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2 nov. 2015 - 20:45




Amateurs de Fantasy et de récits féériques, à vos plumes ! Med-fan, dark-fantasy ou encore fantasy urbaine seront à l'honneur dans ces duels.

Vous pensez que vos écrits méritent de recevoir le Trophée Tolkien ? Seuls les aelissiens en seront juges. Les votes sanctionnant vos duels auront lieu sur ce topic.



Pour lancer un duel :

Moi, XXXX (nom du challenger)
Je défie XXXXX (nom du champion).
Le trophée TOLKIEN doit me revenir.

Je le défie d'écrire un texte sur le thème XXXX
Il aura pour contrainte : XXXX
Nos textes devront être remis à l'arbitre avant XX/XX/XXXX
S'il refuse mon défi, je deviendrai détenteur du trophée !!


Pour voter :


Il vous suffit d'indiquer dans votre réponse à quel texte va votre préférence.

Vous pouvez bien entendu développer votre vote et l'accompagner d'un commentaire pour mettre en valeur les qualités et défauts du texte au niveau stylistique, lexique, orthographique ou en fonction de son originalité, son respect des contraintes et du thème demandés.




Jusqu'ici les duels qui ont lieu pour le Trophée Tolkien ont vu s'opposer :


décembre 2008
Aspharoth vs Aillas

victoire de Aillas


décembre 2008
Aillas vs Teysa le Sombre

victoire de Aillas


janvier 2009
Aillas vs Plumo

victoire de Aillas


avril 2009
Aillas vs Uranium Fuchsia

quatrième victoire consécutive de Aillas
Aillas entre au Panthéon


juin 2009
Aillas vs Franz

victoire de Franz


septembre 2009
remise en jeu du trophée
Tr0n revendique le Tolkien


septembre 2009
Tr0n vs Aillas

victoire de Tr0n


décembre 2009
Tr0n vs Ramrod

victoire de Ramrod


avril 2010
Ramrod vs Teclis

victoire de Ramrod


décembre 2010
Ramrod vs Cassiopée

troisième victoire consécutive de Ramrod


juin 2012
remise en jeu du Trophée
Aillas revendique le Tolkien


janvier 2013
remise en jeu du Trophée


janvier 2013
Axel Anders vs dvb

victoire de dvb


septembre 2014
dvb vs Earendis vs lothindil

seconde victoire consécutive de dvb


novembre 2014
dvb vs Aillas vs Nicolas

victoire de Nicolas


janvier 2016
Nicolas vs Teclis vs Lepzulnag

victoire de Teclis

avril 2016
Teclis vs dvb vs U-raptor Folâtre

victoire d'U-raptor Folâtre


Compte utilisé par l'équipe pour poster des annonces et des règlements.
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Message posté le 14:01 - 4 févr. 2016



Teclis, par une belle missive – un peu trop d'ailleurs pour qu'il soit totalement honnête –, appelait Nicolas à remettre en jeu son trophée. Lepzulnag, cheval ambitieux et retors, sauta sur l'occasion pour mettre son grain de sel – et non de selle – en tant que troisième homme.


Thème : Chaotique neutre

Contraintes : Univers de dark-fantasy. La dernière phrase doit être la même que la première.






Teclis remporte le trophée Tolkien, par 5 voix sur 7. Il était le texte 2.


— Maman, c'est délicieux.

La petite Eana sourit à sa mère, le pourtour des lèvres carmin. Un peu de jus de pêche dégoulina le long de son menton. Melori dévoila une rangée de dents parfaites et posa le regard sur sa fille de six ans.

— Je vois ça ma chérie, dit-elle en ébouriffant une masse de cheveux blonds dont la propriétaire mastiquait bruyamment.

Elles restèrent un instant à se découper dans le soleil hivernal. La pâleur de l'astre inondait les immenses steppes du nord et octroyait à Beerwold un air surnaturel. Ce bourg fortifié se dressait à une dizaine de lieues en contrebas de leur position, grosse masse noirâtre aux habitations plates. De la fumée s'échappait des toits de chaume en cette fin d'après-midi. Le brouillard opaque produit, loin d'être chaleureux, étouffait de plus belle la ville au sein de ses murailles de pierres. Seul le donjon se dressait haut. Menaçant. Et rassurant. L'unique point d'ancrage sûr pour les habitants d'une communauté frontalière, isolée, qui perdurait en dépit des ravages du temps, et ce en bordure d'une contrée hostile. Un peu plus au-delà s'étendait une toundra sauvage parcourue par des hordes de nomades, les Vilsaks, et de nombreuses espèces animales dangereuses pour l'homme. Un environnement violent, chaotique que les locaux de Beerwold s'évertuaient à dominer au prix de leur sueur, de leur labeur et de leur sang. Du jus perla au sol dans l'herbe gelée lorsqu’Eana se dirigea à pas chassés vers une silhouette masculine, située près d'un arbre. Sa mère la suivit en jaugeant l'horizon.

— Papa, c'est bon.

Deux iris verts jugèrent le faciès ravi de la fillette, puis le fruit dégoulinant fermement serré par une petite main.

— Je vois ça...

Fugace sourire. Puis...

— Ma chérie, prépare-toi. On rentre.
— Déjà ?

Felmor hocha la tête imperceptiblement. Sa femme posa une main gantée sur son épaule. Tous deux observaient une ligne de crête. De la fumée, et des silhouettes humaines.

— Des Vilsaks ?
— Oui.
— Cela fait des années qu'ils ne se sont pas aventurés aussi loin, elle prit la main d'Eana et la ramena contre elle, voire des décennies.
— Pas depuis les derniers raids qui ont suivi l'échec de leurs Grandes Invasions.

Un lapin des neiges sortît de son terrier et commença à gambader sous le nez d'une Eana ravie.

— Nous rentrons. Je vais avertir le baron...


La descente vers Beerwold fut longue. Lorsque la famille atteignit les murs, la nuit était déjà tombée. Deux gardes en fonction saluèrent chaleureusement Felmor -dont le poste de forgeron du baron lui octroyait quelques menus avantages- et les laissèrent entrer sans encombre. Melori et Eana prirent la direction de la demeure familiale tandis que l'époux et père se dirigeait vers le donjon. A cette heure, en raison de l'obscurité et du froid, plus grand monde ne circulait dans les rues. Felmor arpentait une route composée d'une boue collante, à moitié gelée, formant l'artère principale du bourg. Çà et là, quelques paliers de maisons avaient été pavés maladroitement par leurs habitants, conformément à un vieil édit royal promulgué par un suzerain d'antan. Il avait cru pouvoir faire rénover les voies des cités à moindres frais par ce moyen. Cependant, les lois du royaume s'appliquaient peu à Beerwold, voire pas du tout, exception faite des plus anciennes.

Bien visible, le large panneau d'information et de publication du fief se situait à l'entrée du château. De nombreux documents officiels, d'annonces et de décrets s'entassaient pêle-mêle dans un fatras sans cesse renouvelé, cloués au bois par des crampillons rouillés. Beaucoup de ces parchemins finissaient dérobés par une rafale de vent ou délavés par les chutes de neige, emportant les lois du royaume dans l'oubli hivernal des terres du vaste nord. Seule une section bénéficiait d'une attention particulière : une réédition constante des Sept Vieilles Ordonnances y était effectuée par le scribe du baron dont la dévotion touchait au fanatisme. Tous les habitants connaissaient à peu près leur contenu ; Felmor lui, les avait apprises par cœur. Les trois premières énuméraient les diverses obligations des vassaux de sa majesté. Les deux suivantes ne s'attachaient qu'à décrire de manière exhaustive les devoirs principaux des citoyens. Enfin, la dernière paire demeurait la plus fondamentale. Elle conditionnait l'usage des sciences ésotériques au sein des terres royales.

L'une régissait les domaines de l'évocation, de l'invocation et de l'illusion. Leurs pratiquants, fort rares, devaient effectuer leur instruction dans des collèges accrédités par l'autorité du suzerain. Ils étaient ensuite libres d'aller-et-venir mais se devaient de répondre à l'appel de sa majesté dès qu'ils en recevaient l'ordre. Quant à l'autre, elle avait été écrite à une époque très sombre, dans des temps reculés. Une ère de famines, d’épidémies et de massacres. A situation désespérée, mesure désespérée. La « Septième » comme on la surnommait, concernait le Noirchant, la plus vile des sorcelleries : une arcane permettant de ramener les morts à la vie et de les contrôler. D'abord interdite, la nécromancie finit par devenir une arme de guerre indispensable lors des crises et des conflits d'ampleur. Les "Sombres Aèdes », détenteurs de ses secrets, étaient des hommes complètement soumis à l'autorité de la couronne. Ils vivaient une existence solitaire, triste et très encadrée. Quelques-uns parvenaient à échapper à ce morne sort, mais ils étaient alors étroitement surveillés par leurs pairs. L'usage de leurs pouvoirs ne se faisaient que dans des conditions exceptionnelles, draconiennes, prévues par la dernière des Sept Vieilles Ordonnances : le sauvetage d'une seule vie humaine, voire d'une centaine, n'était pas un motif suffisant pour rappeler ne serait-ce qu'un cadavre à un état de semi-conscience. Cette magie n’avait d’ailleurs pas été utilisée depuis des siècles. Et pourtant, malgré sa progressive déliquescence, l'ordre du Noirchant continuait de participer à la vie, d'une manière singulière, des sociétés humaines. Traditionnellement, les morts étaient brûlés selon les us et coutumes datant des éons. Néanmoins, chaque communauté, du plus petit hameau à la plus grande ville, se devait d'entretenir une fosse commune dans laquelle il serait possible de puiser lors d'une vaste guerre.

Felmor avait encore en tête l'image du sinistre document lorsqu'il arriva dans le hall du donjon. Un intendant plus froid qu'un blizzard vint à sa rencontre, lui demanda le motif de sa visite, puis l'introduisit sèchement auprès du baron. Le noble, un homme bien bâti d'une cinquantaine d'années, l'accueillit d'un signe de tête dans sa salle à manger. Il était en compagnie de son conseiller et serviteur, le Sombre Aède Eliotar. L'individu émacié examina d'un air calculateur Felmor, ce que ce dernier fit mine d'ignorer.

