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Équipe Épique & Colégram

L'Empire des bovins

  • 14 sujets
  • 227 réponses

29 mai 2016 - 11:32

Travaux en cours

Hello tout le monde ! Enfin, après 8 mois d'inactivité, je vous propose la suite d'Équipe Épique & Colégram !

Quand j'ai commencé à l'écrire je pensais la faire en une partie. Puis, au fur et à mesure, je me suis rendu compte que je devais la diviser en deux parties. À présent, c'est devenu un triptyque dont je vous propose ici le premier fragment.

Au menu de cette grande aventure :
De l'amitié, de la trahison, de la bouffe, du sexe, de grands combats, de l'amour, des extra-terrestres, et trois gaillards qui essaient de se dépatouiller avec tout ça.

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Avec cette histoire, je vous présente également un aperçu du logiciel de lecture web que j'ai codé ces derniers temps : Bookland.

Je compte l'intégrer directement au forum et à la partie Travail des textes et Bibliothèques, aussi je vous en parlerai plus à ce moment-là.

En attendant, vous pouvez profiter d'une lecture super-confortable, "comme un vrai livre", (je vous le conseille fortement) juste ici :

Pour ceux qui souhaiteraient lire les précédentes histoires d'Equipe Epique et Colégram, c'est .

Pour les commentaires, c'est ICI.

J'espère que vous apprécierez votre lecture :)


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11. L’Empire des bovins



— RUTABAGA ! s’écria Alex en bondissant de son lit.

Droit comme un I dans son flamboyant pyjama, le menton curieusement relevé, il s'immobilisa aussitôt, se demandant pourquoi il venait de se lever d'une si étrange façon.

Que diable signifie rutabaga ? s'interrogea-t-il.

Il éluda la question quand il s'aperçut qu'un grand soleil matinal perçait à travers ses rideaux. Un léger sourire souleva les deux extrémités de ses lèvres. Il se sentait en forme aujourd'hui, plein d'une énergie bouillonnante qui n'attendait qu'à être délivrée. Cela faisait une bonne semaine qu'au lieu de profiter des vacances offertes par son chômage, il sombrait dans un cycle d'ennui et d'indolence qui lui allait très mal. Il avait besoin de bouger.

Afin de profiter du soleil, il décida donc d'aller courir. Après un léger petit-déjeuner, il enfila une tenue de sport. Il prendrait sa douche en revenant.

Tout en trottinant jusqu'au terrain de sport le plus proche, il croisa quelques personnes qui se dirigeaient vers leur lieu de travail. Mentalement, Alex leur souhaita bon courage. Puis il arriva à destination. C'était un bel endroit où courir : de grands arbres l'accompagnaient sur le chemin, l'apaisant de leurs ombres protectrices. Leurs odeurs capiteuses lui insufflaient fraîcheur et vitalité.

Comme toujours lorsqu'il se baladait, le jeune homme vida son esprit. L'effort physique et sa proximité avec la nature, lui apportaient un bonheur simple dont il aurait été malavisé de ne pas profiter. Ici et maintenant, les tourments du quotidien glissaient sur lui sans l'atteindre.

Entièrement détendu, Alex songea au rendez-vous qu'il avait convenu avec Matthieu, qui rentrait ce midi d'un voyage dans le sud. La veille, il lui avait envoyé un message qui avait attisé sa curiosité :

« Hey, Alex ! Je rentre demain, mon train arrive à 12h44. J'espère que tu as passé un bon week-end ; quant à moi, il m'est arrivé des aventures extraordinaires. Que je me fasse moine si les journaux ne parlent pas de moi dans les jours à venir ! Sois certain que le sud se souviendra des décennies durant de mon passage en ses terres. Je t'avoue que je suis plutôt impatient de t'en parler : ça te dirait un restaurant demain en centre-ville, vers 13h donc ?
Ce voyage m'a inspiré nombre d'idées pour mes projets actuels. Je commence à avoir une idée précise de la forme finale d’Équipe Épique & Colégram. D'ailleurs à ce sujet, je dois te demander quelque chose de très important : si tu devais prendre ton pied avec deux héroïnes de Disney, ce serait qui ? »

Alex avait souri en lisant la question. Se demandant ce que Matthieu comptait faire de cette information, il avait répondu que ses héroïnes favorites étaient Meg dans Hercule et Jane la copine de Tarzan, puis qu'il était OK pour un restaurant.

Tout en continuant sa foulée sous le couvert des arbres, Alex réfléchit : pourquoi avait-il jeté son dévolu sur ces deux demoiselles en particulier ? Qu'avaient-elles de différent des autres qui lui plaisait ? Par quels mécanismes venait-il à éprouver des sentiments, ou du moins un certain attachement, envers des personnages fictifs ?

Ses réflexions furent interrompues par un chien qu'une jeune femme promenait. Le bel animal, enthousiasmé de le voir courir, s'était précipité vers lui. Joueur, Alex accéléra son allure ; son nouvel ami releva le défi d'un joyeux jappement. Ils se poursuivirent l'un l'autre, jusqu'à ce que le chien se rendît compte qu'il s'était trop éloigné de sa maîtresse. Abandonnant soudainement son compagnon de jeu, il se carapata vers elle à toute allure.


Pendant les quatre premières minutes de sa douche, Alex se laissa comater sous le jet d'eau chaude. Puis, empli d'une soudaine énergie, il se shampouina en fredonnant La la la de Shakira. Il vida le fond d'une bouteille de gel douche pour son torse et ses jambes, avant d'en ouvrir une autre pour s'occuper de ses pieds.

— Mes cheveux sentiront donc la crème de coco, chantonna-t-il, ma peau sera parfumée aux senteurs arctiques, tandis que mes pieds, eux, répandront un délicat fumet de…

Il examina le flacon qu'il tenait entre ses mains.

— …d'huile de Rutabaga ! se réjouit-il, tout surpris. Ah ! Ce cri que je poussai en me levant ce matin, était donc prémonitoire ! J'ai toujours su que j'avais des dons en matière de prophétie ; je devrais me faire payer pour ça.

Alex se concentra sur ses orteils. Une fois que chacun d'entre eux fut redevenu plus propre que le jour de sa naissance, il se releva soudainement et brandit son gel douche avec ferveur.

— Les signes sont clairs ! clama-t-il. Les étoiles des quatre-vingt treize mondes sont enfin correctement alignées ! Elles chuchotent à mon oreille, me dévoilent l'ultime vérité : cette journée est indéniablement placée sous le signe du rutabaga. Il ne pourra que m'arriver des bonnes choses.


Il arriva au centre-ville en lunettes de soleil, les mains dans les poches. Plus tard, il se souviendrait de ce soleil resplendissant, des jets d'eau sur la grande place, des gens en débardeurs, jupes et bermudas, en train de manger ou boire un coup sur la terrasse des restaurants. Il se rappellerait de l'imposant cinéma, de l'hôtel de ville, de ces senteurs arctiques émanant de son polo, de s'être dit que Matthieu allait sûrement arriver d'ici quelques minutes et qu'ils allaient devoir choisir, eux aussi, une terrasse où s'installer.

C'est en inspectant les alentours qu'il aperçut les vaisseaux dans le ciel. Il n'avait pas prêté attention à ces points noirs au milieu des nues, jusqu'à ce que leur vrombissement lui fasse de nouveau lever la tête en l'air. Ce n'étaient ni des oiseaux, ni des avions, mais des vaches géantes qui surplombaient la ville, monstrueux engins mécaniques de la taille d'un immeuble. Le fuselage était soigneusement peint : leurs yeux globuleux semblaient regarder partout à la fois d'un air furieux, tandis qu'un large sourire malsain était dessiné sur leur bouche.

Cela évoqua à Alex des Vache qui rit sombres, volantes, et dotées de dents pointues de carnivore.

Sa première réaction fut l'émerveillement : comment de telles machines pouvaient voler ? Il n'avait jamais entendu de moteur faire un tel bruit. Être témoin d'une technologie de pointe produisait toujours chez lui le même effet d'admiration que lorsqu'il observait un feu d'artifice. Il souriait donc bêtement, malgré lui ; mais en même temps une sourde angoisse l'étreignait, dont il ne pouvait se défaire.

Une vingtaine de secondes plus tard, ce qu'il se refusait fermement de croire arriva. Un mugissement si puissant que le sol en trembla se fit entendre. La trentaine de vaches volantes de l'escadron leva alors la queue située à l'arrière de leur vaisseau ; puis, en un terrible cri de jouissance bestial, elles vidèrent leurs entrailles, déféquant sur la ville en libérant les milliers de bombes stockées dans leur soute. Alex laissa échapper un cri d'horreur étranglé.

— MEUUUUUUUUUUH !!!… sifflèrent joyeusement les crottes de destruction massive pendant leur chute.

Il leur fallut une minute pour atteindre le sol ; une minute pendant laquelle le concert de leurs mugissements sonna comme un interminable coup de tonnerre. À l'instar du reste de la foule du centre-ville, Alex ne put se résoudre à agir. Ce qui arrivait était trop improbable. Ce n'est qu'une fois que les premières bombes explosèrent, que les imposants bâtiments s'effondrèrent, qu'on cria et qu'on s'agita follement. Les gens se levèrent précipitamment, renversant leurs verres ; la plupart s'élancèrent vers leur voiture, certains fuyaient vers le nord-est à la recherche d'un abri, tandis que d'autres se contentaient de s'écrier très fort, comme si cela pouvait les aider : « Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible ! ». Il semblait que la ville elle-même paniquait.

