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Rébellion

art. 433-10 C.Pénal

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6 déc. 2015 - 00:51

Article 433-10 du code Pénal :

La provocation directe à la rébellion, manifestée soit par des cris ou des discours publics, soit par des écrits affichés ou distribués, soit par tout autre moyen de transmission de l'écrit, de la parole ou de l'image, est punie de deux mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.

Lorsque le délit prévu à l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.



IV

Hausser le ton



« Des terroristes ! Voilà ce qu'ils sont ! Et il faut les traiter ainsi !
— Mais, Monsieur le Ministre, il n'y a pas de réelle menace contre nos concitoyens. Il ne s'agit pas d'attentats comme nous avons pu le connaître jusqu'ici.
— Vous plaisantez ? Comment appelez-vous cette méthode abjecte si ce n'est pas du chantage à l'encontre de l'Etat ? Tenter de forcer le Gouvernement à revenir sur ses décisions ou à modifier la Loi, il y a un mot pour cela : c'est une menace. Et la menace est un délit prévu dans notre arsenal juridique. Des mesures pénales doivent être prises contre ces agitateurs.
— Vous ne pensez pas plutôt qu'il s'agit d'actes désespérés pour qu'une frange de la population se fasse enfin entendre du Gouvernement ?
— Oh, bien sûr que si, il s'agit de personnes désespérées. Je ne dis pas le contraire. Des personnes désespérées et assez folles pour passer à l'acte. Sans doute sous l'influence de groupuscules extrémistes d'un nouveau genre.
— Pourtant, aucune d'entre elles ne s'est réclamée d'un groupe politique ou religieux. Au contraire, la plupart d'entre elles dénoncent l'impuissance des institutions politiques et religieuses à régler la crise et....
— Je vous arrête tout de suite ! Aucun élu, aucun homme politique qui se doit, aucun citoyen avec une once de conscience ou de responsabilité ne peut accepter de telles exactions ! Le Parlement va prendre des mesures exceptionnelles dans les prochains jours pour enrayer la propagation de ces messages de menace.Toute personne qui sera suspectée de diffuser ou de relayer ces vidéos sera arrêtée.
— Vous voulez renforcer le contrôle d'internet et des réseaux sociaux ? Irez-vous jusqu'à en interdire l'accès à nos concitoyens ?
— S'il le faut, oui.
— Vraiment ?
— Il en va de la protection de la Nation. Et c'est le rôle du Gouvernement de protéger ses citoyens.
— Vous voulez dire : les protéger d'eux-même ?
— Je... Oui ! Bien sûr ! Nous ne pouvons pas laisser ce genre d'incitations se propager.
— Et vous ne pensez pas qu'il serait plus sage de...
— De quoi ? De céder à leur chantage ? Encore une fois, je le répète : nous n'accepterons jamais de céder devant des fanatiques.
— Oui, mais, permettez-moi de vous rappeler que d'après les rapports de police, aucune des victimes n'a été identifiée comme fanatique ou sous l'influence de groupes terroristes ou de religieux radicaux.
— Ne les appelez pas victimes.
— Le Président a interdit de les appeler « martyrs ». Moi-même en prononçant ce mot je risque une sanction pénale.
— Et elle sera appliquée ! Ne croyez pas que parce que vous êtes un journaliste très connu et que votre chaîne est très regardée, vous ne tomberez pas sous le coup des sanctions. Vous n'êtes pas au dessus des lois et vous n'êtes surtout pas exempt d'une certaine déontologie.
— J'en prends bonne note, Monsieur le Ministre. Après tout la prolongation de l'Etat d'urgence permet assez facilement de contrôler l'information et...
— Je vous trouve de plus en plus désagréable et insolent.
— Je profite de mes derniers jours de liberté en tant que journaliste.
— Ne poussez pas le bouchon trop loin. Revenez à vos questions je vous prie.
— Vous m'en voyez désolé, j'ai perdu la liste de questions que votre bureau m'a transmis ce matin. Peu importe : je vais improviser. Si on ne peut appeler ces indignés, des « martyrs », quel nom doit-on leur donner ?
— Je vous l'ai dit : ce sont des terroristes ! Ni plus, ni moins.
— Et quelles mesures pouvez-vous prendre contre eux ? Surtout maintenant qu'ils mettent à exécution leurs plans dès l'arrivée des forces de police à proximité ?
— Nous allons doter dès demain les policiers de nouveaux outils. Les agents d'intervention ne seront plus en uniforme et ils utiliseront des voitures banalisées. L'armée a mis à notre disposition certaines armes non létales qui ont déjà montrées leur efficacité ces derniers jours.
