin, il le croyait. Car, à peine le dernier corps s'écroulait-il, que Lùthien était sur lui. Il se retrouva plaqué au sol, légèrement sonné. Il tenait toujours solidement ses armes.

Tu as de la chance d'être encore en vie. Et tu as surtout de la chance que je ne sois pas l'un de ses simples corps habités par des démons. Mon esprit est plus fort que le sien. Mais il ne faut pas réveiller la bête assoiffée de sang qui dort en chacun de nous. C'est dangereux. Et encore plus quand elle peut s'incarner comme la mienne. Je me demande à quoi ressemblerait la tienne si tu avais cette possibilité...

Les mots étaient sortis rapidement et clairement, preuve qu'elle avait toute la maitrise de son corps. Et le ton pensif qu'elle employa sur la dernière phrase contenait de multiples sous-entendus.

La prochaine fois, emmène-moi dans un endroit plus calme et je te montrerai qu'il y a des façons plus agréables d'éliminer son adrénaline...

L'intonation, à la fois ironique et suggestive, laissait surtout entendre deux choses : d'un part qu'elle n'avait aucunement l'intention de tuer le Répurgateur, quoi qu'elle puisse penser des engeances des Enfants de l'Unique; d'autre part, qu'elle pensait pouvoir s'en sortir indemne. C'était ce qui pouvait paraitre le plus choquant. Était-elle donc si naïve qu'elle puisse penser qu'Exodus n'allait pas la tuer? Ou bien savait-elle qu'il ne pourrait pas? Effectivement, Lùthien savait qu'elle pourrait s'en sortir. Elle pourrait s'enfuir avant qu'il ne lui porte un coup fatal. Et elle savait aussi qu'il était difficile de lui porter ce coup.

Ne songe pas trop à me faire la peau, Exodus. Je ne suis pas si différente de toi que tu le penses. Certes, j'ai les oreilles pointues et j'ai l'étrange don de pouvoir me transformer en loup. Ce qui, soit dit en passant, t'as beaucoup rendu service... Mais comme tout don, ou malédiction, ou comme tu voudras l'appeler, il y a un revers.


Au fur et à mesure qu'elle parlait, les yeux fixés dans ceux du Répurgateur, son corps rapetissait, s'affinait et reprenait sa forme elfique. Processus parfaitement contrôlé qui pouvait s'arrêter ou reprendre dans l'autre sens dès qu'elle en sentirait le besoin.

Le rejet, même quand on protège. La méfiance, même de ceux qui nous connaissent. Et la haine, de tous ceux qui ont peur. Comme les Enfants de l'Unique. Dis-toi que si tu veux me tuer, il faudra être meilleur que le groupe qui m'avait capturée il y a près de 50 ans. Et qui ont amèrement regretté de n'avoir pas mieux su doser leurs drogues avant de faire leurs petites expériences sur moi.

Elle était redevenue normale, nonchalamment assise sur le ventre d'Exodus. Machinalement, à l'évocation de ses tortionnaires, elle passa une main sur le lacis de cicatrices boursoufflées qui parcourait son ventre.

Évidemment, ce n'est pas ton genre, tu es plus direct. Et même si je ne crains pas la mort, je ne suis pas bête au point de te dire tout ce que j'ai pu apprendre sur moi grâce à vous, Enfants de l'Unique. Toutefois, sache ceci, être béni par l'Unique n'a strictement effet sur moi.

Elle doutait que son discours affecte réellement le Répurgateur. Elle avait maintenu une pression suffisante pour qu'il ne puisse l'interrompre physiquement mais tout se terminait maintenant. Parce qu'elle n'était pas venu ici pour rien, Lùthien se pencha sur Exodus et posa délicatement ses lèvres sur les siennes, tout en relâchant la poigne qui le maintenait au sol. Il lui suffirait d'une seconde pour s'échapper et la même seconde suffirait à l'elfe pour s'enfuir.




Citation de Exodus (...) :
C'est un monstre! Un démon, l'hôte maléfique d'une puissance lupine et impie! Et une elfe pour couronner les tout, un misérable allantrhope qui -
Oh, et puis merde.
L'Enfant ne fit rien pour retirer les lèvres de Lùthien des siennes, répondant même au baiser avec un entrain certain. Lentement, il lâcha l'une de ses armes et passa doucement sa main gauche dans les cheveux puis le long de la nuque de l'elfe.


Par l'Unique, on va se faire cramer pour ce coup là, lui hurlèrent toute les cellules de son corps. D'un autre côté, une superbe femme se tenait nue, assise sur ventre et occupée à l'embrasser. Les deux s'équilibraient sans doute, n'eut été ce maudit plastron. Foutue tenue régulière! Quoique, à bien y réfléchir, le pantalon réglementaire en cuir rigide n'était pas de trop.

Quand finalement il s'interrompirent, Exodus ne pu réprimer un sourire niai, qu'il essaya de virer charmeur sans grand succès, en partie à cause du rouge qui lui était monté aux joues.

- Cinquante ans, hein? L'honnêteté m'oblige à dire que j'en ai connu des bien moins conservée après une telle durée. Pas que ça me déplaise. En fait je crois même que j'apprécie assez la situation. Toutefois...

Le Répurgateur, toujours dos au sol, releva la tête pour jeter un coup d'oeil vers le lot de bandits enchaînés qui semblaient un brin déstabilisés par la tournure des évènements. Sans doute s'étaient-ils attendus à ce que le loup dévore le type au chapeau, au lieu de le bécoter.

- Toutefois je trouve qu'il y a un peu trop de monde ici. Il plongea son regard dans les yeux de l'elfe. Et bien que ça me fende le cœur - presque autant que mon code professionnel, en fait - j'ai bien peur qu'il ne faille nous relever et finir ce pour quoi nous somme venus. Mais je prend note de la proposition précédente sur l'adrénaline, fit-il avec un clin d'œil.

A contrecœur, ils se relevèrent, Lùthien cherchant de quoi sommairement se couvrir parmi les nombreuses pièces d'étoffes tandis qu'Exodus ramassait son arme, marmonnant malgré un sourire en coin dont il ne parvenait pas à se défaire. Les mots de la louve continuait à résonner dans sa tête, sans qu'il comprenne l'intérêt qu'il leur portait.

- Si avec ça je ne mérite pas mon nom, murmura-t-il à voix basse. Et puis faudrait pas oublier l'histoire du cimetière... Non, non, pas maintenant, après. Une fois tout ça terminée.

Il inspecta son pistolet, qu'il rechargea précautionneusement. Derrière lui, il entendait les gémissement des quelques esclaves encore trop apeurés pour avoir pris la fuite, ainsi que les glapissement de celui qui lui avait servit de bouclier. Ensuite de quoi il se dirigea vers les esclavagistes restants, sifflotant un air distrait, jouant vaguement avec ses armes.

- Bien, messieurs, mesdames, dit-il à l'adresse des cinq hommes et femmes restant, à nous maintenant!

Il braqua son pistolet sur l'homme le plus à gauche et tira, logeant une balle en plein front du prisonnier, sous le regard horrifié de ses compagnons. Un otage de moins? Pas grave, il en restait quatre. Et puis c'était toujours un témoin de la scène qui ne le gênerait plus en racontant ce qu'il venait de voir.

- Voilà, maintenant que je suis sûr d'avoir toute votre attention, nous allons pouvoir commencer notre petite session de questions-réponses. Et, à titre d'information, sachez que toute réponse erronée vous enverra rejoindre votre ami, dit-il en pointant du bout de son pistolet le cadavre encore chaud. Et que je laisse le choix de la manière à ma... collègue, juste derrière. Bien, première question: qui êtes-vous? Et c'est quoi le délire avec les calices rouges? Et on se dépêche, je vous prie.


Citation de Grendelor :

Lùthien


Lùthien s'était calmement rhabillée, prenant son temps pour choisir des vêtements. Par égard envers le Répurgateur, elle se refit un turban qui cacha ses oreilles. Et si elle cachait beaucoup mieux son sourire satisfait que celui d'Exodus, tous ses mouvements l'indiquaient clairement.

Quand son compagnon abattit sommairement l'un des otages, l'elfe ne sursauta même pas. En vérité, ce qu'allaient devenir ces marchands d'esclaves ne l'intéressait même pas. Et comme il semblait désormais évident que les Enfants de l'Unique avaient l'intention de réquisitionner les lieux, leur intérêt comme cache lors des nuits de pleine lune diminuait nettement. Si beaucoup étaient adeptes de se cacher au milieu de leurs ennemis pour passer inaperçu, ce n'était pas une chose possible avec ces brûleurs d'allanthropes. Et elle ne pouvait sûrement pas compter sur une immunité quelconque à cause d'un baiser échangé avec un Répurgateur. D'ailleurs, si cette histoire venait à se savoir, son bel associé serait le premier à être brûlé vif. La louve, elle, aurait certainement plus de chances d'y échapper.

Laissant là ces considérations, Lùthien se concentra sur le groupe de survivants.

Et que je laisse le choix de la manière à ma... collègue, juste derrière. Bien, première question: qui êtes-vous? Et c'est quoi le délire avec les calices rouges? Et on se dépêche, je vous prie.

Alors que tous se regardaient nerveusement sans daigner sortir un son de leur bouche, l'elfe s'approcha de la seule femme restante tout en lâchant un rire cristallin porteur de tout le charme de sa race. En un instant, la femme perdit sa posture méfiante et apeurée et regarda les yeux dorés avec adoration. Lùthien caressa doucement la joue de sa victime.

Réponds au gentil monsieur, sussura-t-elle, ou bien tu regretteras qu'il t'ait laissée entre mes mains. Et sur le dernier mot, toujours prononcé de cette douceur exquise dont pouvaient faire preuve les elfes, elle laissa un profond sillon sanglant sur le visage de la femme, qui eut la sagesse d'esprit de ne pas glapir. La transformation avait été limitée à un seul doigt et si rapide que seul le résultat en était la preuve.

Totalement choquée par la manière brutale dont Lùthien avait rompu le charme, la femme ne pensa même pas à résister ou à biaiser.

Nous sommes les Kalahïs, descendant des fondateurs de Sûl-Nar.

Sa réponse fusa, nette et pleine de suffisance. Lùthien, elle, renifla de mépris.

Sûl-Nar est-elle tombée si bas que ses dirigeants secrets enlèvent des enfants ? Où vont-ils ?

Le fait que l'elfe sembla connaître l'histoire de Sûl-Nar déstabilisa un instant la femme qui répondit pourtant avec la même morgue.

Ce ne sont que des va-nus-pieds, pris dans les bas quartiers. Grâce à nous, ils servent la grandeur de notre cité !


Le regard plein de haine que lui lança l'elfe la fit se recroqueviller avant de préciser :

Dans les mines.

Lùthien échangea un regard perplexe avec Exodus. Comme elle, il ne semblait pas avoir connaissance de mines dans la région du désert.

Où ?

A Echoriath.

Vous envoyez ces pauvres enfants du désert dans les montagnes enneigées ?!

Lùthien s'en étranglait d'indignation. Déjà qu'elle ne portait pas dans son cœur les esclavagistes, et encore moins ceux qui prenaient les jeunes enfants à leur famille, pauvre ou non, mais la transplantation dans ce climat opposé devait finir de choquer ces pauvres hères.

A qui ?

La colère grondait dans la voix de l'elfe qui avait perdu tout son charme et se rapprochait dangereusement du grognement. Mauvais signe. La femme se fit plus petite encore et répondit d'une voix faible :

Au seigneur Tanrim.

Lùthien n'avait jamais entendu ce nom mais elle s'intéressait peu aux puissants. Toutefois, les pupilles d'Exodus s'étrécirent ce qui signifiait clairement qu'il le connaissait au moins de nom. Il montrait toutefois une certaine impatience parce que l'elfe avait sciemment omis de reposer la seconde question de son compagnon.

Pourquoi les calices rouges ?

Cette fois, la femme ne répondit pas tout de suite et coula un regard nerveux à ses trois compagnons d'infortune. L'odeur de peur qu'elle dégageait s'accentua fortement.

Parle ! Lùthien attrapa la femme par le cou et la souleva du sol d'une seule main. Un gargouillis s'échappa des lèvres de l'otage et l'elfe la reposa lentement au sol.

Pour la déesse...

Elle n'eut pas le temps de finir. Son cou se brisa avec un bruit sec. L'elfe n'avait pas besoin d'un nom. Que ce soit en Ter Aelis ou ailleurs, elle avait mille visages et mille noms mais une seule soif : celle du sang.

Sans un regard pour les derniers survivants, Lùthien s'approcha d'Exodus et lui murmura à l'oreille :

L'Unique aura son lot de blasphémateurs à brûler. Ça ne sert à rien d'essayer de les convertir, ils sont pourris jusqu'à la moelle. Tuer des enfants...

A nouveau, la douleur liée à cette perte transperça sa voix en la rendant atone.

Certains n'ont aucun respect pour la vie, c'est une chose que vous, les humains, ne comprenez que rarement.

Sur ces mots, elle s'avança doucement vers les enfants qui étaient serrés dans un coin de la pièce, totalement paralysés par les évènements. En la voyant approcher, ils se serrèrent encore plus et se collèrent au mur. L'elfe s'agenouilla devant eux et parla doucement.

Vous ne risquez plus rien pour le moment. Combien ont des parents qui les attendent dehors ?

Hypnotisés, gamins et adolescents levèrent une main timide. Environ la moitié de la vingtaine présents.

Et les autres, vous avez un lieu d'accueil sûr ?

La plupart hochèrent la tête, montrant un petit tatouage en forme de lune sur leur poignet gauche. Restait trois enfants. Dont les larmes coulaient sur les joues. L'un d'eux avait bien dix-huit ans pourtant, mais chez les humains, c'est encore si jeune.

Vous connaissez le Parc au mille Essences ?, demanda encore Lùthien. Tous sourirent. Allez voir la femme aux cheveux bleus et dites-lui d'où vous venez. Elle vous accueillera. Elle hésita un instant avant d'ajouter, Dites-lui que vous venez de la part de l'elfe aux yeux dorés.

Elle n'était pas sûre que de la nommer les aiderait mais cela pouvait peut être aider Lùthien à rentrer dans les bonnes grâces de cette femme qui l'impressionnait mais qui se méfiait d'elle. D'un mouvement de bras, elle indiqua la sortie aux enfants qui s'élancèrent en bloc.

L'elfe revint vers Exodus et plongea son regard dans le sien.

Je crois que nous en avons fini ici. Je connais une taverne discrète à Galvorn où la nourriture est très bonne et copieuse. Si tu n'arrives pas avec la cape blanche des Enfants, je suis sûre que personne ne saura qui tu es... Et puis, là-bas, ils n'auraient jamais l'idée de mettre les pieds dans une église...

Lùthien fit glisser sa main sur le bras du Répurgateur avec un sourire pétillant et plein de promesses.


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Message posté le 23:29 - 28 nov. 2015

Chapitre II : Chemins tortueux.
Galvorn - La Taverne L* P*lace - Les ruelles.

Citation de Grendelor :

Lùthien


De retour de Sûl-Nar, l'elfe avait pris un repos bien mérité, un bain mémorable qui l'avait débarrassée du sable du désert et un repas pantagruelesque. La taverne et son appartement étant toujours debout, Lùthien avait repris sa vie normale en attendant l'apparition d'Exodus : elle dormait le jour, dansait le soir et surveillait les "rats d'égout" la nuit. Elle n'était donc pas encore arrivée quand l'Enfant se présenta à L*P*lace.

Lùthien portait sa tenue habituelle, toute de cuir noir vêtue. En enlevant son casque au moment de descendre de sa moto, l'elfe sentit le parfum du Répurgateur et un large sourire éclaira son visage. D'une main, elle ébouriffa ses cheveux courts. Ici, elle ne cachait pas ses oreilles, même pour faire plaisir à l'Unique. Elle poussa la porte de la taverne et marcha d'un pas souple jusqu'au bar, ignorant délibérément Exodus, où elle embrassa Henry, le barman. En deux mots, Lùthien lui expliqua qu'elle prenait sa soirée, commanda une vodka et s'installa à une table.

De là, l'elfe attrapa le regard d'Exodus. D'un sourire charmeur, elle l'invita à se joindre à elle, loin des oreilles indiscrètes d'Henry.


Citation de Exodus (...) :


Lorsque Exodus la vit passer à côté de lui pour claquer une bise au tenancier, il fît celui que n'avait rien vu. Autant pour ne pas attirer l'attention plus que nécessaire sur sa personne que pour éviter d’irriter le-dit tenancier, un coup de batte cloutée étant si vite arrivé.
Il préféra jouer quelques instant avec l'une des pattes de l'insecte qui flottait dans son verre (on trouvait décidément de tout à Galvorn) et osa au bout d'un moment lancer un regard en direction de l'elfe. Celle-ci le lui rendit agrémenté d'un sourire et l'invita à le rejoindre à sa table.

Il s'installa en face d'elle, profitant de leur éloignement de l'entrée pour se laisser aller un peu plus, allant même jusqu'à ôter son chapeau.

- Et bien, charmant endroit que celui-là. Ils ont même nettoyer le sang de sur les tables. Par contre je jurerais avoir croisé de jumeau du tenancier dans une ferme: ce type est bâti comme un taureau!

Il fit tourner une nouvelle fois la patte de mante dans son verre.

- En tout cas je suis ravi de te revoir, lui dit-il avec un sourire. Au passage j'espère que tu apprécie le déguisement. J'ai même songé à porter un bandeau sur l’œil, tu sais?


Citation de Grendelor :

Lùthien


Lùthien détailla Exodus tandis qu'il s'installait. Son "déguisement" comme il l'appelait, était plutôt réussi. Son rire cristallin cascada à la mention du bandeau.

Et pourquoi pas une jambe de bois aussi? fit-elle, les yeux pétillant de joie. Ceci dit, je te reconnais l'art de passer partout. Contrairement à certains de ton ordre qui aiment provoquer avec leur habit, tu sais quand il faut faire preuve de diplomatie. Son sourire s'élargit. Tu as l'étoffe d'un bon...

D'un bon quoi, c'était à lui de l'imaginer.

Je suis aussi heureuse de te voir, reprit-elle en se penchant vers lui. Et je le suis d'autant plus que tu n'es pas venu avec une horde de bouteurs de feu. Je ne suis pas sûre qu'Henry m'aurait pardonné de détruire à nouveau sa taverne.

L'elfe jeta un coup d'oeil vers le-dit Henry, qui faisait semblant d'astiquer un verre tout en surveillant la table où se trouvait sa protégée. Comme s'il avait la moindre chance face au répurgateur. Comme si elle avait besoin de sa protection. Mais il était ainsi et elle n'y pourrait rien changer. Elle lui lança donc un sourire charmeur et revint à Exodus.

