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18 mai 2025 - 08:31

LES BAGNARDS


Joué par :

Green Partizan: Jini Reusard #f29d8b
Grendelor : Capitaine Grenat #E9383F
Gaba : Auguste Von Cumulus #26d824
dvb : Don Wilhelm Bouthard #9683EC
Mike : Amadou Falotier #FFFF00
Exodus (…) : Perceval Fermaz #3A8EBA
Cassiopée : Léopold Singrier #CCCCFF


C’était une belle journée, la journée d’un printemps déjà bien avancé. Les caprices de la météo, les averses scélérates, les promesses vite oubliées de flânerie sur les bords de Jougle, avaient laissé la place à l’antichambre de l’été : un ciel bleu, presque sans nuage, une température honnête, suffisante pour faire sécher le linge en une journée, mais encore loin de la canicule estivale qui étouffait ponctuellement la grande cité Thil. Un temps parfait pour un dimanche, durant lequel les jardins de la ville se remplissaient des familles ouvrières, les parents goûtant le plaisir nouveau de ce jour de repos hebdomadaire récemment instauré, les enfants s’égaillant dans les allées de graviers, ou sur les pelouses fraîchement coupées par les jardiniers municipaux. Une journée où l’industrieuse métropole reprenait son souffle, où l’air se libérait des fumées noires des cheminées d’usine. Une journée pour le temps libre, et pour le temps politique – les conseils de quartier et les assemblées de travailleurs se réunissant en fin d’après-midi pour délibérer sur les affaires courantes. Une journée où les peintres ambulants et les étrangers en visite pouvaient saisir de leurs pinceaux et plumes l’esprit de cette nouvelle république des conseils, promouvant les temps libres après la besogne, la famille après l’effort, la citoyenneté après la production.

Dans les papeteries et les bureaux de poste du centre-ville, on ne trouvait aucune carte postale qui dépeigne la masse de silhouettes fatiguées présentement en train de s’échiner sur le chantier titanesque de la future gare de triage de Celian, distante de trente-cinq kilomètres des premiers faux-bourgs de l’agglomération. Se voulant une véritable porte d’entrée de la cité, la vaste emprise ferroviaire devait constituer le centre logistique depuis lequel les trains s’élanceraient à l’assaut du désert, ou arriveraient en provenance de Sûl-Nacre les wagons chargés de minerais, de verreries et draperies fines, et autres produits exotiques que produisait la mystérieuse ville d’Orient. Le projet prévoyait des kilomètres de faisceaux de voie pour recevoir les convois, des infrastructures et machines pour les charger ou les décharger, un bureau de la douane, ainsi qu’un dépôt pour l’entreposage et la maintenance des locomotives. A côté de la gare, un village devait être bâti pour pouvoir loger sur place le personnel fourni qu’un tel site réclamait pour fonctionner.

Ici, on ne s’arrêtait pas de travailler, même le dimanche. Un millier d’ouvriers étaient affairés sur le chantier, ici préparant le tablier de la voie, là transportant les lourdes traverses en bois pour les disposer l’une après l’autre. On distinguait aisément deux familles de travailleurs. En blanc, les fonctionnaires municipaux, et les employés de la compagnie de chemin de fer : les hommes et femmes libres. Des ingénieurs, logisticiens, contre-maîtres et gardiens. En rouge vif, la main-d’œuvre pénitentiaire, plus familièrement appelée les bagnards. Des forçats, trimards, bons à tout faire. Tel était le sombre destin des criminels, bandits et détenus de toutes variétés, privés sans honte du repos dominical. Car la cité des conseils exploitait hors de tout questionnement moral cette force de travail, mobilisée sous l’égide du programme baptisé « travail-réhabilitation », trop heureuse de mettre à l’ouvrage une masse de travailleurs et de travailleuses corvéables à merci, pour faire avancer le projet ô combien stratégique de ligne de chemin de fer vers Sûl-Nacre. Ces pauvres diables n’avaient rien à y gagner, ni remise de peine, ni ration plus consistante. Tout au plus bénéficiaient-ils de la possibilité de se trouver en plein air plutôt qu’entre les quatre murs de leur geôle. Bien qu’ici, aux portes du désert, l’air était nettement moins agréable que celui de la ville, baigné par la fraîcheur de la confluence des deux plus grands fleuves du continent. Il était plus sec, déjà empreint de la poussière du désert naissant. Point d’arbres ou si peu, sous lesquels se reposer, à leurs pieds s’étendaient une steppe informe. La seule humidité que l’on trouvait par ici était la sueur qui dès les premières heures de la journée maculait les corps poisseux de ces drôles de manutentionnaires en habits cinabre. Tous étaient à l’œuvre, volontaires, car au tire-au-flanc et autre déserteur étaient promis de copieux coups de bâtons, les postes les plus pénibles, et pour les récidivistes, un séjour au trou à l’issue duquel ils retrouvaient invariablement leur place sur le chantier.

