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Pauvres âmes

Recueil (rapatriement de TA1.5)

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  • 79 réponses

24 avr. 2016 - 02:22

Travaux en cours

J’ai vu souvent des pleurs tomber pour moins que ça ;
Tous, nous sommes suivis des yeux par la tristesse.
Tu n’es pas la première ici qui s’abaissa,
Je ne suis pas le seul, hélas ! que ta faiblesse
Enivre. Mais l’espoir-parce que c’est moi qui,
A chaque égarement que tes charmes t’imposent,
Récolte ton regret, ta douleur et ton cri,
Tandis que ces garçons, où tes envies te posent,
Doivent se contenter d’un corps abandonné
(Pauvres émois !) ; en voyant ta belle âme
Chercher si vainement quelque amour cartonné,
L’espoir, disais-je, est là comme une flamme,
Prêt à s’éteindre : il m’abandonne enfin.
Mais soit, je ne critique pas la rose,
Je cultive la fleur, je contente sa faim,
Et redresse sa tige en niant l’ecchymose.

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Et le long de ces quais où les raisons se meuvent
Souvent je déambule, à l’heure où naît la nuit,
Pensif, obscur et froid, suivant - comme elle fuit,
Ces réverbères lourds d'où les lumières pleuvent.

Les blancheurs obscurcies des voilures m’émeuvent.
Jusqu'aux proues enchaînées, c'est mon sort qui reluit ;
Le mal, au soir fuyant, épand son mauvais fruit
Comme un voile brumeux dont les ombres s'abreuvent.

Ainsi toi-même, folle ! à cette heure invincible,
Depuis ces mornes quais où je suis retenu,
Tu glissas dans l'abîme et ton corps si menu
Demeura dans l'éther sans nuage, paisible !

A quoi bon maintenant quitter cette insensible
Fange ? Je ne suis qu'ombre, étrange détenu,
Et j'erre, emmitouflé dans ce linceul ténu
Qui te borde le soir dans ta couche indicible.

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Couchée sur le côté, comme une louve morte,
Épuisée, tu te bats contre de vieux démons
Qui taraudent ton cœur comme j'ouvris la porte
Des secrets refoulés à l'abri des sermons.

De ces vérités nues, il ne reste qu’images,
Paroles inventées, peine et lent châtiment :
L’imagination, la plus vieille des mages,
Fond la raison glacée au brûlant sentiment.

Je regarde, impuissant, vaciller cette flamme
Qui brûlait (il y a, je crois, déjà longtemps)
Indéfectiblement et caressait mon âme
Mieux que soixante-neuf mois sucrés de printemps.

Je voudrais tant sécher l’anxiété sceptique
De tes aphones pleurs en la noyant de mots !
Mais mon visage, amer, reste cataleptique,
Comme vaincu par la tourmente de tes maux.

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Parfois lorsque je laisse à ma plume le soin
....De soulager mon cœur des peines,
De chasser par les mots ses maux d’amour au loin,
....De le purger de ses déveines,

Je la vois lentement se fendre d’un sourire
....Lourd d’un sarcasme déplacé
Et répandre son encre en vibrant de plaisir
....Sous mon regard sombre et glacé.

Ses mots sont des couteaux ; tranchant dans ma faiblesse,
....Ils me dissèquent ; et la belle
Goûte non sans délice à la scélératesse
....En tournant là sa ritournelle.

Et ma feuille, traîtresse, insipide complice,
....Bien sûr se laisse séduire
Puis toutes deux tournoient, me mettent au supplice,
....Quand l’évidence vient luire :

Les folles pointent là –en perfides sibylles–
....Un cœur soûlé de mièvreries
Tétant le sein tari de frivoles idylles
....Enflé de destinées flétries.

Bercé dans leur écharpe insondable et obscure,
....Il boit ce laid qui l’étourdit ;
Lors, au lieu de guérir sous une aimable cure
....Mon cœur un peu plus s’alourdit.

