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18 mai 2017 - 21:49

Travaux en cours

Voici mon travail sur le thème frontière. Le dessin est fait main levé, à l'encre de chine sur un format A4.
L'idée d'une naissance sur le tripoint m'est venue à l'esprit alors j'ai eu envie de dessiner l’événement. En réalisant le dessin j'ai trouvé la formule pour l'écrire : je ferai un conte.
Le titre n'est pas définitif, je n'ai pas trop d'idée.
Il y a 9329 caractères.

LE TRIPOINT






Nul ne connut jamais le nom de la mère qui enfanta le nouveau-né qui braillait sur le tripoint mais il resplendissait de santé et avait de la voix. Il tenait dans le creux de sa paume gauche un petit morceau de cristal du monde de Melige. Sa main droite empoignait une fleur odorante des Terres de La Conche et il avait un pied dans l'industrieux Territoire de Tregos.
La faim l'avait tiré de son sommeil. Il hurlait si fort son appétit de vivre que personne n'osait l'approcher.
Sur Tregos, monsieur et madame Le Rafleux l'avaient entendu. Ils ne pouvaient cependant pas abandonner leur travail sans mettre à mal l'ensemble de l'édifice qu'ils participaient à construire. Quant à Maître Slofoque, le seul de Melige à fréquenter la frontière, il avait dû s'écarter du bruit qui traumatisait son ouie fine afin de conserver un minimum de bien-être. Il s'était donc retiré dans son palais de verre.
Les seules à oser approcher l'enfant furent les sœurs Filibelle. Les trois fraîches adolescentes se baignaient nues dans le ruisseau quand Féline, la plus jeune des jouvencelles interrompit tant bien que mal les jeux frivoles des demoiselles. Les cris du poupin surpassaient leurs rires et elle désirait en connaître la provenance. Les hurlements guidèrent leurs pas jusqu'au tripoint. Elles n'aimaient guère venir dans ces lieux car les paysages enfumés du gris Tregos tout autant que le glacial Melige les rebutaient. Ils contrastaient violemment avec les couleurs et la joie qui se dégageaient de La Conche.

- Oh comme il est mignon ! Cet enfant est un véritable trésor !

Grâce, l’aînée des trois le prit dans ses bras tandis que Malice lui donnait à sucer le nectar fleuri et sucré dont elle-même raffolait. Féline caressa tendrement sa peau, si bien que l'enfant sécha vite ses larmes. Enfin elles déposèrent l'enfant dans une corolle de pétales spécialement conçue à son attention, puis reprirent leurs jeux guillerets à quelques pas de là.

Bien que camouflé dans son abri, Maître Slofoque était intrigué. Aussi restait-il à l’affût des bruits qui ne lui étaient pas familiers. Quand les cris cessèrent il décida de s'en retourner vers le tripoint. Arrivé sur les lieux, la route le séparait à peine du lit douillet qu'avaient installé les trois belles. Il pouvait contempler le petit visage rayonnant de lumière d'un bébé qui dormait à poing fermé sans se soucier des mondes.
Le cœur si froid de Maître Slofoque chavira. Une poussée d'amour l'assaillit et il ne sut y répondre qu'en enfreignant les lois. Il passa la frontière le temps d'une offrande et glissa un petit saphir entre les doigts du petiot puis s'en fut avant d'être découvert en soupirant pour ce petit être doré.

Du haut de leur échafaudage, Mr et Mme Le Rafleux avaient tout observé. La convoitise les prenait à la gorge. Ils enviaient aux adolescentes le bonheur de pouvoir cajoler l'adorable enfant et jalousaient Maître Slofoque d'avoir pu l'approcher et le contempler jusqu'à le toucher. Mais personne ne disputa aux demoiselles Filibelle de prendre soin du Doré comme tous finirent par le nommer.

C'est ainsi que l'enfant grandit.
Il accompagnait les sœurs partout où elles allaient, profitant des bienfaits de la Nature, choyé et baigné chaque jour à même la rivière. Il avait de nombreux amis parmi les petits animaux qui gambadaient dans les parterres de fleurs ou de graminées. La Nature était fertile et ses faveurs abondantes.
Alors qu'il marchait à peine, il aimait venir jusqu'à la frontière de la Conche pour admirer les autres mondes. C'était même son lieu de contemplation favori. Les lignes tendues et l'esthétique lisse du métal de Mélige l'intriguaient et il prenait grand plaisir à y contempler les facettes mystérieuses des gros joyaux ornant les façades. S'il écoutait bien, il percevait la mélodie lente et triste des violons. Quand il se tournait vers les hautes tours de Trégos d'où les fumées s'échappaient de jour comme de nuit, il entendait les coups des marteaux et les bruits crissants des scies en pleine action. Il était sidéré par l'efficacité du travail fourni.

Le couple Le Rafleux autant que Maître Slofoque guettaient ses arrivées intempestives et ne manquaient pas de lui faire de grands signes d'amitié. Chacun de ses anniversaires était fêté aux marges des trois pays et le tripoint devint leur point de ralliement annuel.

Alors que Le petit Doré gambadait dans le champ de fleurs en bordure de Trégos, il s'arrêta soudain en poussant un cri strident. Ses hurlements de douleur attirèrent rapidement les frontaliers. Le pied de l'enfant était gonflé à en avoir triplé de volume. Les sœurs couraient dans tous les sens en criant qu'un serpent l'avait sans doute mordu.
Alors Madame Le Rafleux ne put retenir ses élans plus longtemps, passant les bornes de son pays, elle étreignit le bambin et l'emporta avec elle afin de brûler la blessure et circonscrire le venin. Pendant ce temps, les hommes invectivaient les jeunes étourdies considérées comme incapables de surveiller un enfant ou de le chausser correctement.

Le Doré bien logé dans le creux de ses bras, Madame Le Rafleux décida de ne pas rendre l'enfant. N'appartenait-il pas autant à Trégos qu'au monde de La Conche de toute manière ! Maître Slofoque n'eut pas son mot à dire et ainsi s'acheva l'âge des frivolités pour le jeune Doré.