Le long des voies déjà construites, de nombreux wagons étaient stationnés. Au plus proche des sections en train d’être posées se trouvaient les traverses, les segments de rail, les bacs contenant le ballast. Plus en retrait, d’autres voitures abritaient les bureaux du chantier et la base-vie pour le personnel logé sur place. Quant aux bagnards, ils s’entassaient au crépuscule dans des wagons plats dont on avait soudé aux ridelles des barreaux et bricolé un auvent en guise de protection contre les intempéries. Les pauvres diables dormaient sur de piètres couches, parfois de maigres matelas ou peau d’animaux mitées, parfois à même la ferraille. Ce décor pénitentiaire était surtout symbolique, un prisonnier avec une condition physique minimale pouvant facilement se glisser hors de sa prison roulante. Mais pour aller où ? Leurs vêtements écarlates juraient inévitablement, où qu’ils aillent. Le fuyard était bien vite repéré en pleine journée. Et si la nuit offrait un certain couvert, il fallait déjouer la surveillance des geôliers, et ensuite ? La zone immédiate de la gare était encore inhabitée à cette heure. La métropole était à trois heures de course, pour les meilleurs athlètes, et sur place, leur couleur impayable ne tromperait guère longtemps la garde municipale. Enfin vers l’Est, aucun refuge hospitalier en vue, et la promesse d’une soif dévorante dès les premières heures du jour, qu’aucun cours d’eau ne pourrait étancher.

Chacun restait donc à sa place, résigné, au travail tout en essayant discrètement de s’économiser au maximum. Du reste, le chantier n’était pas un mouroir. La population de détenus n’était pas illimitée, aussi un certain soin demeurait pour ceux-ci. L’embauche avait lieu à sept heures tapantes, un sinistre clairon donnant le signal de reprise des travaux. A midi, une pause de quarante-cinq minutes était prévue pour le déjeuner. Bien sûr, le dernier bagnard recevant sa pitance ne disposait que d’une poignée de minutes pour l’engloutir, mais les rations, quoique frugales et simples, étaient suffisantes pour maintenir une bonne cadence tout au long de la journée. L’heure du coucher du soleil marquait la fin du labeur. Cela signifiait aussi que la durée journalière du travail avait significativement augmenté et continuait de le faire, jusqu’à ce que le solstice fût atteint. Les forçats travaillaient en brigades, sous la surveillance et les instructions de leur chef d’équipe. Suivant la bonne étoile ou la déveine de chacun, celui-ci pouvait être un bon encadrant, ménageant ses subalternes, organisant un roulement dans les tâches les plus fastidieuses, accordant quelque temps de repos après un moment particulièrement épuisant. Il pouvait aussi être un cerbère, aboyant et jurant sur les galériens à son service, hurlant continuellement des ordres et adressant des brimades aux plus faibles. Le plus souvent, c’était un fonctionnaire sobre et ennuyeux, ni méchant ni particulièrement soucieux de la condition de ses manœuvres.
Les organisateurs de cette sinistre besogne auraient pu penser que des problèmes de discipline et de tension émergeraient entre les bagnards, notamment entre ceux qui purgeaient une peine relativement courte, et les réclusionnaires, malfaiteurs patentés et meurtriers. Mais la dureté des conditions de travail mettait tout le monde d’accord, à sa place, et les incartades restaient relativement marginales, cantonnées aux moments des repas et bien vite contenues par les surveillants. Le sens de la vie, l’horizon de chacun, étaient réduits à la voie de chemin de fer naissant sous leurs pieds, traverse après traverse, agrafe après agrafe, progressant chaque jour un peu plus vers l’orée du désert. Certains pouvaient compter les jours jusqu’à leur libération. D’autres s’en abstenaient, ne voulant pas nourrir un désespoir qui aurait absorbé leurs dernières pointes d’énergie face à ce sacerdoce harassant.


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Message posté le 18:27 - 2 juil. 2025

Auguste avait l'habitude d'entendre des bruits de machines en permanence. Les usines de son père, qui étaient son terrain de jeu pendant l'enfance, ne s'arrêtaient jamais. La cité volante qu'il habitait encore quelques jours plus tôt ne connaissait pas le silence. Les vents forts régnant à cette altitude rivalisaient avec les mécanismes de stabilisation de la cité pour ne jamais laisser un instant de silence.
Le chantier de la gare de triage n'était pas plus calme, les équipes de nuit relayant celles de jour pour jouer du marteau.