— Votre seigneurie, le forgeron s'inclina brièvement, veuillez excuser l'heure tardive à laquelle je me présente, bref coup d'oeil vers le baron qui fit un signe de main l'invitant à continuer, mais j'ai des nouvelles préoccupantes.

L’œil unique du sire s'écarquilla de surprise, seule marque visible d'émotion chez lui.

— Quelles sont-elles ?
— Je serai bref. J'étais en excursion avec ma femme et ma fille à environ onze lieues au nord. J'y ai remarqué de la fumée et quelques formes humaines. Très certainement des Vilsaks.

L'un des gardes fit cliqueter maladroitement sa cotte de mailles. Le siège du baron grinça lorsqu'il se pencha en avant.

— En es-tu sûr ?

Derrière lui, les yeux d'Eliotar ne quittaient pas une seule seconde le visage de Felmor.

— Quasiment certain monseigneur. Qui d'autre pourrait camper là-bas hormis ces sauvages ? Les nôtres sont tous rentrés au sein du bourg en cette saison... Peut-être des trappeurs ou des mineurs ?
— Non... Les mineurs ont été coincés par un vif grain blanc toute la nuit dernière dans leurs campements. Quant à nos chasseurs, je ne pense pas.

Il se tourna vers son intendant.

— Allez vérifier cette information. Maintenant !

Le serviteur sortit en silence. Moment de flottement rompu par la toux grasse de l'une des sentinelles.

— Bien... Si c'est une tribu de Vilsaks, il vaut mieux prendre les devants... Il faudrait leur tomber dessus par surprise. Je vais faire envoyer des éclaireurs et recruter un contingent de miliciens dès demain pour appuyer notre ost de réguliers.

Nouveau mouvement d'agitation du côté des gardes. Ils allaient prochainement avoir à ferrailler avec des Vilsaks, ce que redoutait mêmes les plus aguerris des bretteurs. Ces nomades dont la culture demeurait inconnue ne répondaient qu'à la loi du plus fort : leur âme était froide à l'instar des étendues glaciales qui les avaient engendrés. L'anthropophagie ne les répugnait point et leurs guerriers les plus féroces se lacéraient les joues au moyen de scarifications afin de dévoiler à tous leur dentition. Une veine violacée battit sur la tempe du baron pensif.

— Tu peux partir Felmor. Si nous avons besoin d'aide, nous t’appellerons.


Eana jouait dans la neige qui avait chu durant la nuit. Elle s'amusait actuellement avec une autre fille et trois garçons de son âge à s’envoyer des boules de neige. Felmor contemplait, par la fenêtre de sa maison, les échanges de tirs. Trois coups sourds retentirent lorsque la porte d'entrée fut bombardée de poudreuse. Derrière lui, sa femme l'enlaça tendrement.

— Je vais bientôt partir chasser mon amour...

Son époux garda le silence. Elle respira un instant ce moment de singulière quiétude.

— Alors ? Tu vas partir guerroyer finalement ?

Felmor se retourna et lui sourit d'un air fatigué.

— Non. Je n'irai pas combattre aujourd'hui, ni demain d'ailleurs. Je n'ai pas été retenu pour faire partie de l'expédition militaire.

Mélori poussa un soupir de soulagement, l'embrassa puis commença à empaqueter ses affaires dans une peau tannée : un arc court, un couteau et des collets. Son mari la regarda faire avant de reporter son attention sur sa fille, à l'extérieur. Un garçon de deux ans son aîné venait de la pousser dans la neige, puis entreprit de s'attaquer à l'un de ses condisciples masculins. La fillette resta un instant face contre terre avant de se relever difficilement. De là où il était, Felmor devina les larmes qui lui montaient aux yeux. La petite, debout, immobile, renifla en contemplant le dos de son agresseur. C'est alors que dans un élan aussi soudain que courageux, elle se jeta sur son adversaire par derrière. L'attaque traitresse fonctionna parfaitement. Le garçon, prit au dépourvu, s'écroula sur une plaque de verglas qui lui rappa une bonne partie du front. Un sanglot bruyant s'éleva dehors, gagnant progressivement en intensité. Au même instant, Eana ouvrait la porte d'entrée et se réfugiait dans la chaleur accueillante de son foyer.

Felmor la contempla sans dire mot. Il ne sût si elle était au courant que son camarade s'était fait mal – il rentrait à présent chez lui en pleurant- ou si elle avait innocemment rejoint le domicile familial. L'acte relevait de la perfide audace caractéristique des enfants. Des réactions aussi chaotiques qu'amorales, qu'il était parfois peu aisé de punir. Son père pensa un instant à la gronder avant de se remémorer ses propres questionnements éthiques. D'un geste tendre, il souleva sa fille dont la respiration bruyante se transforma en un rire enjoué. Dehors, Eliotar passa comme un fantôme devant la maison.


L’aurore boréale qui illuminait d’habitude les cieux nocturnes se dissimulait aujourd’hui derrière une épaisse couverture nuageuse. Des flocons de neige perlaient à allure croissante, étouffant le paysage sous un linceul blanc. Le sergent Yarrick loua intérieurement les dieux pour ce début de tempête qui masqua parfaitement l’approche du régiment d’hommes qu’il commandait. Un peu moins de quarante guerriers, dont dix foutues recrues inexpérimentées. Il les avait mises à l’arrière : pas question que ces abrutis donnent l’alerte chez les Vilsaks avant que l’assaut n’ait commencé. Tels des spectres, ils approchèrent des tentes en peaux, encadrées par des feux que des sentinelles protégeaient du mieux qu’elles pouvaient des intempéries. Leur lueur ne permettait pas de voir à plus de cinq ou six pas : un vent froid s’était levé, promenant des rafales de neige dans une valse qui noyait n’importe qu’elle forme dans l’imperméable obscurité ambiante. Recouverts de linges gris, leurs lames couvertes de suie, les sbires du contingent de Beerwold se mirent en position d’attaque. Yarrick allait ordonner l’assaut lorsque deux lueurs vertes croisèrent son regard dans le blizzard. Des yeux, émeraude. Ceux d’un Vilsak qui, par un coup du sort, s’était aventuré à l’écart du campement, sûrement pour satisfaire un besoin naturel. Sa silhouette resta figée une demi-seconde, puis s’évanouit dans les ombres.

— A l’attaque, hurla le sergent en dégainant. Aucun quartier, aucun remords. Ces chiens n’en méritent pas !

C’est alors que la furie de la bataille débuta. Une colère froide, éphémère et silencieuse au milieu de la tempête. Seul un Vilsak échappa à la tuerie, courant à travers les plaines jusqu’au matin dans une direction et un but qu’il était le seul à connaître.


— Alors, comme ça, ils les ont massacrés ?

Felmor termina de mâcher la chair tendre de lapin qu'il avait dans la bouche, avant de répondre à sa femme. Elle était rentrée de la chasse il y avait environ une bonne heure mais sa longue chevelure noire était encore teintée de givre par endroits. Un feu mourrait lentement dans la cheminée, lançant des crépitements épars dans son agonie.

— Apparemment, il jeta un coup d'oeil prudent en direction d'Eana qui somnolait au-dessus de son assiette, une vingtaine de pertes de notre côté pour une centaine de Vilsaks tués. Femmes et... autres personnes comprises. D'après le baron, c'était une simple expédition hasardeuse de l'une de leurs tribus.
— Ont-ils été...

La langue de Mélori vint lécher ses lèvres, tic qu'elle avait lorsqu'elle abordait un sujet sensible ou complexe. Felmor sauça consciencieusement son assiette avec un morceau de pain, l'avala puis répondit à la question laissée en suspens.

— Oui... Les cadavres ont été décemment brûlés. Certains soldats voulaient les abandonner aux corbeaux et aux loups mais notre Sombre Aède a apparemment insisté pour que ce ne soit pas le cas.
— Une bonne chose non ?
— Ce n'est pas à moi d'en juger.

La conversation laissa place aux cliquetis des couverts pendant cinq minutes puis les deux adultes commencèrent à débarrasser tandis que leur fille marchait lentement en direction de sa couche.

— Demain, nous sortons à nouveau faire une excursion en famille ? Nous n'avons toujours pas pu montrer le vieux ruisseau à Eana.
— Malheureusement, je ne peux pas. Plusieurs armes ont été ébréchées, voire cassées durant la bataille. Je vais devoir rester au donjon les réparer. Le baron tient à ce que nous conservions une force armée bien équipée depuis la dernière… intrusion.
— Ha... Tant pis alors. Après-demain dans ces cas-là...
— Sûrement oui...


Le métal incandescent se déversa tel un torrent de sang bouillant dans le moule d'argile. Une odeur âcre emplit l'air. Le reflet des flammes rougeoyantes brilla dans les yeux devenus braises de Felmor. Les deux charbons ardents allèrent de la lame naissante à son marteau de forgeron. L'homme, au sein de cet ouragan d'étincelles, aurait pu être pris pour l'une des entités démiurges de jadis. Un dieu de feu perdu dans les arides contrées qui précédaient la genèse de l’univers. Felmor aimait sa forge : au sein de cet enfer, il n’y avait ni passé, ni futur. Son esprit libéré de ses anciens démons ne vivait que l’instant présent, celui de la pure création. La tempête s'apaisa une poignée de secondes ce qui suffit à l'homme pour entendre autre chose que le crépitement de ses brasiers. Était-ce son propre cœur qui sonnait, bondissant, dans sa poitrine ou... le glas d'un tocsin ? A pas lents, il sortit de la forge pour déboucher dans un couloir sombre éclairé par quelques torches. Au-dehors, bien que lointain, il percevait le fracas des armes... Les siens étaient peut-être en danger. Le sang bâtit à ses oreilles. Une appréhension sourde s'empara de son âme et ses membres se pétrifièrent. Puis il partit en courant... Les escaliers qu'il emprunta, si coutumiers, pour remonter vers l'entrée du donjon, lui parurent interminables. Chaque marche était un obstacle entre lui et sa famille. Lorsqu'il débarqua dans le hall, quatre corps étaient étendus par terre dans une marre de liquide vermeille, dont deux arboraient la livrée du baron. Les autres étaient indéniablement des Vilsaks... S'ils étaient parvenus jusqu'ici, c'est que le bourg avait peu de chances de survivre à l'assaut... Mais comment diable était-ce possible ? La question fut balayée de son esprit. Dehors, des hurlements retentirent et de la fumée noire enténébrait les cieux.

