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4 déc. 2016 - 02:56

Travaux en cours

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PROLOGUE : pas tuer Hitler


On s'en rend pas vraiment compte, ou alors on y pense jamais, mais finalement c'est pas si loin les années 30. Enfin pas loin du point de vue, comment dire, technologique. Les mecs avaient déjà les voitures, les appareils photos, même les caméras. Et puis si on compare à nos années 2010, y'a plein de trucs qui n'ont pas changé d'un iota, comme les meubles, les poignées de porte, les immeubles, les plaques d'égout. Enfin si, il y a des nouveaux modèles, mais les trucs qui ont vraiment la classe, ça date de cette époque, comme ces lampes de bureaux pour banquier, là. Les pensées de Toni Pal vagabondent pendant qu'il foule de ses bottes de combat l'Oranienburger Straße, à Berlin. Et puis même les mentalités, finalement ça a pas beaucoup changé. On doit tout à fait pouvoir parler à un type des années 30, se comprendre, avoir des points en commun, sans qu'il y ait un genre de gouffre culturel ou sociétal. C'est la belle époque. En même temps, il ne parle pas allemand alors qu'est-ce qu'on s'en fout ?

Toni s'arrête devant le numéro 52 et tambourine à la porte, qui s'ouvre presque instantanément sur le visage de moaï d'une vieille aux cheveux ébouriffés. Elle le toise sévèrement en essuyant des mains pleines de farine sur son tablier. « Was ? » Toni ricane comme un dingue parce que ça lui fait trop penser à une réplique de film et il lui tire une balle de carabine dans chaque genou. Elle s'affale dans des braiements de chèvre et ses jambes se plient dans un sens inédit quand il la repousse vers l'intérieur du hall d'immeuble. Furtif comme toujours, Toni grimpe les marches jusqu'au troisième étage et défonce la petite porte en bois d'une chambre de bonne. Il surprend Irvin Flexos allongé sur le lit, lisant un journal en français.

« Tu es fait comme un rat, Flexos ! »

Le Gréco-suédois lève les mains en l'air et glapit : « Pal ? Toni Pal... ?

- Hé ouais, mon gars, je suis là pour mettre un terme à ton petit projet diabolique !

- Quoi ? Diabolique ? Mais au contraire, j'ai remonté le temps pour tuer Adolf Hitler.

- Et ce faisant, tu as causé ta perte, Flexos. »

D'une rafale de carabine, tous les organes vitaux de l'assassin temporel sont transpercés et son corps tombe sur le sol de la chambre. Toni Pal sourit, très fier de sa punchline et de son habileté au tir. Puis, il se dit que, merde, il n'avait pas fini d'expliquer à Flexos pourquoi il ne devait en aucun cas tuer Hitler ; il avait même pas commencé, en fait. C'est parce que c'est à cause de la discontinuité temporelle, qui fait que comme c'était quelqu'un de vachement impactant à l'échelle du siècle, du coup il a causé des répercussions sur la vie de beaucoup de gens et que les choses auraient pas été les mêmes par la suite, s'il n'avait pas vécu ou si il s'était fait assassiner. Par exemple, s'il n'y avait pas eu la Seconde Guerre Mondiale, jamais les grands-parents paternels de Toni Pal se seraient rencontrés à Créteil après que sa grand-mère a fui les Vosges et fatalement il serait jamais né, on lui avait expliqué. Et pareil pour pleins de gens dont l'avenir aurait été en quelque sorte avorté. Donc, en théorie, on sauvait plus de monde en laissant Hitler en vie faire ses trucs immondes. C'est horrible mais c'est comme ça. Oui, mais en même temps, mettons que si on le tue en 1930, on sauve tous ces Juifs et tous ces soldats et en plus, derrière, y'a aussi d'autres gens qui naissent et tout et c'est leur avenir à eux qu'on avorte si on tue pas Hitler. Ouais mais dans ce cas... Bon, finalement Toni Pal est pas totalement au point sur la question alors il regrette beaucoup moins d'avoir flingué Flexos avant d'avoir fait son petit speech.