Quand la carriole s'arrêta, ce fut le premier silence dans la symphonie mécanique de la vie d'Auguste.

Enfin, pas tout à fait...

Un bruit lointain de vapeur et de pistons arrivait encore à ses oreilles. Une machinerie qui, au son pur qu'elle émettait, était bien plus finement réglée que la grossière chaudière de la carriole qui finissait de refroidir.
La source en était invisible, mais il était évident que le désert n'était pas si désertique.

Il s'approcha de l'homme qui avait fourni la gourde d'eau.

Nous ne sommes pas seuls

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Message posté le 18:58 - 4 juil. 2025

Perceval accueilli l'annonce de l'arrêt avec un certain soulagement. Certes, la marche avait ceci d’exaltant qu'elle ouvrait les possibilités et lui faisait découvrir un monde sans fin, pas après pas. Mais tout aussi certainement, elle faisait mal aux pieds.
Le jeune homme n'était pas pressé d'enlever ses lourdes chaussures, tant il présentait la présence d'assez d'ampoule pour illuminer toute une section de tri et conditionnement d'algues à la Talante. Il lui faudrait prendre le temps de bander ses pieds délicatement, sans quoi le redémarrage du lendemain se fera dans la douleur. Peut-être que l'intendance avait eu la présence d'esprit de prévoir un quelconque baume apaisant dans les fournitures médicales ?

Le léger bourdonnement de l'activité de la troupe était également un repos bienvenu après la cacophonie permanente issue de la Fumeuse. La lourde voix de Monsieur Prunille avait brièvement percé le silence nouveau né, le temps de quelques directives, avant que le calme des lieux ne vienne s'imposer.

Perceval avait eu du mal à intégrer la distance déjà parcourue. Il avait entendu “trente kilomètres” de la bouche d'un de ses collègues, et si c'était vrai c'était une performance à la vue du terrain et du rythme de la Fumeuse ! Mais il devait reconnaître qu'ils avaient progressé rapidement vers le désert, tant le sable se faisait de plus en plus présent. Alors que plus tôt il apparaissait de façon isolé, il formait maintenant de gros amas reliés les uns aux autres (les fameuses “dunes” dont on lui avait parlé ?) semblables à des fonds marins qui se seraient soulevés hors des flots, découpant la plaine aride. De longues touffes herbacées perçaient encore le sable, mais n'importe qui pouvait voir que le terrain était une frontière âprement disputée entre deux climats.

Un grondement venu du fond de son estomac ramena Perceval de ses considérations à des préoccupations plus concrètes. Il fallait préparer le repas, quitte à accompagner le Homard dans sa quête du brasero (“ — Mais quel est le résidu de scorie qui a rangé ce foutoir ? On y retrouverai pas un cheval ! Toi là, arrête de me regarder avec ton air benêt et vient tenir la bâche. Maintenant !”). Ou peut-être valait-il mieux d'abord confirmer avec l'ordonnanceur le trajet du lendemain ? Oui, tout compte fait c'était prioritaire. La troupe allait devoir longer une petite mais profonde vallée alluviale encaissée, laquelle plongeait dans le désert avant d'y disparaître. La température y serait plus agréable mais le chemin moins sûr et…

— Nous ne sommes pas seuls.

— Euh… pardon ?

Perceval avait manqué de sursauter lorsque le jeune rouge était apparu à ses côtés. Il semblait à peine sorti de l'adolescence, remarqua le cartographe, un âge trop jeune pour être condamné à perdre sa santé sur un chantier tel que celui-ci. Et trop jeune pour afficher une mine aussi sombre.

— Enfin oui, c'est normal, nous somme avec la troupe et…

Le rouge lui intima le silence d'un geste et, sans même le regarder, semblait sonder l'espace ambiant.
Puis il répéta : nous ne sommes pas seuls.

— Tu… tu as vu quelque chose ? Non, entendu, c'est ça ? Mais qu'est-ce que tu pourrais avoir entendu ici, il n'y que nous. Nous, le sable, l'herbe rase soufflée par le vent et…


Le vent sembla soudain lugubre à Perceval. Sa plainte entre les rochers lui semblait presque maléfique. Et ces éclairs blancs qu'il voyait poindre entre les herbes au gré des bourrasques, s'agissait-il de pierre, ou bien d'os polis par les années ? Le désert, étonnant proche sur l'horizon, semblait maintenant être une gueule grande ouverte.