Felmor ramassa la hachette de l'un des cadavres et longea le mur afin d'apprécier la situation : une anomie digne de l'apocalypse régnait dans Beerwold. Des habitations étaient en flammes, des locaux combattaient, mourraient ou brûlaient dans les rues tandis qu'une nuée de Vilsaks se répandaient comme des sauterelles à travers la ville. Leur sauvagerie et leur soif de pillage, synonymes de désorganisation, avaient donné un court répit à la communauté. Très bref, mais que Felmor se jura de mettre à profit. Il bondit en dehors du château et abattit sa lame sur le crâne d'un des pillards isolé, occupé à priver de ses oreilles et de son nez la dépouille d'un soldat. Lorsqu'il retira l'arme, un embrun à l'odeur cuivrée envahit l'air. Sans se retourner, le forgeron fonça à travers le panneau réduit en cendres où trônaient naguère les Sept Vieilles Ordonnances. C'est alors qu'il le vit. Eliotar était droit comme un i, observant les alentours d'un regard navré. Sa frêle silhouette passait inaperçue dans le chaos ambiant, alors qu'elle se tenait pourtant debout, proche de l'entrée du donjon. Le Sombre Aède ne tentait pas de se dissimuler, stoïque. Un récif au milieu d'une mer déchaînée. Une rage sans nom s'empara de Felmor.

— Faîtes quelque chose pauvre fou ! La ville est mise à feu et à sang.

Le nécromancien trembla mais son regard ne vacilla pas.

— Je ne peux rien faire. Vous savez très bien que les règles de la Septième me l'interdisent.

Le poing de son vis-à-vis le mit à terre.

— Les Vilsaks sont en train de ravager le bourg. Ils tuent les hommes, les femmes et les enfants. Et vous restez là à me parler d'encre et de papier...

Devant son air fou, Eliotar dont le nez cassé laissait échapper un flot noir répugnant, referma une poigne de fer sur le bras de Felmor.

— Cela se nomme la loyauté, Felmor. Les règles de l'ordre interdisent de se servir du Noirchant, même en pareille situation. Sans quoi le monde sombrerait, n’allez pas...

D'un geste brutal, l'interpellé se dégagea avec violence.

Mon monde est en train de s'effondrer. Contrairement à vous, je ne vais pas le laisser brûler...

Il fonça entre deux maisons en flammes tandis que derrière lui, Eliotar lui hurla quelque chose d'incompréhensible. La voix du mage fut noyée dans la furie de destruction qui embrasait la ville. Les poumons en feu, de la sueur sur le front, Felmor bondit de rue en rue. Que ce fut sa rapidité ou sa chance qui joua, il ne le saurait jamais ; il parvint à atteindre son foyer sans problème. Son esprit en détresse ne préféra pas lui rappeler qu'il avait négligé les appels à l'aide d'autres habitants, massacrés, dévorés ou violés à quelques mètres de lui. Cependant, le sort devait tout de même le rattraper. Il débarqua dans sa demeure la peur au ventre, sans se soucier d'autre chose que de sa fille et de sa femme. Les uniques êtres qu'il avait jamais aimés sur cette terre. Un cri enfantin, de peur, l'enflamma tout entier. Son amour ne le sauva pourtant pas du coup d'estoc qui perça son flanc lorsqu'il franchit la porte défoncée.

Le métal crissa entre ses côtes alors qu'il sentait l'haleine putride d'un Vilsak près de sa joue. Il hurla lorsque les dents blanches se refermèrent sur la peau burinée de son visage et sectionnèrent les muscles zygomatiques. Dans un sursaut de rage, il entraina son assaillant au sol et frappa à l'aveugle de sa hachette. Un bruit mat lui confirma qu'il l'avait touché. Les deux individus roulèrent un temps par terre avant que le corps du Vilsak s'immobilise près d'une étagère, encore agité de quelques soubresauts. Le souffle court, rauque et la bouche empuantie par un goût salé, Felmor s'adossa au meuble. Un peu plus loin, dans un océan de douleur, il perçut la silhouette massive d'un des nomades qui s'avançait en direction d'Eana qui poussait des hurlements en implorant son père. Un autre Vilsak, plus fluet, entra, attiré certainement là par les cris de détresse. Ses iris vertes, étonnamment belles, passèrent sur le forgeron mourant puis s'arrêtèrent sur la fillette. Un sourire torve, presque comique avec ses joues sectionnées, agita son faciès lorsqu'il vit son acolyte soulever de terre la petite Eana. Au moment où la poigne massive se refermait sur le coup délicat, une ombre survint.

Melori était couverte de sang de la tête aux pieds. Une entaille avait déchiré son manteau de fourrure et elle boitait ostensiblement. Le coeur de Felmor fit un bond dans sa poitrine et un mince espoir ressurgit en lui. Sa femme, avec férocité, abattit une, puis deux, puis trois fois son poignard dans la clavicule du Vilsak aux yeux émeraude. Ce dernier rendit son dernier souffle dans un gargouillement inaudible. Dehors, le ronflement de l'incendie s'amplifia. Melori commença à se diriger vers le dernier intrus, arme au poing. Celui-ci avait contemplé toute la scène. Il referma ses doigts sur la gorge de sa captive. Craquement sourd. Puis le corps désarticulé d'Eana s'effondra. La santé mentale de Felmor se brisa tel du cristal. C'était terminé... Sa fille, son amour, était morte. Melori devait être encore plus abattue que lui car elle ne fit rien, au départ, lorsque le meurtrier s'empara de son poignet et le tordit pour lui faire lâcher son coutelas. C'est seulement alors qu'elle tenta de mordre, griffer, frapper chaque centimètre de chair qu'elle pouvait atteindre.

Le Vilsak, plus massif, ne se laissa pas démonter et l'allongea sur une table en la frappant plusieurs fois au visage d'une main crasseuse. Des éclats de dents volèrent à travers la pièce. Les morceaux de porcelaine tombèrent au sol dans un bruit qui rappela à Felmor celui d’un jeu d’osselets. Impuissant, il contempla la scène tandis que la vie s'échappait goutte à goutte de lui. Sa respiration, rendue difficile par le flot de sang qui emplissait lentement ses poumons se ralentît. Il essaya de se lever une dernière fois sans succès. Son corps vaincu lui rappelait la limite de l'existence des mortels. Cependant, il devait sauver sa femme... Il le devait... Même au prix de ses serments passés. Douloureusement, dans un torrent de larmes, il tendit des doigts gourds en direction du cadavre de sa fille et prononça l'incantation. Il continua de réciter, avec sang-froid, comment il l'avait appris jadis dans l'ordre des Sombres Aèdes avant de le quitter définitivement. Il ignora les suffocations désespérées et de plus en plus éloignées de sa conjointe, il ignora les gouttelettes de feu qui perlaient du toit, il ignora même que les yeux sans vie qui s'animèrent doucement appartenaient à son propre enfant. Le cadavre fraichement ensorcelé se leva, l’angle formé par son cou tordu se résorbant dans un effroyable craquement. Les iris révulsés de sang de Mélori allèrent d’Enea à son mari. Felmor y lut une pitoyable horreur, puis une haine sans commune mesure. Il sût qu’en cet instant, le tout dernier, elle le maudit éternellement pour ce qu’il avait fait. Qu’importe. Sa résolution se fit d’acier et il mit toute sa volonté pour garder le mort-vivant sous son égide mentale : les trépassés ne se laissaient pas volontiers asservir. Il ne prononça que deux mots : "Tue-le".

Mu par une vigueur surnaturelle, le petit corps se jeta sur le Vilsak et plongea ses doigts agiles dans les orbites de la tête. A voir Eana, on aurait juré qu’elle sautait sur l’échine de son oncle préféré pour jouer. Le sauvage poussa un effroyable hurlement et tenta de s'arracher à la poigne de la chose qui fouillait joyeusement dans sa cavité crânienne. Sa main lâcha le corps de Meroli et tâta dans le vide derrière sa nuque. Un instant, il moulina des deux bras avant de s'effondrer... Felmor contempla alors le visage ravagé de son épouse, inerte. Elle aussi avait succombé. Un râle de désespoir franchit ses lèvres sèches. Il se sentit défaillir et perdre le contrôle de ses pouvoirs. Aussitôt, l'attention d'Eana... Ou de ce qui avait été Eana se reporta sur lui... Il y avait toujours un prix à payer à pratiquer le Noirchant, tôt ou tard. Inéluctablement. Il le savait. Les morts n'étaient soumis à aucuns principes moraux. Ils ne connaissaient ni le Mal ni le Bien. Seulement qu'ils incarnaient le chaos dans un monde gouverné par des lois naturelles auxquelles la Non-Vie était une injure. Un monde qui ne les avait pas enfantés. « Oui », pensa Felmor, « les morts ne sont que des enfants. Ce sont mes enfants chéris ». La gamine se rapprocha à pas mesurés. A bout de forces, le Sombre Aède n'essaya même pas de l'en empêcher. Il n'en avait plus les capacités. Tandis que sa fille se penchait tendrement au-dessus de lui, il cracha une ultime incantation.


Deux silhouettes se découpaient dans l'aurore hivernale. Autour d'elles, un vaste manteau blanc. Un peu en contrebas, à quelques lieues, la grosse masse noirâtre de Beerwold finissait de cracher de la fumée pour la dernière fois. Du sang perla au sol dans l'herbe gelée lorsqu’Eana sourit à sa mère, le pourtour des lèvres carmin. Du liquide vermeil dégoulina le long de son menton. Melori dévoila une rangée de dents brisées et posa le regard sur sa fille de six ans qui, avec gourmandise, mordit dans le cœur de son père.

— Maman, c'est délicieux.






Lepzulnag, et son texte 1, ont attiré à eux 2 voix seulement.