Quand même un peu soûlé et avant de rentrer en 2016 faire son rapport au couple formé par les présidents français et américain, il décide d'aller voir s'il y a vraiment un décalage culturel avec les putes allemandes des années 30.


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Message posté le 02:58 - 4 déc. 2016

Jeanne au secours !



Normandie, 1431.

Un bruit d'enfer se fait entendre dans la forêt située à quelques centaines de mètre des remparts de Rouen. Quelle n'est pas notre surprise de voir surgir de l'orée sylvestre un Panzer IV lancé à pleine vitesse ! De la tourelle émerge un visage familier ; il s'agit bien sûr de notre héros Toni Pal, explorateur temporel et soldat d'élite parmi les élites. Il est accompagné par son fidèle sidekick, aux commandes du véhicule, le tankiste Thomas Ngijol. Quelle étrange aventure les conduit en terre anglaise en pleine guerre de Cent Ans ? Pour le savoir, remontons le temps de quelque heures, ou plus exactement avançons-le de quelques siècles.


Toni Pal et le Président de la République française, François Hollande, ont une belle relation basée sur deux piliers : la loyauté et la déconnade. C'est pour ça que, quand les hommes du GIGN débarquent en faisant exploser la fenêtre de la chambre d'hôtel où notre héros s'adonne à une picaresque partie de triolisme avec les jumelles Olsen, il comprend vite qu'il s'agit d'une petite farce que lui fait le chef des armées. Il s'excuse auprès du lieutenant-colonel Reneton pour les deux nuques brisées et auprès de Mary-Kate pour les balles perdues dans l'abdomen de sa sœur puis prend place sur le patin de l'hélicoptère qui l'amène directement à la base secrète du jardin de l'Élysée.

Pendant que l'agent temporel s'allume un cigarillo post-coïtal, le lieutenant-colonel lui fait un petit topo : c'est la merde. Le Président s'est enfermé dans le bunker anti-atomique et entre deux couinements sanglote que personne ne l'aime ni ne veut voter pour lui.

« Putain, voilà qui est fâcheux, réfléchit à haute voix Toni Pal, et qu'en est-il de monsieur Obama ?

— En visite diplomatique à la Barbade. Il aimerait écourter son voyage pour le rejoindre mais... il y aura peut-être Rihanna, alors il ne voudrait pas rater ça.

— Homme sensé quoiqu'officieusement pédéraste, opine Toni. Je sais que la côte de popularité du Président n'est pas au plus haut, mais il y a bien dû y avoir un élément déclencheur à sa crise d'angoisse électorale, non ?

— Vous êtes fin limier, Pal. En effet, tout est parti d'un tweet de Marion-Maréchal Le Pen qui a vite pris des proportions démesurées. En substance, elle relayait une étude selon laquelle, si Jeanne d'Arc était encore de ce monde, elle aurait su démasquer le « faux roi Hollande » et aurait lutté au côté du Front National, notamment face aux envahisseurs de notre beau pays. Ça a plutôt bien pris et les hashtags #FauxRoiHollande et #JeanneAuSecours battent des records d'occurrences, surtout dans les re-tweets des barons socialistes. Le Journal du Dimanche a opportunément réactualisé sa liste des personnalités préférées des Français et Jeanne d'Arc coiffe au poteau sur la première place Jean-Jacques Goldman ainsi que l'individu d'origine subsaharienne, comment s'appelle-t-il déjà, une personnalité du music-hall... vous savez, un genre de chansonnier nubien... Vous voyez de qui je veux parler ?

— Pas vraiment, non.

— Bref, toujours est-il qu'à l'issue d'une enquête d'opinion effectuée ce matin-même, le Président serait exclu du premier tour à l'élection suprême quand bien même il affronterait à la fois tous les membres de la famille Le Pen.

