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Mécamagie

Écriture à quatre mains avec Kittypwa

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17 nov. 2015 - 23:10

Lorsque Mélie Kaalam reprit conscience, la fumée n'était pas tout à fait dissipée, et des flux irisés s'échappaient encore des lieux du sinistre.
Les sons étaient atténués, Melie crut tout d'abord être encore assourdie par l'explosion, puis elle constata qu'elle portait encore son casque de protection.
Le visage familier de Luane emplit son champ de vision, ses lèvres bougeaient mais Mélie n'entendait rien.
Sa collègue lui retira sa protection auditive : « Mél ? Tout va bien ? Tu n'es pas blessée ?
- Ça peut aller. » répondit-elle d'une voix faible qui se perdit dans le vacarme de la panique et des machines encore en fonctionnement des ateliers voisins.
« Mél, je t'entends pas. Tu vas bien ?
- Ça ira. » dit-elle d'une voix plus forte. « Les autres vont bien ?
- Il faut te sortir d'ici, je vais t'aider à te relever.
- Amina. Kera. Est-ce qu'elles vont bien ? »
Le regard de Luane s'attrista.

Les accidents étaient bien plus fréquents à la manufacture Olan & Fils que dans les autres ateliers de la capitale. On y tissait des uniformes pour la Garde Nationale, et les sorts de protection nécessitaient de hauts niveaux de magie. Quotidiennement, des ouvrières étaient blessées par les machines thaumiques. Il y avait parfois des morts. Mais cela importait peu pour ses dirigeants tant l'offre de main d’œuvre était importante. La plupart des femmes de Roïna et du pays avaient un père, un fils, un mari ou, dans le cas de Mélie Kaalam, un frère à la guerre. Tisser et renforcer des tuniques de la Garde chez Olan & Fils était le seul moyen qu'elles avaient de les protéger.
Cependant, la perte d'une machine serait vécue comme catastrophique pour Olan, et pas seulement à cause de l'impact financier. Les mages traditionalistes y verraient un argument supplémentaire à mettre dans leurs diatribes contre la magie manufacturée, et les journaux en feraient leurs choux gras.
Mélie venait de perdre deux collègues et amies, et en plus de cela, Luane et elle perdraient bientôt leur unique moyen de subsistance.

-

Luane regarda le ciel chargé de nuages avec un œil morne et protégea sa cigarette tandis qu’elle l’allumait. Tirant un peu sur le petit rouleau de tabac, elle inspira une grande bouffée puis essaya de la garder en elle le plus longtemps possible. Cette bouffée était pour elles, les deux accidentées tragiques. Elle expira lentement, pensant aux deux défuntes, adossée au mur de l’hôpital St-Mirtan et offrit son visage à la pluie pour y dissimuler ses larmes.

« Une autre cité engloutie par le Mal Vert ! Une autre populace à réfugier contre la faim et la soif! Pour un Peuple dirigé par les Mécas, ce serait impossible, mais grâce à notre savoir ancestral et notre sagesse centenaire, nous avons le pouvoir et le devoir de venir en aide à ces pauvres infortunés! À ces… »

Avec un grognement Luane se poussa du mur pour se relever et se redirigea vers l’entrée de l’hôpital. Elle ne pouvait plus supporter tous ces discours, que ce soit des Traditionnels ou des Mécas. Après tout ni l’un ni l’autre ne pouvait réellement subvenir à leurs besoins. Pendant qu’ils se chamaillaient comme de vulgaires gosses, le Peuple crevait la dalle et le Mal Vert se répandait toujours plus vite. Elle prit une autre bouffée et jeta un œil de l’autre cotée de la porte vitrée. Mélie semblait s’être remise de l’accident, physiquement du moins. Sa collègue était en train de "s’exercer les poumons" comme elle le disait, sur une réceptionniste à lunettes. Luane esquissa un sourire qui ne réussit cependant pas à atteindre ses yeux et pénétra dans le bâtiment.

« … je vous assure Madame Kaalam nous n’avons rien de plus à vous dire. » Mélie n’en croyait pas ses oreilles: on essayait de lui vendre que l’explosion thaumique n’avait eut aucun effet sur son corps. La femme se redressa au maximum et, s’appuyant contre la table avec ses doigts crispés en poings, elle s’adressa à la fonctionnaire avec une voix emplie d’un mépris marqué.
« Vous êtes en train de me dire que cet accident ne m’a rien fait du tout? Vous voulez me faire comprendre que vous ne m’avez fait que des tests de qualité manifestement médiocre et que je vous paie huit cent ducats pour ça ? Vous vous fichez de moi ! »

Luane baissa la tête et décida de ressortir, finalement elle préférait le serein chaos des ruelles de la capitale. Les fenêtres derrière elle tremblèrent un moment et Luane devina que son amie déversait toute sa frustration sur la réceptionniste. Elle soupira et sa main descendit automatiquement vers sa poche de manteau avant qu’elle ne puisse l’arrêter : une seule cigarette par jour, elle n’avait pas assez d’argent pour plus. Sa gorge émit un son sourd de frustration pendant un moment puis elle se détendit, l’envie était passée.