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Ma vie sentimentale est un morne terrain
Croulant sous la broussaille et l’âcre salissure,
Une plaine isolée que mord la flétrissure,
Sous l’or fallacieux d’un soleil souverain.

Seuls quelques arbres morts hantent ce vaste écrin,
Brandissant des bras nus où court la moisissure,
Pendant qu’au plus profond la terre se fissure,
Noyée dans la chaleur d’un pesant ciel d'airain ;

Les vents des passions soufflent loins leurs tourmentes,
Et le ciel, sur la plaine et ses terres dormantes,
Étend son flanc tari comme un sec abreuvoir ;

Sous le halo cuivré que l’astre en fuite arbore,
Ma plaine voit mourir le jour comme l’espoir,
Et la pâle noirceur de la nuit la dévore.

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Ô, vous, grand séraphin, si l’eau, le feu et l’air
Se plient à vos désirs tels de loyaux valets,
Si le monde entier tourne entre vos doigts replets,
Si vous êtes si grand, apaisez ma colère !

Oubliez les nuées, le ciel et les éclairs,
Les flots torrentiels, les monts béants de plaies,
Oubliez votre Nom, le Fils, le Paraclet,
Et concentrez sur moi votre esprit tutélaire ;

Car mon âme baignait doucement dans l’extase
Quand mon cœur, l'y noyant, s'enlisa dans la vase
De ce qu’ici-bas tous appelleraient l’amour.

Montrez-moi le pardon, s'il est vrai que vous êtes...
Je ne suis plus aveugle, ô, Dieu ! bougre de sourd ;
La nymphe de mes eaux à d'autres eaux se prête.

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Angélique visage où la mignonne pleure,
Livrant à mes yeux las de ces séductions
L’âcre vacuité de ses afflictions
Qu’illumine aujourd’hui ce mépris qui l’effleure.

Elle me plut autant qu’ainsi elle m’écœure ;
Pourtant, loin de la haine où ploient les passions,
C’est dans son sourd ressac de désaffections
Qu’un cœur qu’elle entraîna soudainement demeure.

Belle, étouffe ces pleurs, ces charmes déguisés ;
L’accablante douceur sur moi comme l’eau glisse
Jusqu’à ton gouffre infâme, obscur et froid complice

– Je suis l’âpre falaise aux brisants aiguisés
D’où mon dédain superbe en sa splendide ivresse,
Caressant ton abîme, abîme ta caresse.

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Chers instants oniriques
Où mon esprit sombrait,
Je dois vous dire adieu.

Vos fables idylliques
Tombent au couperet
D’un imparable automne.

Le sort m’a rattrapé ;
Je vois le corps et l’âme,
Le bonheur et le pieu.

Je dois choisir, happé,
Comme cette oriflamme
Au vent qui s’abandonne.

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Ô seigneurs dévastés, vivez dans l’opulence,
Poudrez-vous de l’abject, et de l’immortel rance
Dont ne se méfiaient pas assez vos vieux aïeuls !
Allez donc et vivez sans souci des linceuls,
Tétez le sein tari de mère Inconséquence,
Venez, repaissez-vous de la flatteuse absence
De culpabilité ; cet éternel remord
Qui damne entre vos reins l'immoral le moins fort !

Vous obligerait-on à justifier vos actes
A répondre des fous qui signèrent vos pactes,
Que vous vous fendriez de sourires ingrats,
Que se déformeraient vos faces de verrats
Dans un branle de transe hoqueté par des spasmes
Comme après les alcools qui hantent vos fantasmes
Quand, dans l’instant subtil où peut tomber l’éclair,
Vous oubliez la joie de brader vos en-chair !