Ce n'est peut être pas le lieu idéal, mais je ne sais pas s'il existe. Allons, tu as sûrement des questions suite à notre aventure à Sûl-Nar. Dis-moi ce que tu veux savoir, je verrais ce que je peux te répondre sans mettre en danger plus de personnes que nécessaire.

La louve était toujours penchée vers Exodus, son regard doré pétillant. D'un geste lent, elle but une gorgée de vodka puis reposa son verre, l'enserrant de ses mains fines.


Citation de Exodus (...) :


Exodus savourait le parfum de Lùthien, laquelle était assez proche pour qu'il puisse l'apprécier au milieu des fragrance habituelles de l'endroit. Même la légère odeur de vodka qui suivait les paroles de l'elfe ne parvenait pas à gâcher son plaisir. Ses doigts jouaient gracieusement autour de son verre tandis qu'elle parlait. C'était là toute le charme de cette race, se disait alors l'Enfant. Une grâce innée, une délicatesse inscrite dans leur chaire. Quelle dommage que celle-ci ne trouve son reflet déformée dans les pensées tortueuses qui les accompagnaient, résultat de trop nombreuses années à vivre dans leur suffisance.

- Je crains que ton compliment ne soit erroné pour autant qu'il soit flatteur, dit-il avec un sourire tout en levant la patte de la mante d'un air docte. Vois-tu, je n'y connais rien en diplomatie. L’épeler même me donnerait des maux de tête! Non, il s'agit plutôt de... discrétion. D'infiltration, si tu préfères. Et puis mon manteau avait besoin d'un bon lavage de toute façon. Il prit une gorgée. Les boutes feux comme tu dis viendrons après, rassures-toi conclu-t-il sur un ton qui laissait supposer la plaisanterie.

Encore que...

- Mais puisque tu en viens au sujet sérieux si rapidement, j'ai bien quelques questions pour toi. Des éclaircissements sur cette fameuse "déesse" que tu as mentionnée, ou encore sur tes antécédents et affiliations vis à vis, à tout hasard, du Sang, hum?

Il la regarda soudainement avec bien plus de sérieux, posant une main à plat sur le verre qu'elle s’apprêtait à porter à ses lèvres.

- Mais surtout, avant tout cela: est-ce que tu pourrais demander à ce sympathique tenancier dont le regard me transperce depuis tout à l'heure de bien vouloir arrêter de me scruter et en même temps de nous amener la carte de l'établissement? Oh, et je tiens vraiment à savoir comment tu as bien pu détruire ce boui-boui à toi toute seule, ce doit être une sacrée histoire!



Citation de Grendelor :
:Luthien:


Encore une fois, Lùthien éclata de rire.

Ho, je n'étais pas vraiment toute seule, il y avait aussi un mec très attaché à sa hache...

Son regard se perdit quelques instants dans ses souvenirs et un doux sourire passa sur ses lèvres. revenant à l'instant présent, l'elfe secoua doucement la tête.

Mais tout ça n'a que peu d'importance, dit-elle d'un ton ferme.

D'un geste de la main, elle indiqua à Henry de leur amener la carte, plutôt bien fournie. La plupart étaient des plats simples et copieux, très bien pour les dockers, mais il s'était glissé quelques plats exotiques et plus raffinés, issus des voyages du cuisinier. Ce que Lùthien expliqua à Exodus en le prévenant toutefois de se méfier des plats notés en rouge, qui donneraient le feu au gosier même à un dragon. Ce qui lui fit une transition parfaite pour répondre aux questions du répurgateur.

Je n'ai aucune affiliation avec le Sang, ni même avec aucune autre Confrérie. Je marche seule, fit-elle d'une voix dure. Mais je suis quelqu'un de curieux et certains membres du Sang sont... intéressants. Il m'arrive donc de les suivre, voire de les défendre si cela me semble nécessaire ou que j'ai simplement envie de me défouler. Ils ont des adversaires tout aussi intéressants qu'eux, ajouta-t-elle avec un sourire gourmand pour Exodus.

Henry était revenu pour prendre leur commande. L'elfe prit comme à son habitude deux "Assiette du Docker", repas riche en viande rouge et en tubercules rassasiants. Son métabolisme particulier nécessitait un apport énergétique important. Elle continua à parler pendant qu'Exodus passait commande.

Quand à la déesse... Dans certaines régions, elle est connue sous le nom de Kali, dans d'autres Tlaltecuhtli... Ses visages sont divers mais elle exige toujours la même chose : le sang des hommes et surtout des enfants. Pour cela, je l'apparente plutôt à un démon. Pour moi les dieux et les déesses sont censés veiller sur leurs enfants et non pas les détruire. Ce que je te dis, bien évidemment, peut te sembler hérétique. Pour toi, il n'y a qu'un seul Dieu. J'ai expérimenté l'existence de plusieurs d'entre eux. Un jour, peut-être, l'Unique sera vraiment unique. Pour le moment, la concurrence est rude. Sa voix était neutre, du ton de l'énoncé d'un fait. Aucun jugement ni remise en question. Je ne mets pas mes pas dans ceux d'un dieu ou d'une déesse. Je les respecte mais je suis la voie qui me semble juste et respectable. C'est tout.

Un silence.

Autant que possible vu ma nature.

Elle s'arrêta là, vida son verre d'une traite et entama voracement son plat.


Citation de Exodus (...) :
Exodus avait passé un certain temps a arpenter la carte que le dénommé Henry leur avait apporté. Les plats étaient simples pour le plupart, lui rappelant les repas qu'il pouvait trouver a la Cathédrale de Belthil. Il suivi les conseils de Lùthien et esquiva les quelques spécialités qui étaient inscrites en rouge, et ce malgré le fait qu'un plat nommé "Feu mon estomac" attirait forcément sa curiosité, ne serait ce que par sens du défi. Il finit alors par choisir un gratin d'aubergines sur lit de veau, preuve des péripéties du cuisinier dans l'ouest du pays. "Je vous rappellerais pour le second plat" avait alors dit l'Enfant au tenancier avant le congédier avec un sourire et de revenir a Lùthien.

- Un point sur lequel je souhaiterais revenir: nous ne somme pas foncièrement ennemis des Sanguins tu sais? Non pour ça il faudrait encore avoir du respect pour eux, ajouta-t-il en son fort intérieur. Disons plutôt que nous sommes... incompatibles. Mais je prend note du compliment, acheva-t-il en souriant avant de prendre une dernière gorgée de son thé.

Les plats arrivèrent alors qu'il était en train de chasser un pichet d'eau sur les tables avoisinantes, à la grande stupéfaction des clients (règle numéro 1 des dockers: on ne bois pas ce dans quoi tout le monde se lave. La bière est bien plus hygiénique).

- Je note en tous cas avec plaisir que tu ne te nourris pas d'illusions concernant les soi-disant "divinités" qui hantent encore l'esprit des plus crédules, dit-il entre deux bouchées d'aubergine. Ceux que leurs trop nombreux fidèles appellent dieux ne sont que des êtres impures. Puissants, certes, mais qui ne sont rien d'autre que des imitations, des pauvres esprits tentant désespérément d'accéder à la condition divine, qui est seule apanage de l'Unique. Et parmi ces êtres voraces se trouvent des démons comme cette déesse que tu viens de me décrire.

Il prit une gorgée d'eau et pilla la corbeille a pain avant de reprendre.

- Au final, continua-t-il sur le ton de la conversation, on ne peut pas dire qu'il ait vraiment de concurrence: cela sous entendrait un pied d'égalité entre Lui et ces fausses idoles. Ce sont des gênes passagères. Dangereuses, mais passagères. Dans tout le cas il est heureux que tu ne ne conteste pas cette vérité on ne peut plus simple. M'acoquiner avec une allanthrope possédée passe déjà pour une faute suffisante...

Il avala sa dernière bouchée avant de faire un signe au tenancier pour commander un deuxième service. D'aucun auraient pu s'offusquer du fait que le Répurgateur ne prenne pas mouche des réflexions hautement hérétiques de l'elfe, au point de brûler le bâtiment ainsi que tout ses occupants, mais l'Enfant savait parfaitement quand se maîtriser pour éviter que tout les dockers de Galvorn ne lui tombe dessus. Et quand mettre les préceptes du Fides de côté le temps de recueillir des informations.
La déesse précédemment mentionnée était par exemple une information de valeur. Mais plus encore Lùthien elle même était une mine sans fond d'information: quelqu'un évoluant depuis des années en marge de toutes les grandes organisations. Et surtout le premier cas observé de possession symbiotique observé pa un de Ses serviteurs! Les possessions impliquaient normalement toujours une relation de dominance, généralement en défaveur de l'hôte. A ce qu'en savait Exodus, ce cas était simplement unique et l'aiderait sans doute lutter contre cette genre de menace. Voir a trouver une nouvelle utilité a ses victimes... Tous cela était donc pieusement professionnel, tentait de se convaincre Exodus.
"Mais bien sûr", lui répondit son cerveau.

- Au fait, puisque tu en parles, verrais-tu une objection à me parler plus en avant de cette "nature" qui est la tienne? Simple curiosité professionnelle, bien sûr, dit-il avec un sourire, mais je suis prêt à te rendre le service de ton choix en échange. Dans les limites du raisonnables, évidemment.


Citation de Grendelor :


Lùthien


Cet Exodus était décidément un grand plaisantin. Un service. Dans les limites du raisonnable. Comme si elle était du genre à demander des services. Son grand sourire était donc légèrement teinté d'ironie.
Lùthien finit sa seconde assiette avant de répondre à la "curiosité professionnelle" du répurgateur. Enfin, dans les grandes lignes.

Faisons simple et court. Il était une fois un vilain démon-loup nommé Odaowhleoe qui aimait plus que tout tout tuer sur son passage. Parce qu'il faisait un peu trop de dégâts et n'écoutait, l'Unique, et c'est là qu'est toute l'ironie de ma situation, le punit : il vivrait désormais dans le corps d'un être vivant où il serait contenu. Depuis donc quelques millénaires maintenant, il passe d'être en être au gré de ses réincarnations. Le problème étant qu'un démon aussi puissant influe sur son "hôte". Il parvient donc la plupart du temps à annihiler l'esprit de son hôte et consume son Essence Vitale en l'utilisant pour continuer ses carnages. Mais de temps en temps, il tombe sur quelqu'un de plus fort. Et, dans de très rares cas, en fait c'est la première fois que ça lui arrive, il est contraint d'obéir à son hôte sous peine d'être entièrement muselé. Nous avons donc passé un accord : il m'aide à survivre et pour cela il peut tremper ses lèvres dans le sang des méchants. Il a aussi le droit de sortir se dégourdir les jambes à la pleine lune avec interdiction de tuer autre chose que des animaux. Et de toute façon mon esprit est toujours là à le surveiller. Je peux reprendre le contrôle à tout moment. Ha, et pour information, à chaque fois que j'utilise sa puissance, je perds des années de vie. Tout au plus, il m'en reste une cinquantaine à vivre à ce rythme.

L'elfe haussa les épaules. Le temps n'avait que peu d'importance. Et elle avait tout de même pu déjà vivre près de 180 ans. Certes, elle mourrait à la moitié de la vie de ceux de son espèce mais elle estimait qu'elle avait eu une vie qui avait influencé bien plus de gens que si elle avait vécu normalement.

Et là, tu en sais déjà bien plus que tous ceux de ton Ordre. Comme quoi, un peu de gentillesse parfois..., ajouta Lùthien avec ironie.

Et puis, parce qu'elle n'était pas venue là pour parler boutique, l'elfe se pencha vivement vers Exodus, dont elle attrapa les lèvres d'un baiser avant de se rasseoir, satisfaite. Pour le moment.


Citation de Exodus (...) :


Exodus n'avait pas vu venir cette embrassade surprise et ne put s'empêcher de conserver un sourire niai pendant quelques secondes. Comme elle venait si bien de le dire: un peu de gentillesse, parfois...

- J'ose espérer que c'était bien toi qui avait le contrôle sur ce coup la, finit-il par lui dire avec un sourire moqueur, sinon je pourrais bien en demander un deuxième en compensation.

Il se rapprocha d'elle en se penchant sur la table, et glissa ses mains vers les siennes, esquivant avec habilité les reliefs du premier service.

- Mais si toutes tes histoires se concluent de cette manière, alors je crois bien être devenue ton plus fidèle auditoire.

Dans un coin de son crâne, loin en dessous des bouillonnements chimiques qui noyaient en ce moment précis ses neurones, une petite idée hurlait à l'hérésie, au blasphème et à la condamnation de son âme pour l'éternité. Une idée beaucoup plus grande vint alors lui expliquer à coup de batte que l'Unique lui-même avait versé dans cette affaire, alors silence pour le moment.
Par l'une des fenêtres crasseuses, on pouvait voir le soleil livrer un ultime baroude d'honneur avant de disparaître dans l'océan.

- En tout cas ma curiosité est assouvie, tout comme mon estomac. Aussi je pense que je vais arrêter de penser travail pour ce soir. Une idée de comment s'amuser un peu dans une ville à moitié détruite comme celle-ci? lui demanda-t-il avec un large sourire.


Citation de Grendelor :


Le sourire de Lùthien s'élargit.

S'amuser? Ici? Tout dépend ce que tu appelles s'amuser...fit-elle, les yeux pétillants.Les gens reconstruisent vite à Galvorn, ils ont l'habitude avec le passé de la ville.

L'elfe réfléchit en laissant son regard errer sur Exodus. Qu'est-ce qu'un homme comme lui pouvait aimer pour se distraire? Où pouvait-elle l'emmener dans Galvorn sans lui faire risquer l'apoplexie ou une bagarre meurtrière?... Quoiqu'un peu d'animation soit distrayant... Et si...

Hmmm, que dit l'Unique à propos des jeux d'argent? Je connais un lieu où se réunissent quelques joueurs sympathiques et hauts en couleur mais ils n'aiment que les espèces sonnantes et trébuchantes. A moins qu'un spectacle plus violent soit plus à ton goût? Je t'aurai bien proposé d'écouter les cantiques à l'église St Héliaste mais des rumeurs laissent entendre que tu n'es pas le plus assidu des Enfants à ce genre de réunions....ajouta-t-elle, un brin moqueuse.Et puis, ils ne l'ont pas encore reconstruite, termina-t-elle avec un haussement d'épaules fataliste.Sinon, il nous reste la solution de déambuler dans les ruelles. L'animation viendra sûrement à nous.

Henry avait débarrassé leurs assiettes et Lùthien avait commandé une seconde vodka, qui arriva en même temps que le second service.Chatouillant délicatement les doigts d'Exodus, Lùthien libéra sa main droite afin de siroter son verre. De l'autre, elle faisait des arabesques sur la paume du répurgateur, attendant son avis, son envie.


Citation de Exodus (...) :
Le Répurgateur savourait la situation: les doigts fins de Lùthien jouaient sur sa paume jusqu'à lui donner des frissons. Ses propositions étaient toutes intéressantes mais l'arrivée du second service lui fit revoir momentanément ses priorités. C'est après quelques bouchés qu'il donna le résultat de ses réflexions.

- L'Unique, je ne sais pas, mais mon Primat, bénit soit-il, nous interdis fortement ce type d'occupation que sont les jeux d'argents. Il prétexte que cela nuis à l'image générale du Culte. C'est pourquoi j'ai toujours pris grand soin de me grimer avant de me rendre dans les salles de jeu, histoire de ne pas trop le décevoir.

Il finit son verre et avala un nouveau morceau de son filet de Noireau (pêché dans le port de Galvorn, à l’arôme et au gout unique, résultant du régime particulier des poissons de la baie auquel contribuaient avec entrain les mafieux locaux), puis enfin repris à l’attention de l'elfe.

- Et de ce que j'en ai appris jusqu'à présent, la violence est souvent présente lorsque les pièces changent de main, surtout dans cette ville. Aussi je pense que joindre un de ces lieux dont tu parlais suffirait amplement, d'autant plus que une ou deux victoires à un pari ne me feraient pas de mal au niveau de l'escarcelle... Et puis le temps de rejoindre l'endroit nous profiterons des ruelles. Un programme tout en un en somme, dit-il avec un sourire.

Il attendit que les doigts de Lùthien ne se joignent au creux de sa paume pour refermer la main avec affection.

- Mais juste par curiosité, en quoi consistait le spectacle auquel tu faisais mention?


Citation de Grendelor :

La souplesse d'esprit que montrait Exodus ne cessait d'étonner Lùthien. Elle ne doutait pas de ses convictions mais il faisait preuve d'un caractère terre à terre qui lui plaisait agréablement. Ayant déjà fini son repas, l'elfe répondit rapidement :

Rien de bien exotique : des hommes et/ou des femmes qui se tapent dessus pour de l'argent. Certains ont un vrai don et un style indéniable, d'autres ne sont que de simples bagarreurs de rue.

Bien qu'ayant fortement envie de bouger, Lùthien prit le temps de savourer son verre et laissa à Exodus le temps de finir tranquillement. Son peuple avait beau être connu pour sa patience, voir sa lenteur à l'action, ce n'était pas le cas de la louve, saturée en permanence d'une énergie qu'elle devait dépenser pour ne pas être submergée. Toutefois, elle était aussi capable de prendre son temps et de profiter de l'instant présent. Ce qu'elle fit avec un plaisir non dissimulé.

Ils partirent près d'une heure plus tard. La nuit était profonde, nulle lune ne brillait en son sein. Ils marchaient côte à côte, leurs mains se frôlaient parfois, déclenchant des vagues électriques le long du bras de Lùthien. Les rues étaient vides et la plupart des maisons autour d'eux, détruites. De temps en temps se dressait la silhouette d'un chantier de reconstruction.

Ce fut dans l'un d'eux que l'elfe les emmena, se glissant entre les matériaux qui attendaient d'être assemblés afin de former une nouvelle habitation. Exodus la suivait de près car aucune lumière n'éclairait leur chemin. Ils se retrouvèrent devant l'entrée d'une cave fermée mais on voyait une lueur entre les joins. L'elfe toqua, deux coups rapides, un silence, trois coups plus longs. Ils n'attendirent pas longtemps avant qu'un vieil homme ne leur ouvre, les dévisageant sans aménité.

Ha, Lùthien. Tu amènes du monde? C'est bien. On s'ennuyait.

L'homme s'écarta sans autre question et les laissa entrer. Il était petit, courbé, maigre comme le sont beaucoup de vieux humains. Il marchait lentement mais son pas était ferme. Surtout, son regard était vif, d'un brun chaud. Lùthien et Exodus le suivirent, descendant quelques marches, prenant un petit couloir d'une dizaine de mètres qui s'ouvrait ensuite dans la cave proprement dite. Là, une table et cinq chaises. Seules deux étaient occupées, par deux autres hommes du même acabit que le premier. L'elfe les salua d'un signe de tête et d'un sourire sincère.

Bonsoir les jeunes ! Les trois hommes sourirent à la plaisanterie habituelle. Je vous ramène un nouveau, c'est toujours bon d'avoir du sang neuf !