La porte s’ouvrit à coté d’elle et elle découvrit la femme à lunettes qui s'éclaircit la voix avant de lui demander si elle était une amie de la tarée à l’intérieur. Après avoir eu son affirmation la réceptionniste lui annonça que la garde était arrivée et avait été forcée d’utiliser la violence afin de la calmer.
« Nous vous prions donc de l’emmener chez elle avec sa facture. » Elle lui tendit le bout de papier et, une fois qu’elle s’en était débarrassée, disparut à l’intérieur du bâtiment suivit de près par Luane.

-

Elle était morte, et il n'avait pas encore osé le lui dire. Serrant la lettre dans son poing, Ronan Kaalam écoutait Jim vanter les qualités de sa belle et douce Kera. Les autres soldats autour du feu de camp l'écoutaient aussi, attendant leur tour d'exposer le programme de leur prochaine permission, les familles qu'ils retrouveraient, les filles qu'ils iraient voir, les tavernes qu'ils écumeraient.
Ronan ne pouvait pas lui dire maintenant, pas en public. Mais écouter Jim parler de Kera comme si elle vivait encore était trop douloureux. Serrant plus fort encore la lettre de Mélie, il se leva et s'éloigna du feu pour s'enfoncer dans la forêt.
« Eh Ron ! Tu ne restes pas ? » l'interpella Jim.
« J'ai un peu trop bu, je reviens. » Ronan espéra que sa voix n'avait pas tremblé. Mais Jim lui répondit simplement : « Pisse donc sur le Mal Vert de ma part ! »
Ronan marcha jusqu'à trouver un mur derrière lequel se cacher. Il y en avait beaucoup dans cette forêt. Celui-là portait encore des fers à cheval cloués dans le mortier entre les briques, sans doute l'atelier d'un maréchal-ferrant de cet ancien village envahi par la végétation.
Le Mal Vert était un ennemi qu'ils devaient combattre autant que les haubernois. Ils avaient souvent dû battre en retraite après une percée, non à cause de la résistance des soldats de l'empire, mais des fougères, des lianes et des champignons envahissant leurs lignes.
Ronan posa son fusil et s'affala contre le mur et inspira profondément, puis il vit qu'il n'était pas seul.
Installé dans les branches d'un arbre juste devant lui, Krasten le fixait du regard. Le tireur spécialiste jouait avec une de ses balles, la faisant rouler entre ses doigts. Il tenait son fusil renforcé de son autre main, caressant la détente de son index.
Les autres tireurs du régiment auraient été horrifiés de le voir jouer ainsi avec des munitions instables et son fusil chargé. Les balles thaumiques étaient dangereuses, et un tireur ne devait les sortir de sa bourse gravée de runes de protection que pour les engager dans la chambre de son fusil, juste avant de tirer.
Mais Krasten aimait le danger, à tel point que Ronan ne savait pas ce qui était le plus redoutable : une balle chargée d'énergie instable, ou un tueur froid comme Krasten, même à mains nues.
Ronan n'avait jamais eu l'occasion de combattre aux cotés du tireur, mais il avait entendu les histoires du siège de Telakan. Lorsque les soldats impériaux étaient entrés dans la ville, le score des viols et meurtres de civils était déjà ouvert.
En public, Krasten n'aurait pas manqué de faire des commentaires sur son malaise visible. Mais ici, il se contentait de fixer Ronan comme s'il lui reprochait de ne pas être un soldat sans âme comme lui.
Le tireur tourna soudain le regard dans une autre direction. Ronan ne voyait pas ce qu'il avait vu, mais il leva quand même son fusil. On pouvait faire confiance à Krasten quand il s'agissait de repérer quelque chose à tuer.
Le tireur fit signe à Ronan, le mouvement de main signifiait "va prévenir les autres", le doigt vers l'oreille "en silence".
La décision était justifiée, Ronan ne pouvait tirer aussi rapidement que Krasten avec son fusil à poudre qu'il fallait recharger. Il se releva aussi silencieusement que possible et revint vers le campement en espérant ne pas entendre trop tôt le sifflement caractéristique d'une balle thaumique.
Ronan prit son fusil en main et essaya tant bien que mal de marcher le plus calmement possible. Si les soldats de l'empire haubernois étaient capables de s'approcher aussi près, il était quasiment certain qu'ils pourraient le tuer à l'instant voulu. Le tout était de voir si ils étaient au courant qu'ils avaient été repérés. La meilleure manière de les rassurer était de ne leur donner aucune raison de s'inquiéter. Ronan essaya d'avoir l'air décontracté et siffla un air un peu vieillot, changeant et modulant la mélodie, montant toujours plus haut pour enfin arriver à la note caractéristique de l'alarme.
Ronan se projeta derrière un pan de mur à moitié écroulé, histoire d'éviter le barrage de tirs qui allait certainement s'abattre sur lui. On n'appréciait jamais quand le guetteur ennemi donnait l'alerte et il n'était pas rare qu'il soit le premier à être ciblé. Bien rapidement, le soldat entendit des balles qui perforaient l'air et les cris d'agonies de ceux qui étaient touchés. "Krasten…" le vacarme ne provenait que de sa direction. Ce pouvait-t-il que finalement le tireur ait décidé de se sacrifier pour donner du temps à la troupe d'organiser une contre-attaque ? Prenant son courage à deux mains, Ronan se retourna et rebroussa chemin, restant bas.
Il pouvait entendre ses amis, ses compagnons d'armes qui répétaient l'alerte, criant "aux armes !", "l'ennemi !" et d'autres choses qu'il ne prit pas le temps de comprendre. Il fallait qu'il vienne en aide a Krasten. Il fallait qu'il arrive à temps. Une partie de son cerveau ne pouvait s’empêcher de se demander comment l'ennemi avait-il réussi à déterminer avec autant de précision leur position et réussi à s'approcher autant sans que les runes de dissimulation ou de détection métallique n'aient étés déclenchées. Un traître ? Il ne préférait ne pas trop penser à cette possibilité. Il accéléra encore.
Finalement, il déboucha à l'endroit où il avait rencontré le tireur plus tôt. Il pouvait distinctement entendre les tirs répétés et les cris mais ce qui lui glaça le sang était le rire. Un rire de pure joie, d'un gamin qui a reçu son premier jouet. Sauf que le gamin en question était posté en haut d'un rocher avec un fusil renforcé posé sur sa hanche, tirant à cœur joie sur plusieurs personnes en contrebas.
Ronan sentit son cœur lui monter à la bouche ; il ne pouvait entendre d'autres tirs que celui de Krasten ; ni allié, ni ennemi. Pourtant, l'homme ne s'arrêtait pas et les râles des mourants et des souffrants lui parvenait d'en-dessous. Il jeta un coup d’œil par-dessus le surplomb pour découvrir une troupe d'hommes se cachant tant bien que mal de la pluie mortelle.
La première chose qu'il remarqua était le manque d'uniformes et d'armes. Ce n'étaient pas des soldats. Puis leur teint : plus pâle, grisonnants pour certains. Ils avaient l'air d'avoir du mal à respirer, à se déplacer même. Certains de leurs membres avaient l'air étrange ; ils avaient la mauvaise forme, la mauvaise couleur. Ronan comprit enfin.
« Krasten arrête ! Ce ne sont pas des ennemis, Krasten ! »
Krasten s'interrompit et regarda le soldat droit dans les yeux. Puis avec un sourire dénotant une parfaite et complète joie quasi infantile, il répondit : « Ce sont des pestiférés, le Mal Vert les a eu. Je m'en fous, je m’ennuie. » Et il se relança de plus belle à son activité favorite.