- Tu vas voir, Le Doré, il est agréable de concevoir et de réaliser du solide. Tu vas découvrir combien faire marcher une mécanique rend heureux !

L'éducation de l'enfant commença dès qu'il put remettre un pied au sol.
Ses journées démarraient à l'aube pour s'achever avec le soleil couchant. Il ne voyait cependant pas le jour car il passait ses journées au fond d'un atelier à apprendre.
Au fil des mois ses parents adoptifs lui enseignaient la soudure, la charpente, la mécanique, ébénisterie et tous les savoirs qui faisaient leur richesse. L'enfant était fort habile et comblait d'aise Mr et Mme Le Rafleux. Ils savaient lui donner le goût du travail et lui-même n'en croyait pas ses yeux de se voir capable de tant d’œuvres.
Les années passant, le travail du Doré fut réputé dans le monde de Trégos et plus sa réputation grandissait plus les travaux affluaient.
La peau du Doré perdait son éclat. Il était fatigué par un travail qui lui rongeait les os. Il finit pas se sentir si mal qu'il décida d'aller voir ses marraines les sœurs Filibelle. Mais il ne réussit pas à atteindre le tripoint.
Maître Slofoque le trouva inanimé sur le bord de la route qui jouxtait leurs deux mondes.
Après avoir envoyé un courrier à ses parents indignes pour leur signifier sa colère, il s'occupa du jeune homme.
Le Doré accueillit le monde silencieux de Melige comme un baume de tranquillité. Maître Slofoque était à proximité mais jamais ne s'imposait à lui. Ainsi le voulaient les règles sévères du pays où chacun était encouragé à lire et à penser. Les grands philosophes n'eurent bientôt plus de secrets pour le jeune homme et il se mit lui-même à écrire des essais sans grand intérêt. Son tuteur l'encourageait à s'initier à jouer d'un instrument de musique dans une des salles insonorisées mises à disposition des Meligeois. Mais Le Doré préférait passer ses temps libres dans le parc extérieur. C'était un jardin purement minéral. L'acier et la roche y paradaient dans une rigueur froide. Seules quelques pierres semi-précieuses venaient trancher par leur couleur et la lumière qui miroitait sur les facettes taillées.
Le Doré se laissait hypnotiser pas les éclats virevoltants lorsque le soleil s'y plongeait. Il aimait tout autant le reflet luisant des métaux et savourait leur contact froid en laissant longuement traîner ses doigts le longs des longues lames. La beauté du métal l'intriguait.
Le Doré vécut son adolescence dans l'intimité de son cerveau, murissant sa réflexion et son écoute, goûtant la beauté. Mais il vivait dans une solitude presque insupportable. Aussi passait-il de longs moments à l'extérieur en quête d'un regard chaleureux de l'autre côté de la frontière.
Un soir qu'il baignait son esprit dans la beauté d'un coucher de soleil plongeant dans les cristaux, il glissa sa main le long d'une lame de métal comme à son habitude.
Mais la douleur arrêta vite son geste. Sa paume, largement entaillée, saignait abondamment. Appelant au secours, il courut vers le tripoint.
Très vite, Maître Slofoque, ses parents Le Rafleux et les trois sœurs accoururent et se disputèrent pour le soigner au mieux. Chacun reprochait à l'autre ses erreurs sans mâcher ses mots.
La querelle s'envenima tant et si bien que bientôt, ils en vinrent aux mains.
Le Doré ne supporta pas de voir ses bienfaiteurs se disputer de la sorte. Il prit la parole. Ceci était si rare que tous se turent.

- Vous m'avez apporté tout ce dont j'ai eu besoin et je vous en remercie infiniment. Maintenant, votre soutien ne m'est plus indispensable. Ne vous battez pas pour moi. Grâce à vous, je saurai m'en sortir seul.


A ce jour, Le Doré commença à bâtir son propre univers et le tripoint devint le centre d'un royaume dont le Doré était le maître. C'était un territoire aux frontières poreuses, un monde créé par un enfant qui se faisait un plaisir d'apporter des fleurs aux Le Rafleux, qui apprit à Maître Slofoque comment jouer un air avec un bambou de la Conche et qui enseigna aux sœurs Filibelle l'art de tresser des paniers avec des joncs.


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Message posté le 12:03 - 19 mai 2017

J'ai aimé ce conte. L'histoire se lit aisément, et on voit bien le thème. J'aime les parallèles avec les difficultés de l'enseignement parentales et tout ce que tu as pu y lier (problématique de la garde, les jugements/leçons aux autres etc...). J'ai aussi aimé que soit ainsi représentés les constructions mentales du jeune. La mise en évidences des qualités et défauts des "matières" etc.

Bref je crois que c'est un bon conte qui contient ce qu'il faut de morale, assez simple à comprendre mais à une signification plus profonde. Et l'histoire est jolie !

Citation de Cassiopée :


LE TRIPOINT


Sur Tregos, monsieur et madame Le Rafleux l'avaient entendu. Ils ne pouvaient cependant pas abandonner leur travail sans mettre à mal l'ensemble de l'édifice qu'ils participaient à construire. Quant à Maître Slofoque, le seul de Melige a fréquenter la frontière, il avait dû s'écarter du bruit qui traumatisait son ouie fine afin de conserver un minimum de bien-être.
[...]


Du haut de leur échafaudage, Mr et Mme Le Rafleux avaient tout observé. La concupiscence les prenait à la gorge. Ils enviaient aux adolescentes le bonheur de pouvoir cajoler l'adorable enfant et jalousait Maître Slofoque d'avoir pu l'approcher et le contempler jusqu'à le toucher. Mais personne ne disputa aux demoiselles Filibelle de prendre soin du Doré comme tous finirent par le nommer.
{...]
C'est ainsi que l'enfant grandit.
Il accompagnait les sœurs partout où elles allaient, profitant des bienfaits de la Nature, choyé et baigné chaque jour à même la rivière. Il avait de nombreux amis parmi les petits animaux qui gambadaient dans les parterres de fleurs ou de graminées. La Nature était fertile et ses bienfaits abondants.
[...]