Le Pot de Daebîrone


Roth-fus avait toujours été un mystère insoluble pour son maître. Élève moyen frisant régulièrement avec la médiocrité, discret, rêveur et mélancolique, peu de magiciens à Krinslend comprenaient pourquoi le grand Tagazok, membre permanent du conseil extraordinaire, nécromancien de première catégorie, pourfendeur de démons, seigneur vampire de quatrième génération et possesseur d'une des épées de pouvoir, avait choisi un si mauvais apprenti.
En vérité, Tagazok n'avait que faire d'un étudiant talentueux, servile ou studieux ; il méprisait avec délicatesse l'intégralité des sorciers de Krinslend. Au sein de la citadelle, Roth-fus-da était la seule personne qui avait jamais réussi à le surprendre. Il y avait quelque chose d'unique en lui, une façon de penser absolument incongrue qui le rendait totalement, délicieusement, imprévisible. Les yeux aussi rouges que ses cheveux, le crâne bossu, son apprenti avait toujours l'air de réfléchir à sujet très important. Il lui arrivait parfois de sursauter et de se demander à voix haute, surpris : « À quoi étais-je en train de penser ? ».
Au fil du temps, Tagazok était parvenu à identifier plusieurs sources d'intérêts chez Roth-fus : les femmes – quelle que soit leur race et leur âge –, les jeux de hasard, et surtout, l'oisiveté. Cependant, même lorsqu'il était plongé dans ses passions, le jeune sorcier en semblait détaché. Il lui était déjà arrivé de quitter le lit et les bras d'une katérienne aussi ravissante que sensuelle (un cadeau de son maître), simplement pour aller observer le fascinant vacillement d'une flamme de bougie.
Tagazok – qui travaillait juste à côté sur son pupitre d'alchimie – fut profondément marqué par cette scène. « Que recherches-tu donc, Roth-fus-da ? Que faut-il pour te satisfaire ? ». Cette nuit-là il s'était juré de trouver ce qui rendrait réellement heureux son disciple, avant de murmurer la phrase rituelle : « Il n'y a que des fous à Krinslend ».

Krinslend, la « Forteresse des sorciers », s'était bâtie au fil des siècles une réputation de bastion de la sagesse, de lieu sacré, gardien des savoirs anciens, où les futurs magiciens étudient avec travail et sérieux.
En vérité, rien ne pouvait être plus faux.
Isolée à des centaines de kilomètres au sud de toute civilisation, perdue dans les hauteurs de gigantesques montagnes gelées, entourée de vents glaciaux et d'esprits millénaires, la forteresse était un véritable sanctuaire du désordre. Un temple de l'anarchie. Les nouveaux venus, des adolescents issus de familles nobles envoyés ici par leurs parents, l’apprenaient à leurs dépens. Pendant le bizutage – la seule vraie tradition de Krinslend, pendant laquelle même les professeurs ourdissent les farces les plus cruelles – il n'était pas rare que leur peau change complètement de couleur, qu'une queue de démon leur pousse, que de petites ailes de chauve-souris remplacent leurs oreilles, qu'ils perdent leur langue ou une jambe, que des bras velus leur poussent à des endroits improbables, ou encore qu'ils rapetissent jusqu'à atteindre la minuscule taille d'une fée.
On ressort rarement des hautes tours sombres et pointues de Krinslend ; à la fois parce que peu de sorciers désirent retourner dans un monde qui les a abandonnés, mais surtout parce que le voyage est aussi long que dangereux.
Dans cette région sauvage, primale, les montagnes ne se contentaient pas d'être immobiles ; de grandes forces les traversaient. Il arrivait régulièrement de les voir se déplacer, se chevaucher ou se heurter les unes contre les autres, comme si elles s'accouplaient ou se battaient entre elles. C'était un spectacle aussi beau que terrifiant. Des voyageurs malchanceux s'étaient déjà retrouvés écrasés par deux titanesques flancs de roche et de givre. La forteresse elle-même, bien que protégée par des esprits-esclaves d'une puissance phénoménale, pouvait se retrouver plongée dans l'obscurité pendant des semaines, digérée à l'intérieur des tréfonds terrestres ; ou bien chevaucher, le temps d'une après-midi, la pointe des sommets les plus majestueux.
Le plus grand danger à l'extérieur des murs de Krinslend restait cependant la « Mort glacée », une sinueuse brume blanche se glissant le long des cols enneigés, absorbant les âmes de toute créature vivante qui entrait en son sein. Il ne restait dans l'assourdissant sifflement de son sillage, que les enveloppes corporelles, transformées pour toujours en statues de cristal. D'après les expressions de leurs visages, il semblait ne pas y avoir de fin plus horrible.
C'était peut-être ce froid, cette mort au-dehors, qui rendait la vie à Krinslend si bouillonnante, si active ; et sûrement c'était l'éloignement de toute civilisation, le perpétuel sentiment de se sentir reclus, abandonné, qui était la cause de la folie et du désordre qui y régnait.

Roth-fus s'ennuyait. Allongé sur le lit de son maître, il contemplait les paupières à-demi closes les aspérités du plafond.
— Il faut que je fasse quelque chose, marmonna-t-il.
Cela faisait presque un mois que Tagazok s'était absenté, parti à la recherche du « Pot de Daebîrone ». Il traquait cet antique artefact depuis des années et une découverte récente l'avait enthousiasmé. « Je suis proche du but, je le sens ! » s'était-il exclamé à l'adresse de son disciple.
On était au beau milieu de la nuit lorsque Roth-fus décida de quitter les quartiers de Tagazok, à cette heure sombre où les seules personnes qui ne dorment pas, préparent dans le secret de mauvais coups.
Roth-fus avançait silencieusement sous les gigantesques voûtes de la forteresse. Elles avaient été soigneusement décorées autrefois, surplombant des murs tapissés de riche tissu et ornementés de tableaux, sculptures en relief et autres œuvres d'art. Mais aujourd'hui les sculptures étaient en morceaux, les tableaux brûlés ou déchirés, et les peintures ravagées ; résultat d'un duel de sorciers, d'une boule de feu impromptue ou d'un golem hors de contrôle.
Le jeune homme enjamba discrètement un troupeau de chèvre-démons endormies à même le sol. Il fit attention à ne pas les réveiller, conscient que malgré les quelques tours de magie de sa connaissance, il ne pourrait échapper seul à leurs cornes aussi monstrueuses qu'aiguisées.
Alors qu'il s'apprêtait à dépasser le dernier animal, un son qu'il avait appris à haïr se fit entendre : le cliquetis caractéristique des squelettes de garde. Animés par Cruak lui-même, le Seigneur de la forteresse, leur seule mission était de patrouiller chaque nuit dans les couloirs et de rosser de leurs gourdins tout étudiant qui croiserait leur chemin.
Entre les chèvres et les squelettes, Roth-fus était pris en étau. Le cliquetis était tout proche, il n'avait que très peu de temps pour agir : s'il se faisait voir, il était fichu. N'ayant d'autres choix, il se précipita vers la porte la plus proche, qu'il poussa sans attendre.
Il entra dans une bibliothèque de taille modeste dont il n'avait jamais eu connaissance. Des rangées de livres tombés par terre ou classés dans des étagères s'étalaient devant lui. Une faible lumière venait de la gauche ; en prêtant l'oreille, il perçut des voix. Il n'était pas seul.
Se demandant qui pouvait se trouver ici à cette heure, il se faufila à travers les étagères. Une odeur d'encens lui brûla les narines. Plus il avançait, plus les voix se faisaient distinctes ; jusqu'à ce qu'il assiste à l'étrange scène. Sur un cercle magique tracé par terre, une fille entièrement nue se tenait allongée. Les paupières closes, elle semblait en transe et récitait une longue incantation. Autour d'elle, des femmes au galbe parfait seulement vêtues d'un pagne l'entouraient à quatre pattes, lui caressant les bras, les pieds, la tête et les jambes, tout en chantonnant d'une façon lugubre.
Roth-fus sursauta soudainement quand il sentit une main se glisser sur son cou, et une langue lui caresser l'oreille.
— Un petit espion... prononça une voix féminine.
La main lui serra la gorge, ses longs ongles se crantant à sa peau. Roth-fus s'immobilisa, vulnérable.
— Voyons, reprit la voix, qui a eu l'audace d'assister à notre cérémonie secrète ? (Elle lui retourna la tête) Tiens tiens, Roth-fus ! Quel surprise.
Devant lui se tenait Sabine, une jeune noble qui était arrivée en même temps que lui à Krinslend. Elle avait bien changé : alors qu'il ne l'avait jamais trouvé particulièrement belle, elle était aujourd'hui si jolie, si affriolante, que leur proximité et sa quasi-nudité lui remua le ventre.
— Tu n'es plus la même. Que t'est-il arrivé ?
— Ce que notre nouvelle recrue est en train de subir, répondit-elle. (Elle pourlécha d'une langue agile ses dents pointues) J'ai été transformée en succube, et en tant que telle un nouveau monde de sensations, de sensibilité et de volupté s'est offert à moi.
Ses doigts frottèrent lascivement l'entrejambe de Roth-fus tandis qu'elle esquissait une moue coquine.
— Tu sais ce qu'on fait aux espions de ton genre, dans notre clan ?
— Vous leur sucez les orteils ? proposa Roth-fus, le souffle court.
— On les pend par les pieds, on les égorge, et on boit leur sang. (Elle laissa planer la menace un instant avant de reprendre) Mais tu as de la chance, j'ai d'autres plans pour toi. Il se trouve que je suis très intéressée par un certain manuscrit : les Écrits alchimiques du sage Khalif. Or, il se trouve que le seul exemplaire qui existe – je le sais de source sûre – se trouve en possession de ton maître.
— Tu veux passer un marché ?
— Exactement. Tu m'introduis dans les bureaux de Tagazok – je sais qu'il n'est pas là –, et en échange je te laisse gracieusement la vie sauve. Je suppose que l'accord te va ?
Roth-fus fit mine de réfléchir.
— Non. Ça ne me va pas. Voilà plutôt ce que je propose : je t'introduis chez mon maître, et en échange tu me fais découvrir ce monde de volupté dont tu parles.
La succube rigola.
— Cette affaire va être une vraie partie de plaisir ! Marché conclu, Roth-fus. Maintenant, montre-moi le chemin.

