En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de services tiers pouvant installer des cookies. En savoir plus

Voir les sujets non lus
Marquer tous les sujets comme lus
Accéder aux archives

  • 11 sujets
  • 234 réponses

8 nov. 2015 - 22:05




Comme les plus perspicaces d'entre vous auront pu le deviner, cette chronique traitera du jeu de rôle -ou plutôt jeux de rôles- sur table. A ce titre, elle comportera deux types de publication.

Le premier type, majoritaire, ne sera rien d'autre que la présentation d'un jeu de rôle déjà existant par semaine. Durant cette analyse, le système de jeu, sa facilité, sa profondeur, ainsi que la richesse de l'univers etc seront abordés avec le plus de recul possible. Naturellement, j'irai de mon petit commentaire personnel, puisque comme son nom l'indique, l'activité propre à ce qu'on nomme par abréviation "JDR" nécessite, si ce n'est une certaine implication de la part du joueur, au moins une façon d'appréhender l'univers spécifique à chacun.
Le second type de publication, plus rare et moins orthodoxe, consistera à aborder un élément redondant à plusieurs JDR pour le développer. Cela peut tout à fait concerner leur univers (quasiment tous les jeux de rôle possèdent mort-vivants ou dragons dans leur background), leur système de jeu (du d4 au d20...) ou encore une thématique qui intéresse le JDR dans son ensemble (les adaptations vidéo-ludiques étant l'un des multiples exemples...).

Voilà donc, simplement, l'objet de cette chronique. Toutefois, avant de débuter cette dernière par une brève explication de ce qu'est un JDR, je me permets d'effectuer une petite précision. Je sais que nombre des membres de ce forum sont des joueurs de JDR expérimentés, que défourailler du gobelin en masse ne leur suffit plus depuis longtemps, ou encore qu'ils ont "dépassé" ce stade pour se tourner vers des jeux de rôle plus "matures" (bien que ce terme soit finalement tout relatif en l'espèce). Je les prie dès lors de m'excuser si je fais montre, parfois, d'inexactitudes dans mes propos, ou encore que je ne traite que de jeux de rôle "iconiques". J'ose espérer que même s'ils renifleront d'un air méprisant en parcourant du regard les lignes qui suivent, ils parviendront également à y puiser un quelconque intérêt. De plus, et comme je l'ai dit précédemment, chacun a une vision personnelle de ce qu'apporte, et de ce qu'on peut apporter à, un jeu de rôle. Il est donc possible que lors de mes divagations, j'expose un point de vue apparemment erroné, ou biaisé, qui ne rende pas justice à l'un de vos univers préférés. Par avance, je m'en excuse ; sachez que je ne souhaite point proférer un jugement de valeur sur tel ou tel jeu de rôle. Nous avons tous nos préférences, dues à une histoire, un vécu, une vision individuelle des choses, un imaginaire propre si bien que tout est justifiable, ou presque (quand même, Dnd V4.0, c'est de la grosse m*****. Hahum).

Quant à celles et ceux qui ne connaissent pas le JDR, ils peuvent y trouver un guide leur permettant de découvrir cette activité fort chronophage et passionnante. Ou encore simplement parcourir cette chronique par curiosité. Dans cette seconde optique, il y a de fortes chances pour que vous découvriez que de nombreux éléments tirés du cinéma moderne, ou encore de jeux vidéos, sont en réalité tirés de jeux de rôle. En effet, n'en déplaise à certains, le JDR est de plus en plus présent dans notre société contemporaine, et ce plus ou moins directement. Que ce soit dans nos loisirs (films, romans etc) ou encore notre travail (certains entretiens d'embauche pourraient presque s'y apparenter). Les reconstitutions historiques sont également une forme éloignée de JDR. On peut même trouver des individus qui poussent plus loin la chose en intégrant des termes ou des codes propres à ces jeux dans la vie de tous les jours (posséder une vision de la moralité proche des "alignements" de DnD par exemple). Sans aller jusqu'à ce genre d'extrémités, on peut au moins remarquer que les jeux de rôle se nourrissent grandement de larges pans de notre société, tout comme ils peuvent l'influencer subtilement.

Je laisse aux apprentis psycho/sociologues le soin de traiter de ce genre de questions pour en revenir à mon propos : Qu'est ce qu'un JDR sur table ? Cette activité consiste à réunir plusieurs personnes (entre trois et cinq en général), autour d'une table. Une personne incarnera le Maitre du Jeu (MJ) et les autres des Personnages Joueurs (PJ). Le MJ, se basant sur un univers existant plus ou moins riche, ainsi que sur un système de règles (l'un et l'autre sont souvent liés, mais ce n'est pas obligatoire), narrera une histoire qui sera influencée par les choix et les réussites des PJ. En général, on use de dés pour introduire une part d'aléatoire et jauger desdites réussites, ou échecs, des actions entreprises par les joueurs. Ce n'est cependant pas indispensable et une minorité de jeux de rôle se jouent sans dé. De même, un plateau avec des figurines peut être utilisé ; ce n'est là encore pas obligatoire et peut même freiner l'imagination des protagonistes.



En vérité, un JDR ressemble énormément à une partie de jeu de société, excepté qu'on y introduit une dimension narrative, romanesque et interprétative très importante. D'ailleurs, cette dimension aura même tendance à prendre le pas sur les règles du jeu qui sont à loisir modifiables par le MJ (99% des jeux de rôle précisent que les règles sont au service de l'histoire, et pas l'inverse : elles peuvent donc être modulées ou écartées avec l'autorisation, ou par le MJ). La liberté de choix laissée aux PJ est à la discrétion du MJ, qui peut déterminer un fil conducteur très large à son intrigue, ou à l'inverse cadrer son scénario pour forcer les joueurs à le suivre pas à pas. Dès lors, une autre interrogation peut se dégager de ce constat : qu'est ce qu'un bon JDR ?

Je ne suis pas sûr qu'il y ait de réponse satisfaisante à cette question. La grande majorité des gens intéressés répondront qu'il faut laisser une certaine liberté d'action aux joueurs tout en respectant la trame générale définie par le MJ. C'est aussi mon point de vue, bien qu'une intrigue très dirigée, qui ne laisse qu'en apparence une liberté de choix aux PJ, peut aussi s'avérer une délicieuse expérience si elle est bien menée. A l'inverse, une histoire dont la trame se crée au fur et à mesure des choix (ici narratifs) des joueurs pourra être efficace. A dire vrai, un juste équilibre est à trouver entre le MJ et ses PJ, l'un doit s'adapter aux autres, et inversement. C'est d'autant plus nécessaire que tout le monde ne recherche pas la même chose lors d'une partie de JDR : et ce sur le fond et la forme.
En effet, au regard de la forme, certains joueurs voudront seulement lancer les dés et passer rapidement sur le scénario sans faire d'efforts, tandis que d'autres plus impliqués seront prêts à se trifouiller les méninges une bonne heure sur une énigme à résoudre pour faire avancer l'intrigue. De même, sur le fond, une partie des PJ préfèrera se concentrer sur les mécanismes du jeu, ou arriver rapidement aux phases "cruciales" du scénario tandis que d'autres n'hésiteront pas à développer le roleplay (RP) de leur(s) personnage(s) lors de longues discussions théoriquement improductives. Bien que ce dernier aspect peut paraitre superflu et ennuyeux, c'est en fait le socle d'une histoire réussie. Pour que vous compreniez ce que je veux dire, je ferai une brève analogie avec la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux : la bataille du Gouffre de Helm ou encore de Minas Tirith sont des moments d'action forts et divertissants. Toutefois, ils n'auraient pas autant d'impact sans tous les autres moments posés du film, dans lesquels s'il n'y a pas d'action et où l'on s'attache aux personnages, à leur histoire. Sans ce genre de scènes, parfois longues je l'accorde, Frodon ne serait qu'un hobbit chanceux et ingrat, et Aragorn un rôdeur ultra badasse qui pourrait obtenir un rôle dans Expendables III. Mais je m'égare... Retenez juste que les temps "morts" sont souvent indispensables au déroulement d'un bon JDR, et que des joueurs chevronnés peuvent tout à fait apprécier une séance, voire plusieurs, sans le moindre combat -surtout lorsque vous êtes sûrs de perdre le moindre d'entre eux... (adeptes du Monde des Ténèbres ou de Cthulhu, si vous m'entendez...)

Je terminerai cette introduction en vous parlant brièvement des différents univers propres aux jeux de rôle. Ils sont très variés et peuvent aller de la science fiction à la fantasy (l'écriture du terme me fait prendre conscience qu'il faudra que je vous glisse un mot sur l'anglicisation pernicieuse générée par les jeux de rôle) ; peuvent laisser une large place à la magie et aux créatures fantastiques ou au contraire se vouloir très réalistes et proches de notre monde. Il y en a donc pour tous les goûts ; je vous incite donc, si vous ne vous y êtes pas encore mis, à le faire si, naturellement, vous pouvez trouver le temps et un groupe de personnes motivées.

Sur ce, très ludiquement, à la séance prochaine.




La première image est l'illustration du "Draconomicon", supplément de jeu pour Dnd 3.5.
La seconde image représente un set de dés permettant de jouer à presque n'importe quel JDR.
La troisième image est un gobelin tiré du JDR Pathfinder, basé sur le système de Dnd 3.0 tout en remaniant et clarifiant grandement les règles de celui-ci.





Merci à Ramrod pour l'illustration du griffon.


En train d'élever un griffon...
  • 11 sujets
  • 234 réponses

Message posté le 22:06 - 8 nov. 2015

Le Monde des Ténèbres

Pour y voir un peu plus clair concernant cet incontournable



« Emilien avait roulé toute la journée jusqu’à ce que le soleil décline à l’horizon. Il s’était arrêté dans une station-service, avait fait le plein d’essence et acheté son repas. Sa vieille Renault Megane s’était ensuite remise fidèlement en marche sur les vieilles routes du Massif Central. L’emballage vide de son sandwich oscillait dangereusement sur le bord du siège passager au gré des cahots du chemin. Quant à sa cannette de soda, à peine entamée, elle s’écoulait déjà sur la moquette. L’homme n’y fit pas attention. Il frotta ses yeux cernés et se concentra sur son itinéraire. Il y eut un bref éclair, puis un crépitement familier, presque rassurant. Il pleuvait dehors.


Les essuie-glaces balayèrent le pare-brise dans un va-et-vient hypnotique. Heureusement, le caoutchouc produisait un bruit atroce qui maintenait alerte Emilien. Celui-ci actionna son clignotant –machinalement, lorsqu’il tourna sur une départementale déserte. La route paraissait bien entretenue : aucun nid de poule et des marquages au sol encore visibles. A voir le reste du paysage, c’était étonnant : des panneaux sporadiques, vandalisés et aucune maison à l’horizon. Une ou deux granges à la limite, situées au milieu de pâturages lointains. Dernier autre signe de civilisation : une belle antenne radio qui clignotait à quelques bornes d’ici.


Le conducteur continua de rouler. Le crépuscule fit place à la nuit. L’averse se mua en crachin. L’écran du téléphone portable qui lui servait de GPS était resté bloqué depuis longtemps. Ou tout du moins faisait-il avancer la voiture sur des routes inexistantes : l’appareil tentait de calculer un nouveau trajet. Emilien avait éteint le son pour ne pas entendre les instructions inutiles de l’instrument. Le fermer tout court aurait été plus simple mais la lueur artificielle, émise par la surface vitrée, avait quelque chose de sécurisant. Après avoir serpenté sur une voie boueuse, il s’empara d’un papier dans la boite à gant, alluma le plafonnier et scruta tour à tour une carte et le chemin. Un peu plus loin, les contours d’une ferme se dessinèrent dans l’obscurité.


La torpeur due au voyage laissa place à une certaine excitation… »



La peur, l’ineffable et les ténèbres sont des composantes qui font partie intégrante de très nombreux jeux de rôle. Pour ne citer qu’un des plus célèbres : la série Donjons et Dragons a développé, dans ses divers univers (Greyhawk, les Royaumes Oubliés, Eberron…), des dimensions très sombres à tous les points de vue –ce qui a parfois pu générer de troublantes polémiques. Une autre illustration est fournie par les adaptations en JDR des jeux de figurines Warhammer et Warhammer 40.000, respectivement Warhammer JDR et Dark Heresy : l’ambiance apocalyptique, les forces en présence (démons, mort-vivants…) et les nombreux dangers servent à créer naturellement une atmosphère angoissante propre à faire couler de la sueur froide dans le dos de vos joueurs. Cependant, dans ces jeux de rôle, et même avec un excellent maître du jeu, deux choses limitent l’impact, la place de l’horreur au sein d’un scénario.


En premier lieu l’univers en lui-même, qui même s’il est cohérent pour le joueur, se différencie suffisamment de nos référentiels pour créer une distance, un recul de celui-ci vis-à-vis de ce qu’il peut voir. Cette distance est d’autant plus présente puisque ce genre d’univers a tendance à banaliser les phénomènes ou les créatures paranormales, la violence et plus généralement tout ce qui peut caractériser une bonne histoire d’horreur. On en vient vite à relativiser la folie, la mort, la magie et autres joyeusetés. Enfin, les personnages incarnés par les joueurs sont souvent des héros : ils sont surhumains, n’ont pas peur du commun des (im)mortels et incarnent parfois eux-mêmes les pires immondices que le monde/la galaxie ait portées.


Une seconde limite au développement d’une campagne axée autour de l’horreur dans un jeu de rôle tient dans le système de jeu en lui-même. Outre son hypothétique manque de réalisme (sisi, on a tous eu ce cas désespérant du tir de baliste qui érafle à peine le beau bouclier de votre Guerrier niveau 20…), il dessert directement ou indirectement les effets susceptibles de faire naître de l’angoisse chez vos joueurs :


(MJ) : « Vous croyez apercevoir, dans les ténèbres, un mouvement près du sarcophage… »


(Joueur 1) : « Je suis un nain : ma naissance dans les entrailles de la terre m’a habitué à voir dans l’obscurité la plus totale » (Avec d’autres joueurs, ça donnerait plutôt : « J’ai vision dans le Noir sur 9 mètres avec mon nain… donc je vois ce qui a produit ce mouvement »).