Soit ! Faites-vous les pions de vos basses folies,
Crachez sur les tombeaux pleins de mélancolies
Où s’agitent les corps des damnés repentants
Qui vous mettaient en garde ; vivez en votre temps,
Et ne le perdez pas à prendre en compte l’âme,
Donnez-vous jusqu’à perdre, étouffez votre flamme,
Jouissez d’autres corps : là seul sont vos instincts !
Multipliez les goûts et les contacts succincts !
Mêlez votre salive à celle la plus proche,
Ne vous souciez pas de vous rendre plus moche
Puisque vous trouverez ce qui vous rendra beau ;
Flirtez sans réfléchir, au Diable le tombeau !
Sucez, mordez, rongez ! La peau que l’on habite
Ne vaut pas le plaisir de cette sainte bite.

Au feu la bienséance ? Ô, ce siècle acclamé
Où la fausse indulgence empêchera d’aimer
Vous tue ! Ne faites pas souffrir pour des idées
Piochées dans une envie d’époques débridées,
N’abandonnez pas sans cœur un bout de votre corps,
Marchez, ne rampez pas dans la fange des porcs !

Ou sur vous s’abattra le jugement infâme,
Celui seul qui pourra vous toucher dans son blâme,
Celui qui détruira à jamais vos boyaux,
Vous fera envier le sort de vos bestiaux,
L’implacable regard de votre éternel autre.
Lui qui doit devant vous plier comme l’apôtre,
Votre âme-sœur, celui qui n’est fait que pour vous ;
Sa haine ou sa pitié vaudra tous les courroux.

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Lentement ils s’avancent. Énormes. Douloureux. Ils sont gris mais l’opale est pâle à côté d’eux. La profondeur les hante. Leurs bords déchiquetés se brûlent à la lumière. S’embrasent. Se déchirent. Un lent et silencieux divorce. Inexorablement. On les souffle. Ils n’ont jamais le choix. Ni de naître ni de mourir. Ils passent plus qu'ils ne sont. Ils se succèdent. Râlent, grondent, s’énervent. Puis passent. Et l’eau sale ruisselle quand leurs couches se gorgent. Croient-ils donc se purifier quand crachent leurs douches ? Non messieurs. Quand ça crache, ça pleure. Ça pleure de ne pouvoir rien faire. Rien faire, sans qu'ils ne meurent. Savent-il que le ciel sans eux serait bien terne ? Mais ils n’ont que faire du ciel. Puisqu’ils mirent la terre. Perdus dans leurs songes tristes lentement ils s’avancent, puis passent.

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Les mots se rient de moi, les rimes me dédaignent,
Images et syntaxe, en se voyant, soupirent
Comme des estropiés, dont le soignant transpire
Quand il sent l’impuissance où peu d’acquis l’astreignent.

Quand je veux soulager mon pauvre cœur qui saigne
Ce sont des pleurs de joie que mes râles inspirent ;
Mais quand je veux livrer ma joie c’est encor pire :
Ce sont des pleurs que j’ois, et tous les cœurs s’éteignent.

Oubliez la beauté, les parfums éoliens,
Les finesses d’or pur, les marbres couleur d’encre ;
Rien de tout ça ne sort de mes souillures cancres.

Ne trouvez pas de sens, ne cherchez pas de liens,
Chaque mot que j’écris ne dévoile que lui,
Je suis le poète
Maudit.

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Message posté le 14:09 - 28 avr. 2016

J'aime beaucoup ces trois vers, je ne sais pas pourquoi :

Le sort m’a rattrapé ;
Je vois le corps et l’âme,
Le bonheur et le pieu.


  • 9 sujets
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Message posté le 20:42 - 30 avr. 2016

Merci pour ton commentaire. Que tu ne parviennes pas à l'expliquer me plaît beaucoup. Comme ces trois vers, un peu plus, maintenant.

  • 14 sujets
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Message posté le 20:17 - 3 mai 2016

Découvrir ce recueil était très agréable. La finesse sentimentale qui s'y dégage est inspirante ; ta poésie a su exacerber ma sensibilité. Merci :)

  • 9 sujets
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Message posté le 19:23 - 4 mai 2016

Oh, merci ! Ravi d'avoir inspiré un confrère, bonne écriture !

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