Grâce à son anneau, Roth-fus pouvait librement passer au travers des pièges mortels posés par son maître. Il guida Sabine par la main jusqu'aux appartements privés de Tagazok. Malgré son audace, la jeune succube n'en menait pas large, car le maître vampire était une vraie légende, et d'après les rumeurs c'était le sorcier le plus puissant de la forteresse après le Seigneur Cruak lui-même.
— Où range-t-il ses grimoires ? demanda-t-elle, excitée et impatiente.
— Ça, rétorqua Roth-fus, je te le dirai une fois que notre contrat sera rempli !
Il la jeta sur le lit de son maître. Un grondement bestial s'échappa du rictus souriant de Sabine. D'un claquement de doigt, elle fit appel à une force invisible qui projeta à son tour le jeune homme contre le matelas. Sans attendre, elle l'enfourcha et laboura son dos de ses griffes. Chaque sillon brûlant et ensanglanté arracha une larme de jouissance à Roth-fus. Elle le retourna, ses lèvres frémissantes s'écrasèrent contre celles du sorcier, sa langue chaude se coula audacieusement autour de celle de son compagnon.
— Ah ! se réjouit fièrement Sabine en déchirant les vêtements de son compagnon. Quand je raconterai à mon clan que j'ai couché sur le lit du grand Tagazok !
— Tu veux que je t'avoue un secret ? Je n'ai jamais fait l'amour sans que mon maître soit dans la même pièce.
C'est à cet instant que la porte de la chambre s'ouvrit violemment, laissant entrer un vent glacial. Sur son seuil se tenait Tagazok, ses robes épaisses largement déchirées sur son torse grisâtre. Il était recouvert de plaies, mais son regard était plus violent, plus déterminé que jamais. À sa main, son épée de pouvoir brillait de mille feux.
— Tagazok-ra ! sursauta Sabine en se prosternant.
— Roth-fus. Sabine. Les secondes n'ont jamais été aussi importantes : ma quête touche à sa fin. Je sais exactement où se trouve le Pot de Daebîrone. Dire que pendant toutes ces années, il était ici-même, dans cette forteresse, gardé par les mains jalouses et avides du Seigneur Cruak.
Un large sourire étira ses fines lèvres décolorées.
— Depuis le temps que je rêve de confronter ma magie à celle de ce vieillard pédant ! J'ai déjà défait une partie des sortilèges de la forteresse, et pris à mon compte certains autres. Des rejetons du tartare sont en train d'apparaître à tous les coins de couloir, j'ai levé ma propre armée de squelettes, et ma garnison de golems s'attaque à ses sorciers les plus loyaux. Ce soir, une guerre est déclarée, une guerre comme Krinslend n'en a jamais connu !
Comme pour donner écho à ses paroles, des cris et des rugissements se firent entendre depuis les dortoirs. Roth-fus frissonna ; il se sentait bizarre.
— Cruak est sûrement en train de se demander qui ose contester son autorité. (Il rigola) L'imbécile doit craindre que ce soit moi ! Sabine, Roth-fus, suivez-moi. Pendant que mes sbires font diversion, nous allons nous attaquer au plus important : le Pot.
Tagazok quitta la pièce comme un ouragan. Son disciple et la succube le suivirent précipitamment, prenant à peine le temps de se rhabiller. Le vampire les emmena jusqu'au niveau des artefacts, un étage que seuls les membres du conseil extraordinaire étaient habituellement autorisés à pénétrer. Ils passèrent par des corridors où régnait le désordre le plus complet : les fantômes se battaient contre les rejetons, les loups-garous affrontaient les squelettes, les élémentaires étaient aux prises avec les chèvres ; et parmi ce joyeux bordel les apprentis sorciers tentaient de s'en sortir avec leurs maigres pouvoirs, usant de manière imaginative les quelques maléfices qu'ils connaissaient et les potions dont ils disposaient.
Ce fouillis ralentissait à peine Tagazok. Sur son passage les monstres les plus faibles volaient instantanément en éclats, tandis que les plus tenaces périssaient de sa lame ou se faisaient anéantir d'un déchaînement de flammes. Roth-fus, en suivant prudemment son maître, assistait à la scène avec émerveillement. L'étrange sensation ne le quittait plus ; ce fatras, cette confusion, le ravissaient. Pour la première fois, il avait l'impression de vivre.
— Maître, cria-t-il au-dessus du vacarme, vous avez souvent mentionné ce Pot qui vous obsède, mais jamais vous ne m'avez expliqué de quoi il s'agissait !
— Le Pot de Daebîrone, répondit calmement ce dernier tout en bataillant avec un loup-garou grand comme un géant, est l'un des artefacts les plus anciens qui soient. Son histoire remonte à des temps archaïques où notre espèce n'existait même pas, et où le monde était bien différent de celui que nous connaissons. Par une main dont nous ignorons tout, les plus grands esprits sauvages, ainsi que les démons chromatiques, ont été enfermés dans le Pot.
— Vous comptez libérer les esprits ? demanda Sabine. Pour les contrôler ?
— Bien sûr que non ; ce sont eux qui nous détruiraient, ou nous domineraient. Cependant la puissance unique qu'il dégage me permettra de réaliser des expériences normalement impossibles.
Ils arrivèrent finalement devant la géante porte dorée de la salle aux trésors. Ici, il régnait un certain calme, le boucan était derrière eux. Tagazok prononça la formule d'accès et poussa les deux gigantesques battants, qui s'ouvrirent en raclant bruyamment contre le sol. La lumière d'un eldorado de joyaux, de perles, de colliers de diamants, d'armes et d'armures ornementées, et de coffres remplis de pièces d'or et d'argent, brilla dans leur direction.
— Cruak a créé une salle secrète, adjacente à celle-ci, pour y protéger le Pot, expliqua Tagazok. Mon voyage n'a pas été inutile, car je sais maintenant où elle se trouve.
Le vampire parcourut la pièce jusqu'à s'arrêter devant un pan de mur qui ne semblait en rien différent des autres. À l'aide de sachets en poudre accrochés à sa ceinture, il dessina sur le sol le plus grand cercle d'invocation que Roth-fus avait jamais vu.
— Au cours de ma jeunesse, expliqua-t-il, j'ai apporté mon aide à une entité dont la force n'a d'égale que son âge vénérable. Elle a fait le serment de me retourner une faveur le jour où j'en aurais besoin ; et nul doute que Cruak a mis tout son savoir-faire dans la protection du Pot.
Il commença les incantations rituelles, et bientôt la silhouette d'une immense créature se dessina, faite de cailloux, de sable et d'algues. Des trombes d'eau se répandaient par terre au fur et à mesure qu'elle faisait son apparition ; il semblait que l'entité était directement appelée depuis les abysses océanes.
— Krier-Nagrzuh ! s'écria Tagazok. Détruis ce mur, mon ami !
L'amas de roche humide s'exécuta. Son irrépressible élan emporta les pierres de la cloison avec lui, dévoilant une nouvelle galerie, d'une hauteur vertigineuse, au centre de laquelle se trouvait le Pot de Daebîrone. Juste derrière l'artefact, les quatre têtes d'un dragon d'obsidienne dont la taille n'avait rien à envier à l'invocation du maître vampire, fixaient avec malveillance les intrus. Une peur atavique cloua sur place Sabine et Roth-fus.
— Ainsi donc c'est toi, Tagazok, qui est la cause de ce remue-ménage au sein de ma forteresse.
Cruak l'archiliche, Seigneur de Krinslend, sortit des ombres.
— Je conviens que ce déploiement de force est impressionnant, reprit-il d'une voix éteinte. Les rumeurs à propos de tes extraordinaires capacités n'étaient pas infondées. Mais que feras-tu face à un adversaire qui possède un demi-millénaire d'expérience de plus que toi ? Que feras-tu face à un dragon noir ?
— La fatigue de l'immortalité se lit sur ton visage, vieille peau. Ton âme attend la mort depuis trop longtemps ; réjouis-toi, car en face de toi se trouve celui qui enfin saura te délivrer. Krier-Nagrzuh, tue le dragon !
L'ancienne entité marine se rua sur le reptile ailé. D'un geste de la main, Cruak déversa un torrent d'acide et de flammes sur le petit groupe, stoppée par une barrière magique élevée par Tagazok. Sous le choc des puissances magiques, le visage du vampire retrouva la bestialité originelle de son espèce : ses traits se firent plus durs, ses lèvres se retroussèrent férocement tandis que ses canines s'allongèrent démesurément. D'imposantes ailes de chauve-souris se déployèrent, le propulsant aussitôt dans les airs. Il leva son épée, autour de laquelle des arcs électriques se canalisèrent ; puis de sa main libre il dirigea la foudre vers son ennemi.
Pendant ce temps, Sabine, affolée, se lova dans les bras de Roth-fus. Les forces en jeu étaient trop grandes pour elle.
— Partons, Roth-fus ! l'implora-t-elle. Nous sommes inutiles ici.
Mais celui-ci était d'un tout autre avis. Il sentait quelque chose qui se réveillait en lui, une énergie qu'il ne pouvait ignorer.
— Réfléchis, Sabine ! Mon maître ne nous a pas amené ici sans raison : il savait que nous allions passer inaperçus, petits insectes dans une bataille de géants. Il veut que nous subtilisions le Pot !
La succube ne semblait pas en état de réfléchir ; le dragon d'obsidienne, mordant, lacérant et crachant son feu pourpre sur la créature de roche, la terrifiait au-delà de toute raison. Elle lâcha son compagnon et s'enfuit à toutes jambes. Roth-fus se désintéressa d'elle et porta son regard sur le Pot de Daebîrone. Il était si proche.
Faisant fi de tout danger, il se précipita vers l'artefact. Il se baissa juste à temps pour éviter un coup d'aile du dragon. Il utilisa l'une des rares formules qu'il connaissait pour courir plus vite. Jetant un coup d’œil sur le côté, il s'aperçut que Cruak l'avait remarqué et concentrait ses assauts sur lui, mais Tagazok faisait tout pour le protéger des attaques de la liche. Il arriva finalement jusqu'au Pot – qui était bêtement fait d'un cuivre tout cabossé – et posa ses mains dessus.
C'était comme si une part de lui venait d'être délivrée. Il comprenait enfin ce qu'il était, et pourquoi cette existence ne pouvait le satisfaire. Il n'était pas fait pour être humain, il ne l'avait jamais été ; sa véritable essence reposait à l'intérieur du pot. À présent il était capable de voir son âme, de la toucher, et il fut ébloui par sa splendeur, sa complexité, ses possibilités.
— Je suis l'Esprit de la liberté, se nomma-t-il à haute voix.
Ses doigts savaient ce qu'ils avaient à faire. Le couvercle semblait prêt à se soulever de lui-même. Au terme d'une longue expiration (il semblait entendre son maître lui crier d'arrêter, mais le son était si lointain qu'il n'en était pas certain), Roth-fus ouvrit le Pot.
Ce fut un véritable rugissement de couleurs qui s'échappa de l'artefact ; le hurlement de plaisir d'entités trop vastes pour supporter d'être emprisonnées. Parmi celles-ci, se trouvait la partie manquante de Roth-fus. Les retrouvailles furent ardentes et timides, émues et radieuses. Enfin, il était réuni avec lui-même.
Déjà, l'influence des esprits sauvages se faisait ressentir sur le monde. Cruak et Tagazok en étaient plus conscients que n'importe qui : tout était en train de changer. Les terres et les océans se transformaient, les forêts croissaient ou disparaissaient, des catastrophes s'abattaient sur les villes. Le vampire regarda son apprenti, exalté devant le Pot et les milliers de couleurs qui s'en échappaient. Un souvenir s'imposa à lui – l'espace d'un instant, l'image de son disciple fixant le vacillement d'une flamme de bougie se superposa à la réalité.
Roth-fus avait toujours été un mystère insoluble pour son maître.