Au fil des mois ses parents adoptifs lui enseignaient la soudure, la charpente, la mécanique, ébénisterie et tous les savoirs qui faisaient leur richesse. L'enfant était fort habile et comblaient d'aise Mr et Mme Le Rafleux. Ils savaient lui donner le goût du travail et lui-même n'en croyait pas ses yeux de se voir capable de tant d’œuvres.
Les années passant, Le travail du Doré fut réputé dans le monde de Trégos et plus sa réputation grandissait plus les travaux affluaient.
La peau du Doré perdait son éclat. Il était fatigué par un travail qui lui rongeait les os. Il finit pas se sentir si mal qu'il décida d'aller voir ses marraines les sœurs Filibelle. Mais il ne réussit pas à atteindre le tripoint.
Maître Slofoque le trouva inanimé sur le bord de la route qui jouxtait leur deux mondes.
[...]

Un soir qu'il baignait son esprit dans la beauté d'un coucher de soleil plongeant dans dans les cristaux, il glissa sa main le long d'une lame de métal comme à son habitude.
[...]

- Vous m'avez apporter tout ce dont j'ai eu besoin et je vous en remercie infiniment. Maintenant, votre soutien ne m'est plus indispensable. Ne vous battez pas pour moi. Grâce à vous, je saurai m'en sortir seul.


A ce jour, Le Doré commença à bâtir son propre univers et le tripoint devint le centre d'un royaume dont le Doré était le maître. C'était un territoire aux frontières poreuses, un monde créé par un enfant qui se faisait un plaisir d'apporter des fleurs aux Le Rafleux, qui apprit à Maître Slofoque comment jouer un air avec un bambou de la Conche et qui enseigna aux sœurs Filibelle l'art de tresser des paniers avec des joncs.


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Message posté le 16:23 - 19 mai 2017

Merci beaucoup Méli. Et merci aussi de souligner ces énormes fautes ! Ohlala ! Il est temps de prendre la retraite !

Edit 20/05 : Maj du premier post avec la correction des fautes signalées.
Edit 21/05 : Maj du mot concupiscence remplacé par convoitise.


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Message posté le 03:54 - 24 mai 2017

Citation de Cassiopée :


LE TRIPOINT






Nul ne connut jamais le nom de la mère qui enfanta le nouveau-né qui braillait sur le tripoint mais il resplendissait de santé et avait de la voix. Il tenait dans le creux de sa paume gauche un petit morceau de cristal du monde de Melige. Sa main droite empoignait une fleur odorante des Terres de La Conche et il avait un pied dans l'industrieux Territoire de Tregos.
La faim l'avait tiré de son sommeil. Il hurlait si fort son appétit de vivre que personne n'osait l'approcher.
Sur Tregos, monsieur et madame Le Rafleux l'avaient entendu. Ils ne pouvaient cependant pas abandonner leur travail sans mettre à mal l'ensemble de l'édifice qu'ils participaient à construire. Quant à Maître Slofoque, le seul de Melige à fréquenter la frontière, il avait dû s'écarter du bruit qui traumatisait son ouie fine afin de conserver un minimum de bien-être. Il s'était donc retiré dans son palais de verre.
Les seules à oser approcher l'enfant furent les sœurs Filibelle. Les trois fraîches adolescentes se baignaient nues dans le ruisseau quand Féline, la plus jeune des jouvencelles interrompit tant bien que mal les jeux frivoles des demoiselles. Les cris du poupin surpassaient leurs rires et elle désirait en connaître la provenance. Les hurlements guidèrent leurs pas jusqu'au tripoint. Elles n'aimaient guère venir dans ces lieux car les paysages enfumés du gris Tregos tout autant que le glacial Melige les rebutaient. Ils contrastaient violemment avec les couleurs et la joie qui se dégageaient de La Conche.

- Oh comme il est mignon ! Cet enfant est un véritable trésor !

Grâce, l’aînée des trois le prit dans ses bras tandis que Malice lui donnait à sucer le nectar fleuri et sucré dont elle-même raffolait. Féline caressa tendrement sa peau, si bien que l'enfant sécha vite ses larmes. Enfin elles déposèrent l'enfant dans une corolle de pétales spécialement conçue à son attention, puis reprirent leurs jeux guillerets à quelques pas de là.

Bien que camouflé dans son abri, Maître Slofoque était intrigué. Aussi restait-il à l’affût des bruits qui ne lui étaient pas familiers [à l'affût des bruits peu familiers à ses oreilles (possibilité de ne pas ajouter « à ses oreilles »)]. Quand les cris cessèrent il décida de s'en retourner vers le tripoint. Arrivé sur les lieux, la route le séparait à peine du lit douillet qu'avaient installé les trois belles. Il pouvait contempler le petit visage rayonnant de lumière d'un bébé qui dormait à poing fermé sans se soucier des mondes.
Le cœur si froid de Maître Slofoque chavira. Une poussée d'amour l'assaillit et il ne sut y répondre qu'en enfreignant les lois. Il passa la frontière le temps d'une offrande [j'aurais mis un point ici] et glissa un petit saphir entre les doigts du petiot puis s'en fut avant d'être découvert en soupirant pour ce petit être doré.

Du haut de leur échafaudage, Mr et Mme [monsieur et madame (Mr = Mister)] Le Rafleux avaient tout observé. La convoitise les prenait à la gorge. Ils enviaient aux adolescentes le bonheur de pouvoir cajoler l'adorable enfant et jalousaient Maître Slofoque d'avoir pu l'approcher et le contempler jusqu'à le toucher. Mais personne ne disputa aux demoiselles Filibelle de prendre soin du Doré comme tous finirent par le nommer.