— Tout ça est bien embarrassant, marmonne Toni Pal tout en maniant une mitrailleuse imaginaire avec laquelle il canarde la foule depuis l'hélicoptère. Si je comprends bien, si Siocnarf a besoin de moi, c'est pour aller faire un tour dans les années 30 et éborgner définitivement une lignée de Bretons poujadistes ? C'est trop con, j'aurais pu faire un crochet depuis Berlin. »

Si Toni Pal appelle le Président de la République française Siocnarf, ça vient d'un gros délire qu'ils ont eu ensemble dans un jacuzzi à Chamonix après avoir fumé une petite weed de derrière les fagots et où ils se sont mis à s'appeler par leurs prénoms à l'envers. Ça arrive même que Toni soit tiré de son réveil paradoxal par ce souvenir et il se réveille en pleurant de rire.

« Nous avons en tête une idée qui serait à la fois moins perturbante pour le continuum et plus profitable pour le Président. Un plan plutôt bien ficelé mais n'ayez crainte, Pal, vous restez l'homme de la situation. »

Le lieutenant-colonel lisse sa moustache avec satisfaction. Toni, lui, se demande si en crachant assez fort, il peut tuer quelqu'un avec un mollard depuis cette hauteur. Peut-être.

« Vous faites pas prier, Reneton, dézippez votre putain de pièce jointe !

— Hé hé. Votre mission commencera à Rouen, en 1431. Dans un premier temps...

— Je sais !

— Quoi ? Mais c'est censé être resté strictement secret-défense...

— Non non, mais je sais de qui vous parliez tout à l'heure, là. C'est Omar Sy, pas vrai ?

— Possible. Peu importe. Toujours est-il que vous devrez dans un premier temps secourir Jeanne d'Arc pendant son procès, afin que son martyre ne soit pas récupéré par les nationalistes dans les siècles qui suivent. Puis, là est la partie délicate, vous devrez dans un second temps faire en sorte qu'elle se ridiculise aux yeux de tous, principalement des Français, afin que tous ceux qui se réclameront d'elle deviennent en définitive la risée des électeurs. Vous avez la confiance du Président et la nôtre. Nous savons que vous trouverez un moyen de mettre en scène sa déchéance. »

Toni Pal toise son interlocuteur, le visage fermé. Il tapote la paroi de la cabine de l'hélicoptère, plongé dans ses réflexions. Au bout de plusieurs minutes, il lâche avec gravité :

« Nous mais sérieusement Reneton... vous voyez pas qui c'est, Omar Sy ?! Mais putain,mais c'est culte, Omar et Fred, le SAV des émissions ! Ils sont mais trop gol-ri, quoi ! Vous avez vu Intouchables au moins ? Non parce que si c'est pas le cas, on a encore le temps d'aller récupérer le DVD chez moi. »


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Message posté le 03:01 - 4 déc. 2016

Les deux Perles de l'Occident



Dans le char d'assaut qui roule à tout berzingue direction le rempart sud, ça s'ambiance sacrément. Toni Pal passe des gros classiques RnB sur un ghetto-blaster récupéré à Emmaüs : Elle te rend dingue (dans son poom poom short) de Nuttea, C'est chelou de Zaho et puis surtout RnB de rue de Matt Houston. Thomas Ngijol entame une petite phase dont il a le secret, genre trap coupé-décalé avec des moves d'inspiration hardtek, sans lâcher les commandes. C'est chan-mé, se dit l'agent temporel au service des présidents Hollande et Obama. Il pose sur son fidèle acolyte des yeux pleins d'une débonnaire sollicitude. On a beau dire, c'est quand même charmant la nature ! Thomas, c'est un peu le fils qu'il n'a jamais eu. En tout cas, c'est pas un des fils qu'il a déjà eu. Oui, parce que Toni Pal a déjà eu une chiée d'enfants dans le cadre de ses missions (et parfois dans le cadre de rapports non-protégés - on pense forcément à la comtesse de Lafayette ou à Rachida Dati), mais c'est une autre histoire. L'heure est plutôt au flashback nostalgique de la rencontre avec Thomas Ngijol et ces pensées remontent à la surface chez Toni dans un remugle sucré cependant que le shit sature ses réceptacles neuronaux.