Une montée d'adrénaline secoua Alex. S'il voulait survivre, il devait agir vite. Il regarda tout autour de lui. Un groupe de plus en plus conséquent se dirigeait sous le couvert d'un parking souterrain, non loin de là. Considérant que c'était sa meilleure chance de survie, le jeune homme s'apprêtait à courir les rejoindre quand, du coin de l’œil, il aperçut une femme qui retint son attention.

Dans un élan de protection maternel, elle serrait sa fille entre ses bras. Complètement affolée, elle faisait quelques pas dans une direction avant de changer d'avis, de se rendre compte que c'était trop dangereux et de revenir en arrière. Elle voulait courir, rejoindre un lieu sécurisé, mais tout lui paraissait dangereux. Ses talons hauts n'arrangeaient pas les choses.

— …MEUUUUUUUH !!…

Un missile explosa le cinéma qui se trouvait juste derrière. La femme, terrifiée, perdit son équilibre en poussant un cri. Ses deux genoux s'écorchèrent par terre, tandis que sa fille tomba de ses bras et s'écrasa plusieurs mètres devant elle.

L'enfant atterrit sur sa joue, qui ripa contre le bitume. Sans pleurnicher, elle se releva et se retourna.

Cela se passa le temps d'un battement de paupière. Sa mère était à terre, un bras implorant tendu dans sa direction. Puis, l'instant suivant, elle avait disparu ; à sa place se trouvait un énorme bout de cinéma. Soixante kilos de chair humaine, remplacés par soixante tonnes de briques. Un visage doux et aimant, supplanté par les quatre gueules hilares de l'affiche publicitaire du film « On voulait tout casser » ; si proches de la petite fille qu'elle aurait pu poser son front dessus.

Des explosions continuaient à soulever d'importants nuages de poussières. Les gens couraient en passant à côté d'elle sans lui prêter la moindre attention. L'enfant restait assise par terre, comme invisible, déconnectée de ce monde.

— Viens, lui parvint une voix.

Sentant que quelqu'un derrière elle la saisissait, elle se débattit de toutes ses forces.

— Noon ! cria-t-elle. Je ne veux pas ! Maman !

Ses minuscules poings frappèrent son kidnappeur, sans que celui-ci y prêtât la moindre attention. Alex la serra si fermement contre lui qu'elle finit par arrêter de résister, comprenant qu'il faisait ça pour son bien. Tout en sanglotant, elle ferma les yeux le plus fort qu'elle pouvait. Bien qu'elle acceptât de laisser son destin entre les mains du jeune homme, elle ne pouvait se résoudre à les regarder s'éloigner de là où reposait sa mère.


Juste après avoir secouru l'enfant, Alex vit le parking souterrain s'écrouler, ensevelissant dans sa chute les centaines de personnes qui avaient cru y trouver un refuge. Des bombes explosaient un peu partout autour d'eux, chacune d'entre elles menaçant de leur tomber dessus. Prenant son courage à deux mains, Alex décida alors de prendre le courant humain à contre-pied, de traverser de front la ligne aérienne : plutôt que de fuir ou de rester immobile, c'était le meilleur moyen pour rester le moins longtemps possible dans la zone de bombardement.

Les bâtiments les plus sûrs sont ceux qui sont déjà détruits, se dit-il, espérant que son raisonnement ne le mènerait pas droit à la mort.

La fillette dans ses bras, il lui sembla qu'un instinct supérieur le guidait, lui montrait le seul chemin qui le ferait passer vivant au travers du filet de missiles. Il avait l'étrange impression de prédire où et quand allaient se produire les détonations. Le souffle d'une explosion proche le fit tout de même voler de plusieurs mètres sur le côté. Son dos, faisant office de bouclier de chair pour la gamine, heurta violemment un mur encore debout. Sous le coup du choc, l'arrière de son crâne cogna la structure.

— Aïe ! gémit la petite personne entre ses bras.
— Oui, aïe, lui sourit Alex, bien que sous l'effet de l'adrénaline il ne ressentait heureusement qu'une partie de la douleur.

Il courut encore un peu, jusqu'à être certain d'avoir passé la ligne de bombardement. D'autres dangers les attendaient cependant : divers incendies avaient pris même aux endroits les plus improbables, des bâtiments continuaient de s'écrouler, menaçant de leur tomber dessus, et la poussière formait un brouillard si dense qu'ils en suffoquaient presque. On y voyait difficilement. Quelques hommes et femmes qui, comme eux, avaient survécu, vagabondaient hasardeusement. Ils se comptaient sur les doigts d'une main.

— Mets un tissu devant ta bouche pour respirer, indiqua Alex à l'enfant tout en utilisant son propre polo comme foulard. Comment t'appelles-tu ?
— Elsa.
— Comme la reine des neiges ?
— Oui.

Sous le pull qui lui couvrait le visage on devina un embryon de sourire, qui disparut rapidement. Le jeune homme posa une main sur son épaule.

— Je crois que beaucoup de gens ici auraient besoin de tes pouvoirs. Tu pourrais éteindre les feux avec ta puissante magie de glace ?
— Bien sûr que non, lui expliqua-t-elle. Tu es bête. C'est la reine des neiges qui fait de la magie. Moi, j'ai juste le même nom qu'elle.
— En tout cas, tu es tout aussi courageuse. Il faut qu'on parte d'ici tant qu'il est temps, ou bien le feu va nous brûler vifs. Soit l'on se dirige vers la mer pour être certain d'échapper aux incendies, soit l'on rejoint un des points culminants de la ville, là où il y aura moins de poussière. Que préfères-tu ?
— Je ne sais pas… répondit Elsa en toussant.

Alex réfléchit un instant.

— Allons vers la mer, décida-t-il. Les vents rendront sûrement l'air plus respirable. Allez, monte sur mon dos. Et accroche-toi bien.

Tout en marchant sur les débris, il se demanda si Matthieu et J-E étaient encore en vie.


Alex ne s'était pas trompé : les vents marins faisaient rapidement disparaître la poussière. Après plus d'une demi-heure de marche au milieu des feux, des cendres et des éboulis, ils arrivèrent en haut d'une falaise qui surplombait l'embouchure d'un fleuve menant à l'océan. De l'autre côté se trouvait la deuxième rive de Brest, qui n'avait pas été plus épargnée. Les ponts qui les reliaient avaient été détruits.

Il regarda en l'air. Il n'y avait plus de trace des vaisseaux-vaches. Peut-être sont-ils partis, se mit à espérer Alex. Ou bien ils se sont posés… Cette dernière éventualité le fit frissonner.

— Alors ? demanda Elsa.
— Je vois l'arsenal en bas. Il y a beaucoup de civils regroupés, près d'une centaine ! Des militaires s'occupent d'eux. Quelques hélicoptères et bateaux de guerre ont l'air opérationnels ; peut-être vont-ils les évacuer.
— On va être sauvé ?
— Je pense que oui, si on se dépêche !

L'accès à l'arsenal était habituellement restreint, mais les bombes avaient détruit les remparts par endroits. La fillette sur son dos, Alex passa au travers. Ils commencèrent à descendre la longue pente qui les mènerait au bord de l'eau, là où étaient amassés leurs confrères. Le jeune breton évoluait prudemment, mesurant chacun de ses pas afin de ne pas chuter et finir en roulé-boulé jusqu'en bas.

Ils avaient parcouru la moitié du chemin quand il s'arrêta brusquement. Des bruits de coup de feu et de combat se faisaient entendre. Alex aperçut les militaires se positionner devant le groupe de civils en train de fuir, et vider leurs chargeurs de mitraillettes sur… d'énormes soldats-taureaux bipèdes en train de les charger.

Il se trouvait trop loin pour les discerner dans les moindres détails, mais ce qu'il vit suffit à lui glacer le sang. Chacune des créatures était protégée sous une épaisse armure couleur de sang qui déviait les balles. Ils étaient bien plus grands que des humains, mesurant près de trois mètres de haut, et couraient incroyablement vite. Les grenades qu'ils se prenaient de plein fouet ne faisaient que les ralentir, le temps pour eux de se relever. Leur seul arme était une lance gigantesque qui crachait de longs rayons de feu transperçant tout sur leur chemin.

Lorsqu'ils arrivèrent au corps-à-corps, ils s'en servirent comme de vulgaires mais non moins terribles armes d'hast. Ils découpèrent civils et militaires avec un plaisir apparent qui remua l'estomac d'Alex. L'hélicoptère qui tenta de s'enfuir fut dévoré par une dizaine de langues de feu destructrices.

— Ce sont eux qui ont tué ma mère… murmura Elsa à l'oreille de celui qui lui servait de monture.

Alex déglutit. Survivre allait être très difficile.

— Ma petite… Toi et moi, on va devoir bien se cacher.

Il remonta la pente d'un pas vif. La poussière venait de devenir un allié plutôt rassurant.


Cache-cache avec les taureaux
Ils évoluaient par patrouilles de six, parcourant les rues détruites de la cité à la recherche de cadavres ou de survivants. Ils tuaient rapidement ces derniers, avant d'empaler les corps sur les longues piques ensanglantées d'un des robot-mules qui les suivaient.

Alex et Elsa, tout en évitant les chemins condamnés par les flammes, devaient passer inaperçus. À peine entendaient-ils le moindre bruit suspect, ils se cachaient, généralement derrière un mur ou une voiture. Ils étaient tous les deux extrêmement discrets : Alex savait poser son pied sur toute chose sans produire le moindre bruit, et Elsa, sa petite taille et son poids aidant, semblait totalement disparaître dès qu'on ne la regardait pas.