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Message posté le 14:24 - 1 juin 2016



Le Tolkien n'échappe pas à l'Opération Hold Up ! dvb a défié Teclis, le détenteur du trophée, et U-raptor Folâtre ne s'est pas fait attendre pour transformer le duel en truel.




sujet / contrainte : à la manière d'un mauvais RP, le texte présentera avec la plus sincère mauvaise foi le passage obligé du début d'une nouvelle quête, aussi ennuyeux que prévisible.






U-raptor Folâtre écrase ses adversaires en bénéficiant de l'intégralité des six votes. Il était le texte 2.


Vinke entra dans l’auberge et s’assit mystérieusement au comptoir. Tous regardaient avec frayeur et admiraient le demi-elfe qui rayonnait d’un charisme sombre. « Aubergiste, j’aimerais que me soit servie une cervoise — Oui, mais dis-moi d’abord : qui est-tu, étranger ? » Il éclata d’un rire mystérieux. « Je suis Vinke le demi-elfe, roi des cités capitales aériennes, le plus grand magicien mentaliste du royaume. Mes parents régnaient sur un pays lointain mais ont péri bien avant ma naissance, dans des circonstances que j’essaye depuis de démystifier. Grâce à trente ans d’entraînement intensif, j’ai atteint une maîtrise totale de mon énergie intérieure, mon khi, et je peux combattre à une vitesse invisible pour les autres gens. C’est comme ça que j’ai anéanti tous les dragons qui terrorisaient mon royaume. » L’aubergiste toisa le mystérieux demi-elfe. « Je ne te crois pas ! » Vinke éclata à nouveau de rire, puis il fronça les sourcils. « Regarde, vieux fou, ce que signifie la puissance ! »En une millionième de seconde, il dégaina Tsuka, son fidèle katana en or serti de pierres beaucoup plus précieuses que le diamant, puis, par la force de la pensée, Tsuka lévita en l’air et tourna extrêmement vite sur lui-même, ce qui créa une mystérieuse tornade qui découpa en deux la partie ouest de l’auberge qui fut réduite en cendres. « C’est incroyable, murmura l’aubergiste, tu disais donc vrai ! C’est un honneur incroyable de recevoir un héros tel que vous dans mon modeste établissement. — Tu n’as rien vu : je n’utilisais qu’un centième de mon pouvoir » dit Vinke en éclatant d’un rire cristallin pendant que Tsuka revenait mystérieusement dans son fourreau. « Vous allez peut-être pouvoir m’aider alors. En effet, je recherche un héros pour combattre les brigands qui s’attaquent régulièrement à mon auberge. — Tu as de la chance que je passais par là par hasard, tavernier. Je serais ravi de t’aider, brave homme, mais, auparavant, j’aimerais que me soit servie une cervoise. »






dvb était le texte 1.

La chanson de geste de Sieur Luke de Malterre, chapitre UN.(première partie)


L'homme emmitouflé dans sa cape sombre pénétra dans la taverne et toisa l'assemblée réunie autour des tables et de l'âtre de la grande cheminée de pierre taillée. Son regard froid passa en revue les autres créatures assises là et qui lui jetaient des regards farouches. Il y avait là des elfes hautains en petits comités, des nains bruyants et éméchés, des gardes silencieux aux mines patibulaires ainsi que quelques étranges aventuriers isolés. L'inconnu aperçut de son œil perçant la présence d'une jeune elfe installée à une table reculée dans l'ombre. Posé à côté d'elle, un long arc de chasseur et son carquois semblaient attendre la moindre occasion de percer la peau d'une quelconque créature hostile. A sa ceinture, le fourreau d'une petite dague ne laissait aucun doute sur la dangerosité de la frêle silhouette féminine. L'homme, toujours silencieux, sourit par devers lui : il était sans doute le seul à la ronde à s'être aperçu que l'elfe faisait partie du Clan des redoutables chevaucheurs-colibris, un Clan sylvestre des Hautes Terres du Nord.

L'humain se dirigea droit vers la bar du comptoir et héla le tavernier, un vieux nain bourru avec des moustaches et une barbe rousses aussi imposantes que son ventre proéminent.

« Sers-moi une bière épicée, Mon Brave. Et indique-moi la table du Mage noir Hépios Le Récalcitrant ! »

Le nain lui lança un regard mauvais, mais il se détendit aussitôt que l'aventurier lâcha deux belles pièces d'argent toute neuve sur le bois écru de son comptoir. Le tavernier empocha son trésor et d'un signe de tête lui montra une table occupée par un humain de grande taille à l'air dégingandé.

Le mystérieux aventurier fit volte face sans demander son reste et alla s'asseoir à la table que le nain venait de lui indiquer à l'instant auparavant.

En ouvrant son épais manteau de fourrure de loup forestier, l'homme fit en sorte de montrer aux observateurs trop curieux la garde et la poignée de son épée à une main runique. Nul ne pouvait plus désormais ignorer qui il était. C'est à dire un chasseur de primes de l'Ordre des Solitaires de Fluxus.

Le mage souleva le nez et tira sur sa pipe qui sentait l'herbe onctueuse des îles perdues du sud-ouest. Il considéra son vis-à-vis et estima d'un œil torve la qualité de l'homme.

« Ainsi, c'est toi qu'on nomme Luke de Malterre, le fameux chasseur de prime, s'exclama-t-il en posant sa pipe fumante sur la table et en attrapant de la même main son verre en forme de corne remplie d'hydromel. »
« C'est moi, en effet, répliqua du tac au tac, l'inconnu en s'asseyant en face du mage. »
« On m'a beaucoup parlé de toi et si les légendes à ton sujet disent vraies, alors tu es celui que j'attendais depuis longtemps. »

L'humain but une longue rasade de sa bière aux épices et sourit dans sa barbe. Il était parfaitement conscient que sa renommée le précédait à travers tous les royaumes de l'Ancien Monde de l'Est et même au-delà des mers du sud-ouest. Après tout il était celui qui avait décapité en duel seul à seul le terrible chef de guerre des Orcs barbares et occis le grand dragon blanc de la caverne de la Citadelle d'Albâtre.

« Tu m'as fait requérir, ô toi, grand Magus Hépios Le Récalcitrant ! J'ai entendu ton appel par delà la forêt luxuriante d'émeraude. Les elfes gardiens du temple de la Lune m'ont dit que tu cherchais un aventurier digne de ce nom pour accomplir une quête aussi dangereuse que mystérieuse. Vas-y, parle, je t'écoute Mage Hépios. »

Le mage noir s'adossa lentement et confortablement sur son tabouret puis il attrapa les rebords de sa large capuche grise et l'abaissa pour révéler son visage.

Les murmures de la taverne et les discussions cessèrent immédiatement alors que les occupants virent son visage ancestral et scarifié. Il portait les stigmates d'un violent combat et les cicatrices indiquaient qu'il avait affronté en duel les griffes d'une bête énorme et imposante comme un troll moussu ou un tigre rouge géant. Puis, le Mage noir aspira une longue bouffée de sa pipe et lança en toute discrétion un sort d'isolement sonique pour que personne alentour ne puisse capter ses mots.

A mi-voix il avoua à son alter égo :

« En effet ! »

L'aventurier attrapa le poignet d'une jeune serveuse blonde à la plastique avantageuse et lui ordonna de lui apporter un bol de soupe au mouton et un pain tiède de châtaigne. Il avait grand faim. Il observa un moment la croupe ondulante de la serveuse s'éloigner vers les cuisines où elle alla lui préparer immédiatement son repas chaud.