Est-ce que ça vous est jamais arrivé de vous réveiller un midi et de vous dire que vous avez une putain de chance d'être français ? D'appartenir à l'élite culturelle, artistique, gastronomique, diplomatique, scientifique, militaire, atomique, amoureuse mondiale ? D'être plus balaise que les Portugais, les Irlandais, les Lituaniens et les Burkinabés réunis, sans forcer ? Le pays des droits de l'Homme, de Jean Dujardin, de Footix, des rillettes du Mans, de Katsuni... Hé bien contrairement à ce qu'on pourrait croire, tout cela n'est pas tombé du ciel ! Ça a été arraché de haute lutte. Le fruit d'un travail ambitieux, insatiable, minutieux. Car à l'époque, enfin celle où le retour temporel n'avait pas encore été inventé, la France n'était qu'une moins-que-rien, un sub-duché miséreux niché en Corrèze, vassal de la couronne du Gévaudan, elle-même soumise à l'autorité suprême du Saint Empire Roumain Germanique. Elle était peuplée de dégénérés agressifs et stériles qui ne vivaient que pour les flingues et les putes. Pour un regard en biais, on se prenait un coup de flamberge dans le plexus solaire. La terre était pauvre en nutriments et il pleuvait pendant tout novembre ; la France, c'était le zbeul. En 2017 ! Puis Toni Pal a remonté le temps. Une fois, deux fois, cent fois. Pour réécrire l'Histoire, inlassablement, et faire de ce pays maudit la putain de sur-puissance mondiale qu'elle est aujourd'hui.

Quelques petits faits marquants parmi tant d'autres, lorsque la main virile du destin a broyé dans sa paume telle une canette de Gini le fil du temps, docile et impuissant. En 488, Toni Pal travaille longuement Clovis au corps pour lui expliquer qu'il peut pas se laisser déféquer dessus par un sale petit connard de soldat qui lui pète ses affaires en ricanant, que ça fait pas très royal tout ça, et qu'il vaut mieux pour son image future que le crâne de l'impétueux finisse en autant de morceaux que le vase de Soissons. En 1190, notre agent temporel favori négocie un deal à long terme avec Saladin : celui-ci n'attaque pas la France en représailles de la Troisième Croisade, mais en contrepartie reçoit le territoire de Béziers pour son peuple à partir de l'an deux mil. En 1610, habilement déguisé en régicide, Toni Pal sectionne sa race à Henry IV deux mois avant que celui-ci ne promulgue un édit conduisant à l'annexion de la France par la république florentine sous l'influence des machiavéliques Médicis. En 1895, il défonce Maria Skłodowska à l'ecstasy et, au petit matin, la brillante physicienne polonaise se retrouve mariée de façon assez floue à un prête-nom pour lui obtenir la nationalité française, Pierre Curie. En 2001, sous l'impulsion du stratège en communication Philippe de Villiers, le soldat d'élite temporel est mis à contribution pour parachever le projet Protubérance Nationale en visitant régulièrement dans son sommeil un certain Jimmy Wales, lui suggérant par l'ASMR de créer une plate-forme mondiale favorable au révisionnisme : c'est ainsi que naît Wikipédia. 600 000 employés des services secrets travaillent pendant dix ans à éditer un nombre incalculable d'entrées pour renforcer la cohérence et recomposer le nouveau roman national français.