-
« Nom ?
- Lasheena.
- Prénom ?
- Alisse.
- Tu sais faire la vaisselle ?
- Oui.
- Atelier de récurage des marmites, présente-toi porte trois. Elles sortent juste du moule alors fais attention…
- J'ai des gants renforcés pour ne pas me brûler. »
Le contremaître leva les yeux de sa feuille et regarda Alisse avec un petit sourire.
« J'en ai rien à foutre de tes mains, ma petite. Mais si tu déformes un fond de marmite tu peux dire au revoir à ta paye… Allez au boulot ! »
Alisse Lasheena franchit l'entrée de la manufacture. Le contremaître cria : « Suivante ! »
La même scène se répétait depuis cinq heures du matin, comme elle se répétait tous les jours devant toutes les manufactures magiques de Roïna qui embauchaient du personnel non qualifié.
La suivante s'avança devant la table du contremaître.
« Nom ?
- Kaalam.
- Mélie Kaalam ? »
Mélie s'y attendait, ce n'était pas la première fois qu'elle vivait cette scène. Elle garda son calme :
« Oui. Vous me connaissez ? »
L'homme se leva de sa chaise, il dépassait Mélie de deux têtes.
« De la manufacture Olan ?
- Oui.
- Dégage ! On veut pas de toi ! »
Et il repoussa violemment Mélie en arrière. Elle fut déséquilibrée et serait tombé si la foule n'avait pas été aussi dense. Elle se réceptionna cependant dans les bras de Luane et sur le pied d'un homme âgé, l'un des rares à ne pas être au front.
« Ah ! Mon pied ! »
Mélie ne prit pas le temps de s'excuser et revint à la charge vers le contremaître : « J'ai fabriqué des uniformes renforcés et vous ne me croyez pas capable de fabriquer de bêtes autocuiseurs ?
- On sait ce qui s'est passé chez Olan. On ne prend pas les ouvrières qui cassent les machines ! Maintenant dégagez, y'en a d'autres qui veulent du boulot ! »
Mélie allait répliquer lorsque Luane la retint par le bras : « Allez viens. On s'en va. »
Elle l'entraîna fermement vers l'angle de rue le plus proche et ne s'arrêta que lorsqu'elles furent hors de vue de la foule.
Mélie s'affala contre un mur et sa colère laissa place à des larmes : « C'est toujours la même chose. On y arrivera pas.
- Ne désespère pas, Mélie. Ça ne fait que cinq jours.
- Et en cinq jours on est tombées d'ouvrières hautement qualifiées à journalières ! » s'emporta-t-elle. « On a fait la moitié des fabriques de Roïna et pas un seul jour de travail ! On en sera où à la fin du mois ? On finira putes ou mendiantes ! Et en ce moment c'est pas le tapin qui payera la facture de St-Mirtan. »
Luane la regarda durement : « Moi aussi j'en ai marre, Mélie. Mais tu crois qu'on a le choix ? Qu'on peut faire autrement que d'essayer et essayer encore ? Toutes les manufactures manquent de main d’œuvre. Il y a du travail pour tout le monde, même pour nous. Il faut juste trouver un patron qui comprendra qu'on est pas responsable de l'accident.
- Et tu crois qu'il y en a ?
- Mélie, il y a sept ans aucune manufacture n'aurait pris de femme. Mais ils y ont été obligés quand les hommes sont partis au front. On trouvera forcément. »
Mélie leva les yeux vers son amie : « Tu es tellement bonne, Luane. Tu te démènes pour moi alors que je ne fais que rejeter ma colère sur toi.
- On doit être solidaire entre nous. Viens. Relève-toi. »
Mélie accepta la main que lui tendait Luane. À peine fut-elle debout qu'une voix grave les surprit : « T'es contente de toi ? Tu m'as fait perdre une journée de travail ! »