C'est ainsi que l'enfant grandit.
Il accompagnait les sœurs partout où elles allaient, profitant des bienfaits de la Nature, choyé et baigné chaque jour à même la rivière. Il avait de nombreux amis parmi les petits animaux qui gambadaient dans les parterres de fleurs ou de graminées. La Nature était fertile et ses faveurs abondantes.
Alors qu'il marchait à peine, il aimait venir jusqu'à la frontière de la Conche pour admirer les autres mondes. C'était même son lieu de contemplation favori. Les lignes tendues et l'esthétique lisse du métal de Mélige l'intriguaient et il prenait grand plaisir à y contempler les facettes mystérieuses des gros joyaux ornant les façades. S'il écoutait bien, il percevait la mélodie lente et triste des violons. Quand il se tournait vers les hautes tours de Trégos d'où les fumées s'échappaient de jour comme de nuit, il entendait les coups des marteaux et les bruits crissants des scies en pleine action. Il était sidéré par l'efficacité du travail fourni.

Le couple Le Rafleux autant que Maître Slofoque guettaient ses arrivées intempestives et ne manquaient pas de lui faire de grands signes d'amitié. Chacun de ses anniversaires était fêté aux marges des trois pays et le tripoint devint leur point de ralliement annuel.

Alors que Le petit Doré gambadait dans le champ de fleurs en bordure de Trégos, il s'arrêta soudain en poussant un cri strident. Ses hurlements de douleur attirèrent rapidement les frontaliers. Le pied de l'enfant était gonflé à en avoir triplé de volume. Les sœurs couraient dans tous les sens en criant qu'un serpent l'avait sans doute mordu.
Alors Madame Le Rafleux ne put retenir ses élans plus longtemps, passant les bornes de son pays, elle étreignit le bambin et l'emporta avec elle afin de brûler la blessure et circonscrire le venin. Pendant ce temps, les hommes invectivaient les jeunes étourdies considérées comme incapables de surveiller un enfant ou de le chausser correctement.

Le Doré bien logé dans le creux de ses bras, Madame Le Rafleux décida de ne pas rendre l'enfant. N'appartenait-il pas autant à Trégos qu'au monde de La Conche de toute manière ! [c'est une question] Maître Slofoque n'eut pas son mot à dire et ainsi s'acheva l'âge des frivolités [répétition avec les « jeux frivoles » des trois sœurs] pour le jeune Doré.

- Tu vas voir, Le Doré, il est agréable de concevoir et de réaliser du solide. Tu vas découvrir combien faire marcher une mécanique rend heureux !

L'éducation de l'enfant commença dès qu'il put remettre un pied au sol.
Ses journées démarraient à l'aube pour s'achever avec le soleil couchant. Il ne voyait cependant pas le jour car il passait ses journées au fond d'un atelier à apprendre.
Au fil des mois ses parents adoptifs lui enseignaient [j'aurais mis « enseignèrent »] la soudure, la charpente, la mécanique, ébénisterie et tous les savoirs qui faisaient leur richesse. L'enfant était fort habile et comblait d'aise Mr et Mme [monsieur et madame] Le Rafleux. Ils savaient lui donner le goût du travail et lui-même n'en croyait pas ses yeux de se voir capable de tant d’œuvres.
Les années passant, le travail du Doré fut réputé dans le monde de Trégos et plus sa réputation grandissait plus les travaux affluaient.
La peau du Doré perdait [j'aurais mis un « pourtant » ici ] son éclat. Il était fatigué par un travail qui lui rongeait les os. Il finit pas se sentir si mal qu'il décida d'aller voir ses marraines [virgule] les sœurs Filibelle. Mais il ne réussit pas à atteindre le tripoint.
Maître Slofoque le trouva inanimé sur le bord de la route qui jouxtait leurs deux mondes.
Après avoir envoyé un courrier à ses parents indignes pour leur signifier sa colère, il s'occupa du jeune homme.
Le Doré accueillit le monde silencieux de Melige comme un baume de tranquillité. Maître Slofoque était à proximité mais jamais ne s'imposait à lui. Ainsi le voulaient les règles sévères du pays où chacun était encouragé à lire et à penser. Les grands philosophes n'eurent bientôt plus de secrets pour le jeune homme et il se mit lui-même à écrire des essais sans grand intérêt. Son tuteur l'encourageait à s'initier à jouer d'un instrument de musique dans une des salles insonorisées mises à disposition des Meligeois. Mais Le Doré préférait passer ses temps libres dans le parc extérieur. C'était un jardin purement minéral. L'acier et la roche y paradaient dans une rigueur froide. Seules quelques pierres semi-précieuses venaient trancher par leur couleur et la lumière qui miroitait sur les facettes taillées.
Le Doré se laissait hypnotiser pas les éclats virevoltants lorsque le soleil s'y plongeait. Il aimait tout autant le reflet luisant des métaux et savourait leur contact froid en laissant longuement traîner ses doigts le longs [long + répétition] des longues lames. La beauté du métal l'intriguait.
Le Doré vécut son adolescence dans l'intimité de son cerveau, murissant sa réflexion et son écoute, goûtant la beauté. Mais il vivait dans une solitude presque insupportable. Aussi passait-il de longs moments à l'extérieur en quête d'un regard chaleureux de l'autre côté de la frontière.
Un soir qu'il baignait son esprit dans la beauté d'un coucher de soleil plongeant dans les cristaux, il glissa sa main le long d'une lame de métal comme à son habitude.
Mais la douleur arrêta vite son geste. Sa paume, largement entaillée, saignait abondamment. Appelant au secours, il courut vers le tripoint.
Très vite, Maître Slofoque, ses parents Le Rafleux et les trois sœurs accoururent et se disputèrent pour le soigner au mieux. Chacun reprochait à l'autre ses erreurs sans mâcher ses mots.
La querelle s'envenima tant et si bien que bientôt, ils en vinrent aux mains.
Le Doré ne supporta pas de voir ses bienfaiteurs se disputer de la sorte. Il prit la parole. Ceci était si rare que tous se turent.

- Vous m'avez apporté tout ce dont j'ai eu besoin et je vous en remercie infiniment. Maintenant, votre soutien ne m'est plus indispensable. Ne vous battez pas pour moi. Grâce à vous, je saurai m'en sortir seul.