En 2006, le pays des Droits de l'Homme a la gueule de bois. Malgré des centaines de retours temporels, l'opération Flammekueche est un échec et les Bleus sont incapables de battre l'Italie en finale de Coupe du Monde. Toni Pal a pourtant été jusqu'à se grimer en Zinédine Zidane pendant la compétition - l'authentique n'étant plus que la traîne vieillissante de la comète qu'il était jadis - pour sauver une équipe moribonde, mais il n'a pas su se contenir lorsqu'un adversaire s'en est verbalement pris à l'honneur de sa génitrice. Il est l'enfant de la France, alors s'en prendre à sa maman, c'est attaquer la nation ; cet argumentaire imparable a su convaincre l'état-major et lui éviter un blâme. En plus de la défaite, les huiles de l'Élysée ont un autre sujet de grogne : l'ONU vient à nouveau et avec un insupportable paternalisme de réprimander le pays pour être la dernière nation civilisée à pratiquer l'esclavage, près de cent ans après que les autres ont arrêté. Des pratiques d'un autre temps ressassent inlassablement des journaux à la solde de l'Anti-France.

Gavé par ce battage médiatique, le président Chirac convoque le seul homme en qui sa confiance soit totale. « Agent Pal, le machin commence à me défoncer les couilles avec ses réprimandes geignardes. Comment ose-t-on dire que la France n'est pas un parangon de modernité ? Hé ben s'ils veulent se la jouer comme ça, très bien : je vais leur en donner de l'abolition ! Et bien avant tous ces jocrisses invertis. Vous allez remonter le temps et faire promulguer un amendement interdisant sur l'ensemble du territoire toute sujétion humaine. Dès 1550 ! En attendant, je vais couler un ou deux archipels à coup d'atome : ça va me calmer. » Toni Pal hoche la tête avec gravité mais une question le taraude à fond : « Président Chirac, j'entends bien, mais ne croyez-vous pas que cela risque de porter préjudice à Nantes et à notre belle capitale, Bordeaux, qui ont su profiter de la manne du commerce triangulaire pendant plus de cinq cents ans pour devenir les deux Perles de l'Occident, les plus grandes et prospères villes du monde ? _ Franchement, Toni, je vais vous dire : ça m'en touche une sans faire bouger l'autre. Si Bordeaux devient aussi moche et misérable que Toulouse, on n'aura qu'à déplacer la capitale à Dijon. Ou non, pire, à Paris... » Et ces deux héros nationaux de rire à la cantonade.

C'est ainsi qu'en 1555, à l'issue de quelques péripéties coloniales, Toni Pal retrouve recroquevillé au fond du négrier corsaire qu'il vient de couler au large d'Hispaniola à l'aide d'un F-22 Raptor (dont il a fait dédicacer la carlingue par tous les membres d'Aerosmith) un esclave ivoirien. Ce dernier, prisonnier d'une bulle d'air, s'exalte complètement à la vue de son sauveur, qui voulait juste checker s'il y avait moyen de récupérer quelques ducats à refourguer aux numismates de Barbès. Libéré de son piège aquatique, l'esclave régale l'agent temporel de ses facéties simiesques lors d'une soirée mémorable sous le clair de lune des Caraïbes, autour d'un sachet de golden teachers, des psilo mexicains que Toni se fait livrer sous plis discrets. Toni Pal prend sous son aile l'enthousiaste nègre qu'il appelle Thomas Ngijol de par sa ressemblance à vrai dire assez vague avec l'humoriste d'origine camerounaise. A partir de ce moment, son acolyte le suit dans la plupart de ses aventures, du moins celles qui ne nécessitent pas de compétences trop poussées en diplomatie ou en furtivité.

Une grosse larme roule le long de la joue de Toni Pal alors qu'il est étreint par une bête de nostalgie. Il émerge son buste profilé comme celui d'un orque épaulard de l'écoutille de la tourelle pour constater que les remparts de Rouen ne sont plus qu'à quelques centaines de mètres. La première partie de sa mission, le sauvetage de la pucelle d'Orléans, est à portée de main.