Ils avaient ainsi évité trois groupes d'hommes-taureaux. Bien qu'ils s'en étaient sortis jusque-là, Alex savait qu'ils ne leur échapperaient pas éternellement.

— Nous devons trouver d'autres humains, dit-t-il à la petite fille sur son dos.
— J'ai l'impression qu'ils sont tous morts…

Elle n'avait pas tort : cela faisait une heure qu'ils marchaient, sans croiser autre chose que des cadavres. Étaient-ils vraiment les seuls survivants ? Les incendies s'apaisaient et la poussière retombait ; plus le temps passait, plus ils étaient vulnérables.

— Je suis fatiguée, marmonna Elsa.
— Dis-toi que tu pourrais être en train de marcher.
— Impossible, rétorqua-t-elle, je nous ralentirais trop. Ce ne serait pas rentable.

Alex sourit. Où avait-elle appris le mot « rentable » ?

— Essaie de te reposer un peu sur mes épaules. Pendant ce temps, je vais chercher un…

Il s'interrompit soudainement, alerté par un étrange grognement. En tendant l'oreille, il comprit aussitôt qu'une escouade d'homme-taureaux ne se trouvait pas très loin d'eux. Comment avait-il pu ne pas les entendre plus tôt ? Rapidement, il fit descendre Elsa de ses épaules – elle était tout à fait alerte – et inspecta les alentours à la recherche d'une cachette.

— Là ! chuchota-t-il en montrant du doigt un grand arbre renversé.

Bien qu'une explosion l'avait fait chuter sur le côté, il avait échappé aux flammes, aussi son large feuillage était-il resté vert et dense : c'était un bon endroit où se dissimuler. Alex et Elsa s'y dirigèrent à petits pas furtifs, l'échine courbée. En même temps qu'il s'engouffrait dans le labyrinthe de branches protecteur, il aperçut une vingtaine de mètres derrière lui, les silhouettes d'inquiétants bovidés.

— Avance ! souffla-t-il.

Les rameaux du conifère étaient nombreux, ce qui ralentissait leur progression mais leur garantissait un abri sûr. Ils avançaient le plus vite qu'ils le pouvaient sans casser le bois, afin de ne pas faire de bruit et ne laisser aucune trace de leur passage. Ils arrivèrent finalement jusqu'à une sorte d'enclave à l'intérieur même de l'arbre, un abri où toutes les branches avaient été brisées, de telle sorte qu'ils pouvaient y évoluer facilement.

Alex se demanda comment ceci était possible. En levant la tête, il croisa alors le regard d'une jeune femme, assise quelques mètres devant eux. Le temps qu'il comprenne qu'elle s'était réfugiée ici pour la même raison qu'eux, que ce lieu était un « nid » qu'elle avait emménagé pour être en sécurité, Elsa s'était déjà assise à côté d'elle.

Il imita la petite fille sans perdre de temps. De là où ils se trouvaient, ils pouvaient espionner à travers les frondaisons sans être vus en retour.

Les taureaux passèrent tout près d'eux. Ils parlaient dans une langue qu'Alex ne connaissait pas, composée de nombreuses nuances de mugissement qui, d'une certaine manière, la rendaient irrésistiblement comique. Ils semblaient tous les six d'excellente humeur. L'un d'entre eux portait une jambe humaine à la main, et la grignotait de la même façon qu'Alex aurait croqué dans une cuisse de poulet. Le jeune homme comprit alors pourquoi ils récoltaient ainsi les corps : ils remplissaient leur garde-manger. Il frissonna en imaginant sa propre chair déchirée par leurs dents.

Une fois que les monstruosités bovines et leur macabre robot transporteur eurent quitté leur champ de vision, la tension baissa considérablement à l'intérieur de l'arbre.
Le trio se jaugea du regard un instant.

L'inconnue avait la trentaine. Elle tenait ses genoux entre ses bras, ses yeux vifs se posant tantôt sur Alex, tantôt sur Elsa. Ses cheveux bruns étaient défaits ; de nombreuses feuilles et brindilles étaient venues s'y glisser, lui donnant un air farouche. Alex l'aurait trouvé jolie, s'il avait eu l'esprit à ça.

— Bonjour. Je m'appelle Elsa.

Son aînée semblait lui plaire, car la petite fille la regardait avec intensité. Elle donnait l'impression de se projeter en elle, de s'y identifier, et de trouver là une force qui lui permettait d'affronter son chagrin.

— Julie, répondit simplement celle-ci.

En regardant les deux compagnons avec qui il s'était retrouvé, Alex ne put réprimer un sentiment d'amusement. Il tendit une main amicale.

— Et moi c'est Alex, se présenta-t-il d'une voix suave. Sauveteur de jeunes femmes en détresse.

Ce qui est beau avec les sourires, c'est qu'ils peuvent survenir même dans les pires situations.


Ils avaient décidé d'attendre quelques heures avant de quitter leur abri. Il leur fallait trouver de la nourriture, de l'eau, et un endroit plus confortable où dormir. Alex avait proposé de rejoindre son appartement, pour y chercher de quoi survivre. Secrètement, il espérait que Matthieu et J-E, s'ils étaient encore en vie, avaient eu la même idée.

Ils se faufilèrent en catimini hors de l'arbre, s'insinuant ensuite à travers les décombres. Au-dessus de leur tête, le ciel s'assombrissait peu à peu ; totalement étranger au drame de la journée, il offrait les restes d'un magnifique coucher de soleil.

Aucun groupe de taureaux ne pointa le bout de son museau. À cause des destructions, le quartier avait tellement changé qu'Alex mit quelques temps avant de retrouver leur immeuble. Une bombe avait dû le frapper sur le côté, car il ne s'était pas écroulé sur lui-même, mais dans la rue. En escaladant les meubles d'un voisin, ils arrivèrent à leur appartement du rez-de-chaussée, qui tenait encore partiellement debout.

L'entrée principale étant inaccessible, ils entrèrent par le mur détruit des WC. Alex pataugea dans plusieurs centimètres d'eau avant d'arriver jusqu'au couloir principal. Il n'y avait plus de plafond, certaines pièces ressemblaient à de vulgaires déchetteries, tandis que d'autres n'existaient tout simplement plus. Une piqûre de nostalgie le fit pencher la tête sur le côté. Il n'avait jamais particulièrement aimé ce lieu de vie, mais il tenait aux souvenirs qu'il renfermait. Sa Rasta Ball avait-elle survécu…?

En voyant arriver Elsa et Julie, il écarta d’un geste pompeux les bras dans leur direction, comme s'il présentait quelque prestigieux manoir.

— Bienvenue chez moi !
— C'est… coquet, observa Julie en écartant un tuyau de plomberie sur son chemin, qui en profita pour déverser quelques jets d'un liquide indéfinissable.
— Suivez-moi, je vais vous faire visiter.

Il commença par la cuisine. La porte était bloquée, mais quatre coups d'épaule vigoureux suffirent à lui faire entendre raison. Ils découvrirent une pièce coupée en deux par les débris du carrelage des étages supérieurs.

— Je vais essayer de passer de l'autre côté… prévint Alex en commençant son escalade. C'est là que se trouvaient nos provisions. Vous pouvez fouiller les autres pièces en m'attendant, au cas où vous dénichiez du matériel utile.

Les deux filles acquiescèrent. Julie se dirigea vers une des chambres, tandis qu'Elsa partit explorer le salon. Le mur qui le séparait de l'appartement mitoyen était détruit, ses restes jonchant le sol, agrandissant considérablement la salle. De l'autre côté, le meuble télévision était miraculeusement intact ; éparpillés dans les méandres de ses recoins se trouvait la collection de bibelots que Matthieu avait amassés au cours de l'année. Une petite figurine de monstre, arborant un bracelet coloré qui lui servait de collier, attira son regard d'enfant. Elle partit jouer avec sur le gigantesque matelas du voisin.

— J'ai récupéré une bouteille d'eau, annonça Alex depuis la cuisine, et un peu de nourriture. Pas grand-chose, mais ce sera suffisant pour ce soir.

Alors que Julie le rejoignait, il étala ses trouvailles.

— On a de la mayonnaise, énuméra-t-il ; une conserve de haricots ; une boîte de trois cornichons ; de la paella surgelée, et… ces deux légumes qui ressemblent à rien.
— Ce sont des rutabagas, avisa Julie.
— Quoi, vraiment ? pouffa Alex malgré lui. Décidément. Ça se mange cru, au moins ?
— Je suppose que oui.
— C'est déjà ça. Tu as trouvé quelque chose de ton côté ?
— J'ai visité deux chambres – je crois que c'était des chambres – mais il n'y avait rien de récupérable. Il y avait juste ce petit cahier dans l'une d'entre elles.

Elle montra un carnet noir, qu'ouvrit Alex. Il était rempli d'une dizaine de nouvelles écrites par Matthieu, certaines de la taille d'une simple page, tandis qu'une ou deux remplissaient presque le calepin à elles seules.

— Ce sont des histoires écrites par un de mes colocataires. Je vais garder le cahier : si jamais je le retrouve, il sera content de l'avoir. Et s'il est mort… ça me fera un bon souvenir.

Il eut un sourire triste, qui se répercuta sur Julie.

— Bon, au travail, reprit Alex. Il faut qu'on trouve de quoi s'éclairer, un couteau pour éplucher les rutabagas et ouvrir la boîte de conserve, et surtout des couvertures si on ne veut pas mourir de froid cette nuit.