Le mage reprit :

« Si je t'ai fait appel à toi, c'est parce que tu es le seul sur les anciens Mondes à être capable de mener à bien cette mission. Je te confie la quête de pourchasser et de terrasser le fantôme du Roi Orc Baltabarre ! »

« Impossible ! Je l'ai déjà tué il y a quatre ans de ça durant la bataille des Terres Sans nom, bataille qui dura trente jours et trente nuits »

« C'est bien pour cela que je te dis qu'il s'agit aujourd'hui de terrasser son fantôme. Car vois-tu, aventurier, les banshees ont fait de lui leur jouet et il commande désormais les troupes d'invasion des Légions d'outre-tombe. »

« Un orc ?! Allié aux non-morts ? Comment se fait-ce ? Répliqua l'humain interloqué mais néanmoins intéressé en se passant une main gantée sur son visage glabre. »

« Je ne saurai trop te le dire, jeune humain ! Tout ce qui m'a été rapporté, c'est que cette armée constitue le plus grand danger que nous n'ayons jamais vu depuis la création du monde. Si tu réussis, ta récompense sera tellement grande que tu n'auras plus jamais à te soucier d'argent. Tu pourras prendre ta retraite bien méritée car tu hériteras du royaume de Silfalàs, de son château et de tous ses trésors. Et aussi, de la reine veuve de l'ancien roi tué par Baltabarre. La reine a mis sa tête à prix et elle souhaite la récupérer à n'importe quel prix. »

« Et bien, cher Mage Hépios, c'est alléchant comme proposition. Je vais y réfléchir, dit-il alors que la serveuse opulente avait refait son apparition auprès d'eux et qu'elle lui adressa un sourire sans équivoque pendant qu'elle posait son chargement de victuailles sur la table tout en l'observant avec envie. »

« Non ! Je dois connaître ta réponse dans l'heure car il n'y a pas une minute à attendre ! La Légion obscure est en déjà en état de marche et elle se dirige tout droit vers les murailles de l'Empire, à quelques kilomètres d'ici. Tu n'auras qu'une seule chance de le terrasser : ça sera quand il fera halte pour la nuit dans son campement avancé de Tel'Nazâr. Là, tu pourras t'infiltrer et ramper jusqu'à sa tente. Je te donnerai une potion qui te protégera du sort de sommeil que je lancerai contre eux tous. Tu n'auras plus qu'à te battre contre la garde rapprochée de non-morts qui gardent l'entrée de sa tente. Car en effet, mon sort est inefficace contre les revenants puisqu'ils ne dorment jamais. Mais prends garde ! Car certains d'entre eux sont d'anciens guerriers aguerris et ils ont gardé leurs réflexes de bretteurs. »

« OK. Je ferai cela. »

Soudain, les réflexes surhumains et affûtés de l'inconnu se mirent en alerte. Il venait de capter un mouvement inconnu au-dessus de sa tête, sur la poutre du toit au-dessus de lui. Un hibou aux yeux persans semblaient écouter avec attention leur conversation. Aussitôt, l'humain mit en garde son acolyte et lui présenta discrètement du bout du doigt la présence de l'animal trop curieux.

« N'en dis pas plus, mage. Je crois que les poutres ont des oreilles ! »

Au même instant, l'humain se retourna en direction de la femelle elfe assise jusque ici non loin de là. Il décrypta son visage fermé et sut immédiatement qu'elle était en liaison télépathique avec l'oiseau. Elle avait ainsi tout entendu de leur discussion secrète. L'elfe ouvrit les yeux lorsqu'elle comprit qu'elle avait été découverte. Elle se leva d'un geste et attrapa son arc et sans qu'elle eut besoin de siffler son familier, celui-ci alla se poser sur son épaule. Elle allait partir, mais l'homme se leva et en deux enjambées il lui coupa le passage alors que la femme elfe posait sa main sur la poignée de la porte de sortie en bois.

« Halte-là, Mademoiselle l'espionne ! »
« Lâchez-moi, malpropre ! Je dois m'en aller et vous me bloquez le passage. Écartez-vous avant que je ne vous mette à terre. Vous ne savez pas qui je suis ! »
« Je le sais très bien : tu es une chevaucheuse-colibri et tu as tout entendu de notre conciliabule. Qu'as-tu à dire pour ta défense ? »

« Je... » elle hésita. Puis elle se ravisa. « Je ne sais pas de quoi vous parlez. Hors de mon chemin à présent, ou je te ferai goûter de ma lame, menaça-t-elle ».

Tous les autres clients du restaurant s'interloquèrent et coupèrent leur souffle dans l'attente d'un combat qui serait sans aucun doute aussi violent que fulgurant. Chacun s'entendait en effet à voir les deux héros se lancer l'un sur l'autre et nul n'aurait pu parier sur l'issue d'un tel combat fratricide.

Puis, le Mage noir s'approcha en douceur et sépara les deux opposants avec un mouvement de sa canne magique.

« Au lieu de vous affronter, je pense qu'il serait plus avisé de faire équipe. Nous ne serons pas trop de trois aventuriers pour résoudre cette quête. »

L'homme transperça du regard la jeune elfe. Malgré qu'elle semblait frêle et fine, il pouvait sentir ses muscles bandés sous sa tunique de mythril. Il la relâcha et dans un sourire éclata rit de bon cœur.

« Je crois moi aussi en effet qu'une aussi jolie et dangereuse elfe serait un atout de premier choix dans la bataille que nous livrerons ce soir. Quel est ton nom, elfe ?
_Je suis Arc-de-Lune, fille de la Grande Prêtresse Alvelyne des Rochers de l'Ombre. » dit celle-ci pour toute réponse.


A suivre...





Teclis, précédent détenteur du trophée, était le texte 3.

« Il était une fois un pays merveilleux où le temps et l’espace n’avaient pas prise. Une vaste contrée dans laquelle les tours de châteaux forts côtoyaient les lignes épurés de vaisseaux stellaires. La fumée noire des locomotives s’élevaient dans le firmament, masquant les trainées chatoyantes laissées dans les cieux par les réacteurs nucléaires d’énormes fusées. On y faisait la guerre à la pointe d’une épée ou dans de violents échanges de tirs de pisto-laser, tout comme on y faisait l’amour en chantant une sérénade à destination des grandes dames de cour tout autant que par la voie de casques holographiques. C’était le lieu du possible : jamais personne ne pouvait inventer une histoire dont on se serait permis de dire qu’elle était fantasque, tout au plus pouvait-on la juger mauvaise. Il existait d’ailleurs, dans ces terres de l’imaginaire, un royaume peuplé de conteurs. Leur roi était désigné par un duel sanglant dans une arène, sous les vivats du peuple : le vainqueur du défi se voyait remettre une magnifique couronne d’or, symbole de sa gloire. Pendant fort longtemps, le roi-dragon-aux-huit-couronnes régna sans partage sur ce domaine féérique. Le jour de ses trois-cent printemps lui fut malheureusement fatal, car, tapi dans l’ombre, l’épagneul félon se… »

- C’est bon, c’est bon : t’as prouvé que les histoires de barde, c’est d’un chiant… Alors prends ça et par pitié, boucle-là.

L’orque envoya d’une pichenette une pièce d’or tournoyer en direction du lutin. Ce dernier, d’un air malicieux, l’attrapa au vol avant de ranger soigneusement le ducat dans une poche intérieure de sa veste. Puis, d’un geste souple, il sauta sur l’une des chaises à hauteur du comptoir.

L’aubergiste, un vieil homme bedonnant, frotta consciencieusement de son chiffon une chope vermoulue avant de zyeuter ses clients : dans l’ordre, de gauche à droite, un ogre à l’air abruti, un guerrier orque et une sorte de farfadet au visage retors.

- Qu’est ce qu’y boiront les voyageurs ?
- Zog grof grof !
- Je n’ai pas cette boisson en stock mon grand…
- ZOG GROF GROF !

L’orque tapota sur l’épaule de l’ogre pour l’inviter au calme.

- Il veut deux pintes de ta meilleure bière. Tout comme moi d’ailleurs… Et sers au lutin ce qu’il souhaite. C’est sur mon compte.

Le tavernier se tourna vers le lutin.

- Alors, qu’est-ce qu’il boira le ch’tit bonhomme ?
- Hmmmm… Avez-vous un bon rouge de la cuvée de Galvorn, an 367.

Les yeux du tenancier s’allumèrent devant la perspective d’une commande si onéreuse.

- Bien évidemment que… C’est à ce moment qu’il croisa le regard de l’orque, dont le pouce caressait le tranchant d’une hache de guerre… Bien évidemment que non.
- Un jus de goyave alors, susurra le lutin dans un sourire.

Quatre chopes et un verre furent promptement posés sur le comptoir, dans un bruit mat.

- Grof grof zogrof !
- Haaaa… Parfaitement d’accord avec toi, ça fait du bien par où ça passe.

Les deux brutes émirent un rot sonore qui fut repris en cœur par des clients attablés un peu plus loin. L’orque se tourna ensuite vers le lutin, sa bouche balafrée mue par une expression de contentement.

- Et dis-moi, p’tite chose, qu’est-ce qu’tu fous dans un coin pareil ? En général, les tiens sont plus habitués aux tables de châteaux.

Les lèvres de l’être féérique émirent un sifflement tandis qu’il sirotait son jus de goyave. Lentement. Très lentement.

- Ma foi, tu as raison ! Finit-il par dire. Je suis bien loin de mes terrains de jeux favoris. Cependant, bien que j’exècre certains lieux, il faut bien que j’y fasse halte afin de rafler gloire et trophées.
- Zog zog ?
- Pour te répondre plus directement : je débute une aventure, et quoi de mieux pour cela qu’une taverne ?
- Tiens donc, une aventure ?! V’la t-y pas que les demi-portions viennent nous voler notre travail maintenant. Vous ne manquez pas d’assurance vous, les lutins. Pas vrai mon Julius ? Lâcha l’orque en donnant un coup de coude dans les côtes de son voisin l’ogre.
- ZOG ZOG GROF.

Le duo de compères partit dans un grand rire guttural qui réveilla en sursaut l’aubergiste, accoudé à son comptoir un peu plus loin. Dans un digne silence, le lutin continua de boire en ignorant les reniflements moqueurs de ses voisins. Il reposa son verre lorsque l’ogre, dans un raclement de gorge, envoya voler sur (et dans) les consommations une multitude de glairons jaunâtres.

- Et donc, reprit l’orque en finissant cul sec sa bière, comment démarre ton aventure sire… Le peau verte essuya la mousse au coin de ses lèvres avant de poursuivre, sire je-ne-dis-pas-mon-nom.
- Sire De Val Boisé, rectifia le lutin. Quant à mon aventure, elle démarre parfaitement bien : ennuyeusement conforme –ou conformément ennuyeuse- à mes pronostics. Mais je tiens à vous rassurer très chers compagnons, tout est pour le mieux. A dire vrai, notre conversation est un vibrant hommage à l’austère classicisme qui caractérise tous les romans du genre fantastique, ces épopées calquées sur le mono-mythe dont les moult injurieuses déclinaisons font affront à la littérature noble.
- Zog Zog !
- Tu l’as dit bouffi. D’ailleurs, sachez-le, je compte bien utiliser notre échange dans la joute qui aura prochainement lieu. Il sera du plus bel effet.
- Si tu le dis…
- Zog grof grof zog !