Les deux femmes se retournèrent. L'homme auquel Mélie avait écrasé le pied s'avançait vers elles en boitant légèrement. Malgré cette infirmité passagère, il avait une allure menaçante et son regard dirigé sur Mélie semblait plus dangereux encore.
« Le contremaître n'a pas voulu de moi quand il m'a vu boiter. Et c'est de ta faute. »
Mélie commença à répondre : « Je suis désolé monsieur, on m'a poussé et… »
Mais l'homme saisit son poignet : «Je gagne cinquante ducats par jour. C'est pas tes excuses qui vont m'en rapporter autant. Il va falloir que tu rembourses. » Il commença à tordre le poignet de la femme avant d'ajouter : « D'une manière ou d'une autre. »
Soudain, le visage de l'homme se crispa, sa main se relâcha et Mélie en profita pour se libérer.
Il resta immobile, luttant visiblement pour bouger, alors qu'un vieillard à la barbe grise et en robe de mage verte sortait de derrière son dos. Le nouveau venu se posta face à l'agresseur.
« cinquante ducats par jours ? C'est très bien payé pour un journalier. »
La mâchoire bloquée comme le reste du corps, l'homme ne répondit pas.
« Mais je vais vous faire confiance, et comme vous avez été lésé je vous propose de payer cette somme pour la jeune femme. Malheureusement je n'ai pas ma bourse sur moi, et je vais devoir payer en nature. »
Le regard du journalier se fit inquiet.
« Je dois bien avoir un sort à votre convenance. J'ai un charcutier parmi mes clients. Pour soixante-dix ducats, je lui fume instantanément tout son jambon au début de chaque hiver. Je peux vous faire un prix d'ami. »
Le mage se rapprocha de l'agresseur, il parla moins fort mais toujours aussi poliment.
« Aimeriez-vous, monsieur, que je vous fume comme un jambon ? Ou préférez-vous renoncer à votre créance ? Je libère votre bouche pour que vous puissiez me répondre.
- C'est pas grave, j'ai pas besoin de ces cinquante ducats. Mais laissez-moi partir !
- Voilà qui est raisonnable. Vous pouvez poursuivre votre chemin. »
Aussitôt qu'il fut libéré de ses entraves, le journalier s'enfuit en courant.
Mélie restait bouche bée. Ce fut Luane qui parla à sa place : « On vous remercie, votre grandeur, on aurait eu des problèmes sans vous.
- Je n'ai pas assez de quartiers pour être une grandeur, vous savez. Mais vous avez effectivement des problèmes, Mélie Kaalam et Luane Peliani.
- Vous nous connaissez ?
- Tout le monde semble vous connaître à Roïna depuis quelques jours. La plupart vous connaissent comme les survivantes de cet accident à la manufacture Olan, mais parmi ceux qui se qualifient de mécamages, vous êtes des saboteuses. Et c'est bien là l'origine de vos problèmes : plus aucune fabrique ne voudra de vous, à mon avis. C'est également ce qu'on pense à l'hôpital St-Mirtan. Ils ont déposé un recours à l'hôtel du bourgmestre ce matin.
- Je vois où vous voulez en venir. » Intervint Mélie. « Mais votre charité ne m'intéresse pas.
- Non bien sûr. Vous êtes trop fière pour ça. Mais nous pouvons trouver un arrangement mutuellement profitable.
- Quel genre d'arrangement ?
- Je couvrirais vos dettes et subviendrais à vos besoins, et en échange vous utiliseriez votre nouvelle et malheureuse notoriété pour raconter comment les mécamages tuent leurs ouvrières à la tâche.
- Et faire le jeu des Traditionnels ?
- On trouve des alliés où on peut, mademoiselle Kaalam. Réfléchissez à ma proposition et venez me voir au temple de mon ordre, au numéro douze, Allée du Sorcier Melkarian. Demandez Sirannon. »
Le mage s'éloigna, laissant les deux femmes en pleine perplexité.

