Sur le style
La littérature est une manière de dire qui dit par la manière.
Les principales figures de style (1/2)
Le style. Depuis l’antiquité, nous savons qu’un texte ne se limite pas aux messages qu’il transmet (à ce qu’il « veut dire ») : une lecture attentive implique nécessairement de prêter attention à la façon dont le texte informe ces messages (à la « manière dont il dit »). La forme, loin d’être le véhicule transparent de nos idées, est en fait un outil dont nous nous servons quotidiennement pour « fabriquer » des concepts : non seulement il n’existe pas deux énoncés qui ont exactement le même sens, c'est-à-dire qu'il n’existe pas deux manières de dire une même chose, mais encore chaque langue produit des concepts intraduisibles dans les autres langues. Travailler sur le style, c’est réfléchir aux interactions entre forme et fond. L’étude du style permet de mieux saisir les enjeux d’une écriture (quelles sont ses objectifs ? quels effets cherche-t-elle à provoquer sur le lecteur ?) ainsi que les caractéristiques formelles qui lui sont propres (qu’est-ce qui distingue « mon style » de celui d’un autre ?). Pour dire les choses simplement, il s’agit de comprendre comment les mots agissent sur nous et comment, à l’inverse, chacun de nous façonne la langue à son image.
Les figures de style. Elles sont omniprésentes, que ce soit dans les textes littéraires, à la télévision, dans la publicité, mais aussi dans le langage de tous les jours. La plupart du temps nous les utilisons sans même nous en rendre compte, de manière intuitive, mais ce n’est pas pour autant qu’elles n’exercent pas d’effet sur nous. Pour en rester à une approche "pratique", on pourrait définir une figure de style comme un écart expressif par rapport à une norme langagière : il s’agit de dire « autrement » afin que, dans son étrangeté même, l’énoncé gagne soudain en force d’évocation ou laisse entendre des liens nouveaux, des associations inédites entre les éléments du discours. L’expression « figure de style » est elle-même construite autour de deux procédés stylistiques : une métaphore (la « figure » prend ici un sens abstrait et non plus graphique) et une métonymie (le « style » ne désigne plus un outil d’écriture mais l’écriture elle-même). Comme on peut le voir ici, les figures de style provoquent des "glissements" dans le sémantisme des mots qui leur permettent d'inventer ou de construire de nouvelles significations, repoussant ainsi les limites de notre pouvoir d'énonciation.
Reconnaître une figure de style. Être capable de reconnaître une figure de style (même sans en connaître le nom) permet d’éviter certains contresens, mais également de mieux comprendre la logique, le fonctionnement interne du discours. Pour identifier une figure de style, on peut essayer de reformuler l'énoncé afin de lui donner une couleur plus "neutre" et comparer l'effet que produisent sur nous les deux variantes. Par exemple, on pourrait remplacer « il n’est pas très grand » par « il est petit » : le sens varie peu, mais l’effet n’est plus du tout le même ; on reconnaît ici le procédé de l’euphémisme qui permet d’atténuer la violence d’une affirmation pour ne pas choquer.
Un même énoncé peut, selon la situation, produire des effets différents : si je reprends l'exemple « il n’est pas très grand » en l’employant cette fois-ci à propos d’une personne que je n’aime pas et que je cherche à blesser, celle-ci n’aura plus du tout la même signification : « il n’est pas très grand » voudra alors dire « il est tout petit / il est ridiculement petit ». Il ne s’agit plus là d’un euphémisme mais d’une litote, qui consiste à feindre d’atténuer son propos pour, en réalité, en renforcer la violence. Il faut toujours étudier les figures de style à la fois dans leur contexte (les circonstances qui entourent le discours) et dans leur co-texte (les paroles qui précèdent ou qui suivent).
17:13 - 23 nov. 2015
Les principales figures de style (2/2)
Il existe des centaines de figures de style (et même les spécialistes ne les connaissent pas toutes !), nous n’aborderons donc ici que les plus communes. On peut classer sommairement les figures de style en fonction de l’effet qu’elles cherchent à produire.
Les figures d’amplification
- Une hyperbole : c’est un procédé qui consiste à exagérer ce que l’on dit. Exemple : « je suis mort de faim » (celui qui parle n’est pas effectivement mort).
- Une litote : c’est le fait de dire le moins pour suggérer le plus. Exemple : « il n’est pas très malin » (pour : « il est franchement bête »).
Les figures d’atténuation
- Un euphémisme : il s’agit d’atténuer la violence de son propos pour ne pas heurter l'interlocuteur. Exemple : « il nous a quitté » (pour : « il est mort »).
- Une périphrase : cela revient à exprimer une chose sans l’évoquer directement. Exemple : « celui dont on ne doit pas prononcer le nom » (pour : « Voldemort »).
Les figures d’association (ou images)
- Une comparaison : c’est le fait de rapprocher deux réalités au moyen d’un outil de comparaison (comme, pareil à, semblable à, tel, etc…), la comparaison marque une ressemblance entre deux choses. Exemple : « il est fort comme un Hercule » (du nom du personnage mythologique, Hercule, réputé pour sa très grande force).
- Une métaphore : c’est le fait d’associer (plus que de rapprocher) deux réalités différentes. Là où la comparaison marque la ressemblance, la métaphore au contraire exprime l’identité et n’utilise pas d’outil de comparaison. Exemple : « c’est un Hercule ». Dans la métaphore, parfois le comparant (c’est-à-dire ce à quoi l’on compare) est exprimé, c’est le cas dans « l’amour est une flamme » : on parle alors de métaphore en présence. Mais parfois aussi, l’auteur choisit de ne pas exprimer le comparant, on peut penser à l’expression « dire sa flamme » (pour « dire son amour ») : c’est une métaphore en absence.
- Une personnification : il s’agit d’attacher des caractéristiques humaines à ce qui ne l’est pas. Exemple : « Le ciel pleure » (pour « il pleut »). Lorsque la personnification est filée (c’est-à-dire qu’elle s’étend sur plusieurs phrases ou vers) on parle d’allégorie.
Les figures de répétition
- Une anaphore / une épiphore : l’anaphore consiste à répéter un mot ou un groupe de mot en début de phrase / de vers / de proposition. Exemple : « Aimer à loisir, aimer et mourir / Au pays qui te ressemble » (Baudelaire). L’épiphore, un peu plus rare, est une répétition en fin de phrase / de vers / de proposition. Exemple : « Rendons à César ce qui est à César ».
- Un parallélisme : on parle de parallélisme quand deux phrases ou deux vers ou deux propositions possèdent une même structure grammaticale, en sorte qu’elles se font écho. Exemple : « Je le vis, je rougis, je palis à sa vue » (Racine), ici, chaque proposition est constituée d’un pronom personnel sujet et d’un verbe. Il est fréquent que le parallélisme s’appuie sur une anaphore (ici, anaphore de « je »).
Les figures de logique
- Une antiphrase : c’est le fait de dire le contraire de ce que l’on pense, ce procédé est couramment utilisé comme marque d’ironie. Exemple : « Tu as perdu, qu’est-ce que tu es fort à ce jeu ! » (pour « tu es nul à ce jeu »).
- Un paradoxe : c’est le fait d’associer deux éléments qui normalement ne devraient pas aller ensemble. Exemple : « Le soleil noir de la mélancolie » (Nerval), « soleil » et « noir » ne fonctionnent normalement pas ensemble. Quand le paradoxe réunit deux éléments directement contradictoires (comme « pleurer de joie »), on parlera plutôt d’oxymore.