A [À] ce jour, Le Doré commença à bâtir son propre univers et le tripoint devint le centre d'un royaume dont le Doré était le maître. C'était un territoire aux frontières poreuses, un monde créé par un enfant qui se faisait un plaisir d'apporter des fleurs aux Le Rafleux, qui apprit à Maître Slofoque comment jouer un air avec un bambou de la Conche et qui enseigna aux sœurs Filibelle l'art de tresser des paniers avec des joncs.


Sympathique conte. Comme pour mon propre texte, beaucoup de « qui » et de « que » composent ton récit ; épurer le style fera du bien (;
S'agissant de la fin, je trouve qu'elle est légèrement trop courte. Un plus long discours explicatif du Doré ne serait peut-être pas de trop.


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Message posté le 22:15 - 13 juin 2017

C'est un conte qui m'a fait ressentir pas mal de sensations.
J'ai eu de la peine, de la colère et de la sympathie pour ce petit Doré qui découvre le monde qui l'entoure. C'est une image forte de la création de ce qui fait sa vie, ce qu'il est et ce qu'il sera.

Le dialogue de l'enfant à la fin mérite tellement plus, il est la conclusion d'un texte que j'ai vraiment apprécié et tu nous balances un tout petit paragraphe à peine croustillant. J'espère voir une évolution de ce dialogue qui mettra un point d'honneur à ton conte Cassio.

Evidemment ce texte t'appartient, cela reste un conseil sur mon seul avis.

Merci d'avoir partagé ce texte, il est très bien écrit je l'ai dévoré trois fois comme un Pepito sans une goutte de sueur sur le front (:


A.A
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Message posté le 15:49 - 17 juil. 2018

J'ai tenu compte des corrections que vous m'avez bien gentiment proposées. Merci à Mike pour la précision.
J'ai aussi modifié la fin pour la rendre plus dense sans la rendre trop longue.
J'espère que c'est mieux.


Le Tripoint


Nul ne connut jamais le nom de la mère qui enfanta le nouveau-né. Il braillait sur le tripoint mais resplendissait de santé et avait de la voix. Il tenait dans le creux de sa paume gauche un petit morceau de cristal du monde de Melige. Sa main droite empoignait une fleur odorante des Terres de La Conche et il avait un pied dans l'industrieux Territoire de Tregos.
La faim l'avait tiré de son sommeil. Il hurlait si fort son appétit de vivre que personne n'osait l'approcher.
Sur Tregos, monsieur et madame Le Rafleux l'avaient entendu. Ils ne pouvaient cependant pas abandonner leur travail sans mettre à mal l'ensemble de l'édifice qu'ils participaient à construire. Quant à Maître Slofoque, l'unique habitant de Melige à fréquenter la frontière, il avait dû s'écarter du bruit qui traumatisait son ouie fine afin de conserver un minimum de bien-être. Il s'était donc retiré dans son palais de verre.
Les seules personnes à oser approcher l'enfant furent les sœurs Filibelle.
Les trois fraîches adolescentes se baignaient nues dans le ruisseau quand Féline, la plus jeune des jouvencelles interrompit tant bien que mal les jeux frivoles des demoiselles. Les cris du poupin surpassaient leurs rires et elle désirait en connaître la provenance. Les hurlements guidèrent leurs pas jusqu'au tripoint. Elles n'aimaient guère venir dans ces lieux car les paysages enfumés du gris Tregos tout autant que le glacial Melige les rebutaient. Ils contrastaient violemment avec les couleurs et la joie qui se dégageaient de La Conche.

- Oh comme il est mignon ! Cet enfant est un véritable trésor !

Grâce, l’aînée des trois le prit dans ses bras tandis que Malice lui donnait à sucer le nectar fleuri et sucré dont elle-même raffolait. Féline caressa si tendrement sa peau que le nouveau-né sécha vite ses larmes. Enfin elles déposèrent l'enfant dans une corolle de pétales spécialement conçue à son attention, puis reprirent leurs ébats guillerets à quelques pas de là.

Camouflé dans son abri, Maître Slofoque était intrigué. Aussi restait-il à l’affût de ces bruits peu familiers. Quand les cris cessèrent il décida de s'en retourner vers le tripoint. Arrivé sur les lieux, la route le séparait à peine du lit douillet qu'avaient installé les trois belles. Il pouvait contempler le petit visage rayonnant de lumière d'un bébé qui dormait à poing fermé sans se soucier des mondes.
Le cœur si froid de Maître Slofoque chavira. Une poussée d'amour l'assaillit et il ne sut y répondre qu'en enfreignant les lois. Il passa la frontière le temps d'une offrande. Il glissa un petit saphir entre les doigts du petiot puis s'en fut avant d'être découvert en soupirant pour ce petit être doré.

Du haut de leur échafaudage, monsieur et madame Le Rafleux avaient tout observé. La convoitise les prenait à la gorge. Ils enviaient aux adolescentes le bonheur de pouvoir cajoler l'adorable enfant et jalousaient Maître Slofoque d'avoir pu l'approcher et le contempler jusqu'à le toucher. Mais personne ne disputa aux demoiselles Filibelle de prendre soin du Doré comme tous finirent par le nommer.

C'est ainsi que l'enfant grandit.
Il accompagnait les sœurs partout où elles allaient, profitant des bienfaits de la Nature, choyé et baigné chaque jour dans l'eau fraîche de la rivière. Il avait de nombreux amis parmi les petits animaux qui gambadaient dans les parterres de fleurs ou de graminées. La Nature était fertile et ses faveurs abondantes.
Dés ses premiers pas, il aimait venir seul jusqu'à la frontière de la Conche pour admirer les autres mondes. C'était son lieu de contemplation favori. Les lignes tendues et l'esthétique lisse du métal de Mélige l'intriguaient et il prenait grand plaisir à y contempler les facettes mystérieuses des gros joyaux ornant les façades. S'il écoutait bien, il percevait la mélodie lente et triste des violons. Quand il se tournait vers les hautes tours de Trégos d'où les fumées s'échappaient de jour comme de nuit, il entendait les coups des marteaux et les bruits crissants des scies en pleine action. Il était sidéré par l'efficacité du travail fourni.