-

Lorsque la porte du numéro douze, Allée du Sorcier Melkarian s'ouvra, le clerc releva la tête et hocha nerveusement la tête en signe de bienvenue au nouvel arrivé.
« Bien le bonjour monsieur Sirannon, je suppose que votre retour hâtif est signe de réussite. » L'homme d'une trentaine d'année aux cheveux gras et bien peignés se leva précipitamment en essayant une demi-révérence. Il avait la fâcheuse manie de ne pas pouvoir s'arrêter de se frotter les mains l'une à l'autre se qui donnait l'impression qu'il était toujours en train de comploter un mauvais tour, plus ou moins à la manière des petits personnages dessinés dans les livres pour enfants.
« Mais bien sûr, c'est même évident, mais oui, mais oui ! Monsieur réussit toujours ce qu'il entreprend, n'est-il pas vrai ? Ah ! Je m'oublie ! Vous avez reçu un message de sa Grandeur Salaam. Le mémo est certainement ici quelques part. Oh ! Mais, je m'active et mon esprit se perd ! Vous avez toujours votre robe de voyage ! Suis-je étourdi ! Venez, mais si, mais si, venez, je vais vous débarrasser de cela. Vous m'avez l'air fatigué, peut-être qu'un thé vous ferait... »
Le mage interrompit le déluge vocal de son secrétaire avec un sourire. « C'est bon, Obleque, je vais me débrouiller seul. Amène la transmission dans mon bureau et fais moi une infusion au menthol et au scarabée thaumique. Oui, la boîte bleue, Obleque. Ce sera tout, merci Obleque. »
Le petit homme fit une nouvelle révérence, une pirouette et s'affaira aux multiples tâches qu'on lui avait assigné.
Sirannon sourit un peu et soupira. Décidément son homme-à-tout-faire était tout à fait unique en son genre. On lui avait souvent recommandé de le remplacer, définissant Obleque comme étant "déficient" ou alors "brisé". Sirannon, quant à lui, le trouvait charmant, un peu fatiguant des fois, mais l'homme s'attelait à chaque mission qu'on lui demandait avec une telle diligence, une diligence de simplet après tout. Et puis, quand il se sentait seul ou d'humeur maussade, la mascarade et les facéties innocentes de son serviteur arrivaient toujours à lui arracher un sourire.
Le mage défit sa ceinture, déactivant son champ protecteur et accrocha son manteau de voyage sur le porte-manteau. Se frottant machinalement le cou pour essayer de s'en détendre les tendons, l'homme gravit lentement les escaliers. La voix d'Obleque lui parvint des cuisines au moyen des "aïe" et des "ouilles" qui se répétaient en boucle. Ce n'était que la troisième fois qu'il se brûlait cette semaine ; en somme, plutôt une bonne semaine pour ses doigts.
La main du vieille homme se reposa un moment sur la balustrade pour la caresser. Il pouvait sentir dans le bois l'ombre des centaines de mains de ses ancêtres qui avaient, eux aussi, caressés cette balustrade en chêne d'ombre des îles d'Islaac. Ce bois se souvenait de tous ces grands hommes, ces mages de la famille Sirannon qui avaient défilés au fil des générations en cette demeure, avaient vécu entre ces murs. Ce bois se souvenait et portait en lui, gravé dans sa surface, la grave promesse des Sirannon : « Pouvoir dans l'ombre. » Il ferma un instant les yeux et laissa ces mots résonner dans sa tête. Il continua sa marche, de nouveau concentré, focalisé sur son devoir.
Une fois dans son bureau, il ferma la porte doucement derrière lui et se dirigea vers son bureau tout en évitant le Transmis qui était placé au milieu de la salle. Happant rapidement l'orbe bleu qui trônait en plein centre du meuble, Sirannon se retourna vers le Transmis. Cet objet, d'une valeur inestimable, était de fabrication Traditionnelle, un des seuls objets thaumique qu'ils avaient réussis à reproduire à partir de plans de l'Âge d'Or. Il était constitué d'une longue rampe métallique en cuivre, planté dans le sol et terminé au bout par quatre griffes qui permettaient à un objet sphérique d'être encastré. Le long de la rampe, la promesse des Sirannon étaient gravé en lettre d'or.