Ils ne mirent la main sur aucun couteau. Alex força la boîte de haricots à l'aide d'un bout de métal, et ils épluchèrent les rutabagas avec leurs incisives. En revanche, ils découvrirent chez le voisin un précieux paquet de six bougies neuves. Julie les disposa puis les alluma à l'aide de son briquet. Leur lumière teinta l'atmosphère d'une nimbe de misère ; en se regardant partager tour à tour les haricots, le rutabaga et la mayonnaise, elle se rendit compte d'à quel point ils avaient l'air démunis.

Le repas fut silencieux. Chacun affichait une mine morne et fatiguée. Julie prit finalement la parole, en agitant entre ses doigts le cornichon qu'elle mordillait depuis plusieurs minutes.

— Cela fait des siècles que l'humain est au sommet de la chaîne alimentaire. Se retrouver à la deuxième place si soudainement, après tout ce temps, fait relativiser beaucoup de choses… Pour ces taureaux venus des étoiles, nous ne sommes rien de plus que de la viande. Toi, moi, nous sommes juste… de la viande. De la viande qui réfléchit un peu.
— Mmmh, acquiesça gravement Alex.
— J'ai toujours respecté la sensibilité d'autrui. C'était quelque chose de très important pour moi. Depuis toute petite, je m'émerveillais de la richesse de nos émotions. L'esprit humain me semblait être la chose la plus extraordinaire, la plus merveilleuse qui soit. Et pourtant, la première fois que j'ai mangé de la cervelle de singe, je ne me suis pas demandé quelle myriade de sentiments, de sensations et de souvenirs pas si différents des miens, elle avait bien pu contenir. Non : je l'ai simplement mangée. En m'intéressant au goût.
— Mmmh…

Le regard d'Alex se perdait au loin, songeur ; la lumière des bougies dansait hypnotiquement sur l'encre de ses pupilles. Il pensait à sa Rasta Ball.

— Aujourd'hui, un taureau a mangé mon amie devant moi.

Elle voulut ajouter quelque chose, continuer d'expliquer le fil de son raisonnement, mais plus rien ne sortit. La jeune humaine déglutit.

— Je ne sais plus quoi penser… souffla-t-elle, la lèvre tremblante.

C'était comme un aveu de faiblesse, de désarroi face à une situation qui la dépassait. Sentant son trouble, Elsa se dit que partager sa propre douleur pourrait les aider toutes les deux. Elle s'approcha et posa une main compatissante sur son bras.

— Tu sais, moi, ma maman se cache sous le grand mur du cinéma.

Julie la regarda un instant sans comprendre, puis son expression s'adoucit. « Ma pauvre chérie… » chuchota-t-elle en l'enveloppant gentiment.

Flairant une juteuse occasion de câlin, Alex posa à son tour une main sur son bras.

— Et moi, surenchérit-il d'un ton affecté, mes colocataires ne me donnent aucune nouvelle…

Julie pouffa.

— Vous savez, ça me fait bizarre, de me retrouver ici avec vous – à manger des haricots et de la mayonnaise –, alors qu'il y a quelques heures seulement je n'étais même pas au courant de votre existence. La vie est parfois bien surprenante : elle a le don de vous faire emprunter des chemins que vous étiez loin de soupçonner.

Elsa voulut dire quelque chose, mais ses mots furent étouffés par un long bâillement.

— Tiens, en voilà une qui est fatiguée, observa Alex. Je crois qu'il est temps d'aller se coucher, pas vrai ?

La fillette hocha la tête, les paupières déjà à-demi closes.


Voyage
Ils s'étaient installés sur le lit du voisin, heureusement assez large pour les accueillir tous les trois. Afin de changer les idées de tout le monde et pour aider Elsa à s'endormir, Alex avait sorti le petit carnet de Matthieu. Après l'avoir feuilleté, il avait jeté son dévolu sur une histoire au titre sympathique : « Le génie des fessées ».

Pendant cinq minutes, sa voix coula comme un flot tranquille, apaisant les oreilles de ses deux camarades. Trop fatigué pour comprendre les mots, Alex se contentait de les lire en leur donnant de rigolotes intonations.

…grimper par la gouttière n'était pas chose aisée avec des talons aiguilles, narrait le jeune homme, mais en cet instant toutes les divinités de la justice semblaient s'être réunies pour me donner leur force. C'est en Tarzan des temps modernes que j'entrai par la fenêtre négligemment ouverte du premier étage. Dans la pièce que je découvris, se trouvait une longue tapette à mouches que je saisis en étouffant un rire coquin.

Alex bâilla avant de reprendre. Il ne savait même pas de quoi il parlait.

Je me dirigeai vers la lumière, là où Chloé et cet imbécile que nous avions rencontré en boîte s'amusaient à couiner comme des singes. Ah, Chloé, ma chère Chloé… En passant devant un miroir je m'observai un instant : les sous-vêtements que je lui avais empruntés me donnaient vraiment belle allure ! Je continuai ma progression, et malgré les quatre-vingt-dix kilos qui pesaient à chacun de mes pas sur les fragiles talons, ils ne m'entendirent pas approcher. J'arrivai dans leur dos en même temps que la racaille qui besognait ma Chloé fessait virilement sa magnifique croupe. Il n'en fallait pas plus pour que ma dangereuse et revancharde tapette à mouches surgisse des ombres. Elle claqua comme un coup de fouet sur son postérieur pédant, en même temps que je m'écriai théâtralement : « Ô, grand maître, votre immense talent m'a fait apparaître ! Je suis le génie des…

Le conteur s'interrompit soudainement.

— Mais… ce n'est pas une histoire pour petite fille, grommela-t-il.

Alex jeta un coup d’œil à sa gauche, puis à sa droite ; les deux demoiselles s'étaient chacune endormies sur l'une de ses épaules. Au moins, ça a marché, pensa-t-il.

Il s'enfonça plus confortablement sous la couverture, soupira. Beaucoup de pensées le traversèrent, résultats de cette journée agitée. Les événements lui revinrent en mémoire : sa course matinale, son rendez-vous avec Matthieu, puis l'arrivée des taureaux… Ces créatures étaient aussi implacablement puissantes, qu'absurdement violentes. L'humanité avait-elle fait ce long chemin vers la paix, la compréhension et le pardon, pour se retrouver si facilement détruite par une race belliqueuse et sanguinaire ?

— Ce qui me chiffonne le plus dans tout ça, marmonna-t-il pour lui-même, c'est cette fichue histoire de rutabaga…

Étrangement, l'image de ce légume ne cessait de lui venir à l'esprit, comme si elle dissimulait un précieux mystère qu'une force en lui le pressait de découvrir.


Un étrange et insistant bruit étouffé le réveilla en sursaut. Sans prendre le temps d'enfiler son pantalon, il courut à pas voûtés observer ce qui se passait.

— Qu'est-ce qui se passe ? grommela Julie, les yeux plissés par le sommeil.
— Restez silencieuses… intima discrètement Alex aux filles.

Il se dirigea vers une ouverture dans un mur d'où il pouvait examiner les alentours. Les oreilles aux aguets, il y fit dépasser sa tête. Tout d'abord, il n'aperçut rien ; jusqu’à ce que surgissent deux vaisseaux à l'aspect bien trop particulier pour être de facture terrienne.

Le premier était constitué de trois plaques mouvantes gravitant autour d'un habitacle fuselé. Chacune de ces plaques pulsait d'énergie bleue. L'autre était une grosse boule de métal parcourue de frénétiques rayons lumineux, dont la concentration augmentait lorsque l’appareil s'approchait d'un objet ou d’un obstacle. Ils atterrirent à quelque mètres de l'appartement détruit d'Alex.

— Pourquoi se posent-ils ici ? chuchota Julie, qui l'avait rejoint avec Elsa. Tu penses que ce sont nous qu'ils cherchent ?
— C'est possible… Mais je ne vois pas pourquoi. C'est peut-être simplement le fruit du hasard.
— Que fait-on ? On prend la fuite ?
— Continuons à les épier, pour le moment. Si c'est bien nous qu'ils veulent et qu'ils ont su nous retrouver ici, je ne donne pas cher de notre peau.

À peine les vaisseaux avaient-ils ouvert leur sas qu'une dizaine de femmes humanoïdes en combinaison noire et moulante sautèrent sur la terre ferme. Alex cligna plusieurs fois des paupières pour être certain qu'il ne rêvait pas : elles arboraient toutes une queue et un visage de félin.

— Ce sont des femmes-chats ! s'enthousiasma Elsa.

Les guerrières balayèrent la zone à l'aide de puissants faisceaux lumineux émanant de leur fusil. Elles exploraient les environs. Les trois têtes d'Alex, Julie et Elsa se retirèrent de l'ouverture à juste avant qu'on les illuminât.

— Fuyons ! ordonna Julie, les yeux écarquillés. On ne peut deviner leurs intentions : peut-être ces chattes sont-elles encore pires que les taureaux.

Sans perdre un instant, ils se précipitèrent à quatre pattes vers le lit pour remettre pantalon et chaussures. Chacun imaginait les pires scénarios.

— On va sortir par là où on est arrivé, réfléchit Alex. Puis on ira vers le nord, où nous aurons le plus de chance de rencontrer d'autres humains. Emmenez uniquement les bouteilles d'eau, la couverture serait précieuse mais on ne…
— AAAAALEEEEEEEEEEEEX !!! MAATTHIEEEUUUUU !!!

Il s'interrompit soudainement. Les deux filles le regardaient.