Le lutin regarda l’ogre une seconde avant de se tourner vers l’orque, un sourcil relevé.
- Qu’est-ce qu’il a dit ?
- Il dit que si tu veux utiliser ses dialogues dans ton œuvre, il va falloir lui payer des royalties…
- Et moi qui avais pris la précaution d’éviter les tavernes de nains…

**

Jeannot avançait sur le sentier à flanc de montagne sans se laisser ralentir par le vent et la neige. Bravement, il affrontait les éléments, comme les fiers héros de jadis, afin d’accomplir quelque exploit insensé propre à la paysannerie. Le garçon de douze ans avait un objectif : voir le dragon qui résidait dans la Grotte de l’Oubli, située proche du sommet, de ses propres yeux. Et pour cela, rien ne l’arrêterait, ni les intempéries, ni les remontrances futures de sa mère ou les coups de baguette de saule de son oncle (comme tous les bons héros en devenir, Jeannot était orphelin de père). Il se savait investi (par votre dévoué narrateur) d’une mission : celle de faire progresser la trame de ce récit ce qu’aucun des autres villageois n’avait auparavant réalisé. Ce fut avec soulagement qu’il entrevit, au milieu de la danse des flocons, une cavité sur le flanc d’un à-pic à environ cinquante mètres. Ces dernières dizaines de pas furent les plus difficiles de toute sa vie. Par deux fois, il manqua de se rompre le cou en glissant sur les plaques de glace disséminées sur les rochers. Cependant, grâce à son pied sûr de berger, il parvint dans la sécurité relative de la grotte. Il faisait bon ici, comparé au dehors. Par réflexe, il souffla dans ses mains jointes afin de les réchauffer.

Tout mouillé, il commença à progresser dans l’étroit boyau de la caverne. Ce dernier serpentait en pente douce en direction du cœur du mont. En son for intérieur, Jeannot se dit que si un dragon résidait là, il ne devait pas être très gros, ni grand. Ses pensées furent interrompues par le murmure rauque d’une voix, qui se répétait en écho sur les parois couvertes de mousse. Il tendit l’oreille.

- Jeannot avançait sur le sentier à flanc de montagne sans se laisser ralentir par le vent et la neige. Bravement, il affrontait les éléments, comme les fiers héros de jadis, afin d’accomplir quelque exploit insensé propre à la paysannerie. Le garçon de douze ans avait un objectif : voir le dragon qui résidait dans la Grotte de l’Oubli, située proche du sommet, de ses propres yeux. Et pour cela, rien ne l’arrêterait, ni les intempéries, ni les remontrances futures de sa mère ou les coups de baguette de saule de son oncle (comme tous les bons héros en devenir, Jeannot était orphelin de père). Il se savait investi (par votre dévoué narrateur) d’une mission…

Tout ceci était parfaitement inaudible, le filet sonore étant trop ténu. Petit à petit, l’adolescent progressa à tâtons dans le noir en suivant les reliquats vocaux.

- … celle de faire progresser la trame de ce récit ce qu’aucun des autres villageois n’avait auparavant réalisé. Ce fut avec soulagement qu’il entrevit, au milieu de la danse des flocons, une cavité sur le flanc d’un à-pic à environ cinquante mètres. Ces dernières dizaines de pas furent les plus difficiles de toute sa vie. Par deux fois, il manqua de se rompre le cou en glissant sur les plaques de glace disséminées sur les rochers. Cependant, grâce à son pied sûr de berger, il parvint dans la sécurité relative de la grotte. Il faisait bon ici, comparé au dehors. Par réflexe, il souffla dans ses mains jointes afin de les réchauffer.

Pas de doute, le timbre grave appartenait à une créature reptilienne.

- Tout mouillé, il commença à progresser dans l’étroit boyau de la caverne. Ce dernier serpentait en pente douce en direction du cœur du mont. En son for intérieur, Jeannot se dit que si un dragon résidait là, il ne devait pas être très gros, ni grand. Ses pensées furent interrompues par le murmure rauque d’une voix, qui se répétait en écho sur les parois couvertes de mousse. Il tendit l’oreille. Tout ceci était parfaitement inaudible, le filet sonore étant trop ténu. Petit à petit, l’adolescent progressa à tâtons dans le noir en suivant les reliquats vocaux.

Tout doucement, Jeannot approcha d’une ouverture éclairée. Une flamme semblait danser non loin de là…

- Pas de doute, le timbre grave appartenait à une créature reptilienne. Tout doucement, Jeannot approcha d’une ouverture éclairée. Une flamme semblait danser non loin de là… Le jeune garçon se fit plus discret qu’une souris avant d’être surpris, interpellé par le propriétaire de ces lieux…

Le jeune garçon se fit plus discret qu’une souris avant d’être surpris, interpellé par le propriétaire de ces lieux…

- Sors de ta cachette mon garçon, je sais que tu es ici, tonna la voix qui fut repris en écho par la caverne.
- Qui me dit que vous ne m’attaquerez pas si je me montre ? Se risqua Jeannot.
- Rien. Il y eut un ricanement semblable au sifflement d’un serpent. Mais n’es-tu pas venu jusqu’ici pour me voir de tes propres yeux ? Ce sera chose faite au moins.

Doucement, l’intrus se glissa dans la lumière. Il se trouvait dans une vaste cavité au travers de laquelle coulait paresseusement un ruisseau. De l’autre côté, l’endroit était richement meublé par des fauteuils capitonnés, un canapé rembourré et des dizaines de bibliothèques. Assis à un bureau, face à lui, une étrange créature de la taille d’un homme le contemplait de ses yeux reptiliens. Il ressemblait peu au dragon des contes : sa tête de lézard, à la mâchoire puissante, était ceinte d’une crinière rose qui descendait de son crâne pour s’enrouler harmonieusement autour de son cou. Ses deux pattes, ridiculement petites, tenaient une plume qui courait sur un parchemin tapissé d’encre fraiche.

- Que faites-vous ? demanda l’adolescent, fasciné.
- Je raconte une histoire, grogna le lézard en continuant d’écrire sur le parchemin tout en marmonnant quelque chose d’inaudible à voix basse.
- Ha. Et ça parle de quoi ?

Nouveaux mots lâché sur le vélin.

- De légendes grotesques sur les dragons et les courageux bergers. Et comment un roi-dragon fut dépossédé de sa couronne de suzerain par un vulgaire malandrin.
- Hey ! J’ai déjà entendu cette légende du vieux dragon de trois cent printemps…

Grognement.

- Il-n’est-pas-vieux, articula avec soin le reptile écrivain.

Long silence, interrompu par le clapotis du ruisseau et les grattements de plume.

- Tu ne poses plus de questions ? Tu es censé. C’est ton rôle.
- Mon rôle ? En quoi consiste-t-il ?

Long soupir.

- A poser des questions.
- Seulement ? Et quand s’arrêtera-t-il ?
- Quand tu auras posé la bonne question, répondit le lézard d’un geste de museau agacé, comme s’il chassait une vulgaire mouche, tout en continuant d’écrire.
- Mais… Si mon rôle s’arrête après que j’ai posé la bonne question, n’est-ce pas dans mon intérêt de ne plus poser de questions ?
- Fit-il remarquer en posant tout de même une question, ricana l’étrange dragon. Mon cher Jeannot, on n’échappe pas à son rôle, quoi que l’on fasse. Disons que c’est un peu comme le destin : il est écrit. Ton but est, en l’occurrence, d’ouvrir cette histoire…
- D’ouvrir une histoire ? Laquelle ?

Fasciné malgré le danger pesant, l’enfant ne pouvait s’empêcher de continuer à satisfaire sa curiosité naturelle.

- C’est la mienne : celle de la reconquête de ma couronne plus exactement. Je me suis retiré ici afin de m’entrainer avant d’affronter un grand défi. Comme tout bon personnage de conte, n’est-il pas ? Mais l’heure tourne et nous arrivons bientôt à la conclusion de cette introduction.
- Ha oui ? Et quelle est-elle ?

Le lézard –en fait un raptor- releva la tête de son travail avec un sourire carnassier.

Ultime question arrivée à point nommé.

**

Deux silhouettes marchaient dans les rues délabrées d'Althrazar, un vieux quartier marchand où l'odeur de la poudre cotoyait celle des épices. Les silhouettes de voyageurs se déplaçaient dans les artères principales tranquillement tandis que dans des ruelles plus sombres, l'on pouvait apercevoir des guenilles de malandrins s'agiter, dissimulant couteaux et bourses dérobées. Au milieu de la plus obscure des impasses, un gobelin talonnait un grand être drapé d'une cape bleue turquoise.

Maître ! Que fait-on ici ?
Je t'ai déjà dit, Niblet, de ne pas m'appeler « Maître »...
Pardon, ô votre Sérénissime Grandeur.
C'est mieux... Bien, dans ma grande mansuétude, je vais te répondre. « Que fait-on ici ? » Eh bien... Nous sommes ici pour nous armer.
Nous armer ?

Au même moment, la paire stoppa nette devant la devanture d'une échope. Une vieille porte vermoulue se dressait sous un écriteau défréchi par le temps. On arrivait même plus à lire le nom de l'enseigne. D'un pas assuré, l'elfe poussa la porte sans prêter attention à la question de son serviteur.

Et bien... C'est plus gai dans un cimetière...*
Y'a pas un copyright là-dessus ?

L'intérieur laissait, niveau propreté, encore plus à désirer que l'extérieur. Des ramassis d'armes rouillées s'entassaient dans plusieurs coins de la pièce. Derrière un comptoir plus vieux que mathusalem, une vieille harpie se tenait recroqueviller, appuyée sur les coudes.

Monseigneur...
Sa Sérénissime Grandeur, corrigea le gobelin.
Que puis-je pour vous ?
Eh bien j'ai prochainement un duel à mener et j'aimerai savoir ce que vous pourriez me proposer pour le finir dans la subtilité...
Haaaaaaaaa, je vois. Je peux vous proposer ceci.

La harpie quitta difficilement son siège avant de se diriger dans un coin et d'en sortir un morgenstern rouillé.

Niveau subtilité, ça devrait faire l'affaire non ?
Ça devrait ricana, l'efle en riant...


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