(Joueur 2) : « J’illumine les alentours en prononçant quelques mots ésotériques » (Ou plus crument : « De toute façon, je lance un sort de Lumière pour qu’on y voit plus clair »).


(MJ) : « Une fois la pièce éclairée, vous voyez une main purulente posée sur le rebord du tombeau. Une odeur pestilentielle parvient à vos narines, l’air se fait lourd et un gémissement lugubre retentit dans l’espace confiné du caveau… »


(Joueur 1) : « Je me saisis de mon épée et scrute plus précisément le mort-vivant » (ça pourrait aussi être « P’tain, c’est quoi à votre avis, une momie ? Il me semble que ça provoque la Terreur ce truc »)


(Joueur 3) : «Je clame haut et fort ‘Abattez cette abomination au nom du Seigneur de La Lumière’ avant de foncer vers la chose» (ou encore « On s’en fout un peu de la Terreur, en tant que Paladin, j’y suis immunisé et je vous donne un bonus de +4 pour y résister. Bon, initiative ? »).


Bref, comme je le disais ci-dessus, les règles ne sont pas forcément à l’avantage du maître du jeu et de l’ambiance qu’il cherche à faire naître autour de la table, même si c’est toujours possible avec des joueurs impliqués et une bonne narration.


Heureusement, d’autres jeux de rôle viennent à notre rescousse pour rendre hommage aux histoires imaginées par d’excellentes plumes, comme Howard P. Lovecraft, Stephen King, Edgar Allan Poe et des scénaristes comme William P. Blatty, John Carpenter, Stanley Kubrick




Petite intronisation au sein du Monde des Ténèbres.


Le Monde des Ténèbres (et non on ne parle pas de la suite du film Thor) désigne à la fois un univers de jeu de rôle dans lequel évolue différentes races (possédant chacune un manuel qui leur est dédié) mais également le livre de base dudit jeu permettant d’incarner des humains. L’éditeur outre-Atlantique, White Wolf Publishing, a produit une première mouture en 1991 qui a plutôt bien marché, et que Hexagonal a gracieusement publiée en France. Plusieurs livres et jeux vidéo ont vu le jour, basé sur tel ou tel pan de l’histoire ou s’intéressant à telle ou telle race. Ce sont les Vampires (haaa, les coquins) qui ont pu bénéficier, notamment, d’une bonne adaptation vidéoludique au travers du jeu PC « Vampire, La Mascarade ». L’avantage du JDR Monde des Ténèbres, c’est que son univers était évolutif et plusieurs suppléments ont permis aux maitres du jeu de l’époque de clore leurs campagnes de moult façons (la fin du monde, vous connaissez ?).


En 2004, naît le Monde des Ténèbres 2, abrégé MDT dans la suite de cette chronique. Le système de jeu est remanié, la genèse du monde également. L’historique de certaines races a évolué dans la continuité de ce qui existait déjà dans la première version de 1991, comme celle des Vampires (avec toutefois des modifications), tandis que d’autres ont vu leurs origines, leur organisation sociale et politique complètement bouleversées. C’est de ce Monde des Ténèbres 2 que l’on parlera dans les lignes qui suivent. J’aimerai vous dire que c’est purement par choix personnel (bon, un peu quand même…), mais c’est aussi dû au fait que je n’ai jamais joué à la première mouture de 1991 –et parler d’un jeu de rôle dans de telles conditions ne me parait pas optimal. Tant pis pour les nostalgiques des années 90, durant lesquelles les lycanthropes se tressaient les poils et les concerts de Metallica étaient infestés de vampires…


D’ailleurs, à propos des vampires, des loup-garous et autres bébètes : vous les o-u-b-l-i-e-z à partir de maintenant car ils ne seront plus abordés, ou à l’occasion, dans le reste de cette présentation. En effet, même si l’on examinera plusieurs facettes de l’univers de MDT, c’est sur le manuel de base, concernant nous autres, pauvres petits mortels, que portera notre analyse. Pourquoi ? Parce que je peux vous assurer que l’expérience n’en sera que plus enrichissante (épicétou).


Qu’est-ce que Le Monde des Ténèbres en tant qu’univers ? Et bien, c’est un monde très semblable au notre ; une sorte de dimension parallèle qui ne diffère quasiment en rien de ce que nous connaissons : les continents sont agencés de la même façon que sur notre bonne vieille Terre, on y parle les mêmes langues, on y mange les mêmes plats ; les systèmes politiques et les institutions sont similaires… presque tout est identique. Néanmoins, tout y est également légèrement plus sombre, plus glauque. La majorité des individus ne s’en aperçoivent jamais et vivent une existence qui ne recèle rien de plus tumultueux que la gestion des fins de mois, les petits accidents domestiques et les turpitudes du citoyen lambda. Cependant, ce voile d’apparente normalité peut se fissurer à tout moment. Pour ce faire, il suffit de lire le mauvais texte, de connaître la mauvaise personne, d’être au mauvais endroit au mauvais moment… Vous serez alors embarqué dans de sinistres évènements qui précipiteront votre perte inéluctablement, d’une façon ou d’une autre : une fois que vous avez vu la réalité telle qu’elle est, à nue, vous ne pourrez plus jamais en détourner votre regard. N’en déplaise à votre santé mentale, il ne vaut mieux pas. Pourquoi ? Parce que les choses que vous pouvez voir vous remarqueront plus facilement désormais et il vaudra mieux être plutôt alerte pour espérer leur échapper, un temps.


Votre quête pour obtenir la vérité, éprouver vos croyances ou tout simplement survivre aura toutes les chances de vous conduire sur un chemin sans retour. Vos actes et vos choix auront généralement une influence quelconque sur le déroulement final des évènements. Par contre, ils risquent de grandement déterminer votre propre devenir…




« La vieille ferme était déserte comme s’y attendait Emilien. Il avait exploré le bâtiment principal par acquis de conscience, bien que plus personne n’y vivait depuis des décennies. L’ancien propriétaire avait emporté toutes ses possessions, hormis une poignée de vieux meubles datant de l’ère préindustrielle grossièrement empilés devant l’entrée de la cave. L’homme n’en avait que faire : il était ressorti sous la pluie, avec sa vieille carte, et s’était rendu dans la grange. Une légère odeur de moisissure y régnait. Cependant, une fois la porte refermée, il y faisait plutôt chaud par rapport au froid automnal. C’était déjà ça. L’une de ses chaussures trempées couina lorsqu’Emilien avança au milieu de la vaste pièce. Il compta ses pas.


Un. Il y eut une forte bourrasque de vent dehors. L’édifice entier grinça.


Deux. Un rongeur, sûrement un rat, courut se cacher dans une pile de seaux rouillés. Ses petites pattes griffues se mirent à gratter le sol.


Trois. La pluie s’intensifia dehors. On entendait un filet d’eau perler quelque part dans l’obscurité.


Quatre. Le visiteur s’arrêta et s’accroupit.


Sans difficulté, il écarta la terre sèche et souleva une à une les planches qu’il savait trouver ici à l’aide d’un couteau. Son rythme cardiaque s’accéléra. Le trou pratiqué dans le sol révéla une trappe, fermée par un cadenas rouillé. D’un geste, il arracha la clé qu’il gardait autour de son cou et l’introduisit dans la serrure. Elle tourna, avec difficulté. »




Le livre en lui-même


La première chose que l’on voit lorsque l’on a un livre entre les mains, c’est sa couverture. Celle du Monde des Ténèbres nous met diablement dans l’ambiance (sachant que c’est l’une des moins belles de la gamme) : la photo floue d’un homme ou d’une femme, de dos, dans une rue pavée, prise dans des tons bleus, blancs et noirs qui font écho à une dimension onirique… Le tout fait également un peu brouillon, comme un vieux cliché mal développé. Le livre, dans son esthétique globale, ne fait d’ailleurs au fil des pages que reprendre les couleurs susmentionnées. Il y a bien de belles illustrations par-ci par-là mais elles ne sont au mieux qu’en nuances de gris. L’univers de MDT est lugubre, sombre : pour plus d’immersion (et pour faire des économies ?), l’éditeur a fait le choix de bannir les teintes colorées de son ouvrage.




Un second point à préciser, c’est la place importante attribuée au développement de l’univers et de l’ambiance dans le livre. De prime abord, cela peut paraitre paradoxal : après tout, si le Monde des Ténèbres se déroule dans un lieu spatial et temporel similaire au notre, quel besoin de devoir en esquisser les contours avec précisions ? A dire vrai, cela permet aux auteurs de vous citer une liste impressionnante de références cinématographiques et littéraires du genre de l’horreur (fantastique, surnaturelle, thriller etc) pour vous aider à esquisser un décor pour vos futurs scénarios. Cela a aussi le mérite de vous fournir un référentiel vous permettant de comprendre le monde dans lequel vos joueurs vont évoluer. Enfin, et surtout, ce travail de narration effectué tout au long de l’ouvrage (même dans la section « règles » et la description de chaque attribut ou compétence) n’a pas d’autres vocation que de vous immerger jusqu’au cou dans cette atmosphère angoissante, glauque et pourtant tellement réelle qui caractérise ce type de jeu de rôle (une petite prouesse réalisée par L’Appel de Cthulhu dans le même genre). Le Monde des Ténèbres n’est pas qu’un livre de règles posant les bases d’un JDR, c’est un ouvrage qu’on peut parcourir juste pour le plaisir que l’on prend à le lire (certes, il y a des lectures plus distrayantes) et à imaginer les infâmes scénarios que vous pourrez concocter pour vos joueurs, ou les dangers auxquels votre personnage sera confronté durant une session.



On lit également, tout le long du manuel, de petites histoires qui entrecoupent les chapitres ou servent d’illustrations à l’utilisation d’une compétence ou d’un attribut. Ces nouvelles mettent en scène des protagonistes dont on suit les péripéties. Chose importante et que je développerai ultérieurement : beaucoup de ces histoires s’arrêtent net lorsque leur résolution est sur le point de subvenir. On laisse à l’imagination le soin de les conclure et l’on évite d’expliciter des évènements surnaturels ou à minima étranges, de leur faire prendre une substance concrète.


Seul reproche à faire à cet ouvrage : il est totalement dispensable dans certaines circonstances. Le système de règles est simple et même s’il est aussi bon qu’efficace, il ne justifie pas une dépense de plusieurs dizaines d’euros à lui seul. Quant aux nombreuses descriptions, elles demeurent superfétatoires pour les personnes qui possèdent déjà de solides références dans le domaine de l’horreur, du fantastique et de la science-fiction. Etat de fait paradoxal lorsqu’on constate que les autres livres de la gamme sont, par contre, nécessaires pour jouer des races surnaturelles et qu’ils développent la propre vision des concepteurs sur ces dernières.




« Le faisceau de sa lampe torche balayait le tunnel de droite à gauche. Le boyau avait été solidement étayé mais les poutres de bois qui retenaient les tonnes de terres et de roches accusaient le poids des ans. A certains moments, Emilien dut se baisser pour continuer sa progression dans une section à demi-effondrée. Par intermittence, il avait l’impression d’entendre le bruit du tonnerre dehors, même si c’était impossible.


La porte tant attendue apparut finalement. Un vulgaire battant de bois vermoulu, posé à la va-vite pour séparer la cave du tunnel. L'intrus le fit pivoter sur ses gonds et passa le seuil. Il faisait noir comme dans un four, une vieille odeur de papier moisi y flottait. Très doucement, Emilien en explora les moindres recoins avec sa lampe-torche. La lumière éclaira tout d’abord un escalier qui semblait remonter vers la maison, dont l’accès avait été bouché par le mobilier entassé qu’il avait vu tout à l’heure. Ensuite, elle passa sur une table, une série d’étagères couvertes de livres et plusieurs commodes. La lueur s’arrêta sur une seconde porte un instant, en fer, puis sur un trou dans le plafond. Elle termina sa course sur un coffre.


Le meuble était en bois massif. ‘C’est sûrement ça’ pensa le visiteur en s’y dirigeant. Il n’eut aucun mal à l’ouvrir. Un capharnaüm de papiers officiels, dont des titres de propriété. Emilien sortit un journal de sa poche et compara les écritures manuscrites : c’était les mêmes. Avec un sourire de satisfaction, il commença à bourrer son sac à dos de tous ces documents. Il ferait un tri plus sélectif bien au chaud, dans sa voiture. »




Les (dés) dix commandements


Le système de jeu de rôle du Monde des Ténèbres est nommé « l’Art du Conteur ». Rien que le nom vous met dans l’ambiance… Il fait à la fois référence à l’univers, qui nous rappelle parfois les histoires et contes populaires originels, mais aussi au côté « narrativiste » de ce JDR.


Ce système est un système au dé 10 (dé à dix faces). Il est extrêmement simple à comprendre : lorsqu’on cherche à accomplir une action, on lance un nombre de D10 égal à notre niveau dans un attribut et une compétence associée. Ce niveau va de 1 (néophyte/faible) à 5 (humain exceptionnellement doué). Exemple : pour fouiller une pièce, cela passe par un test dépendant de l’attribut Astuce et de la compétence Investigation. Richard possède 2 points en Astuce et 2 points en investigation. Il lance donc 4D10 pour explorer efficacement la salle dans laquelle il se situe.


Chaque D10 donnant un résultat de 8 ou plus est considéré comme une réussite. Les « 10 » obtenus peuvent même être relancés pour tenter d’obtenir d’autres réussites. On va ensuite regarder le nombre de succès réalisés par le joueur. S’il n’en a fait aucun, l’action est loupée. A l’inverse, s’il en a obtenu au moins un, l’action est réussie. Plus on obtient de succès, plus l’action sera effectuée brillamment. Pour continuer sur le précédent exemple : Richard a lancé ses 4D10. Il obtient les résultats suivants : 2, 5, 8 et 10. Il ignore le 2 et le 5. Le 8 et le 10 sont des réussites. Il a même le droit de relancer le 10. Il lance donc une nouvelle fois le dé et obtient un 9. Richard obtient donc au total trois réussites (8, 9 et 10). Il fouille la pièce efficacement, rapidement et repère plusieurs choses qui auraient pu échapper à d’autres personnes moins attentives.


Selon les conditions de réalisation, le stress ou les équipements utilisés, le Conteur (MJ) peut accorder des dés supplémentaires, ou en retirer, au joueur qui tente de réaliser une action. De même, un personnage non formé à l’utilisation d’une compétence subit en général des malus importants lors de sa réalisation –notamment pour toutes les aptitudes dites « mentales » qui nécessitent des connaissances ou une formation précises.