— Je connais cette voix… murmura-t-il, circonspect.

Rebroussant chemin, il rejoignit de nouveau son poste d’observation pour en être
certain.

— ALEEEEEEX !!
— Je suis là !

J-E suivit du regard les faisceaux lumineux qui convergèrent vers son vieil ami. Il soupira de soulagement à le voir en vie. Sans perdre un instant, il grimpa en grandes foulées les débris qui les séparaient : il avait tellement de choses à lui expliquer.

— Viens, Alex ! Ces femmes-chats sont là pour nous aider : ce sont elles qui m'ont sauvé la vie.

Alex fit un signe derrière lui, puis il enjamba le muret, suivi par Julie et Elsa. J-E les aida un par un à descendre du tas de détritus.

— Cette race extra-terrestre, expliqua-t-il à ses congénères, s'appelle les minettes. Ce sont d’ancestrales rivales des taureaux, bien qu'il n'y ait pas de guerre ouverte ; mais apparemment, cette attaque contre la Terre change tout. Elles connaissent et étudient notre planète depuis longtemps, et c'est pour cette raison qu'elles ont…
— …appris votre langue, enchaîna une minette au regard de fer.

Ses yeux brillaient dans la nuit. Parfaitement droite, elle faisait la taille d'Alex. Elle arborait une crinière coiffée en tresses blondes et brunes qui lui arrivaient jusqu'au bas de la joue. Sa posture ainsi que sa façon de parler dénotaient une certaine suffisance.

— Vous avez appris le français ? releva Alex, légèrement narquois. L'anglais aurait été plus judicieux.
— Miaou ! grogna-t-elle, vexée. Nous avons appris le français parce que les êtres les plus extraordinaires que la vie ait jamais créé, les êtres dont la puissance réunie dépasse l'entendement, les seuls qui ont le pouvoir de défaire l'invincible armée des taureaux… sont tous les trois français.

Alex n'eut pas le temps de jeter un regard perplexe à J-E, que l'intégralité des guerrières minettes s'était prosternée devant eux.

— Je me nomme Oweema ! Je suis la capitaine de cette escouade spéciale qui avait pour mission de vous récupérer tous les deux, ainsi que votre troisième compagnon. Nos scientifiques étudient votre colocation depuis qu'ils l'ont découverte, et elle ne cesse de les surprendre, de bouleverser les théories métaphysiques les mieux établies. Leurs recherches sont formelles : grâce à un étrange phénomène alchimique que nous ne comprenons pas, vous possédez en vous le même pouvoir qui fut à l'origine de l'univers. Que vous nous croyez ou non pour le moment n'a aucune importance ; grâce à l'entraînement que nous vous prodiguerons dans notre base secrète, vous apprendrez à le contrôler. Puis vous l'utiliserez pour vaincre ces monstrueux bovidés, et par la même occasion sauver votre espèce de la destruction, ainsi que celles des trente milliards de galaxies avoisinantes.

La chef des minettes leva la tête vers les deux français dans lesquelles elle plaçait tant d'espoir. Alex souriait. De façon amusante, il se rendit compte qu'il n'était nullement surpris par cette nouvelle. Maintenant qu'il l'apprenait, il avait l'impression de l'avoir toujours su. Il songea au rêve qu'il avait fait il y a longtemps, où il devait sauver le monde en compagnie d'Emma Watson ; cela avait-il donc été une prémonition, un aperçu tout à faut minime de ce qui l'attendait ?

— Vous pouvez compter sur mon aide, annonça-t-il.
— Parfait ! se réjouit Oweema. Nous perdons pas un instant, les taureaux peuvent surgir à n'importe quel instant. J-E, Alex, suivez-moi dans le fonceur. Je vous expliquerai tout en route, nous avons plus d'une heure de voyage. Je vous laisse cinq secondes maximum pour dire adieu aux deux humaines derrière vous ; vous ne les reverrez sans doute jamais.

Alex s'immobilisa, interdit, tandis que la capitaine lui tournait déjà le dos pour rejoindre son vaisseau.

— Vous n'allez tout de même pas les laisser là ?
— Ah ah ! Miaou. Bien sûr que si. Nous ne pouvons nous encombrer de civils. En particulier de simples femelles…
— Ramenez-les au moins en compagnie d'autres humains ! s’emporta Alex. Elles n'ont aucune chance de s'en sortir seules, ici !

J-E observait la scène silencieusement. Ne connaissant pas Julie et Elsa, il était moins impliqué qu'Alex quant à leur sort. Cependant, plus il les regardait, plus il se sentait concerné, à tel point qu'il finit par culpabiliser de ne pas l'avoir été dès le début. Les deux humaines, timides, n'osaient dire un mot. Oweema se retourna, les lèvres retroussées.

— D'ici quelques mois, votre planète ne sera plus qu'un élevage géant pour ceux de votre espèce. Où voulez-vous que nous les transportions ? Mourir ici est un cadeau que je leur fais.
— Alors elles nous accompagneront jusqu'à votre base secrète. Nous ne partirons pas sans elles.

Plusieurs signes d’exaspération traversèrent le visage de la capitaine des minettes.

— Rrrrh… Soit. Puisque vous semblez aussi têtu, nous les emmènerons. Elles voyageront dans la sphère, qui est moins rapide, et vivrons dans l'aile réservée à nos scientifiques ; ainsi, elles auront au moins l'utilité de les aider à comprendre votre culture. Problème résolu ? Bien. Suivez-moi à présent, nous n'avons plus une minute à perdre.

Son ton était sans appel. Alex et J-E souhaitèrent rapidement bon voyage à Julie et Elsa, promettant de les revoir.

Oweema fit un étrange geste de la main, et ils lévitèrent tous trois jusqu'au fonceur. À l'intérieur, le vaisseau était minimaliste : il y avait des sièges pour six personnes, ainsi que des hologrammes et des écrans immatériels totalement incompréhensibles, situés à des endroits improbables. La capitaine des minettes donna des ordres dans sa langue à l'ordinateur de bord, qui fit s'envoler l'astronef. Alex se sentit soudainement plaqué contre son siège.

— Où allons-nous ? demanda-t-il.
— Je vous l'ai dit : à notre base secrète, implantée sur le satellite de votre planète.
— Nous n'allons pas chercher Matthieu ? s'étonna J-E. Je pensais que votre mission consistait à nous récupérer tous les trois.

La mine d'Oweema s'assombrit.

— Hélas… grogna-t-elle d'une voix rauque. J'ai pris soin de ne pas trop évoquer votre colocataire jusque-là, car vous risquez de ne pas aimer la nouvelle.

Elle se tut et leur tourna le dos. Alex eut l'impression qu'elle avait honte.

— Il est mort ? dut insister J-E.
— Non, répondit-elle sans les regarder. Il a été capturé par les taureaux. Soyez certains qu'eux aussi voudront en faire leur arme suprême. D'après nos informateurs, ils comptent utiliser son père pour le manipuler. Vous pouvez dès à présent oublier l'amitié qui vous liait à lui ; car à partir d'aujourd'hui, c'est votre pire ennemi.


Train-train
— Tu sais, je suis content de revoir les potes et tout, mais qu'est-ce que ça me fait bader d'aller à Brest… Qu'est-ce qu'on va foutre là-bas ?
— Attends, regarde la meuf sur le quai… T'as vu comment elle est habillée ?
— Où ça ? Oh merde, ouais, en voilà une petite pute !
— Ah ah !

Matthieu, qui s'était assis à une place isolée il y a quelques minutes, regarda par la fenêtre du train de quelle fille parlaient les deux hommes installés derrière lui. C'était une grande rousse aux longs cheveux frisés, en train d'embrasser un garçon qu'elle semblait plus que ravie de retrouver.

— Oh, la salope !
— Cochonne !

Le train redémarra.

— Putain, Brest quoi… Il nous reste combien de temps de trajet ?
— Deux heures trente.
— Quoi, encore ? Oh non…
— Pense aux filles qui nous attendent.
— Tu parles, il n'y a rien là-bas. Juste des gros boudins.
— Imagine les boîtes de nuit ! Plus de thons, de truites et de morues que dans un aquarium !
— Ah ah, ouais !

Ils s'interrompirent le temps de lorgner une jeune femme qui traversait le wagon.

— Ouais, définitivement pas le niveau…

Matthieu ne savait pas à quoi ses deux voisins ressemblaient, mais ils lui étaient aussi détestables que leur voix était, il devait l'admettre, douce et agréable. Vu la prétention avec laquelle ils jugeaient le physique d'autrui, il supposa que leur visage devait également être tout à fait charmant.

Alors qu'ils reprenaient leur savante critique de la morphologie des femelles brestoises, Matthieu reçut un message qui lui permit de s'évader de cette conversation. C'était J-E, qui répondait à sa question sur ses deux héroïnes Disney préférées :

« Mmmmmmmh… Raiponse, et Ariel (sous forme humaine). Et Emma Watson bien entendu. Si tu veux je peux même répondre pour Alex, on en a parlé il n'y a pas longtemps : dans l'intimité, il m'a avoué ressentir un certain penchant envers Sébastien le homard et Pan-pan le lapin. »

Matthieu rigola discrètement. Il posa sa tête contre la vitre et songea à Équipe Épique & Colégram, repassant dans sa tête certaines phrases qu'il avait prévu d'écrire et qu'il affectionnait particulièrement. Il avait hâte d'arriver et de revoir Alex, de lui parler de ses nouvelles idées et de lui demander ce qu'il en pensait. La dernière histoire en particulier accaparait ses pensées. Il avait toujours aimé les fins bien travaillées, qui répondent à toutes les questions soulevées tout en entraînant le lecteur dans un dernier sprint d'actions et de rebondissements qui le laisse, au bout du compte, autant essoufflé que comblé.