Le couple Le Rafleux autant que Maître Slofoque guettaient ses arrivées intempestives et ne manquaient pas de lui faire de grands signes d'amitié. Chacun de ses anniversaires était fêté aux marges des trois pays et le tripoint devint leur point de ralliement annuel.

Un jour, Le petit Doré gambadait dans le champ de fleurs en bordure de Trégos, il s'arrêta soudain en poussant un cri strident. Ses hurlements de douleur attirèrent rapidement les frontaliers. Le pied de l'enfant était gonflé à en avoir triplé de volume. Les sœurs couraient dans tous les sens en criant qu'un serpent l'avait sans doute mordu.
Depuis les hauteurs de Trégos, Madame Le Rafleux ne sut retenir ses élans plus longtemps. Passant les bornes de son pays, elle étreignit le bambin et l'emporta avec elle afin de brûler la blessure et circonscrire le venin. Pendant ce temps, les hommes invectivaient les jeunes étourdies considérées comme incapables de surveiller un enfant ou de le chausser correctement.

L'enfant d'or bien logé dans le creux de ses bras, Madame Le Rafleux décida de garder ce trésor et de ne pas le rendre aux sœurs écervelées. N'appartenait-il pas autant à Trégos qu'au monde de La Conche ? Maître Slofoque n'eut pas son mot à dire et ainsi s'acheva l'âge de l'insouciance pour le jeune protégé.

- Tu vas voir, Le Doré, il est agréable de concevoir et de réaliser du solide. Tu vas découvrir combien faire marcher une mécanique rend heureux !

L'éducation de l'enfant commença dès qu'il fut en mesure de remettre un pied au sol.
Ses journées démarraient à l'aube pour s'achever avec le soleil couchant. Il ne voyait cependant pas le jour car il passait ses journées au fond d'un atelier à apprendre.
Au fil des mois ses parents adoptifs lui enseignaient la soudure, la charpente, la mécanique, ébénisterie et tous les savoirs qui faisaient leur richesse. L'enfant était fort habile et comblait d'aise monsieur et madame Le Rafleux. Ils savaient lui donner le goût du travail bien fait. Ravi des réalisations que ses nouvelles connaissances lui permettaient de confectionner, l'enfant ne voyait pas le temps passer.
Les années passant, le travail du Doré fut admiré dans le monde de Trégos et plus sa réputation grandissait plus les travaux affluaient.
Pourtant la peau du Doré perdait de son éclat. Il était fatigué par un travail qui lui rongeait les os. Il finit pas se sentir si mal qu'il décida d'aller voir ses marraines, les sœurs Filibelle. Mais il ne réussit pas à atteindre le tripoint.
Maître Slofoque le trouva inanimé sur le bord de la route qui jouxtait leurs deux mondes.
Après avoir envoyé un courrier à ses parents indignes pour leur signifier sa colère, il s'occupa du jeune homme.
Le Doré accueillit le monde silencieux de Melige comme un baume de tranquillité. Maître Slofoque était à proximité mais jamais ne s'imposait à lui. Ainsi le voulaient les règles sévères du pays où chacun était encouragé à lire et à penser. Les grands philosophes n'eurent bientôt plus de secrets pour le jeune homme et il désira à son tour donner son point de vue sur le monde et les êtres que le peuple. Il écrivit quelques essais sans véritable intérêt. Son tuteur l'encourageait à s'initier à jouer d'un instrument de musique dans une des salles insonorisées mises à disposition des Meligeois. Mais Le Doré préférait passer ses temps libres dans le parc extérieur. C'était un jardin purement minéral. L'acier et la roche y paradaient dans une rigueur froide. Seules quelques pierres semi-précieuses venaient trancher par leur couleur et la lumière qui miroitait sur les facettes taillées.
Le Doré se laissait hypnotiser pas les éclats virevoltants lorsque le soleil s'y plongeait. Il aimait tout autant le reflet luisant des métaux et savourait leur contact froid en laissant longuement traîner ses doigts le long des fines lames. La beauté du métal l'intriguait.
Le Doré vécut son adolescence dans l'intimité de son cerveau, murissant sa réflexion et son écoute, goûtant la beauté. Mais il vivait dans une solitude presque insupportable. Aussi passait-il de longs moments à l'extérieur en quête d'un regard chaleureux de l'autre côté de la frontière.
Un soir qu'il baignait son esprit dans la beauté d'un coucher de soleil plongeant dans les cristaux, il glissa sa main sur le fil d'une lame de métal comme à son habitude.
Mais la douleur arrêta vite son geste. Sa paume, largement entaillée, saignait abondamment. Appelant au secours, il courut vers le tripoint.
Très vite, Maître Slofoque, ses parents Le Rafleux et les trois sœurs accoururent et se disputèrent pour le soigner au mieux. Chacun reprochait à l'autre ses erreurs sans mâcher ses mots.
La querelle s'envenima tant et si bien que bientôt, ils en vinrent aux mains.
Le Doré ne supporta pas de voir ses bienfaiteurs se disputer de la sorte. Il prit la parole. Ceci était si rare que tous se turent.