Ce système de jeu, minimaliste, simple mais étonnamment exhaustif (quasiment toutes les actions, y compris des situations complexes ou étendues dans le temps sont couvertes) laisse une large place à la narration et à l’imagination du Conteur et des joueurs. Beaucoup de pouvoirs surnaturels ou d’atouts –bonus divers accordés aux personnages, possèdent une description purement roleplay sans faire référence à un test ou des normes rigides. C’est à la libre interprétation des personnes présentent autour de la table de jeu.


Le niveau des attributs, au nombre de neuf, caractérisant un personnage influencera directement son état d’esprit et sa psychologie, beaucoup plus que dans d’autres jeux de rôle. Cette interdépendance créée entre l’historique d’un personnage et ses facultés –purement humaines, aboutit à un souci du détail, à un travail sur la psyché et le caractère d’un avatar qu’on retrouve dans peu de jeux. Jouer un humain au sein d’un monde aux enjeux similaires au notre permet également de plus facilement cerner ses motivations. Pour expérience, MDT est l’un des rares JDR dans lequel j’ai vu un joueur d’habitude adepte de l’archétype du nain-barbare à D&D, rarement enclin aux phases de réflexion, prendre plaisir à travailler de multiples facettes mentales de son personnage.


Cette volonté de lier parfaitement système de jeu et historique/personnalité d’un avatar se poursuit lorsqu’on examine les autres moyens de l’individualiser. Chacun d’entre eux doit choisir une vertu et un vice, qui correspondent aux sept péchés capitaux et à leurs pendants bénéfiques. A chaque fois qu’un personnage succombe aux uns ou fait montre de grandeur d’âme en appliquant les autres, il peut récupérer des points de Volonté. Ceux-ci sont définis par les scores additionnés de deux Attributs (Résolution + Calme) et permettent, en les dépensant, d’obtenir un bonus lors de la résolution de certaines actions (un joli +3D10 par point). Grâce à cette aptitude, les joueurs auront plus de chance de réussir une action capitale (ou qu’ils pensent capitale) et devront nécessairement se servir leur force de caractère mais aussi s’appuyer sur leurs propres défauts pour espérer progresser dans le Monde des Ténèbres.


Dans une idée similaire, on retrouve les Atouts (qui ne vous permettront malheureusement pas d’appeler Corwin à la rescousse). Ces Atouts sont des avantages très variés qui peuvent être achetés à la création d’un personnage ou acquis au fil du temps : un fidèle serviteur, un bon sens de l’orientation, une beauté hors du commun, une position sociale avantageuse… La majorité donnent rarement un avantage direct à un jet de dé et font davantage appel à l’ingéniosité des joueurs et du Conteur pour être exploités. Au final, tout est prétexte à peaufiner les spécificités d’un personnage ou à générer du roleplay.


Tous les points évoqués plus haut ne font que renforcer la collaboration entre le Conteur et les joueurs afin que l’intrigue progresse tout en minimisant au maximum le nombre de jets de dés. Un maitre du jeu pourra généralement dispenser un personnage d’un test (ou lui accorder un bonus/malus conséquent) dès lors que la résolution d’une action ou d’un problème est décrite en profondeur, résolue avec brio ou parait, à l’inverse, maladroite. Dans le dernier cas, c’est de manière sporadique un peu frustrant si l’on cherche à faire abstraction au maximum des règles pour se concentrer sur l’aspect narratif lors d’une partie. Un personnage naturellement doué à l’oral peut se « louper » lors d’un discours si le joueur qui l’incarne en fait lui-même une piètre interprétation. De même, un Conteur exigeant peut réclamer qu’un joueur dont le personnage serait médecin aille se renseigner avant une séance sur l’anatomie humaine. En l’espèce, cela peut permettre à des groupes pointilleux d’allier l’utile à l’agréable et de les pousser à s’instruire dans des domaines qu’ils connaissent peu. Cependant, afin de ne pas non plus brider les joueurs dans la création d’un concept de personnage (par exemple incarner un ingénieur alors qu’on n’a aucune connaissance poussée en électronique/mécanique/physique), il est raisonnable de résoudre des actions liées à des savoirs purement techniques ou pratiques par des jets de dé.


L’obtention de points d’expérience et leur dépense sont-elles aussi des prétextes susceptibles de renforcer l’immersion au sein de l’univers : un joueur doit justifier pourquoi il peut bénéficier de tel ou tel point d’expérience à chaque début de séance : un point pour sa participation à la séance, un autre pour avoir fait progresser l’intrigue intelligemment, de un à deux pour la qualité de l’interprétation fournie etc. Idem pour l’augmentation des compétences, d’attributs, l’achat d’atouts etc : qu’est-ce qu’a fait ou subi un personnage pour lui permettre de prétendre à ces modifications ?


Après cette présentation plutôt positive, j’évoquerai très brièvement quelques défauts de ce système : l’absence totale de bonus sur le résultat des dés jetés qui peut aboutir parfois à des situations peu logiques (un joueur va échouer à une action basique que son personnage aurait normalement pu accomplir les doigts dans le nez) ; un système de santé pas mal fichu mais relativement incohérent par rapport aux dégâts de certaines armes et deux attributs sous-exploités. Toutefois, quelle que puisse être l’approche adoptée (respect strict des règles ou émancipation de ces dernières pour privilégier le fond à la forme), le plaisir sera toujours présent.



« Le coffre était vide. Emilien aurait pu partir maintenant mais sa curiosité l’emporta, tout autant que l’appât du gain. Peut-être ces commodes renfermaient-elles des objets de valeur ? Et puis, il y avait une seconde pièce à visiter…


Sans ménagement, mais en prenant le soin d’être silencieux (par réflexe peut-être), le jeune homme ouvrit et retourna chaque tiroir… Encore des feuilles, de notes celles-ci. Inutiles a priori. Plusieurs bouts d’étoffes et de tissus. De drôles d’outils. Quatre lingots de métal dans le bas d’un des meubles. Ça il pouvait l’embarquer à la limite…


Ses pas le menèrent à la porte en fer. Assez épaisse de ce qu’il pouvait observer. Il pensa devoir la forcer mais apparemment, la serrure avait déjà sauté de son logement. Au moins, c’était déjà ça… Il y eut un raclement sourd lorsqu’il poussa la plaque avec l’épaule. Aussitôt, une odeur de produit chimique lui piqua le nez. Etrange. Il braqua partout le cône de lumière de sa lampe.


Plein de meubles, deux cuves en verre vides, une troisième brisée au sol. Dans un coin, une armoire scellée dans le mur, regorgeant de fioles, de bocaux et de flacons. Une bonne moitié était par terre en miettes. Et puis d’étranges traces sur le sol. Des tâches sombres et des… griffures ? Dans l’autre pièce, il crut entendre un léger bruit. »




Pour conclure : Un JDR immersif.


Oui, je sais, je radote. Le Monde des Ténèbres doit son succès à sa capacité à immerger les joueurs dans un univers sombre, à la fois pour les faire frissonner mais aussi pour accoucher d’un scénario riche et travaillé. Certaines campagnes mériteraient même d’être romancées et pourraient constituer d’excellents longs métrages.


Le tour de force tient dans son rapprochement avec le réel. Evoluer dans un monde similaire au notre n’est pas du tout ennuyeux, bien au contraire. Un bon Conteur donnera des repères spatiaux connus de ses joueurs lors d’une séance afin que ces derniers aient déjà le décor en tête et puissent s’imaginer avec plus de réalisme le déroulement de certaines scènes. Ils seront également beaucoup plus impactés par ce qui se passe dans un environnement familier. Il y a une barrière, une distanciation que MDT parvient à rompre pour nous faire frissonner. On ressent aisément certaines émotions lors d’un JDR : amusement, rire, satisfaction apportée par la victoire, triomphe, moments épiques. Cependant, l’angoisse est l’une des plus difficiles à retranscrire –ou tout du moins à simuler. En tant que JDR axé sur l’horreur, le Monde des Ténèbres a beaucoup de cartes pour réussir cette petite prouesse.


De plus, ce jeu de rôle s’adresse tant aux joueurs débutants qu’aux vieux briscards des tables couvertes de dés, de chips et de soda. Je vous le recommande donc –surtout qu’un crowdfunding est à l’heure actuelle en train de collecter des financements pour la traduction de nouveaux suppléments en français (notamment une refonte de Vampire : Requiem).


Sur ce, joyeux Halloween avec du retard !



« Emilien revint rapidement dans la cave. Il y avait bien du bruit, comme un grattement. Il dirigea à droite et à gauche le faisceau de sa lampe-torche sans rien apercevoir jusqu’à ce que le trou dans le plafond soit éclairé. Il ne l’avait pas remarqué précédemment mais le béton avait été éventré et une cavité semblait avoir été creusée au travers. A l’heure actuelle, un peu de terre et de rocailles dégringolaient du conduit, comme si un animal se mouvait dedans.


Il resta tétanisé un instant. Un souffle rauque lui parvint aux oreilles qui sembla s’accélérer lorsque l’être qui se trouvait là avait pris conscience de sa présence. Emilien s’enfuit en courant en direction du tunnel d’arrivée.


Il chuta dans la poussière et s’écorcha le genou au travers de son jean tandis qu’il rampait dans l’un des endroits éboulés. Il n’entendait rien à part sa propre respiration paniquée et les battements de son cœur. Tout ce qui lui importait était d’atteindre la surface, de rentrer dans sa voiture et de partir d’ici au plus vite. Au bout de quelques instants, il atteignit la trappe.


C’est là qu’il s’arrêta, aux aguets. Une froide logique – ou l’instinct de survie, avaient pris le pas sur tout le reste. Il tendit l’oreille. Derrière lui, pas de bruit apparemment. Et dans la grange ? Aucune idée. Le crépitement de la pluie étouffait tout autre son. Non. Pas tous les sons. Un grincement. Et un autre.


Il en était maintenant sûr. Quelque chose marchait sur les planches qu’il avait retirées tout à l’heure. »






Merci à Ramrod pour l'illustration du Griffon !


En train d'élever un griffon...
  • 11 sujets
  • 234 réponses

Message posté le 22:08 - 8 nov. 2015

Citation de Tr0n :
J'ai une question. Moi qui fût MJ sur Vampire : Dark Age, Loup Garou : Apocalypse et adorateur de l'ambiance historique du monde des ténèbres (J'ai beaucoup oeuvré avec le Liber Constantinopolis), j'ai toujours trouvé qu'ils avaient un trou dans la raquette niveau ambiance justement. Ils ne développent le monde qu'aux travers de suppléments, relativement onéreux, et qui ne sont pas foncièrement toujours intéressant. L'Europe du Moyen Âge est à mon sens, complètement raté et manque cruellement de l'ambiance de ces villages sordides sous la neige mélangée à la boue, de tout l'Est ou même de France et de Navarre. L'éditeur ayant changé, ont ils enfin fait un effort sur la structure de leur oeuvre en y incluant enfin de l'outillage réellement intéressant sur l'univers ? C'est à dire des formes d'ambiance et du contenu suffisamment développé sur l'ensemble de l'univers ?

Contrairement à toi je suis un vieux de la vieille et j'ai quasi exclusivement joué sur l'édition de 91. J'ai pendant toute mon adolescence développé toute ma propre vision de MDT car je suis un grand fan du genre horreur/surnaturel. L'interprétation d'un vampire sur la voie de la rédemption, disponsant de la vraie foi, reconvertie en nonne à l'église de Suippes proche de Reims : j'ai toujours été fasciné par ce côté surnaturel et la créativité dans les trames narratives possibles.

Malheureusement avec le temps, j'ai basculé vers Nephilim et MDT ne m'a plus jamais retrouvé à cause de ce manque cruel de personnages et d'histoires profondément surnaturelles. C'est un jeu qui m'a déçu dans sa monture de 2004 ou 2005 sans prendre en compte les doléances des fans de l'époque. Est-ce qu'ils ont enfin daigné oeuvré pour une construction structurée de leur univers ? (par exemple, quand on regarde un bouquin comme le dernier starwars, on voit vraiment la différence à tous les points de vue. Les structures scénaristiques construisent des planètes parfaitement crédibles; j'ai toujours reproché à MDT d'être dans le flou en usant de l'argument : "ça laisse libre court à l'imagination". Ce à quoi je répondais, beh j'ai pas besoin d'un bouquin pour avoir de l'imagination, mais bien une trame certes évolutives mais cadrée. Ont il donc cadré leur écriture ?


En train d'élever un griffon...
  • 11 sujets
  • 234 réponses

Message posté le 22:08 - 8 nov. 2015

Je suis d'accord avec toi lorsque tu dis qu'on baigne parfois dans le "flou" au niveau de la description de l'univers. A dire vrai, je l'ai évoqué dans ma chronique : le bouquin de base de MDT est bien pour un MJ qui souhaite avoir un panorama des grandes références de l'horreur/surnaturel et s'en inspirer. Par contre, il ne présente que peu d'intérêt pour quelqu'un qui possède déjà de solides lectures dans le domaine. Parfois, ledit ouvrage tombe même dans le travers que tu dénonces ici. La Sorcellerie nous en fournit une belle illustration.

En gros, on te dit qu'elle existe, qu'elle est potentiellement omniprésente dans MdT et qu'elle sera parfaite pour être utilisée contre des PJ dans des parties d'initiation. Bien qu'il y ait de brèves descriptions, le tout se résume parfois, à la lecture de l'ouvrage, en un beau TGCM adressé au Conteur et à ses joueurs.

Pour ce qui est de la modification entre les deux versions (1991/2004) et de ce que je peux t'en dire :

La genèse des races mortelles et surnaturelles a été remaniée, toutes ont vu leur historique plus ou moins bouleversé par rapport à la version originelle. Idem pour leur place dans l'univers de MDT et leur structure "sociétale".

Un travail assez louable à tout de même été fait, au moins pour les Mages, les Vampires et les Loup garous. Chaque race possède un coté sombre, fouillé, diverses factions aux objectifs propres et possédant des visions du monde radicalement différentes. Je te rejoins également concernant ton intérêt pour les Vampires. C'est un délice de jouer un humain pendant plusieurs parties pour finalement être transformé. C'est aussi une race plus complexe que les loup-garou par exemple.