Ils hochèrent la tête gravement. Ils jouaient tous les trois depuis plus de 20 ans et connaissaient par coeur la façon de jouer des uns et des autres, ce qui rendaient les choses monotones. L'arrivée de l'elfe leur avait redonné un coup de fouet. Et ils attendaient toujours avec impatience qu'elle vienne les rejoindre, ce qui se passait toujours à un rythme très irrégulier. Les trois hommes regardèrent son compagnon avec curiosité.

J'ai été mauvaise langue, fit Lùthien en se tournant vers Exodus, les malandrins se sont déjà couchés. Il ne nous reste plus que le jeu pour pimenter cette soirée. Ce qui n'était pas tout à fait vrai, car l'elfe avait bien l'intention de prolonger la nuit ailleurs.

Elle lui présenta rapidement les trois joueurs : Gaspard, Claude et Jeanjean. Des yeux, Lùthien lui fit comprendre que c'était à lui de se présenter. Elle ne savait quel nom il voulait donner.


Citation de Exodus (...) :
Exodus salua amicalement les trois vieux hommes d'un mouvement du chapeau.

- Messieurs, ravi de faire votre connaissance. Reisk, pour vous servir. Mon amie Lùthien m'a fait comprendre que vous étiez de fameux joueurs!

Le dénommé Gaspard, celui qui leur avait ouvert la porte, s'installa plus confortablement sur sa chaise et jeta un regard d'expert sur le présumé Reisk.

- Bof, fameux ça dépend.

- De la motivation, renchérit celui que le Répurgateur identifiait comme Jeanjean.

- Je crois que je vous comprend, mon cher Jeanjean, dit-il avec un sourire, et je pense avoir de quoi réveiller la motivation en chacun de nous.

Sur ces mot il prit place autour de la table et posa sur le bois de celle-ci deux pièces d'or qui claquèrent contre le plateau. Trois paires d'yeux observèrent le petit magot et surtout le doigt qui le plaquait à la table.

- Mais je vous demanderais de bien vouloir faire preuve de clémence, je ne suis pas un habitué de ce genre de table, enchaîna un Exodus jouant à celui qui croyait en la chance du débutant.

- Pas grave que c'là, mon gars. L'argent l'est t'jours habitué à ma 'tite poche, lui! Le nommé Claude lui lança un regard aussi rassurant que celui d'un représentant en assurance. Bienvenue à notre p'tit cercle, m'sieu Reisk! Allez Lùthien, assis-toi à côté d'ce Jules, tu lui port'ras p'têt chance.

L'elfe s'exécuta avec un sourire, encore incertaine sur l'identité de ceux qui allaient se faire flouer ce soir. L'Enfant se demander quoi penser de cette bande de petit vieux. Ils avaient l'air de ceux que les cercles de jeu avait vu naître, sans pour autant afficher la détermination qu'affichait habituellement les professionnels.

- Euh, juste une dernière chose, intervint Exodus-Reisk en affichant un air embarrassé. Au risque de vous paraître oublieux, je me rend compte que j'ai omis de vous demander le plus important: à quoi joue-t-on?


Citation de Grendelor :


Les trois hommes éclatèrent de rire à la demande d'Exodus, heu, pardon, Reisk. Nulle moquerie dans ce rire, juste celui de l'étonnement.

Ha, mon p'tit, tu me plais bien ! fit Gaspard. Nous jouons au pokal. La mise de départ est de 5 pièces de cuivre. Elle monte progressivement au cours de la soirée pour atteindre en général les 5 pièces d'argent en fin de partie, souvent vers les 2-3 heures du matin.

Le vieux expliqua rapidement les règles ayant cours à leur table, Reisk hochant la tête. Rien de compliqué, tout résidait dans l'art du bluff. Et il était évident qu'entre joueurs se connaissant depuis des décennies il était difficile de bluffer et de se renouveler.

Lùthien, elle, n'avait rien dit, se contentant de s'asseoir entre Claude et Reisk, un léger sourire aux lèvres. Elle effleura la main d'Exodus avant que la partie ne commence véritablement. Ce fut Jeanjean qui distribua, ce qui laissait tout un tour de table pour que le nouveau s'imprègne de la partie avant d'avoir à mener la danse à son tour. Gaspard misa, suivi de Claude et de Lùthien. Reisk suivit aussi, pour tester les réactions de chacun. Jeanjean se coucha, ce qui était habituel. Il ne misait pas à moins d'une paire de 6, ce dont se rendrait rapidement compte Exodus.

En deux tours, le répurgateur put se rendre compte qu'effectivement il avait affaire à de bons joueurs mais qui jouaient pour le plaisir et non pour la gagne à tout prix. Ce qu'ils recherchaient, c'était l'adrénaline. Quand arriva son tour de donner, il avait déjà un petit tas de monnaie devant lui, les trois hommes n'ayant pas encore réussi à le cerner. Ce qu'ils n'avaient pas non plus fait avec Lùthien, qui jouait avec eux depuis plusieurs mois pourtant. Mais l'elfe était d'une inexpressivité qui confinait à la statue lorsque la donne était en cours. Entre, elle plaisantait, buvait, prenait des nouvelles. Son tas, semblait-il, n'avait pas bougé.

Lùthien observait attentivement Exodus/Reisk. Dans ses yeux, autant d'intérêt de joueuse, que de chasseuse. Jouer ainsi permettait d'apprendre bien des choses sur les êtres présents. Elle connaissait tous les tics de ses trois compères mais elle ne les mettait jamais sur la paille. Elle faisait quelques très bons coups, perdait gros aussi, s'arrangeait toujours pour repartir à peine plus riche qu'avant. Elle n'avait pas besoin d'argent et venait pour le plaisir de discuter. Il faut dire que sous leurs airs de vieux roublards joueurs, Gaspard, Claude et Jeanjean avaient une culture assez impressionnante. Il faut dire qu'à eux trois ils cumulaient plus de 210 années de bourlingue sur toutes les mers et toutes les terres connues de Ter Aelis. Ils pouvaient aussi bien vous parler du cycle des étoiles dans le ciel, que de la préparation culinaire de la panthère des sables (oui, oui, certains arrivent à en manger plutôt que de se faire manger).

Tout en passant les cartes à Exodus, Lùthien déposa une douce caresse sur l'intérieur du poignet du répurgateur.


Citation de Exodus (...) :


La douceur de la peau de l'elfe sur son poignet suffit à faire sourire le Répurgateur, ce qui pouvait, dans le cadre de la partie, être à la fois un avantage comme un handicap: tout dépendait de la main qu'on possédait.

Le tas posé devant lui était également une source de satisfaction: malgré quelques mauvaises passes, il avait tendance à grandir plus souvent que le contraire et à ce rythme là les dépenses de la soirées seraient vite couvertes.
L'ambiance générale était à la détente, et les trois vieux bonshommes se faisaient un devoir de l'entretenir par leurs récits plus bigarrés et décousus que jamais. La découverte de l'un des ilot méconnus d'Atalantë au cours d'un naufrage impliquant trop de rhum et pas assez de vigilance, l'exploration des contrées tropicale, le long de la côte qui s'étendait au sud-est du pays... Ces reliques sur pates avaient été de toutes les aventures et peu de choses en ce monde étaient encore capable de les surprendre.

- Je serais toi je ferais gaffe avant de miser. Il sourit trop pour être honnête sur ce coup là.

- J'te f'rais signe, l'jour où j'saurais plus comment qu'on craque un bluff, rétorqua Claude à Jeanjean, lequel avait décidé de se coucher pour se tour. D'toute façon, c'pas comme si c'tait un jeu d'honnête, si?

Le vieil homme regardait, ou plutôt détaillait le nommé Reisk alors qu'il montait ses piécettes, les yeux pétillant de malice. L'homme au chapeau avait toujours l'air enjoué, quelque soit sa main, et on avait l'impression qu'il improvisait au fur et à mesure. C'était aussi l'impression qu'avait Exodus sur son propre jeu.
Il aurait été faux de dire qu'il n'avait aucun contrôle de son visage. On ne survivais pas au métier de l'Inquisition, et encore moins à sa bureaucratie, sans une bonne capacité à jouer avec ses sentiments. Le problème était qu'il ne savait pas ne rien montrer. Il fallait qu'il soit triste, heureux, chagriné, rêveur, distrait ou déçu. Mais "neutre" était une expression corporelle qu'il ne connaissait pas. Toujours avoir un mouvement du pied, de la main, même de la mâchoire, même imperceptible: il lui fallait constamment afficher un état. L'immobilisme lui était inconnu. Aussi face à ces joueurs chevronnés tentait-il la technique du sourire de bienheureux nigaud, contraste total avec le visage de pierre que parvenait à afficher Lùthien juste à côté de lui. Et jusqu'à présent cela semblait marcher.

- J'annonce brelan de figures, dit alors fièrement en plaçant devant lui trois valets: usés, dont l'un ressemblait étrangement à Gaspard. Le pots est pour moi je pense.

- Pas sûr. Brelan aussi. Sauf que l'miens, de figures, z'ont des chtiottes couronnes, t'vois?

Le vieil homme ramassa le magot tandis que Reisk tentait de le convaincre que, sous certains angles sociaux les valets étaient plus important que les rois, ce qui devrait logiquement chambouler l'ordre des cartes. Ce a quoi Claude lui avait répondu qu'à moins que ses fameux angles ne changes les valets en as, il n'était pas question de retourner le sens, non d'un chien!

La partie continua, Lùthien empochant un joli magot sur un bluff commun de Gaspard et Reisk, qu'elle perdit presque trop rapidement à peine un tour plus tard face à une misérable paire de six de Jeanjean. L'Enfant aurait pourtant parié qu'il avait aperçue un double huit dans la main de la louve...

Ce fût de nouveau au tour du nouveau de distribuer. Il le faisait sans trop de talent, manquant une fois sur deux de révéler la carte qu'il venait d'envoyer au joueur en face de lui mais il n'y prêtait guère attention, occupée qu'il était à jouer avec les doigts de Lùthien à chacun de ses passage.

- Tu sers comme une barrique mon gars! se moqua gentiment Gaspard. J'avais pas vu de pire envoi depuis mon temps sur la Trinigua.

- Et c'est r'partit pour la Trinigua...

- Y'avait un type, continua Gaspard, un cabotin pire que le commun des matelots, racontant son talent de joueur à qui pouvait pas se boucher les esgourdes assez vite. Le jour où on l'pris au mot, il se retrouva empêtré avec les cartes plus certainement qu'un mousse avec un corset. La partie la plus drôle que j'ai jamais fait, aussi loin que je m'en souvienne!

- Dame, j'espère bien ne pas connaitre même embarras à mon prochain corset, répondit machinalement Exodus tout en vérifiant ses propres cartes, ce qui fut accueilli par un rire approbateur des joueurs autour de lui.

Il se maudit toutefois de ce paillard automatisme de sa part: si Lùthien ne semblait femme à se vexer facilement, le terrain de l'humour masculin restait généralement un lieu de tout les dangers dès que l'on se trouvait en face d'une dame. Encore qu'il n'était pas bien sûr de devoir la qualifier de "dame", aux vues de son attitude et de ses actions récentes.

- Sûr que la Trinigua c'était quelque chose, reprit Gaspard après avoir repris son souffle et étudié son jeu. Que ce soient les cartes ou voyages, c'est mes meilleurs souvenir que j'ai laissé là-bas, pour sûr.

- T'y as aussi laissé un doigts, fit remarquer Jeanjean. Dommage que ce fût par la langue.

- Un navire comme on en voit plus. Il avait déjà 50 ans quand je montais dessus, et durera encore 50 ans après qu'je sois plus! Un pont gigantesque, des soutes à ras-bord chargées de richesses exotiques, et plus de marques de comptoir qu'aucun navire marchant avant lui! Et des mats si hauts que le nid devait être fermé pour pas geler la nuit!

- Mais oui, et l'équipage était si nombreux que quand ils pêtaient la mer s'agitait, et p'têt bien même qu'il pouvait voler ton foutu bateau - Carré de dame, par ici le pot, monsieur Chapeau! J'te le dis, si ça faisait pas cinq ans qu'il avait pas fait escale dans le coin, j'aurais été le couler depuis longtemps ton Trinigua.

- D'toute manière, l's'aventures d'ta coquille, c'vaut pas les expéditions d's'îles de Domung, fit remarquer Claude d'un ton expert. Ça, c'tait quequ'chose.

- Tu deviens gâteux ou quoi? T'as jamais foutu un orteil sur les Domung, t'étais encore saisonnier dans l'ouest, tout ce que t'avais exploré c'était des champs et les jupes de ta cousine!

- P'têt bien, mais n'empêche que c't'ait queq'chose. Et c't'ait par alliance, la cousine.

Lùthien rigolait derrière ses cartes. Il n'était pas rare que ses vieux amis soit aussi bavard, mais le sujet de la Trinigua était le terreau fertile à toutes les accusations de sénilité aiguë qu'il pouvaient trouver, pour le plus grand bonheur des spectateur.

- Dites-moi, votre Trinigua, c'était pas un voilier de la compagnie Bois & Mer par hasard? Parti dans le Sud pour commerce? Avec une proue gigantesque en forme de cheval juché par une cavalière?

- Si donc! Tu l'aurais vu?

- Je crois bien, au moment où j'ai rejoint le continent y'a un peu plus de trois ans, dit Exodus en demandant à voir la carte suivante. Mon propre transport l'a croisé le long des côtes, qui sortait d'un orage dans l'Océan Central. Vu les dégâts ça ne m'étonnerait pas qu'il soit resté en rade au moins un an.

Un an minimum pour se faire reconvertir en voilier de guerre lourd aux couleurs de l'Unique. Exodus avait effectivement vu le gigantesque navire sortir de l'Océan Central, mais s'était escorté par les frégates du Cultes qui l'avaient un peu plus tôt tiré des griffes de corsaires Talhaabéens, lesquels l'avaient bien mis à mal ainsi sans doute que l'équipage. Mais il n'avait pas le cœur de révéler toute l'histoire à ce pauvre vieux, qui en plus faisait monter les enjeux plus que nécessaire.

- Ah, bon, ça expliquerai pourquoi on le voit plus, dit Gaspard avec soulagement tout en alignant encore quelques pièces. Il doit faire le tour des comptoir par delà le Central. Sacré voyage.

- Sans doute. Mais cette histoire, m'sieur Reisk, ça ferais pas de vous un de ces types du continent sud en toute logique?

- C'est possible, répondis l'Enfant avec un sourire. A moins que je ne soit un de ces pirates sans pays, née sur la mer et vagabondant au gré des flots?

- J'sais pas c'qui f'rait l'moins plaisir. Mais j'peux v'dire que z'êtes pas née sur un pont, non, z'avez pas l'pied pour.

- Et il te manque un perroquet, juste ici, glissa Lùthien en lui passant la main sur l'épaule avant de la faire redescendre le long du dos.

- Je dirais bien la même chose, reprit JeanJean tout en scrutant Exodus d'un œil inquisiteur. Et de ce qu'on dit, ils sont un peu bizarre les gens d'ce continent. Réputé pour avoir le sang chaud, entre autre chose.

- Il ne faut pas croire tout ce qu'on entend sur les gens, il y a toujours des médisants. Et pour ce qui est du sang je ne sais pas, continua Exodus qui sentait pourtant la chaleur monté au gré du passage des mains de l'elfe, mais pour ce qui est de mes cartes elles me brûlent un peu les doigts.

La mise avait atteinte un niveau plus qu'impressionnant, presque le tiers de la somme totale sur la table ayant été mise en jeu. Exodus mit à plat sa main avec un sourire fort satisfait.

- Comme on dit chez moi, Tribunal et Jurés, dit-il en exhibant trois souverains accompagnés de deux as. Quelqu'un dit mieux?



Citation de Grendelor :


La partie arrivait à son terme. Le temps était passé très rapidement, rythmé par les donnes et les histoires des trois compères. Lùthien appréciait ce genre de soirées, calmes et détendues, où elle se berçait de la chaleur de relations simples et sans jugement. Des moments précieux.

Ses doigts glissaient sur la cuisse d'Exodus en une caresse presque imperceptible lorsqu'il afficha sa main. Les doigts se figèrent une seconde avant d'aller se poser sur les cartes de l'elfe. Elle était légèrement ennuyée. Jeanjean jeta sa main sans même la dévoiler, d'un air dégoûté. Gaspard, qui s'était couché dès le début, siffla entre ses dents.

Hé, pas mal ! J'crois qu'il vous a bien eu, le p'tit !

Claude hocha la tête, bon joueur malgré sa défaite. Les trois valets dans sa main étaient insuffisants et signaient sa perte. Il ne restait plus rien devant lui.

Tous les regards se tournèrent vers Lùthien, qui avait fini de débattre avec sa conscience. Doucement, elle étala ses cinq cartes. Un 8. Un 9. Un 10. Un valet. Chacun autour de la table retenait son souffle. Les quatre premières cartes, non seulement se suivaient mais étaient de la même couleur. La dernière ferait-elle gagner l'elfe? Ou faisait-elle simplement monter la pression?

Pour finir, l'elfe dévoila... la reine. Les trois vieux sifflèrent, admiratifs, pendant qu'Exodus se renfrognait. Lùthien posa ses lèvres sur sa joue, glissant à son oreille :

Notre dernière rencontre m'a couté cher en dagues...


C'était sa dépense principale : refaire faire son jeu de lames à chaque fois qu'elle se métamorphosait. Elle était très exigeante sur la qualité de celles-ci, tant au niveau de l'alliage que de la taille et de l'équilibrage. L'elfe faisait donc appel à des artisans réputés dont les services étaient loin d'être gratuits. Même si elle avait amassé une certaine fortune au cours de ses pérégrinations, il fallait bien renflouer les caisses de temps en temps.

Pendant qu'elle empochait ses gains, les trois compères félicitaient Reisk pour sa partie et le conviaient à revenir bientôt, peut être sans Lùthien qui, visiblement, le perturbait trop bien pour jouer. Gentiment, mais fermement, Gaspard les poussait vers la sortie, rappelant qu'il n'était pas bon pour des personnes de leurs âges de se coucher trop tard et que les deux tourtereaux eux-mêmes avaient peut être envie de profiter de la fin de la nuit pour faire autre chose. Le tout avec force sourires entendus et clins d'oeil.

Ce qui fit beaucoup rire l'elfe. Toutefois, alors que l'entrée de la cave se refermait derrière eux, Lùthien se coula contre le répurgateur et prit son bras.

Alors comme ça je te perturbe? fit-elle d'un ton ironique. Je crois qu'ils surestiment mon pouvoir sur toi...


Citation de Exodus (...) :


- Alors comme ça je te perturbe? fit-elle d'un ton ironique. Je crois qu'ils surestiment mon pouvoir sur toi...