Soudain, un projectile explosif pulvérise le blindage du Panzer.


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Message posté le 23:06 - 6 déc. 2016

Contretemps



Toni Pal regarde avec circonspection et sous différents angles son intestin grêle qui émerge de son abdomen littéralement scié par l'explosion. Il a perdu 95% de son audition pourtant légendaire et c'est dans un silence paisible qu'un enfer de flammes se repaît de la carcasse du char d'assaut. Pour tout dire, ça lui fait grave penser à la fin d'Il faut sauver le soldat Ryan. Il prend conscience qu'un truc lourd est posé sur son épaule. C'est le bras sans vie de Thomas, encore agrippé au manche de pilotage. Dégueu, dit-il sans s'entendre.

Putain, mais qu'est-ce qui a pu se passer ? On est au Moyen Âge alors ça semble étonnant que les autochtones emploient un armement anti-matériel assez sophistiqué pour percer le lourd blindage d'un Panzer. Mais peut-être qu'un obus un peu rouillé a décidé de péter dans l'habitacle ? L'inconvénient d'utiliser du matos vintage. Autre théorie : est-ce qu'ils auraient roulé sur une mine oubliée lors d'une précédente expédition temporelle ? Difficile à dire. Ahlala le chantier ! La réponse à ce violent mystère se matérialise sous la forme d'une silhouette massive qui émerge de la fumée. Elle pointe le canon d'une arme de poing sur le front de l'agent temporel. Puis tire.

Toni Pal décède tout de go.


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Message posté le 23:09 - 6 déc. 2016

Zbeuk-zbeuk-zbeuk



La première partie de sa mission, le sauvetage de la pucelle d'Orléans, est à portée de main. Toni Pal opte pour une entrée fracassante et ordonne à Thomas Ngijol de pousser à plein régime le moteur du char d'assaut. Ce dernier s'enfonce dans la fortification rouennaise comme un couteau tactique chauffé à blanc dans les figurines de faons dégueulasses en celluloïd qui envahissaient les napperons chez Nonna, la grand-mère paternelle de notre héros. Les rues de la ville sont quasiment désertes. Seules quelques oies essayent maladroitement de s'envoler pour éviter la trajectoire mortelle du tank. Évidemment, se dit notre héros non sans bon sens, ces braves traîtres de Normands doivent se presser pour assister à l'exécution ; il n'aura fallu qu'un peu plus d'une dizaine d'années d'occupation sous bannière de la perfide Albion pour que ces graines de tarés ne renouent avec leur nature barbare. Oui alors bon, on peut pas nier que Toni Pal a une haine pas complètement rationnelle contre les Normands et la Normandie en général. C'est parce qu'en l'an 2000, son coloc' Médéric, originaire de Caen, lui a joué un damné coup de pute en revendant en douce sa version collector de l'album Racines du Bisso na Bisso pour s'acheter un pack de 8.6. Si au moins, il avait osé me le dire droit dans les yeux, ressasse Toni alors que la rancœur transmue sa pomme d'Adam en un tétraèdre des plus tranchants... Un soldat anglais pétrifié par la peur disparaît en un léger cahot sous les chenilles. « Ça, c'est pour Azincourt, fils de pute ! »