Beaucoup de vampires doivent maitriser la bête qui est en eux. Ce sont naturellement des prédateurs qui, en tant que tels, se font pas mal concurrence les uns les autres. C'est pour cette raison que leur société est très policée, pleines de rites et de codes à respecter pour permettre à ces monstres de coexister. Cela passe en terme de jeu par la création d'une jauge d'Humanité (l'équivalent humain de la moralité), par la nécessite de posséder des Goules (humains asservis) à ton service pour pouvoir te sustenter, (avec qui les relations sont ambiguës), rejoindre une ligue (réunion de vampires partageant une même philosophie)...

Plusieurs autres aspects viennent assombrir l'univers :
- la Diablerie : vampires qui se nourrissent d'autres vampires
- le Vinculum : boire le sang d'un autre vampire pour ressentir une extase qui est un pâle reflet du véritable amour : des "amoureux" l'utilisent pour connaitre à nouveau un ersatz de passion. D'autres vampires s'en servent juste pour asservir leurs semblables
- la Torpeur : état comateux dans lequel tout Vampire plusieurs fois centenaires doit se plonger. La Torpeur est un affreux cauchemar qui bouleverse les souvenirs du vampire, qui, lorsqu'il se réveille, ne parvient pas à faire la différence entre ses rêves et son passé... De nombreux vampires finissent par se suicider au soleil plutôt que de la connaitre une seconde fois...

'fin bref, pas besoin de te faire un dessin (tu dois déjà pas mal t'y connaitre sur le sujet). Du coup pour Requiem, je pense qu'il y a tout de même un gros effort pour parvenir un univers cohérent et propre, avec une ambiance sombre et glauque (même si encore une fois, le fait que les vieux vampires perdent leurs souvenirs est bien commode pour ne pas avoir une histoire claire sur la genèse de la race ou les buts de certaines ligues).

A l'inverse, lorsqu'ils "cadrent" plus l'univers, comme dans loup-garous Les Déchus ; le résultat n'est pas nécessairement très intéressant pour des joueurs. Y'a un gros travail de fait sur l'histoire de ces gros caniches, une description des divers mouvements qui déchirent leur race et de leur façon de percevoir le monde. Pour autant, excepté une place accordée aux humains pour la reproduction, ils n'ont strictement rien à faire de ceux-ci. Un loup-garou peut tuer de sang-froid un homme sans trop se poser de question de moralité (ce qui n'est pas vrai dans le cas d'un vampire).

Bref, tout ça pour dire qu'il y a une volonté de rendre plus intelligible l'univers et l'atmosphère qui y règne. Des passerelles sont parfois jetées entre les races. Par contre, ne t'attends pas non plus à autre chose que des descriptions purement intemporelles des factions/ligues etc. Rien à voir avec ce que pourraient faire, pour seuls exemples, Qin et Polaris (chronologie parfaite d'une faction ou d'un Etat, description de la psychologie des meneurs/et éminences grises, perception exhaustive par les autres entités, profil type des membres de l'organisation...). Dans MdT, on baigne parfois dans le brouillard à ce niveau là... (même si les bouquins ont posé de grands phares pour qu'on puisse largement broder autour des éléments fournis).

Après, la pléthore de suppléments inutiles, c'est malheureusement propre à pas mal de gammes à succès. Perso, je fais actuellement une campagne de MDT dans la France de 1832, incarnant un humain mêlé aux insurrections légitimistes, avec en trame de fond l'existence de vampires : pour rien au monde je n'achèterai un supplément vendu par l'éditeur qui traiterait de cette époque : les bases/règles posées par le bouquin de base et Requiem me suffisent.


En train d'élever un griffon...
  • 15 sujets
  • 165 réponses

Message posté le 10:03 - 9 nov. 2015

Merci pour ta réponse Teclis.

Pour informations, je n'ai pas encore contacté ton MJ, mais j'ai acheté la version française de Numénara. C'est mon coup de coeur depuis Herowars. Vraiment. Ce sont les deux systèmes qui contraignent une approche narrativiste du joueur (et pas uniquement du MJ) qui doit absolument décrire ses actions pour réussir (en dépensant des points d'action / points d'effort). Je te les conseille à mort (et c'est le vieux de la vieille qui a joué à tout sur le marché qui te le dit !). Je ferais sans doute un article sur ces systèmes là, à moins que tu veuilles nous en parler.

En ce qui concerne les Vampires, disons que j'ai un temps eu ma période Anne Rice et que l'ensemble du MDT est fondé sur ses romans. Entretien avec un vampire est une source intarissable. Par contre je ne dénigre pas Loup Garou car le principe de la Gnose est lui aussi une grande source d'idées sur le chamanisme. Mes joueurs ont souvent été surpris de voir que le bourrinisme était parfaitement absent de mes parties dans le domaine. Toutes les légendes indiennes ont une emprise sur la réalité et permettent des scenarii assez fourni. L'idée de la tisseuse (une entité du monde des esprits) représentait par la loi, l'ordre et généralement la construction de l'Homme, est pas si mal. Mais j'ai souvent été déçu des écrivains du background MDT; la qualité n'a jamais été au rendez vous.

J'irais donc jeté un oeil à cette nouvelle édition mais sans grand espoir vu ce que tu dis. Le livre d'Enoch, les premières générations, Caïn, bref, autant de mythes qui ne sont jamais justifiés sur les origines. Ca laisse planer une atmosphère de quête et de recherche mais pour un MJ, c'est juste chiant. C'est une forme de "vous allez croiser des trucs louches mais jamais vous n'aurez d'explications". Ça va un temps mais sur le long terme, tous les joueurs s'interrogent sur l'origine. Je n'ai jamais eu de réponses à ce sujet; seulement les interprétations de chaque clan. A inventer donc, à modifier mais dommageable sur les campagnes très longues.


Tr0n, Dieu, ou Sainte Catherine (parce qu'elle est so cute).
  • 11 sujets
  • 234 réponses

Message posté le 10:30 - 9 nov. 2015

J'avais apprécié ma partie de Numénara (avec un personnage lycanthrope d'ailleurs ^^), du coup je pense que je m'y remettrai. Je ne connais pas du tout Herowars, 'vais aller me renseigner.

Si tu souhaites intervenir dans cette chronique sur le sujet des jeux narrativistes, ou même d'autres JDR, n'hésite surtout pas. Ce sera très enrichissant de diversifier les points de vue (surtout que tu as plus de bouteille en la matière que moi).

A l'heure actuelle, je compte faire une future présentation des Princes d'Ambre qui se rapprochera de cette thématique, sans pour autant en faire le tour.

(Pour MDT, je mets la main dans six mois/un an sur la réédition de Requiem. On verra si y'a du mieux...)


En train d'élever un griffon...
  • 11 sujets
  • 234 réponses

Message posté le 10:56 - 18 nov. 2015

« Salut voyageur ! Vous venez juste de vous réveiller ! Comment ? D’où vient tout ce sang ? Je ne sais pas trop. Je crois qu’il appartient à votre compagnon que maman a ramené en même temps que vous dans le nid… Hooo, pas la peine d’essayer de fuir. Vous allez juste réussir à vous fracasser les os deux cents mètres en contrebas de cet à-pic. Et évitez de hurler, mes sœurs et mes frères font leur sieste. S’ils se réveillent, ils risquent d’avoir encore faim. Votre comparse était certes dodu, mais bon, nous sommes de jeunes griffons en pleine croissance après tout…

Dans l’immédiat, vous ne craignez rien. Asseyez-vous. Voilààà. Tenez, passez-moi ce fémur de loup à votre droite. Merci, j’ai besoin de me faire le bec…

Alors, racontez-moi. Comment est votre monde ? Et votre société ? Vous n’êtes pas très loquace pour un humain... Pourtant, même les pies vous disent plus bavards qu’elles. Peut-être préféreriez-vous me lire un bon livre ? Tenez, celui-ci. Le gros grimoire poussiéreux. Il a appartenu à un deux-pattes qui s’était lié d’amitié avec la maman de ma maman. C’est vous dire s’il est vieux. Il raconte plein d’histoires sur plein de mondes loin d’ici. Si vous êtes assez gentil pour m’en lire quelques unes, je veux bien vous montrer un chemin pour partir d’ici.

Marché conclu ? Parfait ! Par contre appliquez-vous hein… Mon nom ? Vous pouvez m’appeler Fulgur. »




Qin


Un très bon JDR sans chinoiserie


« Hmmm. On peut se tutoyer ? Alors ? Non ? Bon... Vous avez choisi une histoire ? Montrez-voir… Ho oui ! Celle-ci a l’air chouette. Allez au boulot ! Quoi ? Ho, ça ? C’est une sorte d’esprit lié au grimoire. Continuez à lire, lui s’occupera de raconter l’histoire. »


Seconde présentation de cette chronique, après le Monde des Ténèbres, on s’attaque à un autre jeu de rôle qui bénéficie lui aussi d’un système D10, j’ai nommé Qin (prononcez Tch’in), JDR français (cocorico) édité par Le Septième Cercle en 2005. Cependant, changement spatio-temporel important : on se transporte à l’autre bout du monde, en Chine, durant l’Antiquité. Avant de rentrer dans le vif du sujet, je me dois de vous faire un petit cours d’histoire.


L’Empire du Milieu est l’un des plus vieux pays au monde. Malgré sa grande diversité culturelle et ethnique, cette région du globe a été très tôt, et plusieurs fois, unifiée sous la coupe d’un pouvoir centralisé fort, possédant un rapport avec les institutions temporelles et spirituelles très intéressant. A ce titre, et en tant que juriste, je regrette que de nombreux sinologues n’aient pas une formation dans les sciences juridiques, notamment l’histoire du droit (public). La Chine antique a vu naître au sein de ses frontières une proto-bureaucratie dont les mécanismes rappellent ceux qui ont longtemps caractérisé le modèle d’administration hegelo-weberien. De même, les adeptes des théories de Machiavel sur l’amoralisme politique pourront retrouver dans des écrits d’Han Fei Zi ( ???-233 avant J-C) ou Sun Tzu (VIème-Vème siècles avant J-C) des comparaisons instructives à effectuer. Malgré les barrières de la langue, l'étude de la Chine et son passé ont encore beaucoup à apporter aux sciences humaines.


Bref, toujours est-il que les turpitudes traversées par la Chine tout au long de son histoire ont fait l'objet de plusieurs films et romans. Celui de Louo Kouan Tchong (XIVème siècle après J-C) est certainement le plus populaire. Vous le connaissez très certainement. Si si. Les « Trois Royaumes », ça ne vous dit rien ? Toujours pas ? Et si maintenant, je vous parle de Dynastie Warriors, vous le remettez ? Eh oui ! Lorsque vous foutiez joyeusement sur la tronche de centaines de clones pixelisés avec un pote devant votre PS2, il y avait, à la base de cette production vidéoludique une histoire riche et complexe. A dire vrai, j’exagère d’ailleurs un peu en parlant de « roman ». La période des « Trois Royaumes » a vraiment eut lieu, entre les IIème et IIIème siècles après J-C : plusieurs factions se sont opposées pour se disputer le pouvoir après la chute de l’empire Han aux alentours de 200 après J-C. Bilan : trente millions de morts environ pour accoucher d’une dynastie très éphémère.


Rembobinons un chouïa notre machine à voyager dans le temps, environ quatre cents printemps en arrière, pour arriver à la fin de la période dites des « Royaumes Combattants » (250 avant J-C). A cette époque, le territoire chinois est divisé entre sept entités géographiques et institutionnelles qui coexistent dans un jeu d’équilibre des puissances, et ce depuis moult décades. Des alliances se nouent, se font et se défont aussi facilement que les paroles données.




C’est dans ce contexte géopolitique que le jeu de rôle Qin débute. A dire vrai, il y a peu de chances que vous incarniez l’un des dirigeants, ou l’une des éminences grises, d’un des Sept Royaumes. Cependant, Qin a beaucoup d’intérêt si les joueurs sont embarqués dans les intrigues de couloirs au sein de l’une de ces nations (les gens pointilleux sur la définition de ce mot ne m’en tiendront pas rigueur). Contrairement à d’autres JDR dont le Metaplot est plutôt pauvre/peu fouillé (à l’instar des Royaumes Oubliés), Qin s’est offert le luxe de décrire un univers riche dans lequel chaque protagoniste important possède des motivations, une personnalité et un caractère propres, tout en y instillant une pointe de fantastique qui se marie dans une subtile alchimie aux événements historiques.


Précisons pour la forme que Qin, même s’il revêt une part de géopolitique, conserve aussi une dimension humaine : la majorité des péripéties connues par les personnages se dérouleront au niveau local ou auront trait à des enjeux personnels. Cet aspect est mis en relief par les nombreuses descriptions contenues dans les manuels sur la vie de la population à l’époque. Malgré quelques maladresses/approximations historiques des rédacteurs, le tout semble plutôt bien retranscrit, prouvant que des recherches sur l’époque ont été réalisées avec sérieux. J’y reviendrai ultérieurement dans cette chronique.


En attendant, et avant de nous attaquer au vif du sujet, je tenais à vous indiquer que je traiterai de l’ensemble de la gamme des livres de Qin. Ces derniers ont en effet peu d’intérêt pris indépendamment les uns des autres. Ils sont presque tous complémentaires, exception faite de l’un d’entre eux : l’Art de la Guerre, à qui je réserverai un encart spécial, qui narre le déroulement des guerres entre royaumes..

« C’est bien beau tout ça mais tu m’as l’air de beaucoup parler d’humains… Je pense qu’il serait opportun de signaler la présence de créatures fantastiques. Je vois plein de magnifiques illustrations sur l’un des ouvrages d’où je suis… »


Je reprends : Ils sont presque tous complémentaires, exception faite de l’un d’entre eux : l’Art de la Guerre, à qui je réserverai un encart spécial deux d’entre eux : l’Art de la Guerre et Mythes et Animaux Fabuleux, à qui je réserverai un encart spécial. Maintenant que j’ai satisfait à toutes les requêtes, je me lance dans une première présentation des bouquins.