C'est ça que je dois essayer d'obtenir, se dit Matthieu. Tant que je n'y arriverai pas, je recommencerai ; quitte à remodeler des passages entiers de l'histoire. Tout se jouera sur une information capitale, une information que je ne dévoilerai qu'au dernier moment, que le lecteur sagace pensera avoir deviné – à tort, hé hé hé ! –, et qui changera toute la donne : c'est que, en vérité, la…

— Bonjour monsieur. Votre billet, s'il-vous-plaît.

Matthieu lui tendit son ticket. Après avoir reçut l’assentiment du contrôleur, la discussion de ses voisins de derrière happa de nouveau l’attention du jeune homme. Ils semblaient regarder les photos de filles à proximité de Brest sur un site de rencontre, affublant chaque profil de commentaires désobligeants dès qu'il ne dépassait pas leurs critères.

— Oh, tiens, celle-là habite à… Saint-Pabu !
— Saint-Pabu ! Ah ah ! Ça existe, comme ville ? Il doit y avoir quoi… dix habitants ?
— En tout cas, si elle pense vraiment que je vais me taper le chemin pour la voir, c'est une grosse glandue.
— Au fait, tu viens à la soirée ?
— Je t'ai dit, je ne sais pas… Apparemment il y aura beaucoup de couples ; si les filles sont toutes maquées, je ne vois pas l'intérêt de venir.
— Ouais, mais il y aura Steve. Et Laurent. Ça fait longtemps qu'on ne les a pas vu. Et puis, je ne peux te garantir que personne n'amènera une amie célibataire.
— Pfff, je suis sûr qu'elle sera coincée. Ou moche.

Matthieu regretta d'être en pleine forme : dormir n'était même pas une solution envisageable pour éviter leurs inepties. Le trajet dure deux heures trente, se rassura-t-il. Impossible qu'ils continuent de bavarder aussi longtemps.


Hélas, il se rendit bien vite compte que les bougres en étaient capables. Il jeta un coup d’œil à son téléphone : deux minutes seulement étaient passées depuis la dernière fois qu'il avait regardé l'heure. Il n'en pouvait plus.

— Hé, tu te rappelles la petite irlandaise qu'on avait croisé en boîte la dernière fois ?
— Ouais, celle avec une grosse poitrine ?
— Mais non, la fille avec un super cul ! Elle avait un pantalon rose si serré qu'on pouvait en voir la raie.
— Ah oui… Celle-là. C'est vrai qu'elle était pas mal. Hé ben ?
— Je te dis : tu aurais pu la choper. Elle était pour toi.
— Arrête, c'est n'importe quoi.
— Je t'assure.
— Mais non.
— Mais si.
— Mais non…
— Mais si. Puisque je te le dis.

De désarroi, Matthieu s'affala sur le siège à côté de lui. Ses deux voisins étaient tellement insupportables !

Le breton n'était pas homme à entrer facilement en colère. C'est donc très calmement qu'il s'imagina se retourner subitement, leur casser la mâchoire d'un uppercut bien placé, leur bondir dessus à pleines griffes, les rouer de coups, arracher l'intégralité de leurs poils avec ses dents, utiliser leur tête comme un bélier pour défoncer la vitre, puis – enfin – les balancer hors du train. Le tout dans la plus parfaite mesure de soi.

Ah, comme j'aimerais être un personnage de roman ! soupira-t-il, à-demi allongé. Au moins je n'aurais pas à supporter de telles situations, ma vie serait toujours trépidante, pleine de feu et d'action. Le « Matthieu » d'Équipe Épique & Colégram a bien de la chance que je m'occupe de lui !

À peine cette pensée l'effleurait-il qu'une incroyable explosion retentit. Matthieu n'eut même pas le temps de se demander ce qui se passait qu'une deuxième détonation déchira l'air. Son souffle propulsa le train entier dans les cieux, bien au-dessus des arbres.

À l'intérieur, les voyageurs se sentirent écrasés contre leur siège à n'en plus pouvoir bouger le petit doigt. Puis les terrifiantes forces en jeu s'inversèrent, s'annulèrent ; l'espace d'un instant, ils se retrouvèrent tous en apesanteur à flotter avec leurs bagages dans le wagon. Matthieu, cherchant désespérément à agripper le dossier de son siège, aperçut fugacement le visage de ses horripilants voisins. Bien qu'il se trouvait dans une situation critique, une part de lui prit le temps de s'étonner de leur laideur : ils avaient la peau grasse et boutonneuse, les traits osseux, les lèvres épaisses et les yeux vitreux. Eux qui traitaient sans vergogne les filles de morue et de thon, avaient une face de hareng.

Il se demanda si leurs visages terrifiés seraient les derniers qu'il verrait avant de mourir.

Son regard se portant vers la fenêtre d'en face, il comprit que c'est là-bas que l'habitacle allait s'écraser ; il tourna donc ses pieds dans cette direction, préférant perdre ses jambes à toute autre partie de son corps.

Le TGV heurta le paisible champ de choux et de courgettes avec toute la violence de sa vitesse. Une force démesurée projeta Matthieu contre la vitre, qui se brisa en même temps que ses os. Du verre s'immisça profondément dans ses chairs, emmenant avec lui de la terre, des bouts de métal, et de la purée de courgette.

Son wagon se détacha alors des autres et se mit à rouler sur lui-même en effectuant de gigantesques ricochets sur l'étendue cultivable. Le crâne de Matthieu cogna tout ce qui se trouvait à sa portée. Ses bras désarticulés se coincèrent dans des positions qui auraient fait souffrir une marionnette. Il ne sentait plus ses jambes, et doutait même d'en avoir encore. Il avait l'impression d'être un glaçon prisonnier dans un shaker.

Quand tout s'arrêta enfin, un grand silence résonna ; à tel point qu'on pouvait presque entendre le soupir de soulagement des choux qui avaient survécu. Dans ce qui restait du train, Matthieu gisait piteusement, le thorax coincé entre deux dossiers de sièges compressés l'un contre l'autre. Sans qu'il en ait conscience, un gémissement continu fuyait sa gorge, seulement interrompu par des inspirations aussi éprouvantes que laborieuses.

La douleur était telle qu'il ne la ressentait plus. Il avait l'impression que son corps n'était plus que de la compote. Aucun de ses muscles ne lui répondait, mis à part ses paupières et… Ah, tiens, si, quelque chose était en train de lui gratter le front !
Il se demanda ce que c'était, avant de rendre compte qu'il s'agissait de son pied. Apparemment, quelques nerfs étaient encore connectés, car il pouvait bouger ses orteils. Par mégarde, ils lui chatouillèrent l'arcade sourcilière. Il rigola.

— Putain, regarde le gars !
— Oh, merde ! C'est dégueulasse…. C'est lui qui fait ce bruit bizarre ? Tu crois qu'il est toujours vivant ?

Matthieu aurait reconnu ces deux belles voix entre toutes. Levant les yeux en un effort surhumain – sa tête était à l'envers –, il aperçut ses deux voisins miraculeusement intacts. Co… comment ont-ils faits ? se demanda-t-il, ahuri.

— Putain ! Il me regarde ! Mec, il me regarde !
— Quoi ? Aaaah ! Il fait flipper, ce pauv' con ! Viens, on se casse, j'ai pas envie de rester à côté de ce truc… On ne peut plus rien pour lui de toute façon. C'est déjà trop bizarre qu'il soit encore en vie.

En les voyant l'abandonner, un sentiment de désespoir envahit Matthieu. Étonnamment, ce n'était pas le fait de n'avoir plus que quelques minutes à vivre qui le rendait le plus triste ; non, c'était d'être ignoré de ses semblables pendant ses derniers instants.

Il avait les nerfs à fleur de peau – littéralement – et son esprit était un boulevard surchargé par des messages de souffrance, d'alerte et d'émotion qui s'entrechoquaient les uns aux autres ; aussi ce délaissement le toucha plus qu'il ne l'aurait dû. Silencieusement, tout en observant les deux hommes lui tourner le dos pour se frayer un chemin vers la liberté, il pleura.

— Qu'est-ce qui s'est passé, à ton avis ?
— Je ne sais pas. Peut-être qu'un moteur a explosé. Tiens, regarde, on peut essayer de sortir par cette vitre.

En dégagèrent plusieurs sacs de bagages qui encombraient le passage. L'une de ces valises, en se renversant par terre, libéra un tas de lingerie féminine.

— Oooh, mais il y a plein de choses intéressantes, là-dedans ! Ce serait bête de repartir les mains vides, pas vrai ?
— Pfff, prends ce que tu veux, moi j'en ai rien à fiche.

Il laissa son compagnon au milieu des vêtements, sortit par la vitre brisée, et se fit accueillir par une longue lame qui lui perfora le coup jusqu'à la hampe. Matthieu hoqueta de surprise.

Un homme-taureau aux muscles saillants rentra furtivement dans le wagon, armé d'une lance au moins aussi lourde que lui. Sans la moindre hésitation, il transperça la poitrine du jeune humain en train de jouer avec les strings, qui s'écroula tête la première dans les sous-vêtements. La créature se dirigea ensuite vers Matthieu, les sourcils froncés. Il avait l'air concerné par son sort.

— Hello, sir Matthieu. You okay ?