La place du Vieux-Marché apparaît. À ne pas s'y tromper, tout le gratin des crevures s'est réuni pour assister au supplice de Jeanne. C'est noir de monde. Le super-agent engonce un chargeur dans son fusil d'assaut K11 qu'il a fait convertir aux munitions 6.8mm Remington par Viguier, le responsable de l'équipement à l'Élysée - un casse-tête technique et une dépense complètement inutile d'après ce dernier. Vous n'y connaissez plus qu'eud' à force de végéter dans votre bunker, Viguier, lui avait rétorqué un Toni Pal goguenard, ça donne de bien meilleures sensations, en plus j'adore le bruit que ça fait quand on tire, zbeuk-zbeuk-zbeuk. Notre médaillé de bronze aux championnats du monde de balistique 2027 configure la distance de déflagration d'une petite pépite K167 airburst de derrière les fagots qu'il expédie à l'aide du lance-grenade intégré à son arme au-dessus d'un groupe d'hommes en arme. Le son produit n'est pas très satisfaisant aux oreilles de Toni - *ponk* - mais les soldats sont instantanément réduits à deux dimensions. Il avise ce qu'il identifie comme la tribune présidentielle et tire dans le tas en tenant son K11 à l'horizontale dans la plus pure tradition gangsta. L'évêque Pierre Cauchon - le nom provoque des fous rires à Toni, qui a enchaîné dans un silence gêné de l'état-major plusieurs boutades pourtant inspirées sur le halouf et le haram lors du briefing tactique - se prend une rafale dans le buffet qui l'expédie dans les tentures aux couleurs d'Henri VI.

La foule s'éparpille dans de grands cris et avec une indiscipline qui fait lever les yeux au ciel à notre héros. Il canarde grossièrement autour des pécores pour regrouper et hâter les fuyards, tel un chien de berger lourdement armé. D'une tape du pied sur l'épaule de Thomas, Toni Pal lui intime de stationner le char afin qu'il puisse faire une reconnaissance au sol. Il bondit avec une habileté juste merveilleuse sur le sol crasseux de la place. Ça sent super fort le poisson, remarque-t-il. Il soulève de terre une espèce de vieille bique dont les cheveux semblent faits de guano et lui pose son Beretta 92 chargé en balles de 9mm à têtes creuses sous le menton. « Yo la Normande ! Je sais qu'on parle plus exactement la même langue mais tu vas devoir te creuser la caboche sinon c'est mon flingue qui s'en chargera. Dis-moi où est Jeanne d'Arc. » La vieille est tellement affolé qu'elle a la pupille gauche qui fait du stock-car dans son orbite. Elle lève un index tremblant de peur en direction du Panzer. « Ouais, je sais que tu as peur du gros bœuf en métal, mémé. Mais dis-moi plutôt où est Jeanne si tu veux pas que je t'ampute de ta longévité. » On voit que Toni Pal emploie volontairement un vocabulaire pas piqué des hannetons, probablement inconnu de son interlocutrice, et ce afin de provoquer un stimuli d'humiliation dont la violence sociale est favorable aux aveux. Hé ouais, il est en pointe sur tout ce qui est torture non-corporelle. Et en même temps, ça marche pas des masses vu qu'elle continue à agiter son vieux doigt moisi vers le char. « Mouais, je vois, je pense qu'on pourra rien en... tirer. » Toni appuie sur la gâchette en même temps qu'il prononce la chute de sa punchline.

Soudain, il est pris d'un doute. Il saute dans l'habitacle cuirassé, chasse Thomas Ngijol des commandes et recule le véhicule de plusieurs mètres avant d'en ressortir. À l'endroit montré par la gueuse, une forme familière ne fait qu'un avec le sol, réduite à l'état de chewing-gum humain par les lourdes chenilles. Oups, se dit Toni, je crois que dans mon enthousiasme guerrier, j'ai comme qui dirait omis de repérer et de sécuriser mon objectif. Ce faisant, j'ai écrasé Jeanne d'Arc comme un vulgaire insecte. Hum, c'est bien fâcheux. Il crie pour extérioriser : putain de bordel de merde ! Thomas sort juste le haut de la tête de la tourelle avec une expression piteuse sur le visage pour observer la scène. Ça rappelle à Toni l'air fautif typique que fait Smecta, la chienne labrador de sa mère, après avoir fait une connerie. Il est impossible d'en vouloir plus de quelques secondes à ces grands yeux noyés par la culpabilité.

Bon, réfléchit le champion de la nation, je crois qu'il n'y a plus qu'une chose à faire.


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