« Puisque cet étourdi a oublié de vous le préciser : le JDR se nomme « Qin » du nom du royaume qui finira par triompher et annexer tous ses voisins... »

Fulgur ! Ne spoile pas la fin ! Nom d'un gobelin ! Un de ces jours, je finirai par te voler dans les plumes…

« Arrête de râler, je sauve ta chronique. »


La gamme de livres



Couverture du Livre de règles de Qin

Bon, sans faire dans le chichi : les bouquins claquent niveau illustrations. Les couvertures sont cartonnées pour les plus gros ouvrages, souples pour les plus fins : toutes comportent une sorte de couleur rouge sang qui rappellent du cuir et qui sert d’élément liant afin de reconnaitre aisément les livres de la gamme. Contrairement à beaucoup d'autres réalisations en rapport avec le JDR, il y a une agréable régularité dans la qualité du dessin dont les visuels s’inspirent, entre autres, d’œuvres cinématographiques comme Tigres et Dragons ou Le Secret des Poignards Volants. L’esthétique globale, résolument orientale, n’est pourtant pas directement asiatique, voire chinoise. Elle ressemble beaucoup plus à ce que certains peintres impressionnistes comme Monet ont pu produire en s’inspirant des estampes japonaises.



La Japonaise, Huile sur Toile, 1876, Claude Monet, Musée des beaux-arts de Boston.


Illustration de l'Espion, Qin Livre de Règles, page 141 (1)

Hormis quelques reproductions, nous baignons de ce fait dans l’art asiatique revisité par les peintres occidentaux des XIXème et XXème siècle. Inconsciemment, cela nous « parle » beaucoup et contribue à nous plonger dans l’ambiance recherchée. Pari a priori réussi. Toutefois, il aurait été appréciable de se démarquer un peu de ce courant pour accoucher de certains visuels plus conformes aux œuvres de l’époque. Je préciserai toutefois que ce choix graphique, uniforme durant tous les ouvrages, donne une consistance et une cohérence forte à l’univers. On est très loin des croquis amateurs de certaines autres gammes comme Ambre 1ère édition.


La police d’écriture utilisée pour certains passages rappelle une écriture calligraphiée. Idem pour des fonds imitation parchemin. Les bords de chaque page sont joliment stylisés avec un dragon asiatique (dragon serpentin dépourvu d’ailes aux longues moustaches) enroulé sur lui-même. Les illustrations qui parsèment les livres ne sont ni trop présentes, ni trop absentes. Une poignée sont juste là à titre de décorum et n’ont parfois absolument rien à voir avec les thèmes traités : ambiance Zen garantie.


La gamme de Qin se compose de sept livres :


Qin – Le livre de règles : Manuel de base indispensable pour pouvoir jouer au JDR.
Qin – Jing : Second gros ouvrage de la gamme, ce livre riche vous permet d’incarner un personnage dans la chine médiévale, voire jusqu’au XVIII-XIXème siècle.
Qin – L’Art de la Guerre : Ce supplément se concentre sur la géopolitique et la stratégie militaire. Des règles très complètes permettent de reconstituer une bataille à grande échelle en y intégrant des joueurs soit en tant que commandant, soit en tant qu’officier à la tête d’un bataillon.
Qin – Linzi : La dernière parution au sein de la gamme, plutôt intéressante : description du royaume du Qi et de la fin de la période des Royaumes Combattants, l'ouvrage sent bon la nostalgie de fin d'édition.
Qin – Tian Xa : Xianpang : Comme chaque gamme de JDR, Qin voit publier un supplément intégralement réservé à une campagne.
Qin – Tian Xa : Tout sous le Ciel : Suite de la campagne abordée dans l’ouvrage ci-dessus.
Qin – Mythes et Animaux fabuleux : Un livre aux allures de bestiaire qui, pourtant, possède un charme indéniable qui le démarque complètement des stupides lexiques de monstres spécifiques aux JDR porte-monstre-trésor.


L’Art de la Guerre : quand le dragon en vient à se mordre la queue.

Je souhaitais attirer votre attention sur une petite spécificité de la gamme de Qin. Elle intègre un ouvrage qui comporte des règles permettant la reconstitution d’une bataille « rangée », à l’instar de nombreux wargames (les plus « grand public » étant Warhammer et Warhammer 40K à ce jour) . Or, c’est assez cocasse lorsqu’on sait que les jeux de rôle sont nés en s’inspirant des jeux de simulations militaires, c'est-à-dire des jeux de plateau utilisant de nombreuses figurines, dans les années 1970-80. A cette époque, beaucoup de joueurs ont ressenti le besoin d’individualiser les aventures de leurs personnages sur le champ de bataille, puis, plus généralement, de suivre leurs péripéties dans des univers fictifs. Peu à peu, certains jeux de rôle en sont venus à s’affranchir des contraintes matérielles liées aux figurines et aux plateaux jusqu’à déboucher sur des systèmes très souples, dont le fond prime sur la forme. Avec l’Art de la Guerre, Qin ne fait donc que renouer, d’une certaine façon, avec ses origines. Qui a dit que l’histoire n’est qu’un éternel recommencement ?

« Et du coup ? »

Quoi « et du coup ? ».

« Bah, c’est réussi ? »

Chaque chose en son temps Fulgur, chaque chose en son temps…


Le nombre de bouquins parus est relativement raisonnable pour un jeu de rôle. Hormis peut-être pour la campagne qui tient sur deux ouvrages (dont l’un comporte une vilaine erreur d’impression…), aucun supplément ne paraît être édité dans un but purement commercial : la majorité des livres sont exhaustifs concernant le sujet qu’ils traitent – tant au niveau historique que dans la mise en place des outils nécessaires à l’exploitation de l’univers lors d’une campagne. Je ne vais pas détailler la construction de chaque livre de ce jeu de rôle mais seulement m’attaquer brièvement au tout premier, indispensable pour jouer.


La première partie du livre de base pourrait s’assimiler à un amalgame de « La Chine Antique Pour Les Nuls » : on y trouve tout d’abord une présentation raisonnable de chaque royaume, de ses dirigeants, de sa politique, de leurs forces respectives ; vient ensuite une analyse sociologique, juridique et ethnologique sur la société de l’époque. Tout est passé au crible, sans tabou : travail, logement, religion, sexualité, codes sociaux et vestimentaires, règles juridiques… De quoi correctement s’immerger. Petit choix discutable sur lequel je reviendrai : une chronologie de la création de l’Empire du Milieu, et de sa genèse, déjà fortement imprégnée de mysticisme – que ce soit lors de l’apparition de notre monde jusqu’en 240 avant J-C.


Vient ensuite la section réservée aux règles et à la création de personnage. Le tout est clair, des exemples sont donnés (ici encore, deux trois coquilles d’impression) et on aborde chaque point sans avoir le sentiment de s’être pris le chou à comprendre les facettes du système de jeu préalablement exposées. On poursuit avec une section réservée au matériel, aux armes et au coût de la vie avant de clore sur un petit scénario. Qin fait dans le classique à ce niveau… Passons à la suite.


Le système de jeu


« Non non non ! On va plutôt parler de l’univers avant de mentionner le système de jeu… »

Heu ouais… C’est ma chronique là… Alors le griffonnet, il va fermer son bec et me laisser dirig… AIE !


« La prochaine fois, je te coupe un doigt pour ton impertinence. En attendant, n'oublie pas que le système de jeu est tellement, dans ses petits détails, connecté à l’univers que tu dois d’abord évoquer celui-ci pour aboutir à une présentation cohérente. Parce que pour l’heure, le découpage de tes plans ne vole pas haut… »

Toujours plus haut qu’un certain griffon qui ne sait même pas planer…


« Traître ! Tu sais très bien que maman m’a dit que c’était impossible avant mes deux ans… »

Mouais, c’est du blabla tout ça. Si tu passais un peu plus de temps hors du nid et un peu moins à t’engloutir des loups, des saumons et des nains bien gras, tu virevolterais déjà dans les airs. Mais soit, tu as raison, je vais commencer par aborder l’univers de Qin.


Les Royaumes Combattants : entre le mythe et la réalité


Bon, qu’on se le dise d’emblée : on est en général plus sévère lorsqu’on juge de la qualité d’un univers basé sur des faits historiques. Pas trop besoin d’imagination de la part de ses auteurs, l’histoire, l’ethnologie, l’archéologie et la sociologie nous fournissant déjà de bonnes bases pour le cerner et le définir. N’en déplaise à certaines mauvaises langues, ce n’est pas un exercice si facile pour autant. Cela nécessite en effet une bonne maîtrise de son sujet, doublée de longues recherches transversales afin d’être le plus précis possible : n’importe quel rôliste peut, en quelques heures, créer une belle carte d’un monde imaginaire, y implanter des entités et des factions de son cru et définir les grands courants idéologiques qui l’animent. Travail moins aisé pour celui qui souhaite, de manière pointilleuse, retranscrire les événements qui se sont déroulés durant une période de notre histoire – tant dans une dimension géopolitique que dans la vie quotidienne des petites gens. C’est un défi d’autant plus vaste puisqu’il est important de rendre le tout rapidement accessible à des joueurs qui, parfois, ne sont pas de grands férus d’histoire ou disposent de peu de temps devant eux. Rappelons-le : le jeu de rôle est un jeu. Il ne s’agit pas, dans le cas de JDR basés sur le passé de nos sociétés, de donner dans la parfaite reconstitution ( « Oulàlà, mais qu’est ce que c’est que cette approximation proche de l’anachronisme : nous jouons dans la France du XVème siècle et tu as dessiné sur ton personnage un haubert porté seulement trois décades plus tard… Je refuse plus longtemps de participer à cette mascarade ») mais plutôt de rendre le tout intelligible. Le scrupuleux respect des détails ou de la ligne historique dépend seulement de la volonté des joueurs et de leur MJ –quitte à tomber dans de légères uchronies.


Concernant Qin, ses auteurs ont fait le choix de marier au sein de l’univers présenté un coté très réaliste (chronologie historique, analyse sociologique et philosophique, guerres etc) à une facette plus imprégnée de mysticisme (présence d’entités surnaturelles, d’immortels, d’un peu de magie). Cette pointe de fantastique permet de peindre la trame d’un monde très low-fantasy inspiré des légendes chinoises et de certains pans des religions qui sont nées dans cette partie du globe. Des films comme Tigre et Dragon sont de parfaits reflets de cet univers : les intrigues y sont bassement humaines, tout comme les personnages ; cela n’empêche pas pour autant ces derniers d’effectuer des prouesses surnaturelles comme voler durant des combats au sabre ou encore repousser des dizaines de flèches avec leur lame. D’ailleurs, l’un des films dans lequel a joué Jet Li a été consacré à la période des Royaumes Combattants. Il s’agit de Hero. Sans être un chef d’œuvre, on passe un bon moment devant cette production chinoise typique et cela peut constituer une bonne introduction à Qin pour des personnes qui ont besoin de supports visuels pour cerner un univers empreint de poésie.


Mais revenons à nos dragons, comme je l’ai précédemment dit, Qin possède un cadre narratif très intéressant qui permet à des joueurs de se focaliser autant sur des enjeux très personnels que sur les grandes forces du pays en mouvance. Les deux aspects sont régulièrement transversaux, interconnectés et il n’est pas possible pour un personnage d’ignorer totalement les alliances diplomatiques ou les conquêtes qui agitent cette région du monde. Le ton est d’ailleurs donné dès la création de personnage : les joueurs incarnent des héros, qui ont vocation à agir sur le destin entier de la Chine. Il n’est donc pas question pour un personnage de rester impuissant à regarder le fil des événements se dérouler ou à seulement retarder l’inévitable –tout du moins pas toujours. Pas question non plus de jouer un pécor perdu dans sa cambrousse qui ne quittera jamais son lieu de naissance : à Qin, les PJ bourlingues, et pas qu’un peu. Cela n’en fait pas pour autant des êtres distants (ou complètement distincts) du commun des mortels : ils partageront les turpides, les chagrins et les joies de tout être humain, ainsi que leurs défauts et leurs qualités. A ce titre, le jeu n’est pas manichéen pour un sou et de nombreux personnages se retrouveront régulièrement à devoir faire le « moins mauvais choix », voire à réaliser sans la cautionner une action selon l’adage « la fin justifie les moyens ».


Une belle campagne.

Les deux suppléments Tian Xa, et accessoirement Lin Zi, offrent une campagne scénaristique aux joueurs dont je dois, ici, vanter la qualité. Qu’on se le dise : je n’achète jamais de suppléments de jeux de rôle uniquement dédiés à des scénarios. Je considère cela comme une perte d’argent : dès lors que j’ai en main les outils narratifs propres à un univers, il me suffit de faire preuve d’imagination pour accoucher d’une aventure captivante pour mes PJ. Toutefois, le hasard a voulu que je me retrouve en possession de la paire de manuels cités ut supra. Leur lecture fut divertissante et j’ai un temps pensé à faire jouer cette campagne à mes joueurs. Celle-ci se déroule sur des dizaines d’années, couvre de nombreux événements et fait naître astucieusement un mélange d’affection et d’empathie envers certains PNJ. Les choix d’un personnage peuvent avoir un écho dix séances après leur réalisation et de nombreuses éventualités sont couvertes par l’auteur. Malheureusement, malgré la qualité de la rédaction, le scénario bride la créativité des participants et les restreints à des choix, certes multiples, qui n’en demeurent pas moins très linéaires.


Bref, comme évoqué plus haut, Qin mêle réalisme historique et ambiance mystique. Ce choix est un parti pris, dès la présentation de l’univers dans le livre de base. Il permet notamment de justifier la présence, lors de la création de personnage, de Taos ou de divers types de Magie – cependant, avant d’en venir à ce stade, je tiens bien à ce que vous reteniez cet amalgame réalisé entre fantastique et historique. L’un et l’autre ne sont pas, comme cela aurait pu, différenciés dans ce JDR.