- Voyons, évidemment que je le suis ! répondit Reisk en passant son bras dans le dos de l’elfe et en la ramenant encore un peu plus vers lui. Se retrouver aussi proche d’une femme capable de vous tuer de tant de manière, ça perturberait n’importe qui.

Il ne pût s’empêcher de rire lorsqu’elle le pinça pour sa bêtise, le tout avec une moue fort désapprobatrice. Son parfum était devenu enivrant, sa voix comme ensorcelante. Plus que tout, Exodus souhaitait s'abandonner et ne plus penser à ce qu'elle pouvait bien représenter.

- Attention à vos propos, Monsieur le Répurgateur, si vous ne voulez pas assister à une démonstration de mes fameux talents dans un délai des plus bref !

- Holà, ce ne sera pas nécessaire, je les connais déjà, répondit-il en souriant alors qu’elle se blottissait contre lui. De même qu’un certain nombre de personne qui ne sont plus là pour pouvoir en témoigner, les pauvres.

Les deux silhouettes entrelacées continuèrent à remonter les rues humides et mal éclairées de Galvorn, suivant les pavés au hasard et s’éloignant toujours plus du quartier portuaire. De moins en moins de monde croisait leur route, la majorité des habitants nocturnes préférant s’encanailler dans les rares débits de boissons et maisons de passe encore intact le long de la jetée.

- Et c’est donc tout ce que je suis à tes yeux, ô pieu soldat ? Un engin de mort, rien de plus ? Et attention, si tu rajoute « hérétique » dans ta prochaine phrase, je te mords. Réellement.

- Dame, non, je tiens trop à ma pauvre vie d’honnête serviteur pour être aussi bête, répondit Exodus en s’arrêtant dans leur marche et en la ramenant délicatement devant lui. Aussi vrai que je m’appelle Reisk.

- Alors là, ça ne t’engage pas à grand-chose, pouffa-t-elle en se reprochant à lui.

- Va savoir, reprit-il en lui glissant la main sur sa joue. Mais pour répondre honnêtement, peut-être devrais-je dire que tu es à la fois une femme fascinante et impressionnante mais également un péché incarné, certes caché sous ses plus beaux atours.

Ils étaient maintenant collés l’un à l’autre, front contre front, leurs respirations entremêlées créant un léger nuage dans l’air frais nocturne.

- Sans doute le péché que je n’ai jamais autant désiré de toute ma vie, finit-il en l’embrassant tendrement, Lùthien le lui rendant avec désir.

Ils restèrent ainsi enlacés plusieurs minutes. Exodus ne prit pas vraiment la peine de faire attention au temps qui s’écoula, trop occupé qu’il était à ressentir de tout son être la chaleur du corps qui se lovait contre le sien.

- N’est-ce pas une grande faute que tu viens de faire là ? lui demanda Lùthien après un court instant. Comment vas-tu donc t’y prendre pour te faire pardonner ?

- Et bien il y a la confession, répondit-il d’un air faussement sérieux. Mais la rue ne sied guère à ce genre de chose, rapport à la confidentialité de cette procédure. L’intimité, même, oserais-je dire.

- Oh, je vois. Et quel lieu serait donc assez… intime pour accueillir votre repentir ? lui demanda Lùthien dans le creux de l’oreille.

- Hum, je dirais bien que le plus commode serait mon point de chute, ici-même. Un petit deux pièces, une masure de fonction. Elle est située près de la place du Marché, et elle a échappé au plus gros des assauts – même si je crois qu’une poutre est tombée dans l’escalier. Et en prime, j’y ai toujours une réserve de chocolat premier choix ainsi qu’une bouteille d’alcool de Réhan, pour les invités. Intéressée ?



Citation de Grendelor :


Lùthien trouvait les manières d'Exodus tout à fait à son goût. Quand bien même elle gardait à l'esprit qu'il pouvait l'utiliser afin d'en savoir plus sur son compte, l'elfe n'en avait cure et profitait pleinement de l'effet que sa présence avait sur le corps du Répurgateur. Lorsqu'il suggéra qu'ils aillent continuer leur charmante "discussion" dans son appartement, elle prit tout de même le temps d'une véritable réflexion. Son propre logement n'avait pas survécu à la guerre. Seule sa planque dans les égouts restait accessible. Bien que la discrétion en fasse un endroit avantageux, la recrudescence de sans logement vivant dans les parages rendait les choses plus difficiles. Lùthien pouvait aussi proposer la chambre qu'Henry lui gardait dans la taverne L Place, qui avait miraculeusement tenu le coup lors des combats, mais cela lui semblait peu commode. Et elle n'avait ni chocolat, ni boisson. Aussi, Lùthien répondit avec un sourire canaille :

Je suis curieuse de voir dans quel genre d'endroit tu peux bien vivre... Si tu es gentil, je te débarrasserai même de la poutre dans l'escalier.

Avec le visage de celui à qui on vient d'offrir à manger alors qu'il meurt de faim, l'Enfant les mena dans les ruelles. Ils allaient lentement, enlacés par la taille, silencieux. L'elfe se délectait de sentir la chaleur d'Exodus à travers ses vêtements, d'entendre son coeur battre rapidement avec toute la puissance d'un corps en pleine forme (il était clair que malgré sa réputation de bon mangeur, le Répurgateur menait une vie suffisamment mouvementée pour le maintenir) et de sentir son odeur musquée d'homme d'armes. Bien qu'il ne porta pas son armure actuellement, sa fragrance restait accrochée à son corps, ajoutant encore à sa virilité.

Enfin, ils arrivèrent devant un petit immeuble. Exodus, leur fit passer une première porte rapidement, ce qui les cacha aux yeux de tous : occupants et traînes-savates. Ils montèrent une volée de marches, le Répurgateur ouvrant la voie, et au milieu de l'escalier se trouvait effectivement une grosse poutre. Il était possible de passer dessous, en se contorsionnant. Lùthien examina la taille et l'attache de la poutre. Elle était encore rattachée par quelques fibres au morceau principal qui soutenait le plancher du deuxième étage. Elle était presque aussi large que l'elfe mais sa longueur n'excédait pas les un mètre cinquante, soit la largeur de l'escalier. Exodus la regardait évaluer la situation avec un petit sourire. A sa place, elle se serait demandée s'il préférait qu'elle réussisse à dégager le passage ou non. Sa réussite soulignerait une nouvelle fois ses capacités allanthropes. Lùthien n'en avait que faire. Elle n'avait nullement l'intention de se faufiler sous cette masse. Elle se retourna vers Exodus et le poussa doucement de la main tout en lui murmurant :

Mon ange, si tu veux bien me faire un peu de place, je devrais pouvoir arranger ça.


Lùthien descendit d'une marche, se concentra un instant avant de frapper violemment du pied la poutre en direction du plafond. Les derniers liens la rattachant à l'autre bout se brisèrent et la poutre tomba lourdement sur les marches, dans le sens de la longueur. On pouvait désormais passer à côté, ce que firent les deux compères. Ils se trouvèrent alors devant une simple porte de bois, ne portant aucun signe distinctif qui pouvait l'identifier comme l'entrée du logement d'un Enfant de l'Unique. Toutefois, la clé que tenait Exodus l'ouvrit et ils pénétrèrent dans une simple chambre. Enfin, c'était ce qui lui paraissait à première vue.

Je goûterai bien cet alcool du Rohan dont tu m'as parlé, fit l'elfe tout en examinant les lieux.

Un coin cuisine sommaire permettait au Répurgateur de faire à manger si le coeur lui en disait. Un fauteuil de cuir faisait face à l'unique fenêtre, séparée de celle-ci par une table basse. Un lit simple occupait l'angle nord alors qu'une plante prenait place à l'ouest. Aucune décoration. La parfait petite chambre de soldat. Voilà l'effet que cela lui faisait.
Exodus lui tendit un verre contenant un liquide mordorée au bouquet puissant. Le Répurgateur s'installa avec un soupir de contentement inconscient sur le fauteuil. Au moment où il se rendait compte que Lùthien n'avait rien pour s'asseoir, celle-ci vient naturellement se mettre sur ses genoux, croisant ses longues jambes sur l'accoudoir. Leurs verres s'entrechoquèrent doucement.

A cette joyeuse nuit, fit l'elfe en buvant une gorgée d'alcool.

Il lui chauffa la gorge avant de se répandre dans tout son corps.

Pas mal du tout. J'espère que vous avez d'autres surprises du même genre, monsieur le Répurgateur, sussurra Lùthien avant d'embrasser langoureusement Exodus.

Celui-ci lui rendit son baiser avec ardeur. Cette fois, la chaleur qui monta en elle ne devait rien à l'alcool. De sa main libre, elle posa ses doigts sur la nuque de son compagnon et plongea un regard aux pupilles dilatées de désir dans ses yeux. Exodus posa son verre à terre et enlaça la taille fine de l'elfe. Lùthien détacha ses lèvres et, avec un clin d'oeil, vida d'une traite sa liqueur. Sa seconde main, enfin libre, se promena sur le cou, puis le torse du Répurgateur. Le désir s'épanouissait en eux, plus fort que toute raison ou foi.

Ce fut le chant d'un oiseau qui éveilla Lùthien alors que le soleil avait déjà bien entamé sa course vers son zénith. Elle était lovée contre le corps chaud d'Exodus d'un côté et coincée par le mur de l'autre. Elle mordilla tendrement l'oreille du Répurgateur.


Citation de Exodus (...) :
:Exodus:


Exodus était réveillé depuis déjà une heure mais n’avait pas trouvé de bonnes raisons de se lever depuis. En tout cas, aucune qui ne surclasse la douce et chaude sensation de la peau de Lùthien contre la sienne.

L’Enfant respirait lentement, s’amusant parfois à calquer sa propre respiration sur les légers va et viens de la poitrine de la jeune femme. Pouvait-on d’ailleurs parler de jeune femme pour une personne qui avait vécu plus de trois fois sa propre vie ? Lui vint alors en mémoire une sélection subjective d’instants ne datant encore que de quelques heures. Oui, on pouvait sans problème parler de jeune femme, aucun doute là-dessus.
En revanche, le fait de penser à la durée de vie de Lùthien amenait inévitablement à des réflexions plus gênantes. Lùthien. C’était amusant, s’était-il dit en y repensant, comme il évitait soigneusement de se référer à elle, même mentalement, comme à une elfe. Un peu comme si éviter d’y penser suffisait finalement à faire que cela n’existe pas.

Comme pour lui rappeler le bourbier – charmant au demeurant – dans lequel il s’était enfoncé, Lùthien bougea légèrement, calant sa tête contre son épaule et la plaçant de manière à ce que ses oreilles allongées et pointues se détache encore mieux sur ses courts cheveux bruns. Si l’ironie avait toujours été une compagne de sa vie, Exodus la soupçonnait maintenant d’être télépathe. Enfin, au moins ce n’était sur ces espèces d’excroissances difformes que son désir était basé, et la silhouette de la jeune femme offrait autant, si ce n’était plus, de charmes auxquels succomber que le corps d’une belle femme. D’une vraie femme, le corrigea son cerveau formaté et qu’il remercia de la précision.

Exodus laissa traîner son regard sur les cheveux de Lùthien, puis le fit dériver de sa nuque à ses hanches, avec toutes les étapes intermédiaires nécessaires. L’un dans l’autre, ce n’était pas une si mauvaise matinée. Elle succédait à une nuit qu’un poète aurait qualifiée de sensuelle – adjectif que le Répurgateur considérait comme un masque de bienséance autorisant les plus amusantes idées – et surtout voyait le soleil se lever sur sa survie à sa charmante compagne. C’est fou comme il pouvait être facile d’oublier qu’un démon était enfermé dans quelqu’un lorsque cette même personne jouait sur certains endroits du corps d’une manière qu’un poète se serait empressé de qualifier de sensuelle.
Les chauds rayons du soleil filtraient maintenant par la fenêtre, ce qui indiqua à l’Enfant que l’heure était honteusement avancée. Normalement, le pièce ne bénéficiait du soleil que vers les environs de midi, bien que la destruction de l’immeuble juste devant l’ouverture suite à la chute d’un phalène et son cavalier ait raccourci cette attente de plus d’une demi-heure – et au passage considérablement améliorer le point de vue sur le port. La chaleur qui lui cuisait doucement le pied lui indiqua d’ailleurs que son pied droit était sorti du drap.
Il était occupé à réfléchir à la manière de ramener le fuyard sous le tissu des draps sans risquer de réveiller Lùthien lorsque celle-ci lui mordilla tendrement l’oreille, le faisant à la fois sourire et abandonner son plan de mouvement circulaire de la cheville.

- Je croyais que tu avais promis de ne pas me mordre si je ne te qualifiais pas d’hérétique, lui dit-il en l’embrassant sur le front.

- Et moi je croyais que tes seuls rapports avec les non-humains incluaient des torches, répondit-elle d’un ton malicieux et en s’étirant de tout son long.

- Plus tard, si tu es sage. Mais d’abord, dit l’Enfant en s’asseyant sur le bord du lit et en faisant craquer sa nuque, petit déjeuner.

Il se leva et chercha ses vêtements du regard. Il trouva chausses et pantalon au même endroit et les enfila. Les chaussettes étaient introuvables. Quant à la chemise, elle pouvait attendre. Il se mit devant la fenêtre et s’étira autant qu’il put, savourant la tiédeur du symbole en cuivre doré de l’Unique qui pendait à son coup et ne le quittait jamais, lequel absorbait vite la chaleur d’un soleil bientôt à son zénith.
Il se gratta machinalement le ventre et se dit que, réflexion faite, il vaudrait mieux passer directement au déjeuner. Bah, dans tous les cas il ne lui restait que du pain de la veille, un peu de fromage et la moitié de la bouteille des Marches de Réhan pour Lùthien. Ah, et aussi un fond de chocolat. Il suffirait de le touiller un peu, ce truc se buvait tout aussi bien froid.

Il se tourna vers Lùthien pour annoncer le menu et ne put s’empêcher de porter ses yeux une nouvelles fois au corps qu’elle présentait sans aucune pudeur au soleil. Il s’arrêta sur l’amas de cicatrice qui lui parcourait le ventre.

- Tu sais, je continu de me demander comment, par l’Unique, des membres de Son saint culte ont réussi à te capturer. J’ai encore en mémoire la scène des souterrains de Giudichar Kala et je n’ose même pas imaginer combien de fidèles croyants ont dû y passer avant de t’arrêter.

Il remplit un verre d’eau et le versa dans la soucoupe de sa plante verte – un petit bonzaï rapporté d’outre-mer qu’il avait affectueusement appelé Mandrite – comme si la discussion portait sur le temps et les mouettes.

- Ah moins bien sûr que tu ne te soit fait prendre au piège après une folle nuit passée avec un Répurgateur et que celui-ci t’ai drogué par la suite avec le petit déjeuner. Mais bon, ça m’étonnerais que tu te soit faite prendre deux fois au même piège, rajouta-t-il d’un air conspirateur mais en souriant de toutes ses dents. Au fait, ton pain : grillé ou non ?



Citation de Grendelor :


Le soleil chauffait agréablement la peau de Lùthien. L'elfe pensa un instant à se lever comme l'avait fait son charmant hôte mais finalement, elle décida qu'elle était tout aussi bien ici, à se faire dorer. De ses yeux mi-clos, elle surveillait les mouvements d'Exodus, souriant quand il lui fit le résumé de leur situation culinaire. Voilà qui ressemblait bien au répurgateur que de s'intéresser dès le lever à ce qu'il pourrait bien avaler. Réflexe qui allait parfaitement bien à Lùthien, puisqu'elle-même mourrait de faim. Le menu promettait d'être frugal, mais l'alcool lui servirait de carburant jusqu'à ce qu'elle ait accès à une vraie ration alimentaire. Elle allait certainement devoir chasser d'ailleurs.

Plongée dans ses réflexions, l'elfe ne remarqua le regard pensif d'Exodus sur son ventre que lorsqu'il posa la question fatidique. Qu'il essaya de faire passer pour innocente avec une blague et un détournement vers la nourriture. Si l'elfe savait maitriser son visage, le voile qui assombrit ses yeux était assez évocateur. Une tristesse profonde. Pas de colère ou de remords, pas la douleur face à ce souvenir. Juste de la tristesse. Lùthien se mit sur le côté, soutenant sa tête de sa main gauche et son regard capta celui du Répurgateur.

Grillé, le pain.


Sa voix était normale, chantante et légère. Trop normale pour le sentiment intense qui l’étreignait.

Non, je n'étais pas au lit avec un charmant Répurgateur. A vrai dire, je ne connaissais même pas ce terme à l'époque. Elle s'arrêta un instant, cherchant comment dire l'essentiel sans trop en dévoiler. Cependant, tu as raison sur un point, j'étais au lit. Avec un humain tout ce qu'il y avait de plus banal. Si ce n'est qu'il vivait avec moi depuis plusieurs années. Deux choses ont facilité ma capture, deux choses qui ne se reproduiront plus. Mon ignorance du Culte et mon état physique. Malgré les années, sa voix cassa légèrement à cette évocation. J'étais enceinte de huit mois. Ce qui n'est pas pour faciliter les combats. Et, à défaut de savoir ce que cela pourrait faire, j'avais décidé de ne plus avoir recourt aux forces du démon pendant cette période délicate. Un sourire forcé passa. Donc, comme tu le vois, je ne me suis pas faite prendre deux fois au même piège. Estime-toi heureux d'ailleurs. Ceux qui m'ont capturée l'ont amèrement regretté.

Elle brisa le contact visuel avec Exodus en se levant. La bouteille était toujours près du fauteuil. Lùthien la prit, trouva son verre, se servit une bonne dose qu'elle avala d'une traite. L'elfe versa une seconde fois le liquide et se posta devant la fenêtre, tournant le dos au Répurgateur. Elle laissait le soleil éloigner le froid qui s'insinuait quand elle pensait à ce moment de sa vie. De temps en temps, elle portait le verre à sa bouche.



Citation de Exodus (...) :


Exodus était en train de réfléchir au fait que sa capacité à mettre un pied dans le plat relevait plus de l’art que de la maladresse. Là où le commun des mortels se contentait de poser délicatement le pied avant de s’excuser l’air gêné, lui avait plutôt tendance à sauter à pieds joints sur le pauvre service, les talons en avant, de manière à ce que la victime ne se relève jamais.
Et il voyait distinctement dans les yeux de Lùthien qu’il venait de réaliser, sinon un chef d’œuvre, une pièce d’exposition.

- Grillé, le pain.

Il rompit le contact visuel d’un hochement de tête et se retourna en direction de son coin cuisine, sentant son regard sur son dos.