Le mage plaça l'orbe dans le réceptacle et attendit patiemment que son majordome lui apporte la transmission. Après quelques courtes minutes, il entendit l'homme tant attendu faire grincer les marches et des "Mais oui ! Mais oui !" coutumiers. Finalement la porte s’entrouvrit et la tête grasse et bien peignée apparut dans l'embrasure.
« Du thé Monsieur ! Et, bien entendu, la transmission ! Ou vous auriez préféré la transmission puis le thé ? Ma grand-mère m'avait toujours dit que le thé venait avec le travail, et pour être parfaitement honnête, elle a vécu au moins jusqu'à ses quatre-vingt-dix ans, c'est pour dire ! Après tout …
-Obleque. » Le mage le coupa, d'une voix douce mais sans équivoque. L'homme se plia en deux, gardant le thé bouillonnant dans la théière et une tasse de porcelaine de Roseta sur un plateau en équilibre au-dessus de sa tête.
« Mais bien sûr Monsieur. Tout de suite. Voilà voilà. » Le majordome posa la théière et la tasse sur le bureau et fouillant un moment dans sa poche avant de sortir une petite fiole teinté en violet de sa poche. La tendant cérémonieusement à son employeur, il se retira avec la ridicule dignité de celui qui en fait trop. Secouant un peu la tête, Sirannon versa le contenu de la fiole sur l'orbe, s'entailla le doigt sur une griffe pour laisser suinter une goutte de sang qu'il fît tomber sur la sphère. Il tendît la main au-dessus du Transmis et se concentra, l'activant au moyen de ses pouvoirs thaumique.
Une douce lumière émergea du dispositif et le mage recula pour s'asseoir derrière son bureau. La lumière se stabilisa après un court moment avant de se concentrer en un point au-dessus de l'appareil et s’agrandit progressivement pour se définir en une représentation du Sénateur Salaam. La peau ridé et les cheveux blanchissants proclamaient son âge avancé mais ses yeux étaient toujours empreints d'une vigueur à toute épreuve.
« Sirannon. Je présume que tu reçois ce message dans les plus brefs des délais et espère que l'affaire Kaalam avance comme prévu. Il ne s'agit pourtant pas de ça dont je souhaite te parler : nos théoriciens prévoient la même chose que ce que tu avais déjà dit et je crains que le futur ne nous prépare de mauvaises surprises. Nous devons absolument gagner la bonne volonté du peuple, mes informateurs m'ont indiqué que les Mécas ont encore trouvé une source. Une nouvelle usine va pouvoir s'ouvrir sous peu. Plus de travail, plus d'avis favorable pour ces charlatans et plus notre objectif final s'éloigne. Tu dois absolument avoir le soutien de cette Kaalam si nous voulons pouvoir redresser l'opinion publique en notre faveur. » Le visage s'arrêta de parler un instant, comme si une pensée désagréable lui traversait l'esprit.
« Sirannon, sache que tes prévisions doivent rester secrètes, nous perdrions beaucoup de crédibilité en faveur des Mécas dans le cas contraire. Mis à part moi, tu es le seul à le savoir dorénavant, les théoriciens travaillant sur le projet resteront à jamais silencieux à ce sujet. Si que ce ne soit qu'une rumeur naisse à propos de ce délicat sujet, je saurais d'où provient la fuite. » Le Transmis s'éteignit tout à coup, plongeant la pièce dans la pénombre et le mage dans un silence absolu. Il y avait maintes choses à faire et si peu de temps. Pourquoi devait-il toujours avoir raison ?