— Vous voulez parler du gaz B56 ?
— Entre autre, oui.
— Vous savez que les Conventions Internationales interdisent l'utilisation de ce type d'armes contre des civils ?
— Nous mettrons tout en mesure pour protéger nos concitoyens.
— Y compris en violant les lois internationales ?
— Tant que l'état d'urgence sera en vigueur, le Gouvernement fera tout son possible pour maintenir l'ordre.
— Soyons sérieux un moment, Monsieur le Ministre : à ce train là, il n'y aura plus assez de policiers ou de militaires pour surveiller en permanence ces « terroristes » comme les qualifiez. Sans compter le coût de plus en plus croissant de leurs détentions. D'ailleurs, il y a de plus en plus de sympathisants qui se portent volontaires juste pour saturer les mesures de contraintes.
— Ceux-là écoperont de lourdes amendes. Et croyez-moi, ce sont eux qui payeront le gaspillage budgétaire qu'ils nous imposent.
— Vous pensez que le risque de recevoir une amende sera suffisante pour dissuader les Français de continuer à faire pression sur le Gouvernement ?
— En tout cas, les mesures qui seront prises contre les simulateurs seront suffisantes pour les empêcher de poursuivre leur travail de sape. Je vous le garantis.
— Mais certains de ces « simulateurs » ont tout de même réussi à passer à l'acte alors qu'ils étaient sous surveillance policière dans un commissariat.
— L'incident de Grenoble est certes regrettable, mais il demeure un cas isolé.
— On a pourtant rapporté plusieurs autres cas similaires cette semaine dans plusieurs départements.
— Non. Ce sont des rumeurs colportées par ces mêmes agitateurs. Mais de toute manière, je vais vous rappeler ce qu'il en est vraiment de cette affaire. Nous avons enregistré seulement trois-cent quarante cas avérés de suicides. Un autre millier n'était que des simulations. Vous pensez vraiment que des dizaines de milliers de Français seraient prêts à se suicider ? À perdre la vie pour des motifs aussi futiles ?
— Qu'y a-t-il de futile à vouloir défendre les libertés individuelles et collectives au prix de sa propre vie ? C'est plutôt un engagement fort, le plus fort qu'il soit même.
— Faites très attention à ce que vous dites : l'apologie du suicide est un délit très grave. Nous arrêtons chaque jour des centaines de délinquants pour ce type d'exactions. Ceux qui ont fomenté cette tentative ubuesque de coup d'Etat ont fait en sorte que quelques vidéos deviennent virales. La plupart de celles-ci se sont révélées être des montages sordides et totalement truqués.
— D'après la presse étrangère, on dénombrerait jusqu'ici près de vingt mille suicides avérés après messages ou lettres adressées à des membres du Gouvernement ou du Parlement.
— D'après la presse étrangère ? Et ce sont les journalistes étrangers qui sont les mieux placés pour savoir ce qui se passe dans le Pays, vous pensez ?
— Oui. Oui, je le pense. Depuis trois ans que les chambres sont réunies en Parlement permanent, vous le savez mieux que moi : les organes de presse français sont muselés.
— C'est bon ! Arrêtez de tourner ! Je ne sais pas où vous avez la tête, Monsieur, mais votre carrière vient de toucher à son terme. Trouvez-moi un autre journaliste et foutez-moi celui-là en garde à vue. Vite ! Le journal de vingt heures commence dans deux heures et on doit recommencer l'enregistrement depuis le début à cause de ce connard !
— Monsieur, Le Ministre ?
— Quoi encore ?
— Une dernière question. Juste entre nous, puisque vous avez ordonné l'arrêt des caméras.
— D'accord. Votre dernière volonté, en tant que journaliste en quelque sorte... — Je vous écoute.
— Si je vous demandais de faire cesser l'Etat d'urgence et de révoquer le Parlement dans les cinq jours : est-ce que vous le feriez ?
— Vous êtes désespérant.
— Et si je vous disais que j'allais me suicider comme des milliers d'autres Français sont prêts à le faire ? Si je vous disais que j'ai dans ma poche une capsule de sarin ? Comme les quinze autres personnes qui se trouvent dans le studio en ce moment ?
— Qu'est-ce que... ? Pourquoi... ? Vous êtes en train de filmer ? Lâchez ça tout de suite. Vous pensez faire quoi au juste ?
— Nous passons à l'étape suivante, Monsieur le Ministre. Nous haussons le ton. »