Le breton ne comprenait plus rien. Il cligna plusieurs fois des paupières pour être certain qu'il ne rêvait pas.

Ouaaaaaaa… parvinrent à émettre ses cordes vocales ravagées.

Le bovidé fronça les sourcils. Il s'agenouilla et approcha son oreille pour mieux entendre.

Ouaaaaaaaaaaaaaatt… the fuuuuuuck…

Un joyeux meuglement emplit le wagon.

— Ah ah ah ah ! Ne vous inquiétez pas, sir, ajouta-t-il en anglais, je vais vous sortir de là.

Quand il enleva une plaque en métal fichée dans les hanches du jeune homme, Matthieu comprit que son centre de la douleur n'était pas complètement éteint ; au contraire, il pouvait encore ressentir une souffrance plus forte que tout ce qu'il avait jamais vécu. Il s'évanouit instantanément.

— Vache ! laissa échapper le taureau en découvrant la pâtée sanguinolente. (Il leva son ordinateur de poignet à hauteur de menton) Troupeau gamma, ici sergent Gouwoum. Il semblerait qu'on ait un peu trop forcé sur les explosifs, ah ah ! Le gamin est vivant, mais plus pour longtemps. C'est un vrai steak haché. Amenez donc un conservateur qu'on récupère au moins sa tête. Chef Kiki et le Grand Cornu nous enverront directement à l'abattoir si on ne leur ramène pas son cerveau intact. Et magnez-vous la culotte, ça me donne faim toute cette viande.


Deuxième naissance
Qu'est-on lorsque plus aucune pensée, consciente ou inconsciente, n'agite notre cerveau ? Se retrouve-t-on simplement « en pause », ou bien une part de nous disparaît à jamais ? Sommes-nous de la matière bien organisée, rien de plus ; ou possédons-nous un petit quelque chose supplémentaire, à l'intérieur de nous, qui nous pousse à être vivant ?

Pendant un temps, Matthieu exista simplement en tant que tête. Une tête proprement découpée, encore vivante, placée avec soin dans une boîte où même le plus petit bout d'atome n'était pas autorisé à se déplacer.

La boîte parcourut bien du chemin, passa entre de nombreuses mains. On la tâta, on la négocia. Elle provoqua des débats houleux. Le pouvoir qu'elle contenait faisait briller de convoitise les regards des plus puissants ; mais la crainte de ne pas être en mesure de contrôler ce pouvoir refrénait les ardeurs. Se lancer tête la première étant trop dangereux, on s'accorda pour mettre au point un test. Une expérience.


Au départ, il n'y avait que le silence. Son esprit était comme une immense maison entièrement vide, où tout était prêt à l'emploi, mais rien n'était utilisé. Il y régnait un calme infini, une sérénité absolue ; c'était bien, et il n'y avait aucune raison pour cela change. Mais une petite étincelle se produisit. Un embryon de pensée brilla timidement. Esseulé, il agita avec insistance sa faible lueur, jusqu'à réveiller un de ses voisins les plus familiers. À son tour, celui-ci se mit à vibrer, à faire courageusement vaciller la flamme de son existence, à transmettre sa propre chaleur.

Bientôt, ce furent des milliers, puis des millions, de pensées qui partirent dans toutes les directions. Le vide paisible dans lequel baignait il y a peu Matthieu, s'était transformé en un merveilleux fourmillement d'activité. La maison autrefois plongée dans l'obscurité, était maintenant parcourue d'éclatants ballets de lumière, qui parcouraient avec vivacité ses couloirs biscornus, montaient et descendaient les escaliers d'un pas aérien, et dansaient les rondes les plus folles à l'intérieur des chambres.

Matthieu rêvait.

Il rêvait de tuyaux. De tous types de tuyaux : de gros tuyaux, de petits tuyaux, des tuyaux carrés, des tuyaux d'une taille infinie et qui pourtant continuaient à grandir. Il était dans une forêt où tous les arbres étaient de gigantesques tuyaux. Il s'amusait à les escalader, à monter le plus haut possible pour apercevoir le ciel. Mais c'était une escalade qui ne finissait pas ; à peine se laissait-il distraire qu'il tombait jusqu’en bas, atterrissant sur un sol entièrement composé de tuyaux plus petits.

Après une chute plus violente que les autres, ces derniers se mirent à bouger. Ils rampèrent vers lui comme autant de serpents mécaniques, puis s'infiltrèrent dans ses chaussettes, se faufilèrent sous le pantalon en remontant par les mollets. Ils partirent à l'exploration de sa nudité, leurs appendices souillés tâtonnant partout avec une curiosité malsaine. Une fois qu'ils se sentaient bien ils lui rentraient dans la peau, s'enfouissant insidieusement à l'intérieur de son corps.

Il sentit avec horreur des serpents introduits sous sa chair lui parcourir le dos, coulant le long de sa colonne vertébrale. Ils s'insinuaient partout où ils le pouvaient : dans son ventre, ses bras, ses fesses, son cou. Quand il voulut bouger, Matthieu s'aperçut que ses jambes n'étaient plus qu'un amas instable de tubes. Déséquilibré, il faillit tomber en arrière, se rattrapa, mais tomba en avant. Sa tête heurta un tas de serpents qui explosèrent sous le choc en crachant un épais liquide rouge. Ils étaient tous gorgés de sang à présent. Il en sentait un qui s'agitait, coincé entre ses doigts, essayant de lui rentrer dans la paume sans y parvenir. Matthieu serra le poing, l'éclatant avec une facilité déconcertante.

Ce fut comme s'il venait de déclarer la guerre aux tuyaux. Une atmosphère de haine absolue à son égard l'aplatit contre le sol. Les grands arbres se ployèrent vers lui pour l'étouffer, empêcher les rayons de soleil de parvenir jusqu'à lui. Les serpents sifflèrent avec malveillance et redoublèrent d'ardeur. Certains tentèrent de forcer l'ouverture de ses lèvres. « Non ! » s'écria aussitôt Matthieu, « Pas la tête ! ». En vain : ils le pénétrèrent par les joues, dans les yeux, et via l'ouverture qu'il avait à l'arrière du crâne.

N'ayant plus aucun échappatoire, totalement pris au piège, Matthieu se réveilla. Il ouvrit subitement les yeux, prit une grande inspiration. Mais à la place de l'air qu'il s'attendait à recevoir, il avala une large goulée de la substance visqueuse dans laquelle il flottait. Prisonnier d'une cuve à peine plus large que lui, il suffoqua. Des dizaines de seringues étaient directement plantées dans son corps. Recherchant désespérément de l'air, il cogna les épaisses parois lisses et métalliques qui l'entouraient.

Une des parois s'effaça alors, déversant par terre le liquide de la cuve. Matthieu tomba tête en avant, comme dans son rêve. Atterrissant en position fœtale, il aspira avidement l'air qui s'offrait à lui. Chacune de ses respirations était un hideux croassement. Il avait mal partout, sa tête était parcourue d’ondes de douleur. Faiblement, il tenta de se mettre sur les genoux. Il cria sous l'effort accompli, et cela le fit vomir. Il retomba piteusement contre son dégueulis.

La pièce dans laquelle il se trouvait était immense ; mais peut-être était-ce juste une impression, car tout lui semblait incroyablement flou, désordonné, tordu. Il apercevait indistinctement des machines à l'apparence terrifiante, des rangées entières de cuves semblables à celle dont il venait de s'échapper, ainsi que des écrans à la taille improbable.

Une porte claqua, suivie par un tonitruant éclat de voix.

— MON FILS !

Les oreilles de Matthieu bourdonnèrent, il fit la grimace. Son père descendait les marches d'un escalier les bras grands ouverts. Il avait l'air d'être l'homme le plus heureux du monde.

— Tu es vivant… ajouta-t-il avec emphase.

Il tenta de le prendre entre ses bras comme un bébé, mais il s'avéra beaucoup trop lourd.

— Hé bien, tu as pris du poids mon garçon ! C'est bien.
— Qu'est-ce que… croassa Matthieu. C'est quoi cette coupe de cheveux ? On dirait une rock-star.
— Ah ! Que de questions doivent se bousculer dans ta petite tête ! Ne t'inquiète pas, mon cher fils, dès que tu seras en meilleur état je te donnerai toutes les réponses.
— Pourquoi ?… Pourquoi tu t'es teint les cheveux en rose ?
— Allons, allons. Garde ton énergie pour récupérer de tes blessures. Je crois que tu subis une fixation post-traumatique sur ma chevelure.
— Oui, mais regarde-toi aussi…
— J'ai changé, mon garçon. C'est tout. Par exemple, je ne veux plus jamais t'entendre utiliser mon prénom. Maintenant, je suis connu et respecté sous mon terrifiant nom de guerre. Appelle-moi « Chef Kiki ».
— Chef Kiki ? s'amusa Matthieu. Pourquoi un tel surnom ?
— Ah, je savais qu'il te plairait ! Je t'expliquerai plus tard. En attendant, avale ce médicament, il te fera du bien. Tu as besoin de repos.

Matthieu obtempéra docilement. Dans les bras de son père, il se sentait en sécurité. Enveloppé de son aura rassurante, il sentait s'adoucir les souvenirs traumatisants de l'accident de train. Soudainement fatigué, il baissa les paupières.

— Tu vas voir, lui parvint la chaude voix de Chef Kiki, nous allons faire de grandes choses tous les deux.