Tandis qu’elle lui relatait son histoire, il s’affairait à arranger le repas frugale qui leur permettrait de tenir jusqu’à ce qu’ils atteignent un restaurant convenable. Pour le pain, il avait placé une grille au-dessus des braises du poêle, lequel avait ronronné toute la nuit. Les épaisses tranches de pains subissaient donc la torture du fer rouge tandis qu’il fouillait les placards à la recherche d’une ultime substance un tant soit peu comestible. Jusqu’à présent sa seule découverte avait été un couple de pommes desséchées, desquelles les dernières vitamines avaient dû depuis longtemps se suicider de solitude.

Il venait de retrouver derrière une pile d’assiette un petit pot de terre encore scellé à l’allure suspect lorsque Lùthien fit mention de son ancien couple et de sa condition de femme enceinte. Il ne s’arrêta pas et réussi même à éviter de se taper le haut du crâne contre le cadre du meuble, mais son attention n’en fût pas moins entièrement focalisée sur ce qui lui disait alors la jeune femme.
Il se redressa et lui jeta des regards attentifs alors qu’elle lui racontait tout, ou du moins tout ce qu’elle estimait nécessaire. Le reste, il l’imaginait facilement, étant plus que familier avec les méthodes de Sa Sainte Inquisition. Le père avait sans doute été jugé et exécuté. L’enfant, extirpé de force, ce qui pouvait passer pour une sorte de pitié expéditive : partout où le Culte de l’Unique avait voix au chapitre, la vie des bâtards interespèces étaient, sinon brève, particulièrement misérable. Les plus chanceux finissaient serviteurs ou étaient assignés aux bordels de campagnes. Dans de très rare cas, il était arrivé que l’un d’eux accède à une situation honorable, mais sous condition que le gène allanthrope ne se manifeste pas de manière trop visible. Il se souvenait notamment de l’histoire d’un Répurgateur qui aurait eu un quart de sang orc. La légende voulait qu’il n’ait jamais perdu au bras de fer.
Une petite partie de son esprit, celle qui se rapprochait le plus d’une pseudo-conscience professionnelle, lui indiqua que la grossesse interrompue expliquerait les marques de son ventre : les agents spéciaux du Culte n’étaient pas connu pour leur tendresse envers les allanthropes, ni pour leur politesse en générale. Ils avaient sans doute pris le premier objet un brin tranchant qui passaient à portée, lui avait ouvert le ventre et extirpé l’enfant ainsi que tout organe qui serait venu avec. Ce qui t’arrange bien, non ? susurra une petite voix dans sa tête. La dernière chose que tu souhaites serait de voir se poindre bientôt un autre petit bâtard…
La ferme, lui répondit-il en sachant pertinemment qu’elle avait raison.

La dernière information qu’elle laissa échapper fût sans doute la plus intéressante : elle exerçait sur la bête un pouvoir réellement total, l’empêchant même de prendre le dessus lorsque la vie de l’hôte était en danger. Une information qui serait plus qu’utile dans le futur.

- Donc, comme tu le vois, je ne me suis pas faite prendre deux fois au même piège. Estime-toi heureux d'ailleurs. Ceux qui m'ont capturée l'ont amèrement regretté.

Alors qu’elle se levait pour aller se servir un verre, Exodus se demanda quelle parole de réconfort pourrait bien rattraper l’humeur mélancolique dans laquelle elle se trouvait maintenant. Aucune, songea-t-il amèrement, vu qu’elles ne seraient de toute manière que de la fausse compassion.

Machinalement il ouvrit le pot qu’il tenait encore dans les mains, révélant une matière marron semblable à du sable, composé de plusieurs petits cristaux bruns. Lorsqu’il planta une cuillère dans le pot, elle resta quelque instant en suspension avant de commencer à couler. Le pot de miel anciennement fossilisé engloutit l’ustensile sous les yeux du Répurgateur, lequel se mit à la recherche d’un couvert plus long.
Au bout de quelques secondes il s’approcha de Lùthien, laquelle sirotait son verre en petites doses régulières, accoudée nue au bord de la fenêtre. Il lui passa une main sur l’épaule qui remonta doucement en direction de sa joue.

- Désolé d’avoir posé la question, finit-il par dire, en le pensant réellement – l’humeur gâchée de Lùthien allait finir par rejaillir sur la sienne, et ça, ça le désolait. Je suppose qu’il y a de meilleures manières de commencer une journée.

Il lui amena de l’autre main un plateau sur lequel trônaient deux tranches de pains grillés, une demi-tome de fromage et le pot de miel ancestrale.

- Comme un petit déjeuner par exemple ? J’ai retrouvé un rab de miel, précisa-t-il avec fierté, ça se mariera avec merveille au fromage.

Elle s’apprêtait à répondre lorsque l’on frappa trois coup à la porte de la pièce.

Exodus se dépêcha de poser le plateau à côté de Lùthien et se retourna vivement pour récupérer son chapeau sur le dossier de la chaise, avant de l’envoyer à Lùthien.

- Coiffe-toi, tu veux ? lui dit-il en récupérant au passage un dague qu’il glissa à l’arrière de son pantalon et un pistolet qu’il garda en main. Dans cette ville, la prudence était le seul instinct de survie valable.

Il se dirigea alors vers la porte et l’ouvrit légèrement, juste assez pour que l’on voie sa tête et une partie de son torse. Un jeune homme portant la livrée des acolytes du Culte se tenait devant l’entrée, légèrement surpris.

- Heu… Seigneur Exodus ?
- Lui-même, répondit l’intéressé avec un sourire et en ouvrant un peu plus grand la porte. C’est à quel sujet ?
- Je… Heu… Je suis censé vous délivrer cette missive, dit-il tout en exhibant une enveloppe jaunie.
- Ha ! C’est bien ça, j’imagine.
- Heu… Oui.
- Et donc il faudrait peut-être me la donner maintenant ?
- Oui, oui ! Pardon !

Le jeune homme était un peu perdu. On lui avait dit que le destinataire était un Inquisiteur de grande réputation, réputation qui n’incluait pas pour lui de se balader pied nus en pantalon à presque midi. Pour ne rien arranger, la femme nue – a l’exception d’un chapeau, étrangement – qui essayait de voir ce qui se passait depuis le fond de la pièce tout en croquant dans une tartine commençait à lui poser de sérieux problème de concentration.
Le Répurgateur pris la lettre des mains du coursier et remercia le jeune homme fort poliment avant de lui refermer la porte au nez.

- Tu parles d’un dégourdi, dit-il. Bon, voyons cette lettre… Ah, elle porte le sceau du Primat. Je me demande ce qu’il...

Il n’eut pas le temps de finir qu’un bruit de bousculade provint de l’escalier. Suivit, il l’aurait juré d’un râle de douleur étouffé…




Citation de Grendelor :


Le bruit de chute dans l'escalier, aisément reconnaissable pour ses oreilles sensibles, fit éclater de rire Lùthien.

En voilà un qu'il vous faudra surveiller ! Il est encore trop impressionnable pour être un Enfant, se moqua gentiment l'elfe tout en ajustant plus commodément le chapeau d'Exodus sur sa tête.

Son humeur chagrine s'était envolée avec cet intermède inattendu. Elle s'approcha d'Exodus, l'enveloppa de ses bras et déposa un baiser, qui n'avait rien de chaste, sur ses lèvres.

Allons, ne sois pas désolé. N'importe qui d'un tant soit peu intéressé aurait posé la question. Tu as juste plus de raisons que la moyenne. Et moins de retenue. Ce que j'aime beaucoup, ajouta-t-elle d'un ton entendu en se collant un peu plus au corps du Répurgateur.

A moi de poser la question qui tue, s'exclama-t-elle en prenant la dernière tranche de pain, sans s'occuper de savoir si son compagnon pouvait bien avoir encore faim. Qu'il y a-t-il dans cette missive? Et, surtout, puis-je te voler une journée encore à ta mission envers l'Unique? J'ai faim et Galvorn n'offre pas les meilleurs plats en ce moment... Alors que les forêts d'Echoriath regorgent de gibier...

A cette idée, une flamme avide s'alluma dans les yeux dorés de la louve, celle de l'affamé devant un buffet bien garni.

... Sinon, je pourrai bien être obligée de te dévorer toi... murmura-t-elle à l'oreille d'Exodus, ses doigts fins glissant sur ses bras.

Leurs peaux se touchaient et le Répurgateur pouvait constater que, malgré sa tenue inexistante, l'elfe dégageait une importante chaleur. Ce qui, en plus de son comportement, contredisait totalement la légendaire froideur de cette race.

Cependant, Lùthien avait plus faim d'un vrai repas que du corps d'Exodus, pour appétissant qu'il soit, et elle n'avait pas parlé des forêts d'Echoriath pour rien : là-bas ils seraient tranquilles et en plus, ils seraient proches des fameuses mines. restait à savoir la priorité de cette mission pour le Culte.


Citation de Exodus (...) :



Exodus sentit ses poils se dresser sur sa peau lorsque les doigts de Lùthien virent lui caresser les bras avant de remonter vers les épaules. C'est dingue, songeait-il, a quelle point elle est doué! Bon sang je me suis même habitué à son odeur alors qu'elle m'aurait fait vomir trois jours plus tôt. Sans doute parce ce qu'elle a eu beaucoup plus de temps pour s'entraîner... lui répondit une petite voix maintenant désagréablement familière. Quand on y pense, des décades, des siècles même de décadence et de fourberie, ça vous forge un homme, non? Ou une femme, en l'occurrence. Sur combien crois-tu qu'elle se soit exercée avant toi, à part le papa malheureux?

Il essaya de faire taire la voix à coups de pieds virtuels mais elles réussi à s'enfuir derrière une synapse et a le gratifier d'un geste fort réel.
La prochaine fois...

- Ne me fait pas miroiter ce genre de repas, répondit-il enfin a la femme tout en lui rendant un baiser, sinon je pourrais bien provoquer toute une disette rien que pour te forcer à l'appliquer.

Il se défit toutefois de son étreinte et remonta devant son nez l'enveloppe jaunie.

- Quant à savoir ce que contient la missive, je vais m'en informer dans l'instant. Mais il va sans dire qu'une correspondance portant le cachet de mon Primat se doit de rester aussi confidentielle qu'elle est d'importance. Donc je te prierai de faire honneur à ta race - si tenté qu'elle en ait un - et d'être très discrète lorsque tu liras au-dessus de mon épaule.

Sitôt dit, il alla se laisser tomber dans un fauteuil format familiale, au dossier si haut et large que son occupant pouvait s’y prélasser de tout son aise sans jamais qu'aucun bout ne dépasse – ce qui dans le cas du Répurgateur était en soit un miracle d'ingénierie. L'elfe passa alors la tête au-dessus du dossier et y posa son menton pour lire en tout confort la lettre que l'Enfant venait délicatement de décacheter.

Étrange, songea alors Exodus, ces pattes de mouche ne sont pas de l'œuvre de De Vaanne.


« A l'attention du Répurgateur et Enfant Exodus, voici les paroles et ordres impératifs émis par la bouche du grand Primat De Vaanne, et retranscrit fidèlement par les mains de Son serviteur et Enfant, Tear. Qu'il en soit pris acte.

En premier lieu ses plus chaudes félicitations au Répurgateur Exodus pour avoir, semble-t-il, réussi pour une fois à mener rapidement et efficacement une mission qui lui fut confiée. Le Primat espère qu'il s'agit là du premier exemple d'une multitude d'autre mission mené avec autant de zèle, et non d'une crise soudaine et éphémère. Dans tous les cas, une cellule d'une trentaine de Jurés et soldats, accompagné par trois archivistes et un prélat sont d'ores et déjà en route pour Sûl-Nar, avec pour ordre de préparer les lieux à notre usage et de faire l'inventaire des richesses décrites dans la précédente missive (pour peu qu'un trésor puisse survivre quatre jours sans surveillance dans cette ville).
La consigne de ne pas envoyer l'Archiviste et Enfant Teclis a d'ailleurs été approuvé et appliquée, mais pour des raisons expliquées plus bas.

En ce qui concerne la découverte d'une nouvelle organisation plus ou moins occulte, il s'agit là d'une bonne chose, à défaut d'une surprenante. L'état d'esprit fourbe de cette région a apparemment toujours favorisé la création de ce genre de groupe décadent. En revanche, le fait qu'elle se trouve liée à un nouveau culte païen est plus inquiétante. Nos archivistes et copistes sont d'ores et déjà en train d'étudier le symbole fournit précédemment - lequel a d'ailleurs un peu bavé durant le transport, pensez à le placer quelques temps dans du riz sec avant de le mettre dans l'enveloppe a l'avenir - et les résultats devraient vite ressortir.

Maintenant concernant la mission suggérée par vous au sujet du négociant Tanrim, nous somme au regret d'annoncer qu'elle ne pourra être confié aux Enfants Mike et Laylay, ceux-ci étant indisponible car à la recherche de l'Archiviste Teclis.

En effet, dans le courant de la semaine passée il a tenu à faire démonstration au Primat des progrès concernant ses recherches sur les membres artificiels à destination de nos soldats blessé. Oui, ces mêmes recherches qui dégagent depuis plusieurs mois cette odeur pestilentielle dans les sous-sols des laboratoires. Toujours est-il que suite à cet exposé notre bien aimé Primat manqua de se trouver à son tour dans l'attente des dis membres artificiels. On ignore encore comment notre Archiviste a réussi à provoquer une explosion avec ces échantillons, ainsi qu'à fuir avant que la fumé ne soit entièrement dissipée. Ceci explique donc pourquoi les deux meilleurs traqueurs de notre congrégation sont à sa recherche dans tout Belthil et sa banlieue, et également pourquoi je me trouve actuellement attaché avec la charge de copiste et garde du corps de notre Saint Primat - l'état actuel ses mains ne lui permettent plus de manier Antienne convenablement.

Aussi la tâche vous reviens d'appliquer votre plan qui, le souligne encore une fois notre valeureux Primat, se trouve étonnamment adapté à la situation. Rendez-vous à Echoriath, et de là rejoignez les mines de Cendreval. Une fois sur place, trouvez un moyen d'utiliser les informations découvertes à Sûl-Nar pour déstabiliser la position de Tanrim et le forcer à reconsidérer les termes de nos échanges. Si son implication avec le culte est avéré de manière frappante, faites ce qui est à faire pour que nous n'ayons plus à traiter avec cet individu lors des prochaines commandes.
Enfin, la libération d'enfants esclaves revendiquée serait effectivement un grand plus pour la propagation de Sa parole, ainsi que la possibilité de prendre directement sous notre aile les orphelins humains. Libérez également les allanthropes si cela vous aide sur l'instant mais évidemment nul besoin de se soucier plus en avant de leur sort. Notez que pour vous aider dans cette tâche une somme vous sera remise à notre mission d'Echoriath pour l'engagement de un ou plusieurs mercenaires, nos forces dans le nord étant encore trop dispersés. Évitez juste de requalifier son contrat comme à votre habitude, nous avons de plus en plus de mal à recruter de ces soldats de fortune à mesure que le temps passe.

Vos ordres vous sont donnés, allez et suivez Sa voix.



DE VAANNE



Ps : je t’adjoins plus personnellement de ne pas passer par Belthil en chemin. L'état du Primat semble assez dégradé sans que ta présence ne vienne l'aggraver. Je cite : "L'avantage avec tout ça, c'est qu'au moins il est utile et en plus il reste loin de moi pour encore quelques semaines. L'utile lié à l'agréable en quelques sortes". Je te laisse juge de ces paroles.


TEAR »



Exodus repris la lettre depuis le début, s’attardant sur le passage mentionnant les blessures supposées de son supérieur. Puis il lâcha un profond soupir, hésitant entre le soulagement et la résignation : si DeVaanne était toujours aussi désagréable, il ne pouvait pas être aussi sérieusement mal au point que Tear le prétendait.

Il posa la lettre sur la petite tablette qui faisait face au fauteuil et se leva face à la fenêtre, savourant un bref instant la chaleur des rayons sur le haut de son corps. Enfin, il se retourna vers Lùthien, toujours accoudée au dossier mais qui le regardait avec des yeux amusés, et lui reprit son chapeau qu’il se vissa sur le crâne.

- Dis-moi, tu m’as bien parlé d’un petit séjour à Echoriath, non ? C’est amusant car justement, on m’envoie là-bas. Et je lis ici que j’ai pour ordre de faire appel à un ou plusieurs mercenaires pour cette tâche, avec consigne stricte de ne pas les éliminer à la fin du contrat.

Il fit le tour du fauteuil et entoura la femme nue de ses bras.

- Je me demande bien qui je vais pouvoir engager, lui dit-il avec un grand sourire.



Citation de Grendelor :
:Luthien:


Lùthien sourit ingénuement.

Oui, je me demande bien qui va vouloir accompagner un Répurgateur de ta réputation, aux appétits insatiables, dans une mission impliquant la découverte et l'éradication d'un culte aux tendances sacrificielles, le tout dans les contrées fort peu hospitalières d'Echoriath et de ses mines. Je me demande.


Elle caressa la joue d'Exodus du bout de l'ongle, les yeux dans le lointain. L'un et l'autre étaient déjà dans la préparation de « leur » mission. Évidemment, c'était surtout la mission de l'Enfant de l'Unique, dans le but d'étendre l'influence de Son culte, culte que l'elfe n'appréciait pas particulièrement. Toutefois, elle ne pouvait laisser celui de la Déesse Rouge prospérer dans le sang des enfants.

Le louve se mit soudainement en mouvement, se libérant d'Exodus, se rhabillant tout en parlant.

Très bien. Mieux vaut y aller rapidement. Même s'ils sont déjà au courant de ce qu'il s'est passé à Giudichar, ils ne s'attendent pas à ce que nous arrivions si vite, ni si peu nombreux. Mais pas besoin d'une armée quand tu as un démon de ma puissance à ton service et une épée qui fait des ravages.

Le ton ferme et sérieux avec lequel elle s'exprimait déniait tout droit de réplique à son interlocuteur.

Il faut que je récupère quelques affaires et je suppose que tu as tes propres « courses » à faire. Retrouve-moi à la tombée de la nuit à la sortie nord de Galvorn. Je te propose une virée en moto, conclut-elle avec un sourire joyeux.

Lùthien s'approcha de la fenêtre, l'ouvrit et examina les environs.

Une sortie discrète s'impose, le minot de tout à l'heure risque de cafter. Même s'il n'a vu en moi qu'une femme nue, quand on saura que tu fais équipe avec une elfe les rumeurs vont aller bon train. Moins de gens nous verrons ensemble ici, moins ces rumeurs prendront corps.

Encore une fois, Exodus n'eut pas l'occasion de donner son avis. L'elfe l'embrassa passionnément et se coula par la fenêtre. En quelques secondes, elle disparut.