— … et des râles. Des cris ? Des esprits du désert !? Il tourna la tête vers Auguste. Tu les entends, c'est ça ? Tu sais percevoir ces choses ?

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Message posté le 01:04 - 5 juil. 2025

Le pouvoir du désert. Le bucolique d'mibile. Le feu.

Cet éclat de joie muet que s'échangeaient Léopold et Amadou. Le sourire magnifique qu'ils affichaient.

Les promesses étaient tenues et aussi vite que l'allégresse était apparue, elle s'en alla.

Qu'est-ce qu'il y a ? demanda avec étonnement Léopold.

C'est que finalement, le Menteur ne mentait pas. Et ça me fait mal d'avoir dit du mal sur lui. Parce que j'suis comme je suis et on peut dire beaucoup de choses sur moi. On l'a dit. Les gazettes l'ont dit. Un anarchiste dérangé qui a peur du progrès, qu'ils ont dit. Un dangereux criminel qu'a voulu assassiner les brillants ingénieurs de la prestigieuse compagnie indépendante de Thil. Mais moi j'dis la vérité. Toujours. Pour commencer : j'ai soif parce que la gourde que tu m'as donnée était vide. Ensuite, que j'suis d'accord pour m'évader parce que je n'ai pas pu répondre avant mais ça me va totalement. Encore ensuite, parce que la possibilité de faire le feu c'est le mieux qui m'est arrivé depuis le bagne et que je revois mon avis sur le d'mibile. Ce n'est pas qu'un désert étrange dans lequel on marche bêtement à côté d'une machinerie qui pourrait soulager notre dos, comme le font les ballons en volant dans le ciel. Ça soulage les jambes et la nuque, parce que regarder en l'air ça fait des torticolis. Le d'mibile c'est l'endroit où je vais faire un feu somptueux. Magistral. Grandiose. Un feu ardent. Je vais leur montrer que même les charbomobiles peuvent souffrir.

Léopold hocha la tête. Jusqu'ici, il n'avait pas trouvé de meilleure solution pour répondre aux tirades confuses de cet étrange ami qui s'était imposé à lui. Cependant, il ajouta cette fois quelques mots, car lui aussi avait un intérêt à ce que des flammes soient faites.

Allons-y alors. Le feu n'attend pas.

Voilà ce qu'il fallait à Amadou pour lui redresser les épaules et lui rendre sa gaieté d'antan. Ils se dirigèrent à grands pas vers la Fumeuse pour y dénicher un solide sac en jute remplit de charbons. À côté du combustible ils trouvèrent dans une boîte métallique un briquet à amadou. Le rouge ricana face à l'ironie de la situation. Le briquet en main il se tourna vers son camarade.

Que la fumée leur brûle la gorge comme la soif le fait pour nous. Comment tu veux procéder ?


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Message posté le 10:25 - 5 juil. 2025

Tu les entends, c'est ça ? Tu sais percevoir ces choses ?

Ben je reconnais une machine à vapeur quand j'en entends une, oui. Et je peux te dire qu'elle n'appartient certainement pas à la compagnie.

Auguste avait entendu des histoires de pillards qui vivaient en bande dans le désert. Les caravanes sur la route de Sûl-Nacre n'étaient jamais en sécurité.

On ferait mieux d'aller chercher les armes. Viens !

Mais elles sont sous clé !

Ce n'est pas un problème.

Auguste se dirigea donc vers la Fumeuse. Pour y trouver deux rouges en train d'allumer un feu en ricanant comme des hyènes.

Dites ! Vous savez qu'il y a des explosifs là-dedans ?

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Message posté le 11:06 - 5 juil. 2025

La nuit tombait et le groupe s'était arrêté pour installer le camp.
Grenat ordonna de jeter l'ancre suffisamment loin pour ne pas être visible.

Elle mit en ordre l'équipage et expliqua qu'elle allait partir en reconnaissance avec le char à voile. Il ne lui faudrait qu'une trentaine de minutes pour être à portée du camp. Le char était facile à dissimuler, la voile se démontant, et avec la nuit, elle devrait réussir à s'approcher sans difficulté. L'équipage devait se tenir prêt à appareiller pour attaquer si Grenat décidait que la proie était intéressante. Le signal serait une fusée de détresse bleue.

Ses ordres donnés, Grenat fit descendre le char à voile et s'installa dedans. Elle était armée de son pistolet et de sa rapière. Elle partit dans le crépuscule.

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