-

Le septième jour après l'accident de chez Olan & Fils, Mélie et Luane avaient fait le tour des fabriques de la rive nord du Roï sans trouver de travail.
Le huitième jour, elles franchirent le fleuve par le pont du Duc Robur et commencèrent à prospecter pour un emploi dans les usines de la rive sud. Si elles avaient encore quelques ducats pour manger, leurs bourses de plus en plus légères les pressait de trouver n'importe quel poste, même pour quelques heures de travail.
Le dixième jour, elles furent engagées comme journalières dans une petite forge qui fabriquait des balles de fusil en plomb. Le forgeron n'était pas mécamage et n'avait aucune machine thaumique, il livrait les balles tous les midis à une autre usine qui les compressait par magie pour en faire des projectiles plus denses. Ce jour-là, il revint de sa livraison en ayant appris l'histoire de ses deux journalières et les congédia en leur payant une somme qui ne valait pas leur matinée de travail.
Le douzième jour, un contremaître les chassa dès qu'il les vit et les molesta au passage.
Le quinzième jour, des vigiles étaient aux portes de toutes les fabriques, munis de leurs portraits reproduits sur papier, qui les empêchèrent de faire la queue pour l'embauche. Les images étaient à l'évidence magiques, puisque Luane reconnut sur son portrait l'hématome jaunissant en dessous de son œil gauche.
Le seizième jour au matin, elles frappèrent au douze, Allée du sorcier Melkarian.

L'endroit avait été qualifié de temple par Sirannon, et la façade du bâtiment ne le démentait pas.
Elle était segmentée par quatre colonnes entre lesquelles des bas-reliefs animés représentaient des mages pratiquant l'Art.
Melie et Luane n'auraient pas été surprises si la porte s'était ouverte sur un mage en robe ornée de symboles cabalistiques scintillants avec une barbe argentée descendant jusqu'aux genoux.
L'homme qui leur ouvrit portait bien une robe, mais elle était noire sans aucun symbole et lui donnait l'apparence d'un avocat ou d'un clerc. Pas de barbe non plus, elle n'aurait de toute façon pas été argentée vue la couleur brune de ses cheveux.
« Mesdemoiselles Kaalam et Peliani, je présume ? » dit-il d'une voix qui se voulait polie et accueillante, avec un léger grincement pas tout à fait contenu.
Les deux ouvrières hésitèrent un moment, anxieuses. Ces derniers jours, cette question ne présageait pas d'un bon accueil.
« Oui, c'est nous. » émit timidement Mélie.
« Entrez donc ! Mon nom est Obleque. Je vais prévenir Monsieur Sirannon de votre arrivée. Du thé est à votre disposition en attendant. Ma grand-mère disait qu'il faut toujours accueillir ses hôtes avec du thé. Ceci dit, elle buvait du thé de son réveil jusqu'au dîner, et passait ensuite aux tisanes de camomille. »
L'homme parlait encore alors même qu'il s'éloignait déjà pour quérir son maître, ne se préoccupant pas d'être écouté.
L'intérieur du temple était à l'image du clerc et ressemblait plutôt à un cabinet de notaire avec ses boiseries sur les murs. Le vestibule donnait sur un escalier et deux couloirs latéraux plutôt que sur la grande salle centrale qu'on attendait dans un édifice religieux. Le comptoir d'accueil était ce qui se rapprochait le plus d'un autel.
Le seul élément indiquant qu'il s'agissait d'un lieu de magie était la petite table dressée avec une théière fumante et deux tasses. Mélie paria que le thé n'était ni trop ni trop peu infusé : leur venue était certaine et elles étaient attendues.
Il y avait cependant trois chaises autour de la table, et à peine les deux femmes se furent assises que Sirannon les rejoignait, suivi de son clerc.
Le mage prit la chaise vacante et entama directement la conversation : « Je vois que vous avez réfléchi à ma proposition.
- Nous n'avons pas vraiment le choix ! » réagit Mélie. « Toutes les fabriques ont notre visage en image magique et la maréchaussée aussi, probablement.
- Je ne peux rien faire pour vos portraits : tout déguisement, même magique, serait aussitôt reporté dessus. Mais je vais régler votre facture pour St-Mirtan, cela devrait éviter votre arrestation.
- En échange de notre soutien public ?
- Non, je le fais sans attendre de contrepartie. Considérez le comme un geste de courtoisie.
- Vous voulez dire qu'on ne vous serait pas utile en prison.
- Vous êtes intelligente, Mademoiselle Kaalam. Cette intelligence serait grandement profitable pour une coopération entre nous.
- Et quel genre de coopération, précisément ?
- Comme je vous l'ai dit, ce serait de la représentation. Vous prendriez la parole en public pour faire valoir votre point de vue sur les manufactures, les ouvrières qui meurent et les mécamages qui s'enrichissent sans s'en soucier.
- Mais on ne peut pas faire ça ! » intervint Luane. « On est près de se faire lyncher rien qu'en cherchant du travail ! Et vous voulez qu'on monte sur une estrade et qu'on prononce un discours juste à deux ? »
Sirannon réfléchit quelques secondes avant de répondre : « Évidemment, nous pourrons vous fournir une protection magique discrète.
- Et ensuite vous lancerez un sort d'amour sur le public pour qu'il nous suive ?
- Un tel sort n'existe pas, on ne peut pas contrôler les sentiments et les pensées des gens par la magie. Dans le cas contraire, nous n'aurions pas besoin de vous. Dans un premier temps, vous devriez recruter d'autres personnes pour former un mouvement. Commencez par vos proches, votre famille, vos anciennes collègues. Vous finirez par être assez nombreux. »
Lisant l'hésitation sur le visage des deux femmes, le mage se fit plus conciliant encore : « Écoutez, tous ce que je vous demande, c'est d'essayer. En échange nous nous assurerons que vous puissiez toujours manger à votre faim.
- C'est d'accord. » répondit Luane. Son amie fit la moue jusqu'à ce qu'elle lui prenne la main et lui dise : « Ce n'est pas seulement pour nous, Mélie. C'est pour Amina et Kera, et pour toutes les autres. »
Alors Mélie hocha la tête.