Sitôt partie, Lùthien se dirigea vers les égoûts. Un chemin détourné l'amena jusqu'à sa planque sans qu'elle croise âme qui vive. Là, la Chasseuse s'équipa : deux jeux de lames et de vêtements de rechange, des vêtements chauds aussi s'ils devaient aller dans les montagnes et, surtout, une large provision d'aliments énergétiques. Elle chargea les sacoches de sa moto et ressortit en les transportant sur son épaule. De là, elle rejoignit L'Place où elle demanda à Henri de lui fournir deux repas. La danseuse le prévint aussi de son absence. Depuis l'attaque, le barman s'inquiétait encore plus de ses protégées, plus très nombreuses. Inutile de le stresser alors qu'elle « partait en voyage ».

D'un pas conquérant, qui décourageait les attaques venant des plus démunis qui voyaient ses sacoches rebondies, l'elfe retrouva l'engin motorisé qui l'accompagnait depuis plus d'une dizaine d'années. Le grondement du moteur et les vibrations de la machine firent naître un sourire de contentement sur le visage de Lùthien.

La nuit tombait quand elle arriva au lieu de rendez-vous. Noir sur noir, immobile dans l'ombre, la Chasseuse était invisible.


Citation de Exodus (...) :


Tes propres « courses », avait-elle dit.

Lùthien avait beau connaitre le Répurgateur de plus en plus intiment, elle ne savait pas ce que ces simples mots avaient libérés : un Exodus ayant quartier libre et un budget conséquent représentait pour les boutiquiers une affaire en or et pour les marchands à la sauvette un défis digne d’être consigné dans les Annales des Négociant de Grand Chemins. L’après-midi promettait d’être agréable.

Mais pour l’heure il lui fallait préparer le matériel nécessaire à son expédition. La question des réserves ne se posa pas, le petit déjeuner du couple ayant achevé les maigres provisions que contenaient encore l’appartement. Aussi se contenta-t-il de réunir ses armes, munitions et fioles de rechange dans un grand sac de cuir ciré, le modèle qu’affectionnait les marins de Galvorn et que l’Enfant appréciait pour sa capacité de stockage plus que raisonnable lorsque l’on commençait à compter en terrine.

Une fois les outils de camping à doubles tranchants rassemblé, il sélectionna plusieurs vêtements de rechange, deux paires de chaussettes de laine doublées et un solide ensemble de gants en cuir fourré. Si la côte et les plaines connaissaient encore la douceur d’un milieu d’Automne, la ville des montagnes devait déjà avoir atteint le côté négatif du thermomètre et la neige allait se trouver de plus en plus ambitieuse à mesure que les jours allaient passer. Il prit enfin un manteau de son vestiaire, plus épais que son actuelle cache poussière et munis d’une capuche. Les touffes de poils ressortant des manches brunes trahissaient la conception luxueuse de ce veston.

Bien, tout était dans le sac. Ne manquait plus que le passe-partout. Qui était rangé… quelque part. L’Enfant se mit à quatre pattes dans tout l’appartement, cherchant dans les moindres recoins la petite boite de plomb dans laquelle il avait banni l’objet. Boite elle-même si bien exilée qu’il ne savait même plus où il l’avait rangé. Fatigué de cherché, il se mit au milieu de la pièce et annonça d’une voix forte :

- Ouvreur ! Réveille-toi mon gars, on y va !

Aucune réponse ne se fit entendre.

- Allez Ouvreur, arrête de faire la tête, je te dis que j’ai besoin de toi.

Silence derechef. Le Répurgateur se prit le menton entre les doigts, réfléchis quelques instants et souris alors avec malice.

- Bon, tant pis ! Je vais emmener ce… ce… ce journal intime à un forgeron, il arrivera bien à faire sauter la serrure, même si elle est en…

La voix sembla provenir de derrière l’armoire, à moitié étouffée.

- Une serrure de journal ? Le modèle fillette en étain ciselé et des doubles crans ? Fait pas ça, se serrait du gâchis !

Ah, bien sûr, songea Exodus, le panneau coulissant du vestiaire, je l’avais oublié. Il se dirigea vers l’armoire et la poussa légèrement pour révéler un panneau de bois munis d’une toute petite poignée.

- Viens vers moi ma petite mignonne, je vais te faire hurler tout tes secrets ! Montre-moi juste ton trou de serrure et tu verras comment je joue du rossignol !

Une fois le panneau ouvert, Exodus en sorti une petite boite de plomb dont sortait clairement la voix la plus excité de tout le quartier portuaire – du moins à cette heure.

- Je te ferais découvrir les plaisirs secrets de l’Orient ! Les courbures damascènes, l’ouverture du grand Shah ! Et si y’en a qui te dise que j’ai choppé la rouille, c’est que des… Elle est où ? Elle est où ?

- Partie là où tu ne pourras lui arracher son fermoir, répondis l’Enfant. Bonjour Ouvreur.

- Pour toi, c’est Monsieur Ouvreur, espèce de salaud sans cœur ! Un an que je croupis dans cette boite, et c’est une saloperie de fermeture à levier!

- Dans ce cas c’est Monsieur Salaud sans cœur, mon cher Ouvreur. Et tu as intérêt à te calmer si tu ne veux pas que je décide de finalement te jeter dans le delta.

- T’oserais même pas !

- Tu pari ? répliqua Exodus en collant son nez devant la clé douée de parole. Moi oui. Alors je te conseille d’être silencieux jusqu’à ce que je te réveille, « madame la clé perverse » !

- Je suis UN passe, espèce de –

L’Enfant pris la clé travestie entre les mains et sera jusqu’à ne plus rien entendre. Une fois celle-ci endormie, il la glissa dans sa poche, pris son sac qu’il jeta sur son épaule et quitta l’appartement, non sans l’avoir fermé à clé. Avec une clé on ne peut plus normale, parfaitement silencieuse.

* * *


La nuit était tombée depuis bientôt une dizaine de minute. Exodus se dirigeais vers la porte Nord, encore à moitié à chantier, heureusement déserte à cette heure. La vie nocturne se faisait sur les docks, et les gardes partaient du principe que tout envahisseur serait assez poli pour attendre le matin avant d’attaquer.

L’Enfant mâchait la dernière bouchée de son troisième bretzel, ultime reliquat des achats de l’après-midi. Après avoir pris un bain chaud dans l’une des rares maison de soin encore debout en ville, il avait fait un saut chez quelques épiciers, acheté pour l’équivalent d’un semestre de gage en pains, fruits, pâtés, terrines et saucisses sèches, puis avait vagabondé en attendant le soir, écumant les marchands ambulant et pourchassant un vendeur de bretzel sur trois avenues.

Il vit Lùthien lorsque celle-ci coula hors de l’obscurité pour se placer devant lui.

- Désolé pour l’attente, la carriole à bretzel roulait plus vite que prévue. Je ne suis pas trop en retard j’espère ? Je m’en voudrais d’avoir fait s’impatienter ton "Maux-taux". Drôle de nom pour un étalon d’ailleurs.


Le suite est à trouver dans Cendreval

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Message posté le 19:11 - 29 nov. 2015

Chapitre III : le Calice sous la montagne.
Echoriath - Cendreval.

Citation de Grendelor :


L'elfe sourit à Exodus.

Tu verras que c'est un étalon bien monté et qui nous fera rapidement arriver à Cendreval malgré la double cargaison que tu représentes, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil.

Les courses arrimées, Lùthien montra au Répurgateur, qui regardait l'engin avec la méfiance d'un être habitué aux inventions peu fiables d'un certain Enfant de l'Unique, comment s'installer derrière elle. Le départ fut bruyant, c'était ce qui avait plu à l'elfe lors de son achat, et Exodus se retint de justesse à la taille de sa compagne pour éviter une culbute arrière fort peu seyante. Bien que les routes soient cahoteuses, la moto leur fit parcourir le chemin entre Galvorn et Cendreval en quelques heures. Ils arrivèrent donc au coeur de la nuit.

La lune, pleine d'ici quelques jours, éclairait le paysage désolé des mines. A quelques kilomètres sur leur gauche, les lumières du "village" d'où leur parvenait, malgré la distance la musique et les cris que l'on trouve dans tous les lieux de débauche. Devant eux, la terre, rêche, sèche, creusée, défigurée. Pas l'ombre d'une végétation. Enfin si, une ombre. L'elfe repéra l'arbre sur leur droite. Jeune, il envoyait vers le ciel un tronc droit et encore frêle. Quelques feuilles commençaient à sortir des bourgeons. Il était incongru dans ce paysage mais sa présence rassura la louve. La terre n'était pas totalement morte.

As-tu un plan quelconque? fit Lùthien en se tournant vers Exodus. Ce n'est pas vraiment mon fort, je fais assez peu dans la dentelle.

Le ton était ironique, légèrement désabusé. Pourtant sa phrase n'était pas totalement vraie. Certes, l'elfe préférait une approche directe et frontale, mais elle était tout à fait capable de mettre en place des Chasses très complexes et demandant subtilité et patience. Toutefois, sur cette affaire, elle laissait volontiers cette charge à son compagnon à moins qu'il n'exprime le besoin inverse.


Citation de Exodus (...) :



- Je ne pense pas qu'un assaut en règle soit la meilleure solution, répondit-il d'une voix encore légèrement pâteuse. Aussi doué soyons nous, nos chances de survie seraient bien faibles, et vu le monde que comportent la ville plus les galeries, impossible de s'assurer de l'élimination de tous les témoins. Non, je crois que l'on va être obligé de jouer plus subtilement, tout du moins au début.

Ceci dit, il jeta un regard vers l'engin noir que Lùthien appelait affectueusement "moto". La machine puante leur avait permis de rejoindre Cendreval en un temps incroyablement court mais avait manqué de provoquer une crise cardiaque fatale au Répurgateur, lequel appréciait modérément la vitesse quand elle se mesurait en dizaines de chevaux. De plus, il avait l’étrange certitude que monter sur ce véhicule aurait dû s’accompagner de l’obligation de porter un casque épais en fonte, et si possible dépourvue de visière afin de ne pas voir le paysage littéralement disparaître sous ses yeux

- Pour commencer on va donc cacher cette chose et finir le trajet à pied. Il ne doit y en avoir qu'une dans tout le continent et suffisamment de gens savent qu'elle t'appartient pour que je préfère éviter d’être vu dessus. Ensuite, on va prendre des chambres à une auberge, comme n'importe quels voyageurs arrivant en pleine nuit. Séparés, les chambres, adressa-t-il a Lùthien dont le sourire s'effaça imperceptiblement.

Il se redressa trop vite et le regretta aussitôt. La cuvette de Cendreval sembla tanguer devant ses yeux, comme si la ville s'était prise d'une soudaine envie de gigue. Il avait besoin de repos. De temps pour réfléchir et surtout pour ne plus sentir son corps demander grâce à chaque pas. Exodus n'avait jamais prétendu avoir le pied marin mais il avait toujours pu faire confiance à une assise stable et à un estomac solide en toute circonstance. Mais la chevauchée de cette moto avait brisé la légende, et les nombreuses flaques d'aliments à moitiés digérés entre ici et Galvorn en étaient autant de morceaux.

Ils cachèrent l'engin dans une large faille rocheuse a deux cent mètres de la route, qu’ils recouvrirent ensuite des maigres branchages qu’ils purent trouver. L'elfe n'aimait pas se séparer de sa moto mais faisait confiance à l'Enfant, lequel priait en silence pour que la faille se soit refermée à leur retour.

- Bon, voilà ce que je propose, commença-t-il alors qu'il descendait vers la ville. Il nous faut rentrer en contact avec Tanrim, mais si je me présente comme Enfant a la porte, on risque plus de se récolter de l'acier qu'autre chose. Et à moins de vouloir tourner pendant des jours dans le noir, inutile de songer passer par les tunnels pour rentrer en douce. Sachant qu'en plus il nous faut localiser les enfants prisonniers. Aussi, je pense que ce sera à toi de jouer la comédie cette fois.

Le regard de l'elfe se posa sur Exodus comme si celui-ci lui avait proposé de danser une valse pied nues sur des orties.

- Ne t’inquiète pas je te ne te demande pas de déclamer des vers sur une scène.

- Mais tu me compte pourtant me donner le premier rôle.

- J’ai toute confiance en tes capacités d’actrice et en ton talent pour l’improvisation, lui répondit le Répurgateur sur un ton très professionnel. Mais si ça ne te fais rien, je préférerais finir de t’explique tous les détails une fois au chaud.

Ils venait d’atteindre les premières limites de ce que les habitants de Cendreval qualifiait de ville – à savoir un assemblage hétéroclite et effrayant de construction de bois cernées de tentes de dimensions variables – et déjà une bâtisse ressemblant à une petite auberge se présentait à eux.

Heureusement pour eux, le gérant avait l’habitude des clients tardifs et la porte n’avait pas encore été verrouillée, bien que son regard fatigué indique qu’il ne s’en était fallu que de quelques minutes. Ils prirent donc deux chambres séparés mais mitoyenne, qu’ils réglèrent sans faire d’histoire, avec toutefois une options « petit déjeuner format luxe » pour le lendemain, avec supplément œuf au plat.

Exodus laissa à Lùthien le temps de s’installer et posa lui-même ses affaires dans la pièce qui lui avait été alloué. Un espace un brin spartiate aux volets déjà clos et dont le lit disparaissait sous une avalanche de couvertures, de tailles et de couleurs variées. L’automne d’Echoriath avait beau être connu pour n’être qu’un hiver camouflé, le Répurgateur trouvait tout de même la protection thermique quelque peu abusive. Un épais mur de bois, décoré d’un cadre étrangement vide, séparait chaque chambre mais une porte munis d’un verrou honnête permettait au besoin de communiquer entre les pièces. Posant son sac et ses diverses petites affaires là où la crasse le lui autorisait, il finit par ôter chapeau et manteau, défit ses bottes et tira enfin de son barda une petite pochette soigneusement ficelée. Ensuite de quoi il alla toquer à la porte de la chambre voisine, qui s’ouvrit sur une elfe au regard amusée, l’épaule posée contre l’encadrement de bois.

- C’était bien la peine de faire chambre à part pour que tu viennes frapper à mes quartiers dans le quart d’heure qui suit, lui fit-elle remarquer d’air air faussement réprobateur.

- Service d’étage madame, lui répondit Exodus d’un ton on ne pouvait plus sérieux, il semble que la totalité des couettes de cet établissement ait atterrit par erreur dans la chambre voisine de la vôtre, aussi venons-nous vous les restituer, avec nos excuses madame.

Lùthien lui répondit par un sourire authentique mais fatigué et l’invita à la suivre dans sa chambre. Exodus comprit que l’aubergiste avait fait preuve du même goût en matière de décoration dans toute les chambre mais également qu’il avait eu une très intéressante réduction sur le linge de maison et la literie, tant la couche de son duo était la copie de celle qu’il venait de quitter.

- Bon, pour en revenir au plan, reprit-il à voix basse, autant prendre toute de suite le mauvais côté. Il défit la ficelle qui tenait l’emballage et présenta à Lùthien un flacon d’encre rouge ainsi que quelques pinceaux et un papier buvard. Comme je te le disais, je pense que se grimer est la meilleure solution pour rentrer. Et si nous voulons avoir une chance de traiter avec Tanrim en personne il faut nous mettre sur pied d’égalité avec lui, voir au-dessus si possible. Donc… je-pensais-nous-peindre-un-calice-de-cette-fameuse-déesse-sur-le-cou-pour-nous-faire-passer-pour-ses-envoyés.

La phrase était sortie le plus rapidement possible, selon le vieux principe – erroné – qu’une affirmation lancée à la vitesse de l’éclaire gagnait en véracité. La réaction de Lùthien fût toutefois moins pire que ce à quoi s’attendais Exodus puisque celle-ci se contenta de lui lancer un regard dur mais dans l’attende d’explication.

- Je sais que tu déteste ces types, et à raisons vu qu’ils osent vénérer une autre déité que l’Unique – loué soit Sa lumière – et accessoirement pratiquer l’esclavage, mais si on veut prendre l’ascendant, il faut lui faire peur. Et quoi de plus effrayant que deux envoyés du Calice ? En plus, cela nous permettra de vérifier s’il fait lui-même partit de ce groupe. Et puis voyons les choses en face : tu les connais bien mieux que moi, aussi tu seras mieux à même de jouer une de leur envoyée pendant que je jouerai le garde du corps bas de plafond à côté de toi. On entre, tu nous présente, tu dis qu’on représente les intérêts du groupe et que nous sommes déçus de la tournure récente des événements auquel son commerce est lié et il mouillera ses chausses en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Il suffira ensuite de demander pendant l’entretient à inspecter le dernier arrivage d’esclave en cours de route sous le prétexte de vérifier qu’aucun espion ne se soit glissé dans le lot et hop, on localise les enfants et le tour est joué. Et en prime j’ai eu une réduction sur l’encre pour peau, le marchand m’a garanti une tenue de 12h en toute condition.

Il présenta à Lùthien ses bras ouverts, la fiole dans une main et le pinceau dans l’autre, un sourire commercial sur le visage, à peine altéré par la crainte de sa réaction.

- Alors, tu en dis quoi ?



Citation de Grendelor :


Lùthien hésitait entre l'envie d'éviscérer immédiatement Exodus pour sa proposition ou éclater de rire en sentant la crainte qui l'habitait. Comme compromis, un sourire désabusé passa sur son visage fatigué et elle passa un doigt griffu sur la gorge de son compagnon.

Bien que cela me déplaise au plus haut point, ton idée est bonne.

L'elfe s'assit sur le lit et un soupir de soulagement s'échappa discrètement de la bouche du répurgateur. Il n'allait pas finir en carpaccio tout de suite.

Sans compter que, consciemment ou non, tu as choisi le bon sens des rôles.

En savait-il plus qu'il ne le disait? C'était une possibilité mais cela n'avait pas vraiment d'importance.

En effet, la plupart du temps, ce sont des femmes qui dirigent le culte. Et les prêtresses ne sont pas connues pour leur magnanimité. Un soupir, désabusé celui-ci, passa les lèvres de Lùthien. Très bien. Tu joueras donc le rôle des mes "yeux et oreilles". Ce sont souvent des hommes costauds, pas forcément très futés, mais ça, ça dépend, qui ont surtout l'immense avantage de ne parler qu'à leur maîtresse pour rapporter tout ce qu'ils ont vu ou entendu. Tu n'auras donc rien à dire. Il te faudra un tatouage derrière l'oreille gauche et un sous la clavicule gauche.

Exodus hocha la tête comme un bon soldat. Sans doute son esprit carburait-il à toute vapeur en se demandant comment l'elfe pouvait en savoir autant. Mais sans question, pas d'explication.

Je jouerai donc la prêtresse de la région, mécontente des derniers évènements. Je ne devrai pas avoir trop de mal à avoir l'air en colère. Il me faut un calice sur le sein gauche et un dans chaque paume de main.

A nouveau, le répurgateur hocha la tête.

Donne-moi tes instruments que je commence, sinon il faudra attendre que mes mains aient séché.