Quand il se réveilla, il se trouvait dans une chambre gigantesque, au milieu d'un lit tout aussi démesuré. De doux rayons de soleil lui effleuraient la joue, adoucis par de fins rideaux aux teintes cuivrées. La chambre dans laquelle il se trouvait débordait de fastueux et de luxure. Au-dessus de sa tête pendait un lustre resplendissant de ses fines opales et gemmes de cristal. Un riche velours pourpre recouvrait les murs, minutieusement décoré par des enluminures dorées. Le sol était fait d'un marbre lustré aux veines noires et blanches.

— Où suis-je ? se demanda-t-il d'une voix étouffée.

Il se sentait étonnamment bien. Il avait l'impression d'être… purgé. À la fois physiquement et mentalement. C'était comme s'il redécouvrait chaque chose : le contact des draps de soie entre ses doigts et contre son corps, les chaudes couleurs de la pièce qui venaient cajoler ses deux yeux arrondis, le silence fascinant des objets. Simplement pouvoir observer le monde, l'emplissait d'une indicible joie. Il tâcha de faire vivre le plus longtemps possible les douces sensations que l'existence lui offrait.

Une fois qu'elles lui eurent définitivement échappé, il soupira, puis tenta de se rappeler comment il s'était retrouvé ici. Recouvrer le moindre souvenir lui était étonnamment difficile. Au prix d'une intense concentration il revit en images l'accident du train, ainsi que son réveil dans la cuve pleine de liquide. Il fronça les sourcils : son esprit était désespérément lent. Chaque obstacle à sa pensée, chaque décision, lui demandait un effort éreintant.

— Il faut que je trouve mon père, résolut-il. Lui saura m'expliquer.

Il voulut sortir de son lit, mais son corps ne réagit pas du tout comme prévu. Au lieu de se poser délicatement sur le bord du matelas comme il l'entendait, il s'agita dans tous les sens comme une poupée désarticulée.

Qu'est-ce qui m'arrive ? s'inquiéta-t-il.

Avec circonspection, il tenta de bouger la jambe. Ce fut son bras qui, pris d'un élan soudain, vint s'écraser contre son nez.

— Mais…

En essayant de l'ôter de son visage, il ne parvint qu'à contracter son quadriceps gauche si fort qu'il écopa d'une crampe.

— Mes muscles sont désordonnés ! comprit-il.

Après de nombreux essais, il réussit à se mettre en position assise. C'est à ce moment que la porte de sa chambre s'ouvrit.

— Alors Matthieu, comment tu te sens ? demanda doucereusement son père.

Il tenait entre les mains un plateau-repas aux odeurs alléchantes qu'il posa sur une petite table.

— Bien, mis à part que mon corps est complètement détraqué ! Quand je bouge la main par exemple, c'est mon pied qui réagit. Comment ça se fait ?
— Ah. En effet, les médecins m'avaient prévenu qu'ils s'étaient un peu mélangés les pinceaux lors de la reconstruction de ton corps. Une erreur bête d'après eux, mais ils ont assuré que tu t'en sortirais. Tu peux marcher ?
— Attends, je vais essayer. Bouge pas.

Chef Kiki sourit. Il s'agenouilla et tendit les bras en direction de son fils.

— Allez, viens !

Concentré, Matthieu se leva. Il se trouvait beaucoup plus lourd que d'habitude, mais ça avait l'avantage de lui garantir une meilleure stabilité. Prudemment, il avança une jambe, se rappelant à quel autre muscle il devait « penser » pour la contrôler. Petit à petit, chancelant, hésitant, il se rapprocha de son père, dans les bras duquel il trébucha finalement par mégarde.

— Tu t'en sors bien ! Laisse-moi t'aider à t’asseoir, il faut que tu manges. On a beaucoup de choses à se dire.

Matthieu acquiesça avant de s'affaler sur le siège. Il saisit sa fourchette en jetant un regard attentif à Chef Kiki.

— Tout d'abord, tu dois savoir que le monde a bien changé… Deux races extra-terrestres ont débarquées sur la Terre : l'une conquérante, l'autre protectrice. La première se nomme les minettes, c'est une espèce mi-humaine mi-féline qui n'a de cesse de dominer et de réduire en esclavage les peuplades moins évoluées comme la nôtre. Ce sont elles qui ont causé l'accident de train dans lequel tu as failli périr. Heureusement, les taureaux sont arrivés à temps. Ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger l'humanité. Tu te trouves en ce moment dans la dernière zone libre de la planète : Versailles. La ville est une véritable enclave de la liberté, tandis que le château est utilisé comme une base occupée par les plus grands commandants taureaux… ainsi que nous deux. À part toi et moi, aucun être humain ne foule ce couloir.
— Pourquoi juste nous deux ? Nous avons quelque chose de spécial ?
— Tu es mon fils ; et moi je suis gouverneur de Versailles. Aujourd'hui, il n'est nul homme plus haut placé que moi. Quand je donne un ordre, tout le monde obéit. Même parmi les taureaux je n'ai qu'un seul supérieur : le Grand Cornu. Hormis lui, toi aussi tu peux considérer n'importe qui comme ton serviteur dévoué. Chaque humain, chaque taureau, te doit l'obéissance absolue.

Voyant que Matthieu ne parvenait pas à manger correctement – il se barbouillait maladroitement le visage – Chef Kiki prit sa fourchette pour l'aider.
— Ouvre la bouche. Tu peux me remercier : c'est moi qui ai demandé aux taureaux de te retrouver. Une bombe minette a heurté le train dans lequel tu te trouvais, mais ils ont été capables de te ramener en vie. Ici, tu pourras te refaire une santé, bien à l'abri des agitations du monde extérieur.

La bouche pleine, Matthieu sourit gentiment.

— Hé bien, on peut dire qu'ils sont arrivés au bon moment. Je ne pourrais t'être plus redevable : tu m'as sauvé la vie.
— Allons, c'est normal qu'un père s'occupe de son fils. À présent, tout ce que je souhaite, c'est que tu te remettes sur pied le plus rapidement possible. Ton corps a subi un puissant traumatisme.
— J'ai l'impression de réfléchir plus lentement qu'auparavant, acquiesça-t-il. J'ai du mal à retrouver mes souvenirs – j'y arrive, mais c'est laborieux. C'est de l'accident de train dont je me souviens le moins ; je retrouve simplement l'image de ce taureau, agenouillé devant moi, qui m'appelle « sir » et me dit en anglais qu'il va s'occuper de moi. De même, il me semble que l'intégralité de mes opinions, des idées que j'ai pu me faire pendant ma vingtaine d'années d'existence, ont complètement disparu. C'est comme si… je devais tout reconsidérer. Reconstruire ma personnalité une deuxième fois.
— Ton crâne a subi de nombreux chocs, c'est normal que des séquelles subsistent. Tu aurais pu finir amnésique, ou tomber dans un éternel coma. Considère cela comme une chance : il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir repartir de zéro.

Pendant quelques minutes les deux hommes plongèrent dans leurs pensées.

— C'est terrible cette histoire de minettes, intervint Matthieu. L'humanité entière sous le joug d'un peuple de femmes-chats… Les taureaux ne peuvent-ils pas nous aider plus qu'en protégeant une seule ville ?
— Pour l'instant, non. Ils ne sont pas assez nombreux. Mais une flotte gigantesque est en route depuis leur système solaire, une flotte dont le seul objectif est d'éradiquer définitivement toute trace des minettes sur Terre. Elle arrivera d'ici quelques mois.
— Alors il y a de l'espoir ! Je mettrai toutes mes capacités au service des taureaux dans cette guerre ; c'est de la survie de notre espèce qu'il s'agit. Je sais bien qu'aujourd'hui je suis un handicapé, incapable de marcher ou même de me nourrir seul, mais s'il y a quelque chose qui est en mon pouvoir et qui puisse aider, je le ferai.

La joie irradia de Chef Kiki.

— Je suis tellement fier de toi… Tu es le fils parfait. Plus parfait encore que celui dont j'ai toujours rêvé. Allez, mange, ça te donnera des forces !
— Elle est super bonne cette viande. La sauce chasseur l'accompagne très bien. C'est du gibier ?
— Non. De l'humain.

Matthieu manqua de s'étrangler.

— Quoi ? C'est une blague ?
— Pas le moins du monde. Notre enclave ne contient pas assez de terres agricoles pour nourrir la totalité de ses occupants. En revanche, ce que nous possédons à foison, ce sont des cadavres. Les minettes entassent leurs milliers de victimes dans des containers qu'elles laissent négligemment en bordure des villes. Nous avons récupéré ces containers ; en les stockant à l'intérieur de nos congélateurs nous avons déjà amassé assez de nourriture pour survivre plusieurs années. Dis-toi que c'est comme du recyclage, sauf qu'au lieu de recycler le verre ou le papier, nous recyclons les morts.

Interdit, il observa silencieusement le juteux morceau de viande que son père lui tendait. Ses arguments avaient du sens. Et puis, le fumet qui en émanait était délicieusement attrayant.

— Le recyclage, c'est bien, sourit le jeune homme en ouvrant la bouche.

Il avala goulûment le bout d'humain.

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Message posté le 14:57 - 17 juin 2016

J'attaque la lecture de ce chapitre, et j'ai une remarque liminaire : n'hésite pas à aérer davantage ton texte sur le forum (sur Bookland c'est nickel). Je sais que c'est chiant, mais ce sera plus agréable visuellement ; tandis que ceux qui s'entêteront à lire ici t'en féliciteront.


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Message posté le 22:05 - 17 juin 2016

J'ai peut-être fait exprès pour forcer les gens à utiliser Bookland <:->

Je m'en occupe de ce pas.

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