Après le départ des ouvrières, Sirannon se tourna vers son clerc : « Le portrait magique a fait son œuvre. Elles n'ont plus le choix, désormais.
- Vous avez toujours de bonnes idées, Monsieur.
- Je crains cependant qu'elles n'aient raison au sujet des difficultés qui les attendent. Leurs anciennes collègues ne sont pas aux abois comme elles. Elles ne risqueront pas de perdre leur emploi pour les soutenir. Ces deux-là n'ont perdu le leur qu'à la suite d'un accident, d'une destruction de machine. Ce n'est pas quelque chose qui arrive tout les jours.
- Ce serait bien, j'adore voir ces explosions magiques ! Toutes ces couleurs, ces lumières dans le ciel, c'est tellement joli ! Ça me rappelle les fêtes foraines où ma grand-mère m'emmenait pour voir des spectacles de feu vivant. Je préférais ça aux monstres. Les monstres sont si laids…
- Obleque !
- Que Monsieur m'excuse, j'ai encore divagué. Quel piètre serviteur je fais si je déconcentre mon maître dans ses réflexions.
- En fait, tu viens de me donner une idée, Obleque. Et tu devrais apprécier le spectacle, car il pourrait se voir de loin. »

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Message posté le 21:06 - 18 nov. 2015


J'ai relevé quelques erreurs.
Au niveau de l'histoire, rien de spécial. ça se lit bien, l'enchainement est bon. Il manque encore pas mal d'éléments sur le monde mais ce n'est pas vraiment un problème. ça tient la route.

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Message posté le 20:05 - 24 nov. 2015

On était pourtant deux à relire. Je vais revoir ça, peut-être pas tout de suite par contre.

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Message posté le 22:00 - 23 déc. 2015



L'histoire en soi était sympathique, même si quelque peu desservie par la syntaxe répétitive. La nouvelle est terminée ? Parce que si c'est le cas le passage avec les soldats me paraît dispensable. Il offre une coupure appréciable dans le récit mais puisque vous ne revenez pas sur eux, la portée en est moindre. En tout cas, j'ai bien apprécié (:


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Message posté le 12:11 - 24 mars 2016

Coucou. Dis voir gaba, as tu fini de corriger ce texte ? (notamment avec les dernières corrections de Mike ? d'ailleurs, je ne suis pas d'accord avec le pourrons>pourrions, le contexte appelle le futur)

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Message posté le 14:26 - 28 mars 2016

Pour tout dire, mon co-auteur n'est pas plus motivé que ça (C'est sans doute lié au fait que j'ai mis des mois à écrire la suite).
J'ai quand même regardé la correction de Mike, ça me sera utile la prochaine fois.
Juste une petite remarque : les guillemets sur les incises, c'est parce que les incises à virgule avec multiples propositions ne sont pas forcément claires. On arrive vite à confondre incise et dialogues.

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Message posté le 14:37 - 28 mars 2016

Tu peux faire des incises à tiret, c'est très correct, et c'est beaucoup plus clair qu'une virgule ou un guillemet !

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Message posté le 14:56 - 28 mars 2016

Citation de gaba :
C'est "french academy approved" ?


Non, pas pour les incises de narration. Les demi-cadratins pour remplacer les virgules c'est bien pour les incises dans ce qui ne touche pas à du dialogue.


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Message posté le 13:50 - 9 août 2016

Les corrections n'ont pas été apportées ici non plus. Malgré tout, je déplace en section Nouvelles du fait de l'inactivité du topic.


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