L'elfe saisit délicatement le pinceau et la fiole d'encre. Elle fit asseoir Exodus à sa place, sur le lit et débuta son travail sous l'oreille gauche. La chambre était assez sombre mais la lueur de la bougie posée sur la petite table à côté du lit était suffisante. Lùthien faisait courir le pinceau sur la peau d'Exodus avec un air concentré et sérieux qui contrastait avec la douceur et la sensualité du geste. Elle faisait très attention aux détails, reproduisant fidèlement la forme caractéristique du calice sanglant. Au bout d'une dizaine de minutes, elle s'éloigna d'un pas, regarda le résultat d'un oeil critique et hocha la tête, satisfaite. Elle se rapprocha et souffla lentement sur l'encre pour la faire sécher. Elle y mit beaucoup d'application, s'amusant intérieurement de l'effet qu'un tel moment de peinture corporelle pouvait provoquer chez le répurgateur.

Veux-tu bien ouvrir ta chemise maintenant ? demanda-t-elle, toujours très sérieuse d'apparence.

Malgré un léger tremblement des mains ainsi qu'une certaine rougeur sur les joues, l'Enfant de l'Unique fit stoïquement ce que lui demandait l'elfe. Qui se remit aussitôt au travail, caressant cette fois la peau située entre l'épaule et la clavicule gauche. Au calice, elle ajouta, juste dessous, trois points formant triangle.

Ceci est ma marque. Il faudra faire ces trois points sur ma pommette gauche.

Reposant fiole et pinceau sur la table, près de la bougie, Lùthien s'approcha à nouveau pour sécher l'encre de son souffle tiède. Pour finir, elle vola un baiser sur les lèvres d'Exodus.

Laisse ta chemise ouverte pour le moment, qu'elle ne se tâche pas. A toi maintenant, par quoi veux-tu commencer ? fit l'elfe avec un sourire espiègle.


Citation de Exodus (...) :


Le frisson qu'Exodus avait ressenti au moment où Lùthien avait soufflé sous son oreille fit un retour en force lorsqu'elle l'embrassa par surprise. Que l'Unique me pardonne, songeait-il, mais c'est pour le bien de Son oeuvre. Enfin sûrement, quoi.

- Je pense que le mieux est de commencer par les mains, répondit le Répurgateur avec presque trop d'empressement. De cette manière tu pourras contrôler mon œuvre en direct et corriger au besoin. Ensuite la poitrine et pour finir la pommette.

L'elfe acquiesça devant l'argument, qui avait l'avantage de la logique pour lui. Pour l'Enfant il présentait surtout l'immobilisme des mains délicates mais griffues de sa partenaire quand viendrait le temps de jouer les artistes sur les parties plus sensibles.

Il commença par allumer une seconde bougie qu'il plaça à l'opposé de la première. La nuit était déjà fort entamée et la fatigue aidant, ses yeux ressemblaient plus a deux fentes étroites qu'à un regard perçant d'inquisiteur première classe (grade qu'il n'avait de toute manière jamais atteint car disqualifié d'office par son supérieur). Ainsi il commença vaille que vaille par placer la main gauche de l'elfe sur une petite table et à peindre le calice.

Tout alla pour le mieux jusqu'à ce que l'elfe lui fasse remarquer que le calice "n'avait nul besoin d'ornements fruitiers". Ensuite de quoi il corrigea son sens esthétique en ronchonnant et attaqua la main droite sous le regard critique de son modèle. Elle parut suffisamment satisfaite pour lui permettre de continuer son travail et ce fût au tour du sein gauche de subir la marque païenne, pendant que les mains resteraient en hauteur pour sécher naturellement. L'Enfant l'aida à défaire le haut de son vêtement et contempla de longues secondes les rondeurs dévoilées, afin de "mieux apprécier le support artistique et s'assurer de capter la nature profonde de l'œuvre en question". Suite à cela il saisit le pinceau délicatement et manqua de se tromper seulement trois fois de place pour le calice. Fautes évidemment à mettre sur le compte de la fatigue.
Le calice fut terminé en un peu plus de cinq minutes et le Répurgateur sécha le tatouage provisoire en soufflant légèrement quelques instants, avant de s'assurer de la tenue de l'encre en déposant un bref baiser sur le dessin.

- Je pense que ça tiendra comme ça, commenta-t-il avec un clin d'œil. Allez, plus que la pommette et on pourra se coucher.

Il eut du mal à se concentrer sur les trois points formant le triangle car Lùthien, fort amusée par la situation, ne le quittait pas une seule seconde de son regard envoutant.

- Donc, nous disons, trois points formant une pyramide inversée…

Le pinceau fin s’aplatit par trois fois de façon brève et délicate, laissant sur la peau pâle trois points couleur sang. Exodus souffla dessus légèrement, ce qui sembla chatouiller son modèle dont les mains étaient déjà presque sèches.
Il finit par trouver un miroir de poche dans ses affaires, qu’il ouvrit et présenta à l’elfe, laquelle acquiesça devant le travail effectué.

- Bon, ceci étant fait, parvint à articuler l’Enfant au milieu d’un bâillement, je crois que l’on peut dormir à présent.

Il se dirigea, les membres engourdis, vers la fenêtre de la chambre. Ses yeux le piquaient et son corps tout entier réclamait une pause méritée et salutaire. Il ferma les volets de manière à ce que les premiers rayons du soleil les réveillent, et déjà il regrettait cette décision : vu l’heure avancée de la nuit, ils n’auraient à tout casser que quatre heures de sommeil. Ce qui de son point de vue, et il en était convaincu de celui de l’Unique également, était hautement condamnable.
Sa chemise vola au travers de la pièce pour atterrir quelque part dans sa propre chambre et ses chausses suivirent bien vite la même direction.

- Ne te fait pas d’idée, dit-il alors qu’il s’accaparait une part du lit de Lùthien dans lequel elle venait à peine de s’installer, c’est uniquement pour profiter au plus tôt du soleil. Ma propre chambre est très mal exposée, conclut-il devant le visage moqueur de sa partenaire.

Il attira à lui une des couettes surnuméraire et étira ses jambes de toute leur longueur, profitant de la taille format familiale de la literie locale. Il se redressa le temps d’embrasser Lùthien sur le front puis relâcha tous ses muscles, laissant sa tête disparaitre dans un oreiller de plûmes sans fin.

- De toute façon… l’important, c’est que… je quitte ma chambre… au réveil. Pas que j’y dorme…

Si réponse il y eut, il ne l’entendit jamais : l’oreiller avait fait son travail et l’emmenait déjà au pays des rêves de l’Unique. Et du sommeil trop court.




Citation de Grendelor :


Bien que la partie de peinture ait été divertissante, Lùthien n'en perdait pas pour autant de vue leur objectif. Une courte, et sage, nuit les amena à l'aube. A peine le soleil commença-t-il à poindre que l'elfe ouvrait les yeux. Malgré les années de "civilisation", elle était restée connectée aux rythmes de la nature. Ce qui ne l'empêcha pas de grogner de mécontentement face au manque de sommeil. L'elfe se leva avec légèreté, ne dérangeant pas le répurgateur qui ronflotait doucement à côté d'elle. Fouillant dans sa sacoche, elle parvint à la même conclusion qu'hier au soir : elle allait devoir faire les boutiques pour tenir son rang de prêtresse. Un soupir de dégoût lui échappa à cette pensée. Résignée, Lùthien s'habilla et tira Exodus de son sommeil par de légères chatouilles sous l'oreille.

Petit déjeuner et nous partons. Il faut que je trouve des vêtements adaptés avant que nous ne rencontrions Tanrim. Et je te préviens, à la moindre remarque concernant ma tenue, je t'égorge.

Le ton sec de sa compagne incita Exodus à se lever rapidement et sans commentaire. Ils descendirent dans l'auberge et prirent leur petit déjeuner, format luxe, le strict nécessaire pour leurs estomacs. Ils sortirent ensuite dans la ville. Malgré l'heure matinale, les échoppes étaient déjà ouvertes, vendant tissus, bijoux, nourriture, armes diverses, herbes médicinales... Lùthien ne tarda pas à trouver ce qu'elle recherchait : un vendeur spécialisé dans les frivolités des dames de petite vertu. Celui-ci regarda l'elfe entrer avec curiosité mais n'émit aucun commentaire. Il avait l'habitude de voir toute sorte de femmes dans sa boutique, même si celle-ci, avec sa démarche féline et ses yeux inquisiteurs, lui faisait froid dans le dos. L'elfe fit l'acquisition d'un short en cuir rouge qui avait plus la taille d'un sous-vêtement que d'un vêtement, assorti avec un bustier qui couvrait à peine plus que le nécessaire.

Ainsi habillée, les deux hommes la dévoraient avec de grands yeux : rien n'était caché de ses longues jambes, fines et musclées, de son ventre ferme malgré l’entrelacs de cicatrices qui le parcourait, et sa poitrine, pourtant menue, semblait avoir doublé de taille, mettant encore plus en avant le tatouage qui l'ornait. Dans son dos, le corbeau noir semblait prêt à déchiqueter quiconque s'approcherait un peu trop de l'elfe. Avec un sourire sardonique, Lùthien compléta sa tenue d'une paire de bottes dans le même cuir rouge et d'un long manteau de fourrure blanche, ce qui permit aux deux hommes de refermer leur bouche et de finir la transaction.

Trouver le lieu d'habitation de Tanrim ne fut pas compliqué. Il affichait son opulence sans se cacher : un manoir surplombant la ville, tel un fat surveillant son plateau de pâtisseries. Lùthien répéta ses instructions à Exodus : ne pas parler sauf si elle lui demandait, rester un pas derrière elle et surtout, ouvrir grand ses yeux et ses oreilles. Le Répurgateur hocha la tête avec sérieux. Certes, c'était un Enfant de l'Unique, mais il savait que la réussite de sa mission dépendait en grande partie de l'elfe. De plus, il semblait lui accorder le crédit de la confiance, jusqu'à un certain point du moins. Lùthien ne s'attendait donc pas à un problème de ce côté là. Non. Ce qu'elle redoutait, c'était de se trouver en face de la véritable prêtresse en charge du culte dans la région car il serait bien plus difficile de la duper. Avec un haussement d'épaules fataliste, l'elfe frappa à la porte du manoir, se composant un masque de sévérité. Un serviteur en livrée jaune d'or vint ouvrir. Il les dévisagea sans émotion tout en demandant ce qui les amener.

Dis au seigneur Tanrim que Nekra veut le voir et que s'il n'obéit pas prestement le Calice en sera informé.

Le serviteur hocha la tête et referma la porte. A peine une minute plus tard, celle-ci s'ouvrait à nouveau, dévoilant cette fois un homme d'une quarantaine d'années, vêtu d'un pourpoint bleu ciel où était cousu un calice rouge. Plutôt grand et musclé, il se dégageait cependant de lui une odeur de peur qui réjouit l'elfe. Ses yeux bleus passaient vivement de Lùthien à Exodus et il s'humecta rapidement les lèvres avant de parler.

Gente dame, que puis-je pour vous?

Déjà, me faire entrer, idiot. Voulez-vous discuter de ce genre d'affaire sur le pas de la porte comme un paysan?

Tout en parlant, Lùthien avait bousculer sans ménagement Tanrim et était entrée dans un vestibule richement décoré. Exodus se coula à sa suite sans un mot. L'elfe se débarrassa d'un geste méprisant de son manteau, que le serviteur ramassa lestement, tout en gardant les yeux baissés. Tanrim, lui, resta bouche bée quelques secondes avant de se reprendre nerveusement. Il avait vu le calice sur le sein et s'était maintenant mis à transpirer.

Heu, oui, bien sûr, Dame Nekra. Veuillez me suivre au salon où nous serons plus à l'aise.

Le seigneur Tanrim précéda ses hôtes dans un salon chauffé par une large cheminée et où deux profonds canapés, entourant une table en bois finement sculptée, les attendaient. Tanrim s'assit dans l'un des deux. Cependant, Lùthien resta debout, le mettant ainsi dans une position inférieure qui était renforcée par la carrure d'Exodus derrière elle et par ses yeux dorés lançant des éclairs. Tout, chez cet homme, la mettait hors d'elle.

Je n'irais pas par quatre chemin. Sa voix grondait sourdement. Le Calice est très mécontent de la situation actuelle. La perte du dernier chargement souligne certains manquements de votre part. Tanrim se recroquevilla dans son canapé. Il avait eu l'intention de demander des explications sur la présence de Nekra, qui n'était pas l'intermédiaire qu'il connaissait. Toutefois, l'attaque frontale qu'il subissait le laissait sans voix. J'en suis réduite, moi, Nekra, prêtresse de premier rang, à venir directement ici, dans le but de reprendre en main toute la chaine que vous êtes censé surveiller. Croyez bien que je suis mécontente et que je n'ai pas l'intention de passer ici plus de temps que nécessaire. Montrez-moi les mines sans plus tarder.

Tanrim aquiesca misérablement et se leva tout en balbutiant.

Mais, que devient Tira, la prêtresse d'Echoriath ?

Tira aura le châtiment qu'elle mérite selon ce que je verrai ! Elle n'a pas à être informée de ma présence tant que je ne l'ai pas décidé.

Tanrim approuva vigoureusement. Il appela le serviteur afin qu'il amène le manteau de Dame Nekra, qui fit signe à Exodus de soumettre le vêtement à un rapide examen avant de lui enfiler. Le Répurgateur avait parfaitement compris son rôle et s'acquitta sans broncher de sa tâche. Il ne découvrit rien d'inhabituel même si le seigneur Tanrim se renfrogna en le voyant faire. Il avait aussi revêtu de quoi s'aventurer au dehors. Une calèche fermée les attendait devant la porte et il leur fallut environ trente minutes avant de parvenir sur le site. Il était situé au nord de la zone minière et l'entrée était à l'écart. Deux gardes étaient à l'entrée et laissèrent passer Tanrim et sa suite sur un simple salut. Discrètement, Lùthien fit signe à Exodus de se tenir prêt à agir. Si les enfants étaient là et la garde pas trop importante à l'intérieur, il leur faudrait tout de suite les faire sortir. Plus ils passaient de temps dans leurs rôles, plus ils prenaient le risque d'être découverts.


Citation de Exodus (...) :



Les gardes ouvrirent la large porte promptement sur un signe de leur chef. Ce dernier fit un pas de côté et lança un sourire nerveux à Dame Nekra, l'invitant par galanterie à le précéder. Le regard qu'elle lui retourna lui fit définitivement oublier toute tentative de politesse, à laquelle succéda une efficacité motivée par la peur.

Exodus respira une dernière bouffée de l'air frais du matin et suivit sa maîtresse sans un son. Elle tenait son rôle à merveille, il fallait bien l'avouer : sa manière de toujours talonner Tanrim, cette pression constante qu'elle lui imposait... Si vous ajoutiez à cela un visage froid comme la glace et l’entrelacs de chairs recousues que révélait régulièrement un manteau mal fermé, pas étonnant que le truand s'écrase ainsi devant elle.

Ils avancèrent d'abord sur quelques mètres au sein d'un large tunnel, fortement étayé et au sol parsemé de rails. Les murs étaient régulièrement ponctués de torches et de puissants braseros brûlaient là où le tunnel principal rencontrait des intersections. Des hommes et femmes de races variées s'activaient ça et là, qui poussant des chariot chargés de minerais déjà raffiné, qui notant les flux des stocks et les allez-et venus des équipes. Plusieurs mercenaires semblaient garantir la sécurité des lieux, mais contrairement à Sûl-Nar ils n'arboraient pas d'uniforme : tout au plus un blason carmin apparaissait ça et là sur leurs tenues disparates, cousu sur un patchwork de cuir et de métal.

Le Répurgateur senti une perle de sueur se former sur son front et résista à l'envie de la frotter. Il avait jusqu'à présent tenu son rôle à la perfection et était resté silencieux tout du long, chose qui se serait apparenté à un miracle pour ceux qui avaient l'habitude de travailler avec lui.

Son mutisme était aidé par le style vestimentaire qu'il arborait, proches des hommes d'armes déjà dans la place : son chapeau était resté dans la chambre, laissant place à une coupe courte et militaire, et son long manteau à col garnit de fourrure grise était grand ouvert, laissant apparaître un gambison léger, agrémenté ça et là de plaques de fer grossièrement travaillées. Une paire d'épaulettes glissée sous le manteau avait suffit pour lui donner une silhouette exagérément massive et volontairement intimidante, d'autant que son habituel sourire avait fait place à une expression affreusement fermée, jugeant tout se sur ce quoi elle posait le regard. Seuls les armes étaient restées inchangées, renforçant le côté dangereux de l'homme qui les arboraient si ouvertement.

Ils marchèrent encore quelques minutes durant lesquelles Tanrim tenta de distraire ses invités en leur ventant les dernières hausses de production ou la mise à jour d'un filon particulièrement pur, hélas sans succès. Le temps d'atteindre une large plate-forme de bois qui occupait une salle de plus de vingt mètre de large, l'homme suait de tout son corps. Difficile de savoir s'il s'agissait du stress ou de la chaleur de plus en plus marquée : l'Enfant lui-même sentait son dos s’humidifier à mesure qu'ils avançaient, et la température inhabituelle pour un tel cadre souterrain le mettait mal à l'aise. Et était-ce lui où un bruit sourd se faisait de plus en plus entendre, comme un battement de cœur gigantesque provenant du fin-fond des abysses.

Il jeta un bref regard au dos de Lùthien. La sueur perlait à son tour, trop lentement pour être aperçue. Mais surtout, ses épaules se soulevaient à un rythme proche de celui du battement. Elle l'entendait elle aussi, elle tentait d'en percer l'origine...

- Si vous voulez bien vous placer au centre du plateau, les invita Tanrim, nous pourrons entamer la descente ?

Dame Nekra ne pris même pas la peine de réagir et se plaça prêt d'un des bords, tandis que son homme de main fusillait l'impudent du regard.

- Ou... ou, oui, vous pouvez vous placer où bon vous semble, évidemment. Je ne souhaitait en rien vous commander, ma Dame... Hum. Entamez la descente !

Son ordre se répercuta sur le mur et plusieurs larbins se mirent à actionner de lourdes manivelles, faisant cliqueter un jeu de chaînes complexe. La plate-forme de bois se mis à trembler avant de commencer sa lente descente, embarquant les deux imposteurs, Tanrim, cinq gardes et un contremaître accompagné de trois esclaves mal en point.

L'imposante nacelle se déplaçait lentement mais avec fluidité, sans à-coups ni brusqueries d'aucune sorte. Tanrim dut voir l'étonnement poindre sur le visage de ses hôtes, si bien qu'il osa une explication.

- Le tout se déplace par un système mu via la force hydraulique, leur présenta-t-il, ce qui nous permet de soulever d'imposantes charges sans jamais perdre en vitesse. De plus, l'eau nous sert également à refroidir les... les... Le regard que lui lançaient ses deux invités suffirent à lui intimer le silence. Enfin je pense que vous l'aviez deviné tout seuls...