En 240 avant J-C, la Chine est découpée en sept entités géographiques :


Qin. Royaume vaste situé à l'Ouest et dirigé par Ying zheng, qui unifiera la Chine et deviendra le premier Empereur de « tout ce qui vit sous le ciel » sous le tseu de Qin Shi Huangdi. Homme plutôt intelligent, il a réformé l'administration de son Etat, centralisant tous les pouvoirs entre ses mains. Il est également connu pour avoir appliqué une doctrine légiste sur l'ensemble du territoire : le pouvoir a été confisqué aux nobles, les charges étant attribuées à des fonctionnaires recrutés par les ministres. Plusieurs lois pénales ont vu le jour afin de créer une société sécuritaire, au droit sûr et uniformément appliqué. Cependant, cette idéologie a également été une période de persécution pour de nombreuses religions comme le taoïsme et le moïsme : beaucoup d'ouvrages classiques ont été brûlés ou perdus durant cette période. Une sorte de « Révolution Culturelle » avant l'heure somme toute.
Qin Shi Huangdi était, paradoxalement, un homme très influencé par les arts ésotériques et le mystique. Toute sa vie, il a accueilli à sa cour des herboristes, des médecins, des religieux en espérant qu'ils pourraient découvrir le secret de l'immortalité pour lui. Même si le Premier Empereur a fini par s'éteindre vers la cinquantaine, il est resté dans les mémoires, lui, et ses vastes œuvres : il a lancé la construction de la Première Grande Muraille de Chine mais aussi de l'Armée de Terre Cuite, accédant à une forme détournée d'immortalité.
Zhao. Seconde conquête de son grand-frère du Sud (le Qin), le Zhao était un royaume du Nord-Ouest de la Chine connu pour son excellente cavalerie.
Yan. Etat du Nord-Est du territoire chinois, situé au-dessus du Qi, il fut envahi après le Zhao, du fait d'une tentative d'assassinat fomenté par son prince sur l'Empereur Qin Shi Huangdi.
Wei. Etat du centre de la Chine, plutôt tourné vers le mysticisme, il fut vaincu par un Qin de plus en plus assuré de sa prédominance sur ses voisins.
Chu. Très vieux royaume datant de l'époque de la dynastie Zhou, cet Etat du Sud était, en 240 avant J-C, le concurrent du Qin à la domination de la Chine. Cependant, malgré certains atouts non négligeables en sa possession, dont une vaste armée, ses tactiques militaires obsolètes et la pusillanimité de son gouvernement ont provoqué sa chute.
Qi. L’État du Qi fut le dernier royaume à tomber face au Qin. C'était une puissance non négligeable, militairement parlant, qui a pourtant prôner durant de longues années une solution pacifique visant à prévenir les conflits entre royaumes. Il se situait au Nord-Est de la Chine et accueillait de nombreux intellectuels qui y développèrent les arts et la science.
Han. Royauté du centre de la Chine, cette entité étatique fut la première à tomber devant le Qin. Ses effectifs militaires ridicules étaient, jusqu'alors, compensés par les finesses de sa diplomatie et ses alliances changeantes.


Chaque Royaume a donné naissance à un Long, une sorte d’esprit-dragon très puissant qui influence le dirigeant de son Etat dans ses actions, lui transmet sa sapience et son pouvoir en vue de faire prospérer le pays auquel il est lié. L’essence même de cette créature dépend de la puissance (dure à quantifier) de son protectorat terrestre. Lorsqu’un royaume en conquiert un autre, le Long de l’un dévore le Long de l’autre, augmentant ainsi son énergie. Ici, les faits historiques ne sont donc pas indépendants des explications d’origine théiste, il n’y a pas plusieurs vérités (rationnelle/spirituelle). L’existence des dragons est acquise par les créateurs du JDR, et même si cette dimension fantastique sait se faire discrète, elle n’en demeure pas moins omniprésente.


De mon point de vue, c’est à la fois un atout mais aussi une sévère critique que l’on peut réserver à Qin. Un atout en ce qu’elle participe vraiment à la mise en place de l’atmosphère de l’univers ; une critique en ce qu’elle ne permet pas de laisser la place à une interprétation purement factuelle/rationnelle des événements historiques. De même, ce coté fantastique plane, comme une brume, sur chaque histoire –rien que par les pouvoirs de certains personnages, ce qui fait qu’il est très difficile de s’en détacher complètement. « Pourquoi vouloir le faire ? », me direz-vous ; et bien tout simplement pour, de temps à autre, empêcher à un personnage de relativiser un drame en le confrontant à ce que la réalité à de plus cruelle à offrir, nue et impitoyable. Pas de karma, de volonté divine ou de préceptes philosophiques supérieurs derrière lesquels se réfugier. Pas d’ailleurs où s’échapper.


Heureusement, rien n’empêche un MJ entreprenant de restreindre cet aspect low-fantasy jusqu’à l’étouffer au sein de sa campagne, mais ce sera alors priver ses joueurs et leurs actions de beaucoup de capacités surnaturelles qui font le charme de cet univers. A ce propose, et avant d’enfin aborder le système de jeu, je ne résiste pas à l’envie de vous emporter avec moi dans la visite d‘une petite particularité de Qin en rapport avec le fantastique : les enfers.


Eh oui ! Les auteurs de Qin se sont amusés à imaginer, sur la base du folklore religieux taoïste et bouddhiste, à quoi ressemblait le royaume des morts. Résultat à la fois cocasse et terrifiant. Dans les récits démiurgique des religions citées ci-dessus, les âmes impures sont condamnées, avant de se réincarner, à être lavées de leurs pêchés. Pour ce faire, elles sont envoyées dans une strate (il en existe un nombreux différent selon les mythologies) appropriée à la punition de leurs pires vices. Généralement, les sanctions vont de l'écartèlement répété en passant par l'énucléation, l'arrachage au fer rouge des attributs virils ou encore la bonne vieille éventration. Après ces joyeusetés, l'âme est purifiée et peut à nouveau se réincarner. Toujours est-il que les auteurs, pas français pour rien, ont décidé de faire de cet enfer une bureaucratie. Les démons gèrent en effet une énorme machinerie administrative qui trie les âmes, les répartie entres les strates ; de régulières erreurs sont commises et nécessitent des corrections. Bref, ce n'est vraiment qu'un aspect marginal de ce JDR mais cela démontre la pointe d'humour noir de ses créateur(qui vont pousser le sarcasme jusqu'à faire de l'enfer du bouddhisme/taoïsme un endroit qui ressemble au système administratif mis en place par les réformes légistes du royaume du Qin… qui lui même persécutait les dogmes religieux.).


Un système de jeu qui aime l’équilibre


Bon, Fulgur, puis-je aborder le système de jeu maintenant ?

"Oui, tant que tu es sûr de ne rien oublier…"

Bah je crois que je n’ai fait aucune omission.

"Bah vas-y dans ces cas-là."

Parfait. Donc, brève présentation des règles qui sont, au demeurant, plutôt simples. Chaque test se fait à l’aide de deux dés à dix faces (D10), un dé Yin et un dé Yang. On fait la différence entre les deux valeurs obtenues, on aditionne le résultat avec les éventuels bonus (de compétence par exemple) et on compare le tout avec le seuil de réussite : en dessous de ce seuil, c’est un échec, au-dessus une réussite. Un double est nécessairement une réussite, excepté le double 0 qui est un échec critique.
La majorité des tests se calculent donc ainsi :
Valeur dans un aspect + niveau d’une compétence + différence entre le dé Yin et le dé Yang.

"C’est bien beau mais il faudrait peut-être expliquer ce qu’est un ’aspect’"

Minute le griffon, j’y viens. Si j’ai tenu à vous présenter l’univers avant les règles, c’est parce que ces dernières dégoulinent de références à la culture asiatique, notamment l’astrologie et les courants de pensée chinois. Au-delà de simples rappels, le système de jeu en lui-même est imprégné par une philosophie sous-jacente qu’on associe, dans l’imagerie populaire, aux pays de l’extrême Orient : la recherche de l’équilibre. Une première illustration, le choix d’avoir un dé Yin et un dé Yang qui, lorsqu’ils donnent un même résultat, permettent au joueur de bénéficier d’une réussite critique. Cette caractéristique est complétée par une autre dimension des règles : le mysticisme. Mais ne grillons pas les étapes et revenons à nos aspects. Comme le dit Lao Tseu : "Un chemin de mille li commence toujours par le premier pas".


Les aspects sont au nombre de cinq et sont l’équivalent, grosso-modo, des caractéristiques ou des attributs d’un personnage dans d’autres JDR. Ils sont tirés à la fois des cinq points cardinaux (oui oui, j’ai bien dit cinq) et des éléments associés aux signes dans l’astrologie de l’Empire du Milieu. On trouve donc :

L'Eau qui correspond au Nord et à la Tortue Noire : L’Eau détermine l’agilité et la dextérité d’un personnage. Cet aspect influera sur la défense, la rapidité ou encore les capacités d’acrobate d’un individu.
Le Bois qui correspond à l’Ouest et au Dragon Vert : Le Bois fait référence aux capacités cognitives d’un individu, ainsi qu’à ses facultés d’adaptation. La majorité des compétences intellectuelles font appel à cet aspect.
Le Feu qui correspond au Sud et à l’Oiseau Rouge : Le Feu permet, s’il est élevé, à n’importe qui de briller en société. La séduction, l’intimidation ou encore la persuasion font partie de cette catégorie.
Le Metal qui correspond à l’Est et au Tigre Blanc : Le Métal prête vigueur et force à celui qui le cultive. Le maniement des armes, les dégâts infligés par celles-ci et la résistance d’un combattant en découlent.
La Terre qui correspond au centre de la rose des vents et à la Kilin : La Terre est l’élément de l’équilibre et représente la force de l’esprit, la sagesse. L’empathie et les actions nécessitant du sang-froid seront dépendantes de cet attribut.


Chaque aspect possède un nombre de "talents" (compétences) rattachés. Ces derniers sont relativement bien répartis et, hormis un ou deux choix d’affiliation discutables, le résultat final est cohérent. Aucun d’entre eux n’apparait superflu (Exemple : le talent "séduction" est rattaché à l'aspect Feu, "l'acrobatie" à l'Eau).


Qui plus est, les attributs ne jouent pas le rôle de simples bonus aux dés. Ils sont parfois limitatifs mais surtout, conditionnent le nombre de cases de souffle vital (point de vie) et de de points de Chi (un peu l’équivalent de la mana) d’un personnage, ainsi que sa résistance physique et mentale. Loin de faire dans la bête addition d’une ou deux valeurs d’attributs (exemple : j’ai beaucoup dans l’aspect Metal, donc j’aurai beaucoup de souffle vital), le jeu favorise un parfait équilibre entre chaque aspect. Il est possible d’optimiser un peu, en aucun cas d’abuser. Je m’explique tout en vous épargnant les calculs. En gros, retenez que plus l’une de vos caractéristiques est élévée par rapport à une autre, moins vous aurez de points de vie ou de Chi. Du coup, un personnage qui possède une valeur de 5 dans un aspect (la moyenne humaine est à 2) sera excellent dans ce domaine mais risque, si ses autres aspects sont aux alentours de 2 ou 3, d’avoir une réserve réduite de points de vie ou Chi, contrairement à un individu qui aurait 3 partout. Je précise au passage que le jeu laisse les joueurs très libres lors du processus de création de leur avatar, qui se fait "à la carte" : il n’existe aucune classe, aucune profession ni même de distinguo entre des voies purement guerrières, utilitaires etc.


Les points Chi incarnent l’énergie spirituelle d’un être conscient et font l’apanage des héros dans Qin. Ils permettront à ceux-ci d’user notamment de leur Taos et de leurs pouvoirs magiques.
Les Taos sont au nombre de quinze et possède plusieurs niveaux. Ils permettront d’agir sur sa propre personne ou son environnement, en réalisant, durant un court instant, des prouesses spectaculaire. Pour exemple, le Tao des Six Directions vous permettra à bas niveau d’effectuer de grands sauts, puis de courir brièvement sur un mur jusqu’à pouvoir, à des degrés de maitrise très élevés, marcher dans les airs ou sur l’eau. La majorité ont des utilisations très variées, en et hors combat, et viennent délicieusement renforcer l’univers de Qin lorsqu’ils sont mis à profit.
Quant aux pouvoirs magiques, ils sont divisés en trois catégories, parfois elles-mêmes subdivisées en plusieurs spécialités :


L’alchimie :
L’alchimie interne qui permettra d’influer sur son propre corps pour stopper un poison, se rendre plus endurant ou performant ; une culture de soi physique et spirituelle.
L’alchimie externe qui consiste à créer des potions et des elixirs afin de soigner, tuer ou réparer.

La divination :
La divination va soit se concentrer sur la prévision (ou la vision) d’évènements à vaste échelle, qui influenceront (ou ayant influencé) tout une communauté, voire tout un royaume ; soit à l’inverse, chercher à connaître le futur d’un individu ou d’un lieu très spécifique.

L’exorcisme :
Cette magie cherche à combattre, ou à invoquer, des esprits vengeurs, des démons ou des mort-vivants.

Il est très important de se rappeler que la magie, à Qin, ne produit aucun effet spectaculaire, hormis à très haut niveau. En général, ce sont de petits coups de pouce utilitaires (mais parfois indispensables) qui, la plupart du temps, ne feront que renforcer l’atmosphère fantastique d’une campagne. Chaque lancement de sort ou création de potion sont, d’habitude, ritualisés : pas question d’utiliser ces pouvoirs à la légère ou n’importe comment. D’ailleurs, l’échec lors de leur utilisation entraîne bien souvent un, voire plusieurs, effets négatifs.


A ce sujet, il est à noter que le surnaturel demeure sporadique à Qin : la majorité du temps, hormis un peu d’occultisme, vos joueurs n’auront à faire qu’à des humains en chair et en os (et c’est déjà bien suffisant !). Les être non-humains sont effroyablement puissants et les apprentis aventuriers feraient bien de ne pas s’y frotter. Il est à noter d’ailleurs que si vos personnages doivent affronter des esprits ou des entités revenues d’entre les morts, un Exorciste est tout bonnement indispensable parmi eux (ou il faudra en chercher un). Les sorciers devront également user de leurs capacités avec discernement -surtout s’ils sont incarnés par des joueurs. Certains sorts de nécromancie peuvent être appris sans trop de difficulté par un personnage et leur mise en oeuvre n’apparait pas trop complexe. Par contre, la chose fraîchement née ne sera aucunement contrôlable à moins que vous ne disposiez d’un maître en la matière -et c’est très rare. Elle se mettra à massacrer tout ce qui se trouve dans le coin, y compris son créateur.