"J'ai une âme solitaire"
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Message posté le 04:11 - 6 déc. 2015

J'ai un avis relativement mitigé sur ce petit texte d'humeur. Le début, j'ai vraiment eu du mal. J'aime bien le fait de se fonder sur un article pour écrire un texte, mais le début du dialogue est chiant. Cependant, au fur et à mesure que se déroule tout ça, je sais pas, j'ai eu l impression que ton écriture changeait (c'est peut être moi, hein), et que ça prenait à la fois en assurance et devenait un peu moins plan-plan. Ca vient aussi du fait que tu commences à introduire des éléments "nouveaux" et pas seulement parodiques (les premières références au suicide, au fait que c est une anticipation, etc). En définitive, je n'ai pas trouvé ce texte très intéressant, même si il a le mérite de pousser un coup de gueule et de rappeler à quel point c est la merde, et de faire un petit acte de rébellion. M'est avis qu'il y a plus conséquent et plus intéressant à faire, dans la dystopie peut être, sur le même sujet.

Enfin voilà, même si j'en dis du mal, ça se lit quand même relativement bien, et on peut le prendre pour ce qu'il est : un coup de gueule.

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Message posté le 08:54 - 7 déc. 2015

C'est effectivement un texte d'humeur ; il a quand même quelque chose d'étrange car on comprend assez rapidement de quoi il en retourne et le tout paraît un peu disproportionné. Néanmoins, tu réussis quand même à saisir quelque chose de la vulgate de notre Premier M., ce ton catégorique et martial. Et ça a quelque chose d'effrayant, car ces éléments de langage sont pratiquement les mêmes qu'aujourd'hui. C'est en cela que ton texte fait son effet. Parce que la cause de la discussion (le suicide de masse) est extravagant, mais les réponses du ministre classiques, on comprend qu'il se passe quelque chose d'anormal aujourd'hui.

Enfin, c'est vrai globalement dans ton texte, mais il y a quelques répliques du ministre un peu trop longue, où il a tendance à trop vouloir s'expliquer, se justifier. Or, la particularité de notre ministre actuel, c'est qu'il n'est jamais sur la défensive, il se la joue toujours agressif.


Plus qu'ailleurs, ici.
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Message posté le 15:13 - 21 déc. 2015

Mêmes remarques que les commentaires ci-dessus. Quelques répliques un chouïa "clichées" mais qui font mouche tout en raccordant avec l'actualité. C'est parfois navrant de lire les comptes rendus de discours d'hommes politiques, français ou étrangers, dans notre société contemporaine.

Par contre, les cinq dernières répliques sont frappantes et pourraient devenir cultes(pauvre ministre... participer à un suicide collectif en direct et à l'insu de son plein gré =° ).


En train d'élever un griffon...
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