- Vous m'avez apporté tout ce dont j'ai eu besoin et je vous en remercie infiniment. Maintenant, votre soutien ne m'est plus indispensable. Ne vous battez pas pour moi. Grâce à vous, je saurai m'en sortir seul. Acceptez-vous que je m'installe à la croisée de vos mondes, sur le lieu qui m'a vu naître ?
Aucun de ses parents n'osa lui refuser ce qui semblait lui être dû.
A partir de ce jour, il entreprit de personnaliser son domaine. Mais il savait que les talents de ses proches lui seraient d'une grande utilité aussi n'hésitait-il pas à leur demander de l'aide et personne ne lui refusait. Il maria les matériaux bruts de la Conche au cristal de Melige afin de mettre en valeur le somptueux éclat des roches en le mêlant à la fibre artistiquement nouée ou en opposant le lisse et luisant métal au rugueux granulé du caillou. Sa maison prit forme grâce aux conseils indispensables des gens de Trégos qui durent se surpasser pour l'aider à confectionner les formes arrondies et sinueuses qu'il avait en tête.
L'activité du Tripoint était grande, mais pas toujours studieuse. De nombreuses fêtes y étaient données et chacun apprenait à découvrir les divertissements de l'autre. Le Doré se faisait un plaisir d'apporter des fleurs aux Le Rafleux, il apprit à Maître Slofoque comment jouer un air avec un bambou de la Conche et enseigna aux sœurs Filibelle l'art de tresser des paniers avec des joncs. Le tripoint devint le centre d'un royaume dont le Doré était le maître.
C'était un territoire aux frontières poreuses où la valeur de chacun complétait celle de son voisin.


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Message posté le 19:48 - 22 juil. 2018

Dernière version écrite en prenant en compte les réflexions de Allias et Green :

Le tripoint


Nul ne connut jamais le nom de la mère qui enfanta le nouveau-né. Il braillait sur le tripoint mais resplendissait de santé et avait de la voix. Il tenait dans le creux de sa paume gauche un petit morceau de cristal du monde de Melige. Sa main droite empoignait une fleur odorante des Terres de La Conche et il avait un pied dans l'industrieux Territoire de Tregos.
La faim l'avait tiré de son sommeil. Il hurlait si fort son appétit de vivre que personne n'osait l'approcher.
Sur Tregos, monsieur et madame Le Rafleux l'avaient entendu. Ils ne pouvaient cependant pas abandonner leur travail sans mettre à mal l'ensemble de l'édifice qu'ils participaient à construire. Quant à Maître Slofoque, l'unique habitant de Melige à fréquenter la frontière, il avait dû s'écarter du bruit qui traumatisait son ouie fine afin de conserver un minimum de bien-être. Il s'était donc retiré dans son palais de verre.
Les seules personnes à oser approcher l'enfant furent les sœurs Filibelle.
Les trois fraîches adolescentes se baignaient nues dans le ruisseau quand Féline, la plus jeune des jouvencelles interrompit tant bien que mal leurs jeux frivoles. Les cris du poupin surpassaient leurs rires et elle désirait en connaître la provenance. Les hurlements guidèrent leurs pas jusqu'au tripoint. Elles n'aimaient guère venir dans ces lieux car les paysages enfumés du gris Tregos tout autant que le glacial Melige les rebutaient. Ils contrastaient violemment avec les couleurs et la joie qui se dégageaient de La Conche.

- Oh comme il est mignon ! Cet enfant est une véritable merveille !

Grâce, l’aînée des trois le prit dans ses bras tandis que Malice lui donnait à sucer le nectar fleuri et sucré dont elle-même raffolait. Féline caressa si tendrement sa peau que le nouveau-né sécha vite ses larmes. Enfin elles déposèrent l'enfant dans une corolle de pétales spécialement conçue à son attention, puis reprirent leurs ébats guillerets à quelques pas de là.

Camouflé dans son abri, Maître Slofoque était intrigué. Aussi restait-il à l’affût de ces bruits peu familiers. Quand les cris cessèrent il décida de s'en retourner vers le tripoint. Arrivé sur les lieux, la route le séparait à peine du lit douillet qu'avaient installé les trois belles. Il pouvait contempler le petit visage rayonnant de lumière d'un bébé qui dormait à poing fermé sans se soucier des mondes.
Le cœur si froid de Maître Slofoque chavira. Une poussée d'amour l'assaillit et il ne sut y répondre qu'en enfreignant les lois. Il passa la frontière le temps d'une offrande. Il glissa un petit saphir entre les doigts du petiot puis s'en fut avant d'être découvert en soupirant pour ce petit être doré.

Du haut de leur échafaudage, monsieur et madame Le Rafleux avaient tout observé. La convoitise les prenait à la gorge. Ils enviaient aux adolescentes le bonheur de pouvoir cajoler l'adorable enfant et jalousaient Maître Slofoque d'avoir pu l'approcher et le contempler jusqu'à le toucher. Mais personne ne disputa aux demoiselles Filibelle le droit de prendre soin du Doré comme tous finirent par le nommer.

C'est ainsi que l'enfant grandit.
Il accompagnait les sœurs partout où elles allaient, profitant des bienfaits de la Nature, choyé et baigné chaque jour dans l'eau fraîche de la rivière. Il avait de nombreux amis parmi les petits animaux qui gambadaient dans les parterres de fleurs ou de graminées. La Nature était fertile et ses faveurs abondantes.
Dés ses premiers pas, il aimait venir seul jusqu'à la frontière de la Conche pour admirer les autres mondes. C'était son lieu de contemplation favori. Les lignes tendues et l'esthétique lisse du métal de Mélige l'intriguaient et il prenait grand plaisir à y contempler les facettes mystérieuses des gros joyaux ornant les façades. S'il écoutait bien, il percevait la mélodie lente et triste des violons. Quand il se tournait vers les hautes tours de Trégos d'où les fumées s'échappaient de jour comme de nuit, il entendait les coups des marteaux et les bruits crissants des scies en pleine action. Il était sidéré par l'efficacité du travail fourni.

Le couple Le Rafleux autant que Maître Slofoque guettaient ses arrivées intempestives et ne manquaient pas de lui faire de grands signes d'amitié. Chacun de ses anniversaires était fêté aux marges des trois pays et le tripoint devint leur point de ralliement annuel.

Un jour, Le petit Doré gambadait dans le champ de fleurs en bordure de Trégos, il s'arrêta soudain en poussant un cri strident. Ses hurlements de douleur attirèrent rapidement les frontaliers. Le pied de l'enfant était gonflé à en avoir triplé de volume. Les sœurs couraient dans tous les sens en criant qu'un serpent l'avait sans doute mordu.
Depuis les hauteurs de Trégos, Madame Le Rafleux ne sut retenir ses élans plus longtemps. Passant les bornes de son pays, elle étreignit le bambin et l'emporta avec elle afin de brûler la blessure et circonscrire le venin. Pendant ce temps, les hommes invectivaient les jeunes étourdies considérées comme incapables de surveiller un enfant ou de le chausser correctement.