Mythes et Animaux Fabuleux :

"Bon, comme cet étourdi a oublié d’en parler plus haut, c’est moi qui vous introduirai, en toutes connaissances de cause, à ce manuel et son contenu. Franchement, ne suis-je pas trop génial ? Si vous pouviez me grattouiller un peu au niveau de l’encolure pour me remercier de ma générosité... Merci bien. Avec de la chance, je vous prendrai comme humain de compagnie. Que disais-je déjà ? Ha oui ! Nous parlions de cet ouvrage qui traite des espèces fantastiques à l’instar de la mienne.

Sachez que je suis plutôt critique envers les bestiaires des différents JDR qui se contentent bien souvent de balancer une foultitude de bébêtes imaginaires au travers de pages remplies de statistiques et de caractéristiques, à tel point qu'on a l'impression de faire face à une longue juxtaposition composée des dessins d'une classe de CM2 et d'un congrès de statisticiens soiffards. Cependant, force est de constater qu'après avoir plongé le bec dans Mythes et Animaux Fabuleux, on se retrouve devant un livre de qualité aux illustrations enchanteresses, presque oniriques et des pages de descriptions qui, au fur et à mesure de leur lecture, nous entraîne de plus en plus loin dans les contrées légendaires asiatiques. De nombreuses créatures typiques du folklore chinois y sont présentées, plus ou moins longuement. Ce sont toutefois les Yao, qui monopolisent à eux-seuls pas moins de trente pages, qui achèvent tout en beauté cette promenade dans le fantastique.

Les Yao sont des animaux qui se sont élevés à une condition d'existence supérieure qui leur permet d'adopter une apparence humaine tout en étant quasiment immortels. Êtres d'essence divine, ils incarnent à la perfection les parangons de l'univers de Qin : mystérieux, gracieux, cruels et parfois terriblement humains, ils rappellent à votre race bipède ses forces, ses faiblesses et ses liens avec les entités démiurges. »



Couverture du Manuel Mythes et Animaux Fabuleux

L’un des aspects de Qin tourne naturellement autour des combats, dont vous vous doutez d’avance qu’ils sont très esthétiques et chorégraphiés. Le système de jeu, nonobstant quelques approximations fâcheuses, les sert royalement. En premier lieu via l’usage des Taos, que j’ai évoqués plus haut, qui permettent de véritables tours de force comme faire exploser une porte pour envoyer des copeaux de bois à la figure de votre adversaire qui pourra, à l’aide d’un autre Tao, parer de sa lame cette pluie de débris ou l’esquiver. En second lieu, citons les nombreuses manœuvres de combat, secondées par des techniques d’arts martiaux, qui possèdent une réelle utilité. Frapper comme un sourd sur un ennemi peut parfois s’avérer inutile -imaginez qu’il porte une armure et vous non : il sera plus aisé, pour l’emporter, de le faire chuter ou de le désarmer. A noter au passage que l’acquisition de techniques martiales propres à un style (exemple : la boxe du Dragon ou le bâton de la double-peau de Tigre) sont un vrai chemin de croix et peuvent être à l’origine de belles aventures. En troisième lieu, le système épuré réduit les jets de dés afin de gagner en nervosité, tout en faisant rapidement alterner les phases de décision entre joueurs. Chaque combattant possèdent un nombre d’actions par tour égal à 1 + niveau de maitrise du talent relatif à l’arme utilisée (exemple : j’ai un niveau de maitrise de 3 dans le maniement des bâtons, j’ai donc quatre actions par tour de combat).

Vous comprendrez bien vite qu’un bon bretteur affrontant un novice aura pas mal de chance d’en venir à bout rapidement. Puisqu’une action permet notamment un déplacement, une attaque ou une parade "active", on peut aisément se débarasser d’un adversaire moins talentueux. La donne est toutefois rapidement changée à un contre deux et il faudra, en infériorité numérique, jouer sur le décor et une judicieuse utilisation de ses Taos pour espérer l’emporter. Surtout que le système de souffle vital demeure relativement punitif : on subit vite des malus à ses actions en encaissant des blessures et n’importe quel grand guerrier peut être fortement handicapé s’il est touché par une flèche sournoisement tirée ou un coup d’épée chanceux. Naturellement, l’usage de manoeuvres martiales ou de techniques permettront de compenser de nombreux facteurs défavorables mais, chacune de leur utilisation coutant des points de Chi – il faudra être parcimonieux dans leur déclenchement. A ce titre, le système est un peu vachard puisqu’une réserve de Chi (qui se régénère lentement) totalement épuisée (à 0) disparait définitivement ! Le héros redevient un homme du commun qui ne pourra plus jamais utiliser ses pouvoirs. "Facile" me direz-vous, "il suffit de laisser au minimum un point dans sa réserve pour être tranquille" : sauf que certaines attaques ennemies peuvent drainer du Chi et que chaque échec critique en faire perdre cinq points... Dans certains combats éprouvants, on évolue donc sur le fil du rasoir en espérant ne pas être poisseux.


Même si je suis élogieux sur le système de jeu, notamment avec ses affrontements rythmés et très esthétiques (on s’imagine facilement les lames virevolter dans un mortel ballet), il souffre également de quelques tares. Le fait, notamment, qu’un combattant aguerri qui se voit séparé de son arme lors d’un affrontement réduise d’autant son nombre d’actions disponibles conduit à des situations frustrantes et peu logiques ; avantage pour autant : cela force les joueurs à ne pas grosbilliser leur avatar en investissant tous ses points de création et d’expérience dans la maîtrise d’une unique catégorie d’arme. De plus, le postulat d’une action = un déplacement (sans charge) crée des courses-poursuites qui, si les deux participants possèdent des Taos favorisant l’évolution spatiale, deviennent aussi haletantes qu’interminables (c’est le moment qui m’énerve le plus dans les films du cinéma asiatique : voir deux combattants gambader l’un derrière l’autre pendant trois heures).

Enfin, petite dédicace au procédé de gain de points d’expérience plutôt exhaustif mais très très très radin avec les joueurs. Les personnages, à leur création, sont en général relativement puissants (toutes proportions gardées). Par contre, en respectant à la lettre les règles, cela devient une purge pour acquérir la moindre petite manœuvre ou un malheureux sort tout en essayant de monter un peu ses attributs et talents. L’évolution est lente, très lente, si bien que pour offrir une réelle progression à des PJ, il est nécessaire de revoir cet aspect de Qin.


Quid des règles visant à reconstituer des batailles :

Je n’allais pas vous laisser sans évoquer cette dimension de Qin qui, rappelons-le, prend place dans un pays qui a vu s’affronter de vastes armées dirigées par de grands stratèges. Pour vous résumer un peu tout ça... Sur le papier, ça donne envie : le système met l’un des joueurs au commande de l’ensemble de l’armée tandis que les autres sont à la tête d’une troupe. Les règles sont bien pensées et prennent en compte le moral et l’équipement des solats, ainsi que leur nombre. Des manoeuvres tactiques sont envisageables et le chaos qui règne sur un champ de bataille (mauvaise interprétation des ordres, confusion, fuite, aléa des combats...) est fidèlement retranscrit. Dans la pratique, tout ceci est malheureusement handicapé par de longues phases de décisions du général qui va beaucoup s’amuser tandis que les autres joueurs risquent, si leurs troupes n’est pas engagée au corps à corps, de s’ennuyer. Lorsqu’enfin le fracas de la mélée retentit, les officiers bénéficient de plus de choix et peuvent privilégier diverses postures (en retrait pour mieux recevoir les ordres ou à l’inverse en plein charbon à découper des têtes) en adéquation avec les capacités du PJ. Des événements aléatoires (percée ennemie, flèches perdues etc) viennent pimenter l’ensemble. Pour conclure : l’Art de la Guerre offre un système de gestion des batailles non dénué d’intérêt mais qui nécessitera des joueurs aussi patients que motivés autour de la table.


Ha, et puis, les héros, ça possède également une certaine renommée, afin qu'il puisse forger leur légende. Le moindre paysan peut reconnaître un personnage et connaître une partie de ses anciens exploits dans Qin via un mécanisme au dé 100 pas mal foutu.


C'est sur ces doux mots que je vais en arriver à ma légendaire conclusion...


Histoire de finir en beauté


Conclusion très brève : je vous incite à jouer à Qin, pour son univers ET son système de jeu (sans vouloir trop entrer en contradiction avec les multiples passerelles que j'ai posées entre les deux ; je souhaite vous signaler que certains MJ tatillons sur les règles usent du dernier dans des contextes narratifs très différents en mixant à leur sauce les Taos, les pouvoirs magiques et deux-trois talents). C'est une véritable bouffée d'air frais ; un voyage dans un monde, et une époque, pleins de charme.

En attendant une nouvelle analyse dans cette chronique, n'hésitez pas à commenter, à suggérer des idées, voire à poster vous-même sur le sujet de votre choix…


« N'oubliez pas non plus de lui faire des remarques ou des critiques. »

Merci Fulgur… J'allais y venir.

« Je préfère m'assurer que tu n'omets rien. A bientôt cher lecteur ! Vous pouvez partir du nid par ce petit chemin. N'hésitez pas à repasser à l'occasion, avec un bel agneau de préférence. »



(1) Le travail d'illustration des livres a été effectué par Aleksi Briclot, Anne Rouvin, Marc Simonetti, Olivier et Stéphane Péru, Jaouen et Christian Naits.

« Je tiens à remercier Ramrod pour m'avoir offert une illustration digne de mon altier plumage ».


En train d'élever un griffon...
  • 11 sujets
  • 234 réponses

Message posté le 14:04 - 20 janv. 2016

Fulgur, sens-tu cette bonne odeur qui flotte dans l’air ?

- Celle d’une délicieuse carcasse de cheval faisandée ? Miam !

Non, celle de la nostalgie. Te rappelles-tu de l’époque magnifique où les jeux vidéos te laissaient de multiples choix, avec des lignes de dialogue étoffées ; de l’époque où tu pouvais incarner n’importe quel héros dans un univers qui mêlait, dans une juste alchimie, épopée mondiale et quêtes personnelles ? De vastes étendues s’offraient à toi, vierges, que tu pouvais parcourir à ta guise. Tes compagnons possédaient une personnalité riche et une poignée d’entre eux laissaient envisager un travail long des développeurs sur leur structure psychologique. Enfin, les combats étaient dynamiques, nerveux, lisibles et empruntaient leurs mécaniques à de glorieux ancêtres (Baldur’s Gate, Neverwinter Nights…). T’en rappelles-tu ?

- … T’es sûr que t’en veux pas un bout ?

Et puis, la durée de vie du titre était raisonnable, tout comme sa difficulté. On pouvait choisir de survoler le jeu, ou d’approfondir de nombreux points quitte à en baver un peu plus. C’était une période bénie. Venez chers lecteurs ! Viens, Fulgur ! Que je vous fasse découvrir Dragon Age.


***


Pour une troisième intervention, il peut être étonnant de choisir d’analyser un JDR qui n’a rien de culte et qui, de surcroit, ne présente ni une mécanique de jeu, ni un contexte narratif très innovants. Dragon Age est l’archétype d’une production pas trop mauvaise mais clairement commerciale, qui n’apportera à l’univers du jeu de rôle qu’une modeste contribution –si tant est qu’elle existe. Cependant, la sortie de ce JDR a, à mon sens, l’intérêt de mettre en exergue l’évolution notable subie ces dernières années par le paysage du ludisme narrativiste et interprétatif.


Dragon Age, quesaco ?




Si vous suivez, au moins de façon sporadique, l’actualité vidéoludique, il y a peu de chance que vous ne connaissiez pas Dragon Age. Mais pour celles et ceux qui dorment, au fond, et les non-initiés, je vais présenter cette saga.

Dragon Age Origins (DAO) est un jeu vidéo sorti sur PC en France fin 2009, développé par BioWare et dont l’éditeur est le satanique EA (Electronic Arts pour les intimes). RPG jusqu’au bout des ongles, DAO est parti plutôt gagnant dès son lancement pour deux raisons :
- BioWare, son pôpa, est un studio connu pour son expérience dans les RPG, avec notamment Baldur’s Gate et ses suites, ainsi que l’excellent Star Wars : Knight Of The Republic (KOTOR).
- Les deux dernières années n’avaient pas été de grands crus en matière de RPG.

Salué presque unanimement par la critique, joueurs et presse confondus, DAO incarne la reviviscence dans le monde du jeu vidéo d’un genre qui se faisait vieillot tout en le démocratisant. D’abord passé un peu inaperçu, le jeu va rapidement gagner en notoriété grâce à sa qualité, tant et si bien qu’une suite va voir le jour, seulement un an-et-demi plus tard. Et là, patatra… BioWare change une équipe-qui-gagne sous couvert de toucher un plus large public et accouche d’une œuvre médiocre (passable pour les gens généreux). Dragon Age 2 n’est pas mauvais à proprement parler : ses développeurs ont juste pensé (à tort) que le succès du premier opus permettait d’occulter une partie de la dimension « bac-à-sable » de leur œuvre au profit du contexte narratif de l’univers. Pas de choix de race, pas de vaste monde à visiter, système de combat trop éloigné des productions à la Baldur’s Gate. La rupture est brutale, la réponse du public aussi.

Décidé à ne pas laisser une licence aussi juteuse prestigieuse à l’abandon, EA annonce pour fin 2014 la sortie d’un troisième volet. Dragon Age Inquisition. Le résultat est plutôt bon même si le titre n’est pas exempt de certains défauts symptomatiques des jeux vidéos actuels.


De Origins à Inquisition : l’évolution des mécaniques de jeu des RPG.

Pendant très longtemps, les RPG et les Hack’n Slash se sont inspirés des mécaniques de jeux de rôle dans la construction et l’évolution des avatars virtuels contrôlés par les joueurs. Que ce soit Diablo I et II, Fallout I et II, Baldur’s Gate, Oblivion ou KOTOR, il existe des caractéristiques chiffrées indiquant les performances d’un personnage dans un domaine spécifique (Force, dextérité, constitution…) qui augmentent au fur et à mesure des gains de niveaux. En règle générale, une entière liberté était laissée au joueur dans l’attribution des points durement acquis ce qui permettait à chacune et chacun de personnaliser son tas de pixels, de se payer quelques délires avec ou encore de l’optimiser.