L'homme fit une brève courbette et recula en direction du centre du monte charge.

Une fois certain que personne hormis Lùthien ne l'entendrait, Exodus se redressa, fixant le mur qui défilait, et murmura dans un souffle.

- Ils ne sont que six, en comptant ce sale rat. Sept, avec le contremaître. On pourrait facilement le prendre en otage et le forcer à nous conduire aux enfants. Les gardes du haut ne poseront pas de problèmes avant un moment et je ne pense que pas qu'il en faille beaucoup pour garder quelques esclaves...

Il se tût au moment où la première galerie défila sous leurs yeux. Ils dépassèrent une large ouverture faite à même la pierre, éclairée par les torches des contremaîtres. Il eu prêt de dix seconde pour contempler cette galerie. Moins d'une minute plus tard, une seconde fit son apparition, avec le même délai d'exposition. Et la même image. Des dizaines d'hommes et de femmes, brisés et malades, frappaient la roche, s'engageait dans des tunnels obscurs et disparaissaient au bout d'un bref instant. Parfois, le claquement d'un fouet ou la chute d'un burin précédait les cris.
Et toujours ce battement qui se rapprochait. Toujours cette chaleur qui montait.

- Ce n'est pas possible, laissa échapper Exodus au bout de la cinquième galerie. Personne ne peut cacher un truc aussi important... pas ici, pas si prêt des grandes galeries de Cendreval !

Lùthien ne répondit rien. Elle comptait. Elle gravait dans sa tête tout les visages émaciés qu'elle observait à chaque galerie devant laquelle ils passaient. Des douzaines de visage, noircies et abattus.

Et alors se fit la lumière.

La plate-forme paru soudainement flotter dans le vide, les murs qui l'encadraient laissant place à la complexe machinerie de chaînes et de câbles qui la faisait mouvoir. Ils se trouvaient en train de descendre vers le centre d'une gigantesque caverne naturelle, haute de prêt de quarante mètres, parsemés de torches, d'échafaudages et surtout grouillante d'activité. Les esclaves s'y déplaçaient par centaines, portant, piochant et tombant sous les fouets des contremaîtres. Pas une race n'était épargnée. Hommes et femmes sans distinction trimaient au milieu de cet enfer. Et en son centre, nourrit par des dizaines de conduits déversant un métal en fusion depuis des galeries annexes, s’abattait le gigantesque fer d'un marteau mécanique de plusieurs tonnes, lequel retombait toutes les vingts secondes dans un bruit de tonnerre, faisant jaillir du métal broyé une tempête d'étincelle.

- Dame Nekra, susurra Tanrim en les invitant à descendre, bienvenue dans la plus grande fierté de notre congrégation au nord du continent : le Cœur du Calice !



Citation de Grendelor :


Pendant toute la descente, Lùthien était restée de marbre. Pourtant, la colère suintait par ses pores et ses yeux auraient tué n'importe qui se trouvant dans sa ligne de mire. Quand ils atteignirent leur destination finale, elle resta pétrifiée de longues minutes. Tanrim se décomposait au fur et à mesure de l'attente, scrutant les traits figés de la prêtresse. Exodus, lui, devait certainement se demander si elle n'allait pas craquer et tuer tout le monde sur le champ. Le démon caché au sein de Lùthien riait à gorge déployée en songeant au massacre qui se profilait. Quand enfin Lùthien parla, les mots tombèrent comme des couperets.

Qui ? Qui a osé mettre en oeuvre pareil sacrilège ?

Son regard incandescent brûla Tanrim.

Qui vous a autorisé à faire une telle construction ?

Dans la fonderie géante, le métal en fusion se déversait dans un moule tout aussi démesuré, représentant un calice.

Le culte de la Dame Noire n'admet aucun signe tel que celui-ci. Le culte de la Dame Noire n'exige qu'une seule chose : des sacrifices !


Les mots de Lùthien, Dame Nekra, martelaient l'air tels l'outil qui leur faisait face.

Où sont les esclaves qui ont participé à cet abomination ? Où sont les enfants sacrificiels pour sa sanctification?

Tanrim, qui tremblait à présent comme une feuille sans arriver à émettre un son de justification, les précéda vers un enclos au fond de la caverne. Là, une centaine d'hommes et de femmes ainsi qu'environ deux cents enfants étaient entassés, prostrés, dans un état tel qu'il était difficile de les croire encore vivants et autre chose que des bêtes.

Et c'est ça, qui devait servir la gloire de la Grande Dame ? cracha Lùthien. Votre coeur du calice est un fiasco, Tanrim, mais nous pourrons au moins sauver quelque chose de tout cela.

Tanrim regarda Lùthien avec espoir. Il aurait fait n'importe quoi pour elle tellement il avait peur du châtiment qui l'attendait.

Dès maintenant, vous allez tous les faire sortir. Vous irez les laver et vous les ferez attendre chez vous, oui, j'ai bien dit chez vous. Je les emmènerai personnellement au Grand Temple où ils seront sacrifiés comme offrande de votre part pour racheter vos fautes.

Tanrim hochait la tête sans discontinuer.

Je viendrai les chercher ce soir, au coucher du soleil. Et vous veillerez personnellement sur eux et sur leur bien-être jusqu'à ce que j'arrive. Ils doivent manger pour pouvoir offrir leur vitalité. C'est compris ?

Tanrim hocha vigoureusement la tête.

En attendant, je vais rester ici et tout visiter de fond en comble. L'endroit est bon, cela ne fait aucun doute, mais ce qu'il faut implanter ici, c'est un temple rituel, pas un accessoire sans âme !

Tanrim regardait Dame Nekra avec dévotion.

Allons, agissez ! fit Lùthien avec un geste directif du bras.

Tanrim sursauta et se mit à donner ses ordres. Les esclaves commencèrent à sortir de l'enclos, sans broncher, apathiques et sans espoir. Tanrim recruta une dizaine de gardes pour faire bouger cet énorme troupeau

Lùthien et Exodus restèrent là à regarder d'un air sévère jusqu'à ce que tout le monde soit parti, ce qui prit environ deux heures avec l'ascenseur. Une fois tout le monde ressortit, ils se détendirent un peu et Lùthien fit un sourire à Exodus.

Bien maintenant, nous avons six gardes dans les galeries, plus encore cinq ici. Et je ne sais combien de gens à sortir de là. Nous avons jusqu'au coucher du soleil pour régler le problème ici puis il nous faudra partir avec tout le monde. Je ne sais pas encore ce que nous ferons d'eux mais il faudra les éloigner de Cendreval. Selon les instructions que tu as reçues, tu pourras m'accompagner lorsque j'irai trouver la prêtresse du coin et lui régler son compte.

Un grand sourire carnassier, qu'Exodus commençait à bien connaître, apparut sur son visage.

Bien, maintenant je propose qu'on passe au nettoyage. En douceur ou bien ces chiens ont-ils mérités la mort qu'ils promettent à ceux qui les entourent?

La haine brûlait dans son regard. Dans les enfants, il y avait certes surtout des humains, faciles à trouver, mais aussi des nains et des elfes, tellement rares au sein de leurs peuples. Comment avaient-ils réussi à les approcher ?


Le regard brûlant de haine de sa partenaire suffit a effrayer quelques instant Exodus. Il avait parfois tendance oublier à quel point elle était dangereuse, elle qui était capable de contrôler un démon sans âge en son corps. Il serra machinalement le manche de son arme mais parvint à lui susurrer, avec un sourire moins rassuré qu'il ne l'aurait voulu...

- Je serais exceptionnellement partant pour une méthode plus douce. Nous ne savons combien de gardes se caches encore dans les galeries, ni quelles sont les issues de secours possible. De plus, il reste encore des dizaines d'esclaves dans la grande caverne et les galeries secondaires, il faudrait prendre garde à ne pas les piéger... Il posa alors son regard sur un groupe d'esclave non-humain, qui comportait même un Hystang parmi eux. L'Enfant eu une moue dédaigneuse. Enfin, au moins une partie d'entre eux.

Regardant plus en avant autour de lui, il vit ce qui semblait être un ingénieur, manifestement nageant en plein drame de voir une si grosse partie de sa main d'oeuvre disparaître et se lamentant sur des plans qui allaient sans doute être reporté de plusieurs semaines. Il était accompagné d'un mercenaire à l'allure moins négligée que les autres, au tabard plus propre et dont le calice ressortait avec plus de fierté. L'homme devait être un initié plus avancé du Calice et le montrait. Exodus lui trouva une tête de sale con.

Il se déplaça à côté de Luthien de manière à présenter son dos aux deux hommes, puis lui murmura tout en regardant faussement en l'air.

- Fait semblant de me donner un ordre, lui murmura-t-il en et pointe du doigt l'ingénieur derrière moi. Je crois que j'ai une idée.

Lùthien ne lui montra pas d’étonnement ou d’hésitation, et jeta sur lui un regard dur avant de lui parler assez haut pour que tous l'entendent mais pas assez pour qu'il en saisissent la contenance. Exodus inclina docilement le chef et se dirigea d'un pas brusque vers l’ingénieur et son garde du corps. Lorsqu'il prit la parole, ce fût d'un ton sec et malhabile qui n'était habituellement pas le sien.

- Toi! Ma maîtresse veut... voir les installations! La sécurité, pour le sanctuaire! Elle veut connaitre les issues de secours, alors montre les nous!

L'ingénieur ne sût comment réagir pendant plusieurs secondes, mais en l'absence de Tanrim, il n'osait prendre d'initiative face à la grande prêtresse. Il les précéda donc, d'un pas presque fuyant, accompagné de son garde du corps mercenaire. Il guidait Lùthien au travers des galeries les plus larges, avertissant les esclaves de circuler au plus vite. Exodus marchait à peine trois pas derrière Lùthien, et il lu dans leur yeux la peur qu'il leur inspirait, de sa démarche, de ses armes et surtout de son tatouage. Les esclaves avaient appris à craindre le Calice, à juste titre.

Durant la marche, l'Enfant compta trois gardes pour tout un secteur. Les esclaves étaient au moins vingt, mais ils avaient des chaines alors que leurs gardiens avaient des épées, des haches et des armures. Et pourtant, si une panique venait à naître... les pioches et les chaines auraient vite fait de se révéler utiles de bien des manières.

L'ingénieur leur pointa du doigt enfin un large tunnel remontant en pente prononcée, tournant sur la gauche autour d'un lourd pilier de terre étayée sur toute sa hauteur.

- L'accès monte ainsi sur... sur les trois, niveau, en colimaçon. Il est trop pentu pour les chariots mais... mais il est renforcé et sont constamment laissés dégagé. Ordre du seigneur Tanrim...

L'ingénieur était trouillard et obséquieux tout à la fois, s'inclinant vers Lùthien presque tout les deux mots. Cette dernière fit alors un geste de la tête impérieux vers Exodus, qui enchaîna alors comme prévu.

- La machine? L'eau qui fait bouger la plateforme? Est-elle sûre?

- Oh, oui, bien sûr, je vous...

- Montre lui!

Le pauvre ingénieur se retourne apeuré et les guide de nouveau dans les galeries. Ils remontent ainsi quelques minutes, et la chaleur et l'humidité s'intensifie. Le Répurgateur fait tout pour mémoriser le trajet, mais les virages se multiplient et torturent sa mémoire. Enfin au détour d'un boyaux, ils débouchent sur une salle rectangulaire d'une dizaine de mètres, gardé par une mercenaire en arme à l'air froid et dont l’œil de verre se fixe sur les visiteurs non prévus. Sa main se pose sur le manche de sa hache, nerveusement. L'ingénieur lui fait un bref signe de la main et elle les précède alors dans la salle, un peu plus détendue.

La salle est suffocante. Un homme travaille torse nu sur une suite de levier et de manettes rustique. Le vacarme des rouages de la gigantesque machine qui occupait la caverne résonnent plus fort, rejoint par le bruit familier d'un cours d'eau souterrain. L'ingénieur les emmènent vers le font de la grotte, d'où est visible la ravine que parcours le violent torrent.

- Voyez, maîtresse... (courbettes), ce système nous permet d'alimenter la machine... des heures durant (courbettes, courbettes). Et ici, nous pouvons remplir ou vider les cuves qui servent alors à monter ou descendre les contrepoids de la plateforme... (courbettes de plus belle). Alors évidement il faut ajuster la force du courant et le débit, pour évider de noyer la machine ou de faire déborder les cuves... mais tout est sous contrôle, notamment grâce à cette écluse, vous la voyez? Vous comprenez bien... (courbette baisant les pieds), tout est sécurisé pour le... futur sanctuaire. Il est prévue également...

Exodus et Lùthien n'en perdirent pas une miette. Tandis que l'ingénieur poursuivait sont exposé, la tête du Repurgateur se couvrait toujours plus de sueur. L'atmosphère de l'endroit le faisait cuire. Le garde du corps et la sentinelle également, mais ils gardaient un oeil sur leurs visiteurs.

Exodus se redressa, tandis le cou pour essayer de faire entrer un peu d'air frais dans sa tenue, en vain. Il ne réussi qu'à faire couler la sueur de son crâne le long de sa nuque, qu'il essuya instinctivement. Lorsqu'il ramena ses doigts, il les vit rouges.

Rouges de l'encre de son calice factice.

Il croisa le regard du garde du corps qui contemplait sa main, l'air soudain encore plus renfermé.

Le sale con!

Exodus se jetta sur lui alors qu'il portait sa main à sa lame, et les deux hommes roulèrent aux sol. Un poignard était apparu dans la main du Répurgateur qui luttait pour bloquer le bras armé de son adversaire. L'ingénieur poussa un cri, absorbé par le vacarme ambiant, et tenta de fuir vers la sortie.

- Attrapes... Attrapes-le hurla Exodus à Lùthien, tout en luttant pour placer la pointe de son poignard sous le menton de son opposant. Ne le laisse pas partir!

Et déjà la mercenaire à l'oeil de verre avait tiré la hache qu'elle portait à la ceinture.

Citation de Grendelor :


Lùthien ne retint pas le sourire carnassier qui lui montait aux lèvres. L'heure de la subtilité était passée, elle allait pouvoir laisser libre cours à la rage qui était montée depuis le début de la journée. D'un mouvement fluide, elle attrapa et lança le couteau qui était dans sa botte gauche. Il se ficha dans le dos de l'ingénieur qui s'effondra sans plus de bruit. L'elfe enchaina dans le même mouvement en une esquive du coup de hache que la mercenaire tentait de lui enfoncer dans le crâne. Sa main droite attrapa un second couteau qui se retrouva soudainement dans la carotide de son adversaire.

L'homme qui travaillait sur les rouages s'était enfui sans demander son reste. L'elfe haussa les épaules. Lùthien jeta un oeil sur Exodus, qui avait fini par se débarrasser du garde du corps.

Bon, admettons qu'il sauve juste sa peau, on a quelques minutes de calme avant que le reste des gardes se rende compte qu'il y a quelque chose qui cloche. Il faut que l'on ferme cette "mine".

Leurs regards se fixèrent sur l'écluse qui retenait l'eau et ils hochèrent la tête dans un bel ensemble. Lùthien saisit la hache de la mercenaire et en quelques coups ouvrit une brèche par laquelle l'eau commença à s'écouler.

On ferait mieux de mettre les voiles, ça va tenir quelques minutes tout au plus. Tu te rappelles du chemin?

Le Répurgateur eut une hésitation. Avec tous les détours que faisaient les boyaux, il n'était pas sûr de retrouver rapidement la sortie.

Je prends la tête alors, je pisterai notre odeur.

Et sans plus attendre, ils s'élancèrent dans les galeries. Il ne leur fallut que deux minutes pour retrouver l'accès vers la sortie. C'est alors qu'un craquement se fit entendre dans toute la mine. Ils ne pouvaient rien pour les esclaves, si ce n'est tuer tous les gardes qu'ils croisaient alors qu'ils remontaient et que la panique commençait à gagner tout le monde. C'était à eux maintenant de conquérir leur liberté.

Exodus et Lùthien arrivèrent à la sortie essoufflés, couverts de poussière et de sang. Les gardes les regardèrent, éberlués, pendant quelques secondes avant de se reprendre et de sortir leurs épées. Le Répurgateur et l'elfe se mirent dos à dos pour combattre, fatigués par leur course. Heureusement, les gardes étaient médiocres, n'ayant que le niveau pour se battre contre d'éventuels esclaves en fuite. Ils ne leur fallut que quelques passes d'arme pour les éliminer. Derrière eux montaient des cris de panique et de combat.

Il ne faut pas trainer ici. Retournons à l'auberge, il faut que nous soyons prêts pour récupérer les enfants chez Tanrim.


Ils partirent donc rapidement et purent constater que des esclaves commençaient à sortir de la mine noyée. Ils ne savaient combien pourraient se sauver, mais c'était tout ce qu'ils avaient pu faire dans l'urgence. A l'auberge, ils firent une toilette succincte ainsi qu'une nouvelle séance de peinture. Tanrim ne devait rien soupçonner pour le moment. Le jour se couchait à peine quand ils sonnèrent à nouveau au manoir. Ils avaient eu le temps de prévoir le devenir des enfants : ils avaient recruté quelques matrones et une poignée de mercenaires qui allaient les escorter jusqu'à Galvorn où l'orphelinat les prendrait en charge. Si leurs parents étaient toujours en vie, ils les retrouveraient.

Tanrim avait fait tout ce que Dame Nekra lui avait demandé et les enfants étaient propres, habillés de neuf, avec l'estomac bien rempli.

Bien, maintenant ils ont l'air d'une véritable offrande. Nous partons.


Et sans plus de cérémonie, ils embraquèrent le petit troupeau qui, malgré l'amélioration de son état, n'était rien d'autre qu'un rassemblement d'enfants effrayés. Dès qu'ils furent hors de vision du manoir, Lùthien expliqua la situation aux enfants afin qu'ils n'essaient pas de s'enfuir lors du voyage. Bizarrement, ils semblèrent la croire. Elle avisa un jeune elfe qui n'avait pas plus d'une dizaine de printemps, avec qui elle échangea quelques mots en elfique. Un grand sourire naquit sur le visage de l'enfant et il hocha la tête avec sérieux. Lùthien l'embrassa sur le front avant de le renvoyer vers les autres. Et la colonne s'ébranla, les enfants encadrés par les mercenaires, les femmes s'étant réparties dans la troupe pour s'occuper des plus faibles.

Lùthien et Exodus rebroussèrent chemin. Ils devaient encore s'occuper de la véritable prêtresse. Ils arrivèrent à temps pour voir Tanrim sortir de chez lui, nerveux et affairé. Ils le suivirent discrètement. Le noble s'arrêta devant une demeure sans prétention. Cependant, au dessus de la porte, un discret calice était dessiné. C'était bien là que résidait la prêtresse.

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