L'enfant d'or bien logé dans le creux de ses bras, Madame Le Rafleux décida de garder ce trésor et de ne pas le rendre aux sœurs écervelées. N'appartenait-il pas autant à Trégos qu'au monde de La Conche ? Maître Slofoque n'eut pas son mot à dire et ainsi s'acheva l'âge de l'insouciance pour le jeune protégé.

- Tu vas voir, Le Doré, il est agréable de concevoir et de réaliser du solide. Tu vas découvrir combien faire marcher une mécanique rend heureux !

L'éducation de l'enfant commença dès qu'il fut en mesure de remettre un pied au sol.
Ses journées démarraient à l'aube pour s'achever avec le soleil couchant. Il ne voyait cependant pas le jour car il passait ses journées au fond d'un atelier à apprendre.
Au fil des mois ses parents adoptifs lui enseignaient la soudure, la charpente, la mécanique, ébénisterie et tous les savoirs qui faisaient leur richesse. L'enfant était fort habile et comblait d'aise monsieur et madame Le Rafleux. Ils savaient lui donner le goût du travail bien fait. Ravi des réalisations que ses nouvelles connaissances lui permettaient de confectionner, l'enfant ne voyait pas le temps s'écouler.
Les années passant, le travail du Doré fut admiré dans le monde de Trégos et plus sa réputation grandissait plus les travaux affluaient.
Pourtant la peau du Doré perdait de son éclat. Il était fatigué par un travail qui lui rongeait les os. Il finit pas se sentir si mal qu'il décida d'aller voir ses marraines, les sœurs Filibelle. Mais il ne réussit pas à atteindre le tripoint.
Maître Slofoque le trouva inanimé sur le bord de la route qui jouxtait leurs deux mondes.
Après avoir envoyé un courrier à ses parents indignes pour leur signifier sa colère, il s'occupa du jeune homme.
Le Doré accueillit le monde silencieux de Melige comme un baume de tranquillité. Maître Slofoque était à proximité mais jamais ne s'imposait à lui. Ainsi le voulaient les règles sévères du pays où chacun était encouragé à lire et à penser. Les grands philosophes n'eurent bientôt plus de secrets pour le jeune homme et il désira à son tour donner son point de vue sur le monde et étudier les êtres qui le peuplaient. Il écrivit quelques essais sans véritable intérêt. Son tuteur lui enseignait à jouer de divers instruments de musique dans une des salles insonorisées mises à disposition des Meligeois. Mais Le Doré préférait passer ses temps libres dans le parc extérieur. C'était un jardin purement minéral. L'acier et la roche y paradaient dans une rigueur froide. Seules quelques pierres semi-précieuses venaient trancher par leur couleur et la lumière qui miroitait sur les facettes taillées.
Le Doré se laissait hypnotiser pas les éclats virevoltants lorsque le soleil s'y plongeait. Il aimait tout autant le reflet luisant des métaux et savourait leur contact froid en laissant longuement traîner ses doigts le long des fines lames. La beauté du métal l'intriguait.
Le Doré vécut son adolescence dans l'intimité de son cerveau, murissant sa réflexion et son écoute, goûtant la beauté. Mais il vivait dans une solitude presque insupportable. Aussi passait-il de longs moments à l'extérieur en quête d'un regard chaleureux de l'autre côté de la frontière.
Un soir qu'il baignait son esprit dans la beauté d'un coucher de soleil plongeant dans les cristaux, il glissa sa main sur le fil d'une lame de métal comme à son habitude.
Mais la douleur arrêta vite son geste. Sa paume, largement entaillée, saignait abondamment. Appelant au secours, il courut vers le tripoint.
Très vite, Maître Slofoque, ses parents Le Rafleux et les trois sœurs accoururent et se disputèrent pour le soigner au mieux. Chacun reprochait à l'autre ses erreurs sans mâcher ses mots.
La querelle s'envenima tant et si bien que bientôt, ils en vinrent aux mains.
Le Doré ne supporta pas de voir ses bienfaiteurs se disputer de la sorte. Il prit la parole. Ceci était si rare que tous se turent.

- Vous m'avez apporté tout ce dont j'ai eu besoin et je vous en remercie infiniment. Maintenant, votre soutien ne m'est plus indispensable. Ne vous battez pas pour moi. Grâce à vous, je saurai m'en sortir seul. Acceptez-vous que je m'installe à la croisée de vos mondes, sur le lieu qui m'a vu naître ?
Aucun de ses parents n'osa lui refuser ce qui semblait lui être dû.
A partir de ce jour, il entreprit de personnaliser son domaine. Mais il savait que les talents de ses proches lui seraient d'une grande utilité aussi n'hésitait-il pas à leur demander de l'aide et personne ne lui refusait. Il maria les matériaux bruts de la Conche au cristal de Melige afin de mettre en valeur le somptueux éclat des roches en le mêlant à la fibre artistiquement nouée ou en opposant le lisse et luisant métal au rugueux granulé du caillou. Sa maison prit forme grâce aux conseils indispensables des gens de Trégos qui durent se surpasser pour l'aider à confectionner les formes arrondies et sinueuses qu'il avait en tête.
L'activité du Tripoint était grande, mais pas toujours studieuse. De nombreuses fêtes y étaient données et chacun apprenait à découvrir les divertissements de l'autre. Le Doré se faisait un plaisir d'apporter des fleurs aux Le Rafleux, il apprit à Maître Slofoque comment jouer un air avec un bambou de la Conche et enseigna aux sœurs Filibelle l'art de tresser des paniers avec des joncs. Le tripoint devint le centre d'un royaume dont le Doré était le maître.
C'était un territoire aux frontières poreuses où la valeur de chacun complétait celle de son voisin.


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