Toutefois, cette mécanique est en train de disparaître au profit, notamment, de nouveaux systèmes plus balisés. Le premier, et le plus connu, est l’arbre de talents caractéristique de (cette immondice de) World Of Warcraft qui a finalement contaminé SWOTOR (la suite online de KOTOR), Diablo 3 ou encore le très célèbre Skyrim. Le joueur possède un nombre de points déterminés qu’il peut répartir dans des arbres de talents particulier. Les caractéristiques du personnage ne sont plus impactées que par son équipement et par son niveau de classe. L’avantage de ce procédé est de rendre le jeu plus accessible, d’éviter les abus et, dans les jeux online de favoriser la coopération entre joueurs pour obtenir de meilleurs équipements via des raids ou instances (zones du jeu dans lesquels plusieurs individus doivent se regrouper pour espérer l’emporter).

Le second système est celui du sphérier, popularisé par Final Fantasy X et repris par Path of Exile, l’héritier spirituel des deux premiers Diablo. Cette mécanique positionne un joueur sur une sorte de carte tentaculaire dont chaque case représente un bonus. Un niveau permet un déplacement et l’obtention d’un pouvoir ou un accroissement de caractéristique. Plus riche, cette mécanique a malheureusement le désavantage d’être réservée à des joueurs expérimentés et acharnés.

- … Et le rapport avec Dragon Age ?

J’y viens. Dragon Age Origins possède un système de caractéristiques classique, emprunté aux JDR.
- En même temps c’est pas le but du jeu ?

Justement. C’est en effet le but recherché puisque DAO se pose en héritier de Baldur’s Gate adaptation vidéoludique des univers et systèmes des jeux de rôle. Pourquoi donc, dès lors, son successeur, Dragon Age Inquisition, opte t-il pour une mécanique d’expérience par « talents » à l’instar d’un World of Warcraft seulement cinq ans après ?

- Je sens que tu vas nous le dire.

Oui ! Mais pas tout de suite !


En parallèle de tout ceci, un jeu de rôle a vu le jour en 2010, d’abord dans la langue de Shakespeare puis en Français. Le résultat est… mitigé ?


La gamme de livres, ou « comment un nain pingre a été placé à la tête de la politique d’édition du JDR »


Je serai bref sur la gamme de Dragon Age JDR.




Les ouvrages sont plutôt beaux, collent aux visuels des jeux et de leurs univers : des illustrations couleurs travaillées côtoient des paragraphes de textes agréables à lire, le tout sur un fond représentant le dragon emblématique de la série. La même bestiole est réutilisée en bas de page pour indiquer le numéro de celle-ci. L’effet global est propre. Malheureusement, les couleurs utilisées sont tellement immaculées et les motifs redondants que l’on a très vite l’impression de parcourir une longue publicité coca-cola qui use de dessins iconiques pour singer la personnalité propre à d’autres jeux de rôle.

L’éditeur a de plus fait le choix de cloisonner les parties roleplay/background et règles, comme le manuel de la version 3.0 de Donjon et Dragon, et ce à outrance. Malgré des tentatives de faire coïncider mécaniques de jeu et historique de personnage, on se retrouve face à un livre qui ne se permet aucune fantaisie : pas d’encadré pour développer un quelconque aspect de l’univers, pas de longue digression narrative. On fait du prêt-à-jouer ici. Tu lis l’univers, tu construis un personnage, tu joues. Point barre.

Enfin, parlons de la gamme. Petit truc « sympa » à noter, l’existence d’un PDF gratuit récapitulant les règles et deux-trois mécaniques de jeu simplifiées afin de tester ce JDR sans dépenser de sousous. C’est une démarche commerciale louable qui a tout de même le mérite d’être soulignée. Attaquons ensuite l’examen du premier« set » de jeu : pas de bouquin indépendant ici. On vous vend deux livre(t)s de règles, trois D6 et une carte du monde pour 60€00 au mieux. Ça fait quand même cher pour un ouvrage de moins de 100 pages et un trio de cubes que vous pourrez piquer dans le jeu de petits-chevaux de votre neveu de quatre ans à noël. Chose merveilleuse : sont couverts par les règles seulement les cinq premiers niveaux de chaque classe de personnage. Pour jouer ceux-ci au-delà, il faudra acheter les sets n°2 (niveaux 6 à 10) et n°3 (niveaux 10 à 20). Au moins, ils n’ont pas fait de set n°4… Vous l’aurez compris, sous couvert d’une gamme qui suivrait la progression de vos personnages pas à pas, on se retrouve à débourser une jolie somme pour pas grand-chose. Bref, EA Games a trouvé la technique pour adapter l’équivalent des DLC payantes, fléau du jeu vidéo contemporain, à une version papier de JDR… Chapeau bas. Surtout qu’après avoir payé vos 250€00, vous vous rendrez compte que vos bouquins rempliront à peine le quart d’une étagère IKEA. Heureusement l’éditeur a pensé à tout : les boites de set sont inutilement grosses afin de justifier le prix.

Pour les excuser, il faut dire que l’univers et le système de jeu n’allaient pas leur permettre d’adopter un format autre que des livrets accompagnés d’accessoires. ..


Un univers riche mais sous-exploité


Point trop de digressions là non plus. La série Dragon Age possède un univers pas mal étoffé, assez glauque, qui se rapproche beaucoup de ceux pouvant être trouvés dans la série Donjons&Dragons. Néanmoins, là où chaque contexte narratif possède dans cette dernière un découpage cosmologique manichéen ; Dragon Age a fait le choix de brouiller les repères moraux tant sur le plan « matériel » (comprenez le monde qu’arpente les humains) qu’au sein de « l’immatériel » - une sorte de 3ème dimension dans laquelle vivent des esprits bénéfiques, des démons et potentiellement un ou plusieurs dieux. Idée dont la filiation se retrouve facilement dans le warp des opus de Warhammer et Warhammer 40k. Par ce procédé, le studio de développement du jeu vidéo avait choisi de créer un univers très sombre, qui sent bon l’apocalypse même si une partie de cet effet est désamorcé par la nature des menaces qui pèsent sur ledit univers.


La trame principale de Dragon Age, résumé par votre humble serviteur Fulgur :

C’est pas très compliqué : avant y avait la race des elfes qui dominait le monde et puis ils ont fini par décliner lors de l’apparition des premiers humains. Ceux-ci les ont décimés puis les ont réduits en esclavage, tout en proclamant l’avènement d’un Empire nommé l’Empire Tévintide. Ces Tévintides avaient l’habitude d’utiliser une vile sorcellerie, la magie du sang, afin de satisfaire leur soif de pouvoir. Ils vénéraient également sept dragons très puissants à l’égal de dieux…

Les plus grands mages tévintides pouvaient arpenter « l’immatériel » à leur guise ce qui les amena, un jour, à s’aventurer dans une grande cité appelée « Cité du Créateur » (un Dieu à religion monothéiste). Leur présence souilla les lieux et, pour les punir, le Créateur les renvoya sur terre sous la forme de choses abjectes : les « engeances » (des orcs en plus moches). Ces engeances ont crû en nombre et se sont répandues, attaquant les hommes, les nains et les elfes.

A chaque fois qu’une engeance parvient à trouver l’un des sept dragons des temps anciens, sa souillure transforme le dragon en un « Archidémon ». Débute alors un « Enclin » : les engeances sortent par milliers des entrailles du monde guidées par leur « dieu » et ravagent la surface. Le jeu vidéo Dragon Age Origins traite du cinquième « Enclin ».

Là où le bât blesse, c’est que l’ambiance pré-apocalyptique de l’univers dépend beaucoup de la menace que les « Enclins » font peser sur le monde. Cependant, dès lors qu’ils sont limités en nombre –sept- dont plus de la moitié sont résolus, l’inéluctabilité de la fin de toutes choses est grandement atténuée ce qui s’avère dommage… Je vous rassure, le tout reste bon, foi de Griffon…


Là où Dragon Age parvient à se démarquer des classiques, c’est dans une construction sociétale singulière, y compris dans le traitement des races fantastiques à l’instar des nains et des elfes. L’archétype du peuple nain reclus dans ses montagnes a été poussé à son paroxysme, pour accoucher d’un royaume souterrain xénophobe régi par un système de castes rigide, très inégalitaire, dirigé par des nobles corrompus ne lésinant par sur le chantage, le meurtre et les enlèvements pour parvenir à leurs fins. Ici, finie l’image du nain brave, fraternel et incorruptible. On regrettera par contre la présence du stéréotype du bagarreur soiffard proche du Gimli des films Seigneur des Anneaux ou de leur « suite », The Hobbit.

Quant aux elfes, faîtes un trait sur des créatures sages, majestueuses, détachées des mortels. Beaucoup d’elfes sont, dans Dragon Age, des êtres serviles cloitrés au sein des cités humaines dans des ghettos miséreux. Ils possèdent au mieux des postes subalternes, au pire sont réduits à la mendicité dans le plus extrême dénuement. Demeurent les « Dalatiens » : des elfes sauvages qui se déplacent de forêts en forêts tout en tentant de préserver leurs traditions perdues. Même eux ne sont plus que l’ombre de leur gloire passée et une grande majorité ne sont qu’aveuglés par la haine qu’ils nourrissent envers les humains.

Ajoutez à ça de nombreuses quêtes épiques, des intrigues temporelles tordues, une réflexion de surface sur la place de la religion au sein de nos sociétés etc pour obtenir un univers dans lequel il y a de quoi s’amuser : vos joueurs de JDR pourront facilement y trouver des points de repère narratifs sur lesquels ils pourront construire un personnage à la personnalité riche et à l’histoire intéressante. Quant aux motifs d’aventure, ils ne manqueront pas même si la majorité de vos adversaires se cantonneront à être des Engeances, des humains et un bestiaire de créatures magiques relativement peu diversifié.

Abordons maintenant les points noirs au tableau : tout d’abord l’absence de personnages non joueurs (PNJ) emblématiques. Il n’y en a tout simplement pas – ou très peu. Ce manque constitue un défaut significatif au sein du contexte narratif général. L’on pourra me rétorquer qu’un bon MJ pourra créer aisément de tels référentiels, ce qui est exact, sans pour autant oublier que ces éléments sont normalement indispensables à un univers médiéval fantastique d’inspiration classique. Reste quelques-uns des compagnons du joueur dans le jeu vidéo qui possèdent un charisme et une destinée hors du commun et pourront être réutilisés par un maître du jeu en mal d’imagination.

Quant aux dragons, on oscille entre des monstres très intelligents, calculateurs et de stupides bêtes écailleuses qui n’ont soif que de richesse et de destruction. Bref, loin de l’image que l’on pourrait se faire d’un être qui donne son nom au jeu…


Un système de jeu classique


Là ou Dragon Age JDR possède une véritable force, c’est dans son système de jeu qui emprunte beaucoup à des références dans le domaine, à l’instar de l’ancien Star Wars, Qin ou encore Banshee. Ce n’est pas bien sorcier : à chaque action est attribué un seuil de réussite (SR) à atteindre en jetant les dés et en y ajoutant le bonus possédé par le personnage dans un de ses attributs(pour exemple : Ramrod cherche à dessiner un Graphon Licorneux, la difficulté estimée par le MJ est de 15. Il lance trois dés, additionne les résultats ainsi que la valeur de son attribut Ruse et obtient un score final de 22. Réussite ! Le Graphon Licorneux a bien été dessiné et sera inclus dans le bestiaire de T.A). Des « focus », sortes de spécialisations, peuvent offrir un léger bonus supplémentaire au personnage. Dès lors que vous avez retenu cette règle, vous pouvez d’ores et déjà jouer à Dragon Age JDR…

Le jeu joue également la carte oldschool avec des classes de personnages –là ou les jeux sortis post-années 2000 laissent une plus large liberté lors de la genèse de son avatar avec des PJ créés « à la carte ». Quant aux attributs, ils sont également tirés aléatoirement selon une vieille méthode consistant à jeter 3D6. Toutefois, un système intelligemment pensé permet d’éviter de trop gros déséquilibres entre un joueur chanceux et un autre qui le serait moins… Saupoudrez le tout avec un système de magie facile à appréhender et vous pourrez vous lancer dans l’univers de Thédas à corps perdu.

Le système de jeu, simple, n’en demeure pas pour autant simpliste. Quelques mécanismes agrémentent les jets de dés, sporadiques, afin de casser l’aspect linéaire échec/réussite des actions. De nombreuses tables de stunts offrent un peu de fraicheur et viennent implémenter une petite touche d’épique –ou de dramatique- au sein des aventures. Chose qu’on ne croise pas souvent : il existe de très nombreux stunts sociaux qui permettent à des personnages à l’aise à l’oral de briller autour de votre table.

Naturellement, on ne peut pas faire figurer Dragon Age JDR à côté d’icônes comme D&D, Qin, Ambre etc. Cependant, il parvient à tirer son épingle du jeu…


Conclusion en queue de dragon


On pourrait tout à fait présenter Dragon Age comme un jeu de rôle d’initiation qui pourra satisfaire tant les jeunes joueurs que les vétérans. Avec un bon maitre du jeu qui parviendrait à combler les lacunes du contexte narratif (qui demeure bon tout de même), vous pourrez jouer à ce JDR sans trop de prises de tête.

Chose intéressante, à sa sortie, DAO (le jeu vidéo) avait été annoncé comme un retour, modernisé, aux anciens RPG à l’instar de Baldur’s Gate&Co. Il en va de même avec Dragon Age JDR qui reprend de vieilles mécaniques de jeu et exploite un univers médiéval-fantastique qui, à l’heure actuelle, tendent à se faire très timides : une flopée de JDR sortis à partir de 2005 environ sont des jeux narrativistes. Beaucoup prennent d’ailleurs place dans des univers anticipatifs, de science-fiction ou alternatifs : des codes et des créatures sont empruntés à la fantasy sans pour autant lui faire la part belle. Beaucoup de ces productions sont de qualité, d’autres malheureusement, donnent dans le grand n’importe quoi… Il est donc parfois plaisant de revenir à de vieux systèmes dépoussiérés comme Pathfinder ou Dragon Age JDR (alors que paradoxalement, la suite du jeu vidéo est rentrée dans le "moule" des mécaniques de RPG contemporaine).





Merci à Ramrod pour Fulgur


En train d